
autres ouvriers occupés à la fubfiftance du peuple.
D ’abord, il leur fut enjoint d’obferver tous les dimanches
de l’année, & d’entre les fêtes celle de Pâques,
de l’Afcenfion , delà Pentecôte, de Noël, de l’Epiphanie
, de la Purification, de l’Annonciation , de
ï’Affomption, de la Nativité de la Vierge, de la Touf-
faint, de la Circoncifion, du Saint-Sacrement, & de
la Conception. Dans la fuite, il leur fut permis d’ouvrir
leurs étaux les dimanches depuis Pâques jufqu’à
la Saint-Remi ; le terme fut reftreint, étendu , puis
fixé au premier dimanche d’après la Trinité jufqu’au
premier dimanche de feptembre inclufivement. Pendant
cet intervalle, ils vendent les dimanches 8c les
fêtes.
Selon la plupart des ordonnances, le prix de la
viande doit être réglé par les officiers de police. Il
eft expreffément défendu aux bouchers de fortir de
leurs étaux pour appeler les marchands, 8c d’injurier,
par paroles ou autrement, les perfonnes qui
achètent; il eft enjoint au Prévôt de Paris ou fon
Lieutenant criminel, d’en informer fommairement
& de procéder contre les délinquans. Défenfes de
mêler dans le fuif aucun fain, oing, ni autre graille ,
à peine de confifcatâon 8c d’amende ; item, de faler
& de garder le fuif à peine de 300ÜV. d’amende,
8c de vendre du fuif qui ne foit pas fondu.' Par
lettres patentes du 14 août 1673, qui autorifent le
traité des bouchers avec les fermiers-généraux, il
eft permis aux bouchers d’employer à la conferva-
tion des cuirs, le fel qui refte au fond des navires
qui reviennent de la falaifon des morues.
Depuis 1522 , ils ont obtenu le privilège qui leur
a été confirmé de règne en règne, de contraindre
par corps les débiteurs du prix des cuirs qu’ils ont
vendus. Il ont droit de vendre indifféremment 8c
en concurrence, les peaux & les cuirs aux marchands
forains 8c aux tanneurs 8c mégiffiersde Paris. Tous
leurs privilèges ont été confirmés fous Louis XIV
en 1644.
Caijfe de Poijfy.
Il s’étoit établi dans les marchés de Sceaux &
de Poiffy , fous le règne de Louis X V , par édit du
mois de décembre 1743 , une caille publique qui
fembloit d’abord très-favorable aux bouchers, 8c
très-propre à attirer dans Paris l’abondance des
viandes. Cette caille avançoit aux bouchers l’argent
néceffaire pour payer comptant le prix des beftiaux
aux marchands forains qui les amenoient. Ces avances
procuroient des facilités aux premiers , & étoient
pour les féconds un appât qui les attiroit en foule
dans ces marchés. Cependant, les bouchers ont reconnu
, par les droits multipliés que la caille leur
âmpofoit fucceffivement, qu’elle leur étoit plus préjudiciable
qu’avantageufe. Us en ont demandé &
obtenu la fuppreffion au commencement du règne
de Louis X V I ; mais depuis, cette caiffe a été rétablie
avec des conditions moins onéreufes pour les
marchands 8c pour les bouchers.
Police des étaux•
Lorfque les bouchers furent tentés de quitter leur
profeffion 8c de louer leurs étaux, on fentit bien
que plus ce loyer feroit fort, plus la viande aug-
menteroit de prix ; inconvénient auquel la police
remédia en 1540, en fixant le loyer des étaux à
feize livres parifis par an. Il monta fucceffivement;
& en 1690, il étoit à neuf cents cinquante livres.
Mais la fituation, l’étendue, la commodité du commerce
, ayant mis depuis entre les étaux une inégalité
confidérable, la févérité de la fixation n’a plus
lieu , & les propriétaires font leurs baux comme ils
le jugent à propos. Il eft feulement défendu de changer
les locataires, de demander des augmentations,
de renouveler un bail, ou de le tranfporter , fans la
permiffion du magiftrat de police.
Il eft auffi défendu d’occuper un fécond étal, fous
un nom emprunté dans la même boucherie , & plus
de trois étaux dans toute la ville.
