
Les chandelles étant perfeélionnées , on les met
en livres , en les enfilant dans des pennes ou ficelles,
ou on les paffe dans de longues baguettes pour les
mettre au grand air , & les vendre en détail, ou on
les enferme dans des cailles pour les envoyer ou les
garder.
Il y a des chandelles plongées de quatre, de fix,
de huit, de dix, de douze , de feize , de vingt, 6c
même de vingt-quatre à la livre.
Travail des chandelles moulées.
Les moules dans lefquels fe font ces chandelles ,
font ou d’étain, ou de plomb, ou de cuive , ou dè
fer blanc. Ceux d’étain , font les-meilleurs & les
moins communs ; ceux de plomb, les plus ordinaires
& les plus mauvais. On n‘y diftingue que trois
parties ; a b , le collet , figure $ y planche II; h c , la
tige; cd, le culot. On donne le nom de collet à
l’extrémité percée du moule : ce n’eft point une
partie qui en foit féparée ; elle eft arrondie en dehors
en forme de chapiteau élevé en dôme, & concave
■ en dedans ; elle ne forme qu’un tout avec la tige,
qu’on peut confidérer comme un cylindre creux,
dont le diamètre eft d’autant plus grand que les chandelles
qu’on veut jeter en moule font plus groffes.
On en moule depuis les quatre jufqu’aux douze à la
livre. Le culot eft un véritable entonnoir dont la
douille eft large & l’évafement- petit, qui s’ajufte à
la partie fupérieure de'la tige, 6c dirige le fuif dans
fa cavité. 11 a encore un autre ufage, c’eft de tendre
§c tenir la mèche droite par le moyen de fon crochet
, fur le milieu de la tige. On donne le nom de
crochet à la petite pièce ef; efpèce de languette de
métal foudée au dedans du culot , & s’avançant
jufqu’au milieu de fon ouverture. •
La première opération du chandelier , c’eft de
garnir tous les moules de mèches : pour cet effet ,
il prend une longue aiguille, qu’on appelle aiguille
à mèche. Cette aiguille a d’un côté un anneau pour
la tenir, 6c de l’autre un petit crochet ; on fait paffer
ce crochet par l’ouverture du collet, enforte que
1 aiguille traverfe toute la tige, 6c fort de dedans en
dehors par le trou du collet. Il y attache la mèche
par le moyen d’un fil qù’on appelle )?/ à mèche; il
tire l’aiguille, 6c la mèche fuit. Quand elle eft arrivée
au culot, il ôte le fil à mèche du crochet de l’aiguille,
6c le paffe fur le crochet du culot ; il tire un peu la
mèche par en bas , afin de la tendre bien dans la
longueur de la tige, & place le moule dans la table
à moules , qu’on voit figure 6 3 planche II. Il faut y I
diftinguer trois parties ; i , i , les femelles qui la
foutiennent ; 2 , 3 , deux grandes planches affem-
blées à tenons avec les femelles, inclinées l’une vers
l’autre en gouttière, & formant une grande auge;
le deffus eft affemblé pareillement avec les femelles,
& percé d’un grand nombre de rangées de trous
parallèles : ce deffus eft épais dé deux à trois pouces,
large 6c long à volonté ; c’eft dans ces trous qu’on
place les moules le plus verticalement qu’on peut ;
ils y font retenus par le cordon qu’on a pratiqué à
la tige du moule.
Lorfque la table eft garnie de moules, & la quantité
étant fuffifante. pour en■ faire une jetée, c’eft-
a-dire , pour remplir les moules de fuif, on tire du
fuif dë la cuvé dans la burette. La burette eft un
vaiffean tél que celui qu’on voit fig. 7 ; il eft de fer
blanc , 6c affez femblable à un arrofoir à bec ; il a
une anfe par laquelle on le porte ; un goulot qui
prend d’en bas , & s’élève obliquement jufqu’à la
hauteur dë ce vaiffeau, par lequel on verfe ; & une
efpèce de couverclè qui le ferme à moitié , qui
empêche quë le fuif ne fe refroidiffe fi promptement
par l’àéfion de l’air, & rie fe renverfe par deffus les
bords de ce vaiffeari quand on remplit les moules.
On les remplit donc avec ce vaiffeau, avec facilité
& promptitude. L’ouvrier a foin de regarder fi
l’effufion du fuif n’a pas dérangé les mèches. ; inconvénient
auquel il eft aifé de remédier en tirant le
bout de la mèche qui fort parle collet avant que le
fuif foit figé.
Il faut encore prendre garde d’employer le fuif
trop chaud , parce qü’alors les chandelles ont peine
à fortir du moule , 6c elles en fortent, comme dïfeni
les ouvriers , tavelées ou tachées.
On laiffe refroidir les moules : quand ils font bien
froids, on tire le culot ; 6c en même temps la chandelle
qui y tient, par le moyen du fil à mèche. On
penche le culot ; 6c quand le fuif eft bon , 6c qu’il
n’a été verfe ni trop chaud , .ni trop froid, ce'que
l’on reconnoît à la facilité avec laquelle les chandelles
fe tirent, la chandelle fe rompt fi net au ras
du culot, qu’on ne la coupe point avec le rogne-cul
comme la chandelle plongée.
Ces chandelles fe font fort vite, 6c font beaucoup
plus belles en apparence que les plongées, parce
qu’on a foin d’ailleurs d’y employer un fuif de bonne
qualité , dans lequel il y a beaucbup de fuif de
mouton qui eft très-blanc. On achève de les embellir
en les blanchiffant ; pour cet effet , on les
expofe pendant huit à dix jours , enfilées fur des
baguettes 6c fufpendues fur des trétaux, dans des
jardins à la rofée & au foletl levant. Il faut avoir le
foin, lorfque la chaleur du jour commence à devenir
grande , lorfque le temps eff mauvais & menace de
pluie , quand il fait un vent poudreux , de les tenir
couvertes avec des toiles. Puifque c’eft la rofée qui
donne la blancheur à la chandelle , il s’enfuit que
le printemps eft la faifon la plus propre pour en
mouler*
Lorfque les chandelles moulées font fuffifamment
blanches, on les met en livres ou en paquets fuivant
la deftination du chandelier. ■
Les chandelles de deux ans font extrêmement
blanches -, mais elles font fujettes à couler 6c à
répandre une mauvaife odeur. Les chandelles trop
nouvellement faites,n’ont jamais lablancheur qu’elles
peuvent acquérir en les gardant ; de plus, le fuif
n’ayant point acquis fa dureté , elles font grades &
fe confument fort vite,- Les chandelles faites depuis
cinq ou fix .mois, font les meilleures ; elles font
blanches, sèches, 6c durent.plus long-temps.
Les chandelles dont les fuifs font gras au toucher,
qui ont une odeur de corruption, ainfi que les fuifs
qui font bruns ou jaunâtres, ne valent rien. Pour
juger de la qualité des chandelles, il eft bon de les
rompre, ou d’enlever avec un couteau une portion
du fuif de la fuperficie , afin d’examiner fi le fuif
intérieur eft de même qualité.
Leur bonté fe connoît aufli à la vivacité de leur
lumière que l’on reçoit à travers l’ouverture d’une
planche fur un carton , 6c à la durée comparée lorf-
quelles fe confument.
La durée d’ûne chandelle, des quatre à la livre,
•peut être de dix à onze heures ; celles des huit, de
cinq heures 6c demie ou fix heures.
On diftingue encore les chandelles par quelques
noms particuliers. On les défigne fuivant leurs proportions,
leurs fortes ôt-leur longueur: ainfi on
demande des fix à la livre longues ou courtes , des
fept, des huit, des dix , des dou\e.
La chandelle de veille eft une chandelle fort longue
6c fort menue, ainfi que la mèche, de 12 à 15 ou
16 pouces de longueur.
On appelle chandelle dè cordonniers, l’affemblage
de deux groffes chandelles des quatre à la livre ,
qu’on fait prendre félon toute leur longueur en les
approchant l’une de l’autre fur la broche, lorfqu’elles
viennent d’être plongées & mifes près, 6c que “le fuif
qui les enduit n’eft pas encore figé , & en les replongeant
, pour qu’elles tiennent mieux, une fois ou
deux après qu’elles font prifés.
On les nomme chandelles de cordonniers , parce
que ces' ouvriers .font fujets à travailler plufieurs
autour d’une table , 6c qu’il leur faut une forte
lumière qui les éclaire tous à-la-fois.
On appelle chandelle à carrier ou de compagnon,
de petites chandelles de vingt ou vingt-quatre à la
livre, dont les carriers fe fervent dans leurs fou-
terreins, ou que l’on donne aux compagnons pour
s’aller coucher.
Chandefies. des rois , des chandelles cannelées en
relief, que les chandeliers travaillent dans des moules
cannelés en creux, 6c enrichies de quelques.orne-
mens ; 6c dites des rois , parce que les chandeliers
les donnent à leurs pratiques , qui les allument la
veille & à la fête des Rois dans le feftin du roi boit%
Une fentence de police du 29 décembre 1745 »
.en ordonnant l’exécution de l’article IX des ftatuts
des chandeliers de Paris, a défendu aux maîtres
chandeliers d’en faire ou faire fabriquer à peine de
vingt livres d’amende, 6c aux garçons & autres de
les porter , à peine de prifon. Ce réglement fut
réaffiché au mois de janvier 1748 , fans doute pour
abolir un ufage qui pouvoit paroître fuperftitieux.
Les chandelles de noix font une efpèce de chandelles
qui fe font au Mirebalais avec le marc de la
noix preffurée.
Les chandelles de roufine font une autre efpèce qui
eft d’ufage. en Anjou , & qu’on fabrique avec de
mauvais fuif 6c de la poix-réfine.
Les chandelles étoient d’ufage chez les anciens :
la mèche en étoit de fil, de papier ou de-jonc; elle
étoit revêtue de poix, de fuif, ou de cire. Il n’y
avoit que les perfonnes d’un rang diftingué qui
brûlaffent de ces dernières. On portoit aux funérailles
des gens du peuple, de petites chandelles de
poix ou de fuif.
EJJais 6* mélange de différentes matières pour les
. chandelles.
On fait affez communément en Angleterre des
chandelles avec du blanc de baleine ; on en a fait
aufli -en France. Ces chandelles ne fentent point
mauvais ; elles répandent une belle lumière , ,6c
éclairent bien. Ce qui diminue de leur prix, c’efl:
qu’on les fait avec au blanc de baleine rance, qui
n’eft plus bon pour la médecine.
On pourroit aufli faire des chandelles avec du
beurre de cacao, en lui donnant plus de confiftance,
s’il étoit d’ailleurs moins cher.
On a apporté de Cayenne des chandelles fort
graffes , faites avec un fuif végétal qu’on retire des
fruits d’une efpèce de mufeadier nommé aouaroujji ;
mais cette graiffe prend en vieilli flan t une affez
mauvaife odeur ; elle n’eft jamais d’un beau blanc,
6c elle eft fort graffe.
On a aufli mêlé de la cire avec le fuif ; mais cela
augmente trop le prix de la chandelle, qui d’ailleurs
dans ce mélange n’eft ni une chandelle, ni une bonne
bougie.
Ori mêle quelquefois, avec fuccès, dans le fuif
fondu, de l’alun de roche ou de la crème de tartre
en petite quantité , pour hâter la clarification 6c
raffermir le fuif.
On a effayé aufli de mêler avec du fuif un peu de
belle térébënthine ; & on a éprouvé qu’un peu de
vinaigre diftillé donrioit de la fermeté 6c de la blancheur
au fuif.
On a tenté d’autres mélanges avec le fuif pour
en diminuer le prix & la confommation ; comme
de la.pulpe leflivée de marron d’inde & autres,
mais ces tentatives ont été auffitôt abandonnées.
Enfin, voici la recette d’une chandelle qui durera,
dit-on, allumée quatre jours -6c quatre nuits.
Faites fondre du bon fuif ; jetez-y de la cire
pour le purifier, & retirez r le du feu, faifant trois
fois la même opération. Le fuif étant ainfi purifié ,
verfez-en deux onces dans un vafe de terre pour
le faire fondre de nouveau ; ajoutez-y une once de
cire blanche & une once de térébenthine. On y
mettra aufli du vieux bois pourri, féché 6c tamifé ,
le tout réduit en confiftance molle , en le -coulant
fur une table avec les mains. Lorfque ce mélange
commencera à fe durcir, mettez-y une petite mèche
de moelle de jonc , 6c formez - en une chandelle.
Diil. économique de Chomel, édition de Commercy.
Les premiers ftatuts des chandeliers dattent du
règne de Philippe I , en 1061 ; ils furent fuccefii