
fi c’eft un homme de métier qui îife ce paragraphe,
il elpérera que les marchands qui font le commerce
de clouterie en gros, profiteront de l’avis qu’on
leur donne ic i, qu’ils euaieront les clous avant que
d’en conclure les marchés , & qu’ils obferveront
qu’ils foient faits d’une matière capable de foutenir
le coup de marteau. Si l’on fe donne ces foins pendant
quelque temps, & qu’on rebute tous ceux qui
ne feront pas de bonne qualité, les fondeurs de ces
dousv fè conformeront néceflairement aux règles |
requifes pour faire de bonne marchandife , en employant
de bonne matière , qui ait un corps fuffi-
fant pour les ufages auxquels elle eft deftinée.
Cette matière doit être compofé e de cent livres de
laiton très-doux, & de trois livres d’étain ou environ,
fuivant la prudence de l’ouvrier , le tout fondu &
moulé proprement & fans foufflure. Pour les éviter,
& pour que les fondeurs aient foin de bien fécher
leurs châffis avant que d’y couler la matière fondue
, il faut qu’ils obfervent encore d’y laiffer des
évents convenables, & que la matière foit fondue
liquide comme de l’eau. On voit qu’au moyen de
quelque légère attention, on peut fe mettre à l’abri
dè tant de friponneries qui fe commettent journellement
dans ce genre de commerce.
Il en eft de même de toutes les autres qualités
de clous ; ainfi un marchand qui fait le commerce
de ceux de fer , doit examiner foigneufement la
qualité du fer avec lequel, ils font fabriqués , qui
doit être fibreux, & par une fuite néceffaire, doux
& très-flexible. En caffant quelques clous on con-
noît fi les fers avec lefquels ils ont été faits font
de la qualité qu’ils doivent être. S’il paroît à la
eaffure de ces clous dès grains & des lames, le fer
a été mauvais, & les clous le feront par confé-
quent, & très-fragiles; fi au contraire on a de la
peine à les cafler, & qu’il paroiffe fur leur eaffure
un grain fibreux, pareil à celui qu’auroit un morceau
de bois qu’on auroit caffé en le forçant des
deux mains, cet indice démontrera la bonté du fer
& celle des clous.
Les inconvéniens qui réfultent de l’emploi de
cette mauvaife marchandife font innombrables ; on
n’a qu’à réfléchir fur les différens ufages auxquels
elle eft employée, & à l’importanèe des travaux
qu’on ne peut perfectionner fans le fecours des clous,
pour convenir de la vérité de ce qu’on vient de
dire. . ' ■ _.
Outre les clous de toutes fortes, qae font les
maîtres cloutiers de Paris , ils ont encore le droit
de forger des gourmettes de chevaux , des. tourets
ou gros clous tournés en i rond, qui ont une tête
arrêtée dans une partie de la branche du mors,
appellée la g a r g o u i l le , qui doivent être mis deux
fois au feu, bien & duement étamés ; des anneaux
de toutes grandeurs , des barres, chaînettes d'ava-
loire, boucles à dojjières, boucles de foupente, enfin
tous les petits ouvrages de fer qu’on peut faire
avec le marteau & l’enclume, fans avoir befoin de
lime ni étau, qu’on appelloit autrefois lormerie, &
qui font à l’ufage des Celliers, carofîiera, bourreliers';
coffretiers & malletiers. C ’eft pourquoi on dit la com*
munautè des cloutiers, larmiers, étameurs, ferronniers.
Les ftatuts de cette communauté font fans date ;
elle eft régie par quatre jurés , dont deux font
élus tous les ans , favoir , un d’entre les nouveaux
maîtres, un d’entre les anciens ; chaque
maître ne peut faire à la fois que deux apprentis
; l’aprentiffage eft de cinq ans ; le compagnonage
de deux ans pour les apprentis de Paris, & de. trois
pour les ouvriers de Province. Tous font chef-
d’oeuvre , excepté les fils de maîtres. .
L’édit du n août 1776, a réuni dans la même
communauté les cloutiers-lormiers & les cloutiers-
épingliers & ferrailleurs, & a fixé leurs droits de
réception à 100 livres.
La clouterie fait aùfli partie du commerce des
merciers-clincaillers , & des marchands de fer qui
font du corps de la mercerie à Paris.
Clojitiers-Epingliers.
Les cloutiers-d'épingles , font ceux qui font des
petits clous de fer ou de laiton de différentes grof-
l'eurs & longueurs, dont un bout eft aiguifé en
pointe, & l’autre refoulé ou applati.
Voici quel eft l’atelier & quels font les outils du cloii-
tier-d’épingle. 11 a une S ; c’eft un fil-de-fer ou d’acier
auquel on a donné différens contours , formant des
efpaces circulaires de différens diamètres : ces efpa-
ces fervent à déterminer le calibre & la groffeur des
fils employés pour faire les clous d’épingles. Voyez
la pi. 1 du cloutier d'épingle , fig. 1 du bas de laplançhe.
Un engin ou drejfoir , qu’on voit planche / / ,
fig. i f . C ’eft une planche de chêne ou d’autre bois ,
fur laquelle on difpofe des clous en zigzag, de manière
cependant que ceux de chaque rang foient
tous fur une même ligne: les rangs doivent être parallèles,
quoique diverfement écartés. Pour fe former
une idée plus jufte de cet inftrument, il faut imaginer
une planche fur laquelle on a tracé des parallèles
à des diftances inégales les unes des autres :
fi l’on fuppofe chaque ligne divifee en parties égales,
& qu*en attachant les clous on ait l’attention de ne
pas les faire correfpondre à la même divifion fur
les deux lignes correfpondantes, & qu’on obferve
ce procédé fur toutes, on aura la planche préparée
pour l’ufage auquel on la deftine. On fixe l’engin
à une table ou à un banc , à l’aide de deux boulons
garnis de leurs clavettes.
Une meule; l’affortiffement de la meule eft fait de
deux forts poteaux fixés au plancher & dans la terre ;
onyenarbre la roue de manière qu’elle puiffe tourner
librement : cette roue communique à la meule par une
corde qui paffe dans une gorge creufée fur fa circonfé-
rance, de-là dans une poulie adaptée à l’axe de la
meule. La meule eft d’acier trempé ; elle a depuis
trois jufqu’à cinq pouces de diamètre, fur deux à
trois d’épaifleur ; fa circonférence eft taillée en lime.
Cette meule & fes dépendances font portées fur
deux petits tourillons de cuivre ou de fer , placés
dans deux petits montans ou poupées pratiquées
à une bafe circulaire qui eft fixée fortement fur un bâtis
compofé de deux tréteaux &. de quelques planches
qu’on y attache ; fur cette bafe on aj;ufte une efpèce
de caiffe appelée tabernacle. Voyez planche i l ,
fig. 11 ôc 12. A , eft la partie antérieure fupérieure
du tabernacle : on voit au milieu un petit châffis de
bois garni d’un verre pofé d’une manière inclinée ;
il fert à empêcher les étincelles de feu qui s’échappent
continuellement de la meule, de frapper les yeux
de celui qui affile- La meule & tout fou équipage
fe voient fig. 11 & 12: on les voit feulement de
face avec le banc qui fert de bafe, dans laj%. 12.
Un banc à. couper, qu’on a repréfenté en entier
fig. >3 i fi eft compofé d’un fort banc & d’une gr fie
cilaille ; à un des longs & à un des petits côtés ; il y a
de hautes planches qui fervent à retenir les morceaux
de fil-de-fer à mefure qu’on les coupe ; partout ailleurs
il y a des rebords, excepté en un endroit qui
fert à tirer les pointes.: il, faut que cet inftrument
foit difpofé de manière à fatiguer le moins qu’il eft
poflible le coupeur. ^
Un étau ; il eft de figure ordinaire : on le voit
planche I I , fig. 14.
Un mordant, qu’on voit fig. 16 ; c’eft un compoféfde
deux morceaux de fer, d,ont les têtes font acérées : ces
morceaux circulaires font affemblés à charnière,& leur
mouvement eft libre; on a pratiqué à la tête de chaque
branche & en dehors, une retraite dont l’ufage
eft de retenir le mordant toujours dans la même
fituation, lors même qu’on l’ouvre pour en faire
fortir la pointé dont on vient de faire la tête. A la
partie fupérieure & intérieure de la tête du mordant
, il ÿ a de petites cannelures propres à recevoir
la pointe ; elles font faites de manière que l’entrée
en eft plus large que le bas : ces cannelures fe
renouvellent à l’aide du poinçon qu’on voit fig. ij
& 18. Pour abréger le travail de l’ouvrier , qui feroit
contraint d’écarter les deux branches du mordant
à chaque tête qu’il voudroit faire , on a placé
entr’elles un V d’acier , dont les extrémités recourbées
portent perpendiculairement contre les faces
intérieures du mordant ; on met fous le mord nt une
calotte de chapeau, pour recevoir les clous à mefure
qu’il en tombe. Voyez la fig. 14, le mordant, l’étau
,Ja calotte, & le clou prêt a être frappé.
U n vannoir ; c’eft un grand baflin de bois fort plat,
qu’on voit planche I , fig. 7 , dans lequel on agite
les pointes de laiton ou de fer pour les rendre claires
Un poinçon à étamper (. voyez planche I I ,fig. 21 • ;
il eft petit & carré : on a pratiqué à fa bafe un
trou fait en calotte. Çela bien compris , il ne fera pas
difficile d’entendre la manière de fabriquer le clou
d’épingle.
On appelle cIqu d!épingle un petit morceau de
fil-de-fer ou de laiton, aiguifé en pointe par un bout,
& refoulé par l’autre bout. Il y en a de différentes
groffeurs & longueurs. La première opération con-
iifte à effer: ejfcr le fil, c’eft le préfenter à un des efpaces
circulaires de VS, pour connoître s’il eft du
calibre qu’on fouhaite. Après l’avoir effé, en le
dreffe : pour le drejfer , on le force à paffer à travers
les rangs de pointes de l’engin ; cette manoeuvre, lui
Qte toutes, fes petites courbures. Quand il eft dreffe,
on le coupe de la longueur de quinze à dix*huit pouces
; on fe fert pour cela de la cifoire , fixée fur le
banc à couper. Quand on a une quantité fuffifante
de bouts, on les affile: e’eftpaffer le fil-defer
fur la meule , pour en faire la pointe. Pour affiler
, Fbuvrier prend une cinquantaine’ de brins,
plus ou moins ; il les tient fur fes doigts dans une*
fituation parallèle ; & leur faifant faire un ou plu-
fieurs tours fur eux-mêmes, par le moyen de fes
pouces qu’il meut deffus en fens contraire, en eon-
duifant chaque pouce vers le petit doigt , it les affile
tous gn même-temps. Quand les brins font af-î
filés, on les coupe fur la grande -cifoire de la longueur
dont on veut les pointes ; de-là on les paffe
dans le mordant pour en faire la tête: fi on veut
qu’elle foit plate, on laiffe un peu excéder la pointe
au-deffus du mordant, on frappe un ou deux coups
de marteau fur cet excédent ; il eft applati, & la
tête eft faite. Si on veut qu’elle foit ronde, on la
commence comme fi on la voulait plate; oji ne
frappe qu’on coup , puis on la finit avec le poinçon
à eftamper Le clou fini, il faut'le chaffer du mordant
; c ’eft ce que l’ouvrier exécute en prenantoine-
autre pointe entre le pouce & l’index, chaffant la
pointe qui eft dans la cannelure avec le petit doigt,.
& y plaçant celle qu’il tient. Il-continue-ainfi av-ec
une vîteffe extrême . & fon opération eft la même
pour les clous, de quelque grandeur qu’ils foient,
11 en peut fabriquer d’or , de fer. &- de cuivre»
Quand ils font de laiton, on les blanchit : pour cet
effet , on les découvre d’abord ; les découvrir r
c eft les mettre tremper dans une foliation de tartre'
ou de cendre gravelée & d’eau commune, où on les
laiffe féjourner quelque temps ; après qupi on tes
vanne. Pour les v a n n e r on met du fon ou du tan dans-
le vannoir ; on les y agite, & ils en fonent fecs. ÔC
plus jaunes.
On finit par les- é tam e r ' : pour les étamer on a un
vaiffeau plus étroit à chacun de fes bouts qu’au-
milieu; on les met dans ce vafe: on a un mélange
d’étain fin & de fiel ammoniac ;,lefiel ammoniac y eft'
en petite quantité :-.on met ce mélange en fufion , on-
y jette les pointes ou épingles, on les y agite jufqù’à
ce qu’on s’apperço.ve qu’elles foient bien blanchies:
le mouvement les empêche de s’attacher les unes aux
autres. Quand elles font refroidies , on en fait des
paquets de cent : pour cet effet, on en compte cent ;
on jette cette centaine dans un des plats de la balance,
& on en jette dans l’autre plat autant qu il en faut
pour l’équilibre ; on continue ainfi jufqu’à ce qu’on
ait mis toutes les pointes en paquets de centaines ,
& en état de vente..
Les bons ouvriers peuvent faire par jour jufqn’à
dix ou douze mille de ces petits clous, dont les
layetiers, les fculpteurs, les gaîniers fe fervent ordinairement,