Nous obferverons encore, par rapport aux bouchers
, que les étaux qu’ils occupent dans les différent
quartiers de Paris pour y débiter la viande , fe
publient tous les ans le premier mardi d’après la
mi-carême , à une audience qui fe tient au châtelet
par le lieutenant-général de police, 8c il les adjuge
aux bouchers qui en demandent la continuation
pour le même prix qui'eft celui de l’année précédente
, fans que les propriétaires puiffent les en
dépofféder fous aucun prétexte, par des baux particuliers.
Mais le boucher eft obligé de payer de
quartier en quartier 8c par avance, le loyer de ces
étaux, & de les occuper en perfonne fans pouvoir
les fous-louer à d’autres. Cependant, il peut déclarer
à la même audience, qu’il n’en veut plus continuer
l ’exploitation ; & en ce cas, il demeure déchargé du
prix du bail. Le propriétaire peut alors le louer à
un autre boucher, mais il faut pour cela qu’il fe
pourvoie devant le lieutenant-général de police. Ce
réglement fembleroit contraire à l’équité , en ce
qu’un boucher eft maître de continuer ou non l’exploitation
de fon étal contre le gré du propriétaire ;
mais il eft juftifié par l’utilité publique , préférable
en cette occafion au caprice, ou à l’intérêt du particulier.
Il y a plus , c’eft que, félon la jurifprudence du
châtelet, un étal joint à une maifon, ne peut pas
s’en divifer même en cas de vente. Cette vente fut-
elle faite à un boucher, le boucher locataire pour-
roit encoré continuer de jouir, pourvu qu’il fût
exaéf à payer. Ce privilège fingulier a été accordé
aux boucliers par une ordonnance de Charles IX ,
du 4 février 1567, 8c confirmé par une déclaration
du 13 mars 1719. Des arrêts du parlement ont
même jugé que les étaux des bouchers pouvoient
tenir lieu d’hypothèque.
Nul ne peut fe rendre ajudîcataire d’un é ta l, qu’il
n’exerce le métier de boucher ; 8c quand une fois
il fe l’ëft fait adjuger, il eft tenu de le garnir la
veille de Pâques : car tous les étaux qui ne font pas
garnis ce jour - là , demeurent de droit fermés toute
l’année.
Les étaux fe ferment pendant tout le cours de
l’année à fix heures du foir , excepté les famedis
& les veilles de grandes fêtes qu’ils peuvent refter
jufqu’à dix heures ; mais ces heures paffées, les
viandes expofées font fujettes à la confifcation, &
le boucher eft condamné à une amende de trente liv.
I l é t o i t d é f e n d u a u t r e f o i s d ’é t a l e r d e l a v i a n d e l e s
j o u r s m a i g r e s , 8 c p e n d a n t l e c a r ê m e ; m a i s c e t t e
d é f e n f e a é t é l e v é e p a r d e j u f t e s c o n f i d é r a t i o n s .
II eft défendu de vendre des légumes, d’écoffer
des pois aux pieds des étaux, de crainte que ce voi-
finage ne nuife aux viandes & n’occafionne une
infeéfion. Il y a une amende de fix livres pour la
première fois contre les contrevenans, & la prifon
en cas de récidive.
Réflexions fur le lieu des boucheries.
Nous devons encore rapporter ici, pour ne rien
laiffer à defirer, quelques réflexions que nous trouvons
dans le Diêlionnaire univerfel des Sciences, morale
, économique & politique, dont nous avons déjà
emprunté quelques obfervations dans cet article.
Les boucheries font encore chez quelques nations
éclairées, & jaloufes de conferverla falubrité de l’air
dans leurs villes, de vaftes péryftiles ouverts de tous
côtés , 8c ifolés fur de grandes places , non au
centre, mais aux extrémités des villes , avec une
fontaine à chaque bout pour y entretenir la propreté
: mais ch et d’autres peuples où la police paroît
d’ailleurs fi perfectionnée à d’autres égards, ce font
des rues infeétées, où les bouchers ont leurs étaux
ou des bâtimëns refferrés dans des endroits peu
aérés; là , les citoyens vont acheter de la viande
déjà à demi corrompue par l’ïnfe&ion de l’air qui
y règne. Il eft une grande ville où l’on trouve des
bouchers prefque à chaque coin de rue , pour la
commodité du public ; commodité contagieufe 8c
fatale à tout le voifinage. Us ont leur tuerie à côté
de leur boucherie ; nouvelle caufe d’infeétion par le
fang, les tripes , les peaux qui exhalent fans ceffe
une infinité de miafmes putrides; Ces inconveniens
ont été expofés 8c exagérés plufieurs fois 8c prefque
dans tous les temps. « Les boucheries, dit un poli-
j> tique moderne, fout nuifibles en elles - mêmes
jj par les vapeurs putrides qui «’en exhalent fans
j> oeffe. Perfuadé de cette vérité, le gouvernement
» devroit publier une fois pour toujours, une dé-
» fenfe obfervée très à la rigueur , de ne tuer aucun
jj animal de quelque efpèce & fous quelque pré-
» texte que ce puiffe être , plus près de cent toifes
« de tout lieu habité , même dans les villages , à
jj plus forte raifon dans lës villes où il n’y a déjà
jj que trop de corruption de toute efpèce. jj
Projet d'arrêt par S P I FAME , politique du XVleflècle ,
qui ordonne aux bouchers de s'établir hors la ville ;
■ & les droits de pied fourché pris fur la chair morte.
« Le roi voulant purger fa ville de Paris des ordures
& infe&ions , puanteurs 8c périls de la boucherie ,
écorcherie 8c fonte de graiffes qui ont autrefois été
caufe de grande peftilence, a ordonné 8c ordonne
que tous bouchers qui voudront fournir des chairs,
8c icelles débiter 8c vendre en détail en la ville
de Paris, demeureront hors la ville 8c fauxbourgs
d’icelle, 8c feront toutes leurs écorcheries de bêtes
fur fa rivière, au deffous de Paris, à demi-lieue loin
d’icelle ville pour le moins , comme au vi.llage^ de
Chaillot, 8c feront contraints, ceux qui ont hérr-
tages fur le bord de la rivière, tant du côté du pre
aux clercs que du côté dudit Chaillot, leur vendre
telle quantité de terre qui leur fera neceffaire pour
les héberger , faire lefdites tueries 8c écorcheries,
8c accoultrer leurs chairs , lefquelles incontinent
ils enverront diftribuer par les boucheries de Paris,
pour les y faire vendre par leurs femmes ou autres
telles femmes qu’ils y voudront commettre , fans plus
faire vendre 8c débiter lefdites chairs par hommes ,
ni jfiailler l’ufage de leurs couperets 8c gros couteaux
à leurs dites femmes , pour ne les induire à férocité
beftiale , qui, de la hardieffe que l’on prend par
couftume fur chairs de bêtes , difpofe à ufer de
cruauté , férité 8c beftialité fur les hommes ; 8c
permet, ledit feigneur, à toutes perfonnes voulant
vendre 8c débiter chairs, le faire , pourvu que lefdites
beftes foiem tuées hors ladite ville ; 8c ordonne
que le revenu du pied fourché fera pris fur la chair
morte , entrant f n ville 8c fauxbourgs , 8c par les
maifons defdits hors icelle ville 8c fauxbourgs , tout
ainfi que fi le beftial v if entroit en icelle ville. j>
A quelque degré de perfeélion que foit portée la
police de Paris , on defire encore la réforme de
l’abus dont fe plaint Spifame ; en effet, quels embarras
ne caufent pas toutes les femaines dans les
rues de Paris les beftiaux qui y arrivent pour les
boucheries ; quelles infeâions provenant des étables
où on les reçoit ; que de miafmes putrides fortent
des tueries, 8c des lieux où fe fait la fonte des fuifs !
Les maifons, comme entaffées les unes fur les autres ,
ne laiffent aucune liberté à l'air de purifier ces en—
; droits; 8c la rareté de l’eau dans le centre.de la
1 ville, fait qu’on y laiffe le fang 6c la fanie ftagnans
au milieu des rues. • - 11
Si on a bien pu de nos jours tranfporter la cuiffon
des tripes à l’île Maquerelle ; fi on a bien pu pendant
plufieurs carêmes faire l’abattis des beftiaux
deftinés à la confommation de cette ville au Gros-
Caillou, on pourra bien établir les tueries pendant
toute l’année hors de fes murs.. ’ ' , •
Ceux qui défirent qu’on relègue les boucheries 8c
les tueries hors des villes , font bien éloignés de'
propofer de réunir onze à douze cents tueurs d animaux
en trois ou quatre endroits. Les bouchers
diftribués fur la circonférence d’une grande ville
comme Paris , feroient moins raffembles qu ils ne
le font aujourd’hui, qu’ils en occupent le centre 8c
les différens quartiers. Les corps-de-gardé multipliés
fur cette circonférence, 8c le guet, tant a pied qua
cheval, qui veille dans les fauxbourgs comme dans