
fcude ; lefiin matrhapk, langue des livres. La langue
amharique ou âbyffine a pris fa place ; elle eft ainfi
nommée de la province d’Amhar, la principale du
royaume d’Abyffinie ; c’eft pourquoi on l’a appelée
lefan negkus, la langue royale : ce n’eft pas qu’il
n’y ait plufieurs autres langues différentes & quantité
de diale&es qui fe parlent dans les différens
pays fournis à l’Ethiopie ; mais la langue amharique
feule eft entendue par-tout, parce qu’elle eft la langue
de la Cour. Elle ne l’eft devenue que depuis
l ’extinétion des rois d’Ethiopie de la famille des Za-
gée , qui tenoient leur fiège à Axuma ; car, comme
la nouvelle famille qui les remplaça fur le trône par-
loit la langue amharique , tout le monde fe fit un devoir
de parler cette langue.
Au jugement de Ludolf, cette langue âbyffine eft
très-difficile ; Ôc il confeille à ceux qui voudront
l'apprendre , de commencer par s’adonner à l’étude
de la langue éthiopienne , qui eft à l’égard de la
langue âbyffine, comme le latin à l’égard du François
& de l’efpagnol.
Quant à la langue éthiopienne, elle dérive mani-
feftement de la langue arabe dont elle ne femble être
qu’un dialefte $ non-feulement par rapport à l’identité
d’un très-grand nombre de radicales, mais encore
par rapport à la grammaire qui eft prefque la même.
Cette langue éthiopienne n’admet que vingt-fix lettres
; les Abyffins en ont ajouté fept que nous avons
diftinguées dans la plànche.
On remarquera que les chiffres éthiopiens qu’on
a eu l’attention de marquer dans cette planche,
font, à proprement parler , les cara&ères grecs que
les Ethiopiens auront probablement empruntés des
Cophtes leurs voifins.
Les fept lettres que les Abyffins ont ajoutées à
l ’alphabet éthiopien , prouvent encore l’étroite analogie
de la langue âbyffine avec celle des Arabes ,
q u i , comme on l’a remarqué ci-deffus , .ont ajouté
egalement un pareil nombre de lettres à leur ancien
alphabet.
Les Ethiopiens font connus dans l’écriture-fainte
fous le nom de Chufites , parce qu’ils tiroient leur
origine de Chus, frère de Mefraïm, & fils de Cham.
Ces peuples avoient, dès lés premiers temps de leur
monarchie , des lettres facrées ou hiérogliphes, dont
les prêtres feuls poffédoient la leâure , & des lettres
vulgaires communes à tous les Ethiopiens. Dio-
dore de Sicile même prétend dans un endroit de fon
hiftoire , que les Egyptiens avoient reçu des Ethiopiens
ces lettres facrées ; prétention que feu M. l’abbé
Fourmont a voulu appuyer par une differtation imprimée
dans le cinquième volume des mémoires de
l’académie des belles-lettres ; mais je ne vois pas
qu’il y détruife les témoignages de Sanchoniathon ,
de Cicéron , d’Anticlides cité dans Pline, de Platon,
d’Eufebe de Céfarée , de Lucain , enfin de Diodore
même , qui font honneur de cette invention au fondateur
de la monarchie égyptienne , qu’ils nomment
Menés, Mercure, T h o t , Offris, &c»
P EAU C H E V i l . Alphabet Cophte ou Egyptien , fi»
Grec.
On a joint dans une même planche les alphabets
cophte & grec >. à caufe de Rétro te liaifon qui fub-
fifte entre l’un ôc l’autre. Eh effet, à l’exception
de fept lettres que les Cophtes ont ajoutées de plus
à leur alphabet, il eft vifible que toutes les autres
lettres cophtes ne font point différentes des majuf-
cules grecques ; même figure, même dénomination,
même valeur: ces lettres grecques furent introduites
en Egypte , fous le règne des fucceffeurs d’Alexandre
dans ce royaume. La langue cophte, qui ne fub-
fifte plus que dans les livres des chrétiens d’E gypte,
eft un mélange de grec, ôede l’ancienne langue égyptienne
: peut-être aufli s’y tro u v e - t-il beaucoup
de termes empruntés des anciennes langues perfanes
& éthiopiennes, car on fait que l’Egypte fut fou-
mife tour à tour auxPerfans & aux Ethiopiens: mais
ce qui rend la langue cophte d’aujourd’hui particulière
& originale , c’eft que fa grammaire eft différente
de la grecque Ôc des langues orientales : non-
obftant cela, je fuis fort éloigné d’en conclure, comme
l’a fait M. l’abbé Renaudot ( fur l'origine des
lettres grecques. Mémoires de l'acad. des B elles-Lettres ,
tom. I I , pag. 274.) que l’ancienne langue égyptienne
n’avoit aucun rapport avec l’hébreu Ôc le
phénicien ; ôc je fuis très-perfuadé qu’on ne doit
pas en juger par là langue copthe d’aujourd’hui, qui
eft bien différente de cette ancienne langue égyptienne:
Sans alléguer d’autres preuves à cet égard,
je ferai feulement obferver que Mefraïm ôc Canaan
étoient frères, qu’ils parloient la même langue , &
que leurs partages le tonchoient. O r , comment
penfer après cela que le phénicien & l’égyptien
différoient effentiellement l’un de l’autre ? La pro-
pofition ne paroît pas recevable.
