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Ou bien ils enduifoient les fentes , avec du fuif
fondu & de la cendre paffée au crible.
Si on réduit en chaux, dit un autre auteur, du
marbre blanc, qu’on l’éteigne enfuite avec une
quantité d’eau convenable ; cette chaux abandonnée
à elle-même acquerra , dans l’efpace de huit jours ,
une fi grande fermeté , que le cifeau le mieux
trempé pourra à peine mordre deffus, & qu’elle
fera devenue anlfi brillante que la porcelaine. M.
Duhamel remarque que cette chaux- durcit fous
l’eau.
Si on mêle enfemble, ajoute-t-il, de la chaux ,
du marbre, du tuf, & du plâtre réduit en poufiière,
en verfant fur ces matières de l’urine ou de l’eau
pour les détremper enfemble, il en réfultera un
pavé très-dur, & qui prendra un beau poli, fur-
tout fi on le frotte avec de l’huile de lin ou de
noix.
Ciment de M. Loriot.
On ne peut fe diflimuler que les anciens étoient
en pofleffion de certaines pratiques ou procédés
que les modernes n’ont pas encore retrouvés ; ils
avoient principalement l’art d’élever, avec toutes
fortes de matériaux, de grands monumens, auxquels
ils imprimoient un caractère de force & de folidité,
qui les faifoit triompher des longs efforts du
temps.
La magie de ces immenfes bâtimens, de ces
aqueducs fi étendus, de ces temples , de ces édifices
publics que les Romains conftruifoient dans
tout leur empire, confiftoit dans le fecret d’un
ciment qui lioit enfemble les plus petits matériaux ;
& en faifoit un tout plus folide, moins coûteux,
& plus impofant que ces mafTes de pierres immenfes
dont le tranfport & l’emploi exigent tant de travaux
, de fatigue & de temps. C ’eft ce qui a excité
M. Loriot, célèbre méchanicien, à faire des recherches
dans les écrits des anciens, & à conf-
tater par des expériences, la nature du ciment
employé par les Romains. L’examen de leurs monumens
lui perfuada qu’ils n’employoient point
d’autres matières que celles dont nous nous fervons,
c*eft-à-dire la chaux, le fable, la brique, mais
qu’ils avoient une autre méthode que la nôtre dans
la manipulation & la préparation. Il reconnut que
ce mortier avoit dû palier très-promptement de
l’état de liquide à une confiftance dure, & prendre
fur le temps, comme le plâtre, pour avoir pu
parvenir à élever promptement les bâtimens & les
aqueducs ; qu’il avoit acquis une ténacité étonnante
& faifi les moindres cailloutages qui en avoient été
baignés ; qu’il étoit impénétrable à l’eau, ainfi que
le prouvent les aqueducs des Romains, qui ne
font point revêtus intérieurement de glaife ; & qu’il
avoit dû conferver toujours le même volume, fans
retraite ni extenfion.
Or voici la marche qu’a tenue M. Loriot pour
parvenir a la decouverte du ciment des anciens.
11 prit de la chaux eteinte depuis long-temps dans
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une fofTe couvéfte avec des planches, fur lefquelles
on avoit répandu une bonne quantité de terre ; de
forte que la chaux avoit confervé par ce moyen
toute fa fraîcheur : il en fit deux lots féparés, qu’il
gâcha avec une égale attention.
Le premier lo t , fans aucun mélange, fut mis
dans un vafe de terre verniffé , & expofé à l’ombre à
une déification naturelle : à mefure que l’évaporation
de l'humidité fe f it , la matière fe gerça en
tout fens; elle fe détacha des parois du vafe &
tomba en mille morceaux, qui n’avoient pas plus
de confiftance que les morceaux de chaux nouvellement
éteinte, qui fe trouvent.defféchés par le
foleil fur le bord des foffes.
Quanta l’autre lot, M. Loriot ne fit qu’y ajouter
environ un tiers de chaiix vive mife en poudre,
amalgamer & gâcher le tout, pour opérer le plus
exaâ mélange, qu’il plaça de même dans un pareil
vaiffeau verniffé : il fentit peu à peu que la maffe
s’échauffoit, & , dans l’efpace de quelques minutes,
elle acquit une confiftance pareille à celle du meilleur
plâtre, à propos détrempé &. employé. C ’eft
une forte de lapidification confommée en un inftant.
Les métaux en fufion ne fe figent guère plus
promptement, lorfqu’ils font retirés du feu. La def-
fication abfolue de cë mélange eft achevée en peu
de temps , & préfente une maffe compare fans la
moindre gerçure, & qui demeure tellement adhérente
aux parois du vaiffeau, qu’on ne peut l’en
tirer fans le brifer.
Le réfultat de ce mélange de la chaux vive,'
quelque furprenant qu’il paroiffe au premier abord,
s’explique tout naturellement. La chaux vive, portée
par un exaâ amalgame jufque dans les recoins
les plus intimes de la maffe de la chaux éteinte, le
fature de l’eau qu’elle y rencontre, & occafionne
ce défsèchement total & fubit, qui ne furprend
point dans l ’emploi des gypfes & des plâtres.
Mais la qualité la plus précieufe de cette com-
pofition eft de n’être fujette à aucune gerçure,
fiffure ou çrevaffe, quand le mélange eft dans fa
proportion exaâe ; de n’éprouver ni retraite ni
entenfion, & de refter perpétuellement au même
état où elle s’eft trouvée au moment de la fixité.
Ce phénomène tient aux mêmes raifons.
Tandis que le mortier ou ciment ordinaire ne
fe defsèche que par l’évaporation de fon humide
fuperflu , cet humide refte ici dans la maffe ; il
ne fait que fe combiner avec la chaux v iv e , qui
s’en empare: c’eft une déification pour ainfi dire
interne, & la maffe refte la même ; les parties
étant d’ailleurs rapprochées autant qu’elles peuvent
l’être, il ne doit y avoir aucunes gerçures ; car
elles ne proviennent que de l’évaporation de l’humide
fuperflu, & du rapprochement des parties
qu’il tenoit écartées.
M. Loriot a eu la fatisfa&ion d’éprouver que fon
compofé avoit cette éminente qualité de refter
impénétrable à l’eau ; il répéta fon effai, & forma
de cette maniéré des efpèces de vaiffeaux à contenir
de l’eau , & vît qu’après les avoir laiffé (échet*,
l’eau qui y a féjourné n’a éprouvé de diminution
que par l’évaporation; le vafe s’eft trouvé de même
poids qu’auparavant.
Ces expériences ayant été répétées plufieurs fois,
il falloit reconnoître ce que l’effet, la révolution & ;
l’intempérie des faifons, les pluies, les grandes
chaleurs & la gelée pouvoient opérer fur le mélange
des deux chaux , de même que fur un grand
nombre d’autres effais, où M. Loriot avoit incorporé
avec elles d’autres matières propres à former
du mortier ; & il reconnut, après les avoir laiffés
pendant deux années expofés à l’air, que ces effais
avoient non-feulement réfifté à tout, mais encore
qu’ils avoient progreflivement acquis plus de folidité.
Dès-lors M. Loriot a reconnu que l’intermède
de la chaux vive en poudre, dans toutes les fortes
de mortiers ou cimens qui fe font avec de la chaux
éteinte , étoit le plus puiffant moyen d’obtenir
toutes les perfe&ions que l’on defire. Voilà la clef
de la découverte de M. Loriot, d’où dérivent les
conféquences les plus intéreffantes. C ’eft ainfi- que
des découvertes de la plus grande importance
tiennent quelquefois à peu de chofe, & font fou-
vent long-temps à fe préfenter. Ici il ne s’agit que
d’employer la chaux vive avec la chaux éteinte,
au fieu de n’employer que la chaux vive ou la
chaux éteinte chacune féparement avec la brique
pilée.
Le procédé pour faire le ciment qui paroît
avoir les qualités de celui des Romains, confifte à
prendre une mefure quelconque de brique pilée
très-exa&ement, & paffée au fas ; deux melures
pareilles de fable fin de rivière paffé à la claie, ou
d’un fable . fin quelconque ; de la chaux vieille
éteinte, en quantité fumfante pour former dans
l’auge , avec l’eau, un amalgame à l’ordinaire, &.
cependant affez humeélé pour fournir à l’extïnâion
de ia chaux vive que l’on y jette en poudre, en
même quantité que la brique pilée , fi la chaux eft
toute nouvelle , vive , bien bonne , comme celle
de Senlis : quand elle eft plus anciennement cuite,
il faut en ajouter un peu plus , mais toujours cependant
faut-il qu’elle foit bien vive.
\ Il eft de la plus grande importance de eonnoître
l’effet & la qualité particulière de la chaux vive
qu’on doit employer, parce que c’eft d’un jufte
affortiment que réfulte fa perfeélion. Une trop
grande quantité de chaux v ive , qui a beaucoup de
force, qui boit beaucoup, ne trouve pas à s’éteindre
parfaitement & à fe combiner au mortier ; elle
brûlera, elle tombera en pouffière : celle au contraire
qui, en s’éteignant, aura été inondée fans
pouvoir abforber l’eau dans fa fufion, en laiffera
de fùperflue qui, par l’évaporation dans le defsè-
chement du mortier, le crevaffera. On ne peut
trop recommander les effais fur la qualité de la
chaux , car elle fe décompofe en vieilliffant ; il faut
alors en augmenter la dofe: la mauvaife qualité
peut même faire échouer entièrement tout l’ouvrage.
Ce ciment prend très-promptement, & eft plus
fec au bout de deux jours, que le ciment ordinaire
au bout de plufieurs mois: cet avantage eft des
plus précieux pour les ouvrages qui doivent contenir
les eaux, & dont on ne peut quelquefois
empêcher l’abord que très-peu de temps. Si le
ciment ordinaire eft abreuvé d’eau avant d’avoir
eu le temps de fécher, temps affez long , il fe
ramollit & fe détruit : l’autre , au contraire , ne
demande que peu de jours ; & s’il a été mouillé &
qu’il puiffe reffécher , il recouvre toutes fes bonnes
qualités. Un enduit de ce ciment fur le fond & le9
parois d’un baflin, d’un canal, & de toutes fortes
de conftruâions faites pour foutenir & furmonter
les eaux, opère l’effet, le plus furprenant, mémo
en l’y mettant en petite quantité.
La poudre de charbon de terre s’in-corpore très-
efficacement avec ces mêmes matières, jufqu’à une
quantité égale à celle de la chaux vive ; la couleur
de plomb qui en réfulte , n’eft qu’un acceffoire- qui
peut trouver fa convenance dans l’occafion ; mais
la fubftance bitumineufe que le charbon de terre
contient, préfente un rempart qui n’eft pas moins
impénétrable à l’eau, que les autres matières auxquelles
il s’affocie.
On peut, d’après ces principes, faire dès préparations
de cimens très-utiles dans les bâtimens r
que l’on fe contente d’ajouter un quart de chaux
vive au fimple mortier ordinaire de chaux fufée-
& de fable ; l’on en fera un crépi qui, dans vingt-
quatre heures , aura acquis plus dé confiftance que-
l’autre dans plufieurs mois.
Le mélange de deux parties de chaux éteinte à
l’air, d’une partie de plâtre paffée au fas , & d’une-
quatrième partie de chaux v iv e , fournit , par
l’amalgame qui s’en fait à la confiftance du mortier
ordinaire , un enduit auffi propre pour l’intérieup
des bâtimens , que tenace & non fujet à, fe-
gercer.
Au défaut de fable, s’il s’agit de conftru&ions*-
d’édifices qu’on voudra promptement élever, ou
pour les enduits intérieurs, comme pour les crépis
en dehors , on peut fe fervir de la terre franche : la
plus fablonneufe fera la meilleure.
Si on ne peut avoir de la brique pilée pour les
ouvrages deftinés à recevoir l’eau ou à la contenir,,
l’on y peut lùppléer en faifant des pelottes de terre
franche qu’on laiffera fécher, & qu’on fera cuire
enfuite dans un four à chaux, ou bien dans un fourneau
particulier. Ces pelottes fe réduifent aifément
en poudre , & valent de la brique pilée. Un tuf
fec & pierreux , bien pulvérilé & paffé au fas, peut
remplacer & le fable & la terre franche ; il feroit
même à préférer , à caufe de fa légéreté, pour les
ouvrages qu’on voudroit établir fur une charpente.
Les marnes , exactement pulvérifées, & délayées
avec précaution à caufe de leur onftuofité qui peut
réfifter au mélange , font également propres à s’incorporer
avec la chaux. La poudre de charbon de
bois, & en général toutes les vitrifications des four