Cadmus, prince phénicien, qui conduifit une colonie
dans la Grèce, communiqua aux Grecs l’ai*
phabet phénicien; mais les Phéniciens eux-mêmes
tenoient cet alphabet des Egyptiens ; & par une
fuite des révolutions qui changèrent la face de
l’E gyp te, les Ptolemées montant fur le trône
d’E gypte, introduifirent l’ufage des lettres grecques
qui firent infenfiblement oublier l’ancien alphabet
égyptien.
C ’eft à l’idolâtrie des Egyptiens que l’écriture doit
fon origine. Sanchoniathon, ancien auteur phénicien
, dont Eufebe nous a confervé un fragment, dit
que le dieu Thoor ( c’eft Ofiris ou Mercure Anubis
que l’on a appellé Thot par corruption ) inventa
l’écriture des premiers caraâères, qu’il tira les portraits
des dieux pour en faire les caractères facrés
des Egyptiens. En effet, ces portraits des dieux
étoient chargés d’emblèmes fignificatifs , & for-
moient déjà une forte d’écriture figurée qui pei-
gnoit aux yeux la vertu ôc les différentes qualités
& aétions des grands hommes que l’on repréfentoit.
Cette invention , groffière d’abord , reçut bientôt
quelque perfection ; le pinceau 6c la plume fuccé*
dèrent ali cîfeau. On Amplifia ces portraits & ces
figures allégoriques ; on les réduifit, pour plus de
facilité,.à un trèsqjetit nombre de traits. Telle fut
l’origine de l’écriture facrée des Egyptiens : elle fut
imaginée d’après ce que Ron_appelloit les hiéroglyphes,
c’eft - à - dire 1, les feuiptures facrées, & les
grammata , c’eft-à-dire, les lettres ou portraits des
dieux.
Il praoît confiant par Socrate , cité dans le Phédon
de Platon,par Diodore de Sicile,Cicéron, Pline,
& par plufieurs autres anciens écrivains, que Récriture
alphabétique eft de l’invention du même prince,
nommé par les uns Menés ou Mercure , par les autres
Hermès, Th ot, Ofiris, &c. Suivant le témoignage
de plufieurs de ces écrivains, le monarque
égyptien avoit le premier diftingué les voyelles des
confbnnôs, les muettes des liquides ; & il étoit parvenu
à affujettir le langage alors barbare à des: regies
fixes, & à régler jufqu’à l’harmonie des mots
& des phrafes. Ce qu’il y a de certain, c’eft que ce
prince , relativement à cette utile invention, fut regardé.
comme le dieu de l’éloquence ôc du favoir,
ôc qu’en eonféquence les favans de l’Egypte lui dé-
dioient leurs ouvrages » Ægyptii feriptores, dit Jam-
blique (dans fon Traité des Myfières de l ’Egypte, )
putantes omnia inventa ejfe.à Mercurto, libres fuos Mer-
curio inferibebant ; Merturius proeefl fapienticz & eloquio.
J’ajouterai feulement ici, que le prince dont il s’agit
n’eft point différent de Mefraïm , que TEcritutre
faiflte nous donne pour le fondateur de la monarchie
égyptienne. Les différens furnoms que les Egyp-
tiehs Ôc les Grecs lui ont donnés, n’empêchent pas
de le reconnoître. On verra peut-être ici avec quelque
plaifîr l’origine de quelques-uns de ces furnoms.
Je m’y arrête dautant plus volontiers, qu’elle contribuera
à confirmer ce que l’on vient de dire de
l’inventeur de l’écriture. Plufieurs de ces furnoms y
ont un rapport direél.
Le nom d’Anubis qu’on lui donnoit, vient de la
racine orientale noub, qui fignifie parler avec éloquence
, d’où s’ eft formé le mot anoubi, un homme
éloquent, un orateur, un héraut, un prophète. Ce qui
me décide dans le choix, de cette étymologie, c’eft
que les noms d'Hermès ôc d’Hgrmefieus, que lui
donnèrent les Grecs, me paroiflent être la traduction
du mot anoubis ; ils fignifient de même un interprète,
un orateur. Souvent les Grecs joignoient
enfemble le terme original avec fa traduction, ôc
difoient Hermanoubis. On remarquera que les prophètes
étoient chez les Egyptiens, à la tête de leur
hiérarchie : leur emploi étoit d’étudier, les dix livres
Sacrés concernant les lois, les dieux , la difcipline
facrée, ils étoient aüffi prépofés à la diftribution
des impôts. On voit par-là qu’il ne faut pas prendre
le nom de prophète dans le fens que nous lui donnons
exclufivement : il fignifioit encore, Ôc chez
les Hébreux mêmes, un héraut, un homme chargé
de porter la parole : c’eft dans cette dernière acception
qu’on doit l’entendre, lorfque Dieu dit à Moïfe:
Aaton y votre frère fera votre prophète ; cela- veut dire
fimplerfiént qu?Aaron parleroit au peuple au nom
de Moïfe.
Je finirai ces remarques par l’interprétation des
noms de Thoor, Th ot, Ofiris, Grammateus, &c»
donnés à Mercure où Mefraïm. Ces trois premiers
furnoms ne font point différens ; & le quatrième ,
qui eft grec , n’en eft que la tradu&ion. Cette pro-
pofition paroît un peu paradoxe, il s’agit de la
prouver.
i °. Le nom de T hot, Taaut, &c. eft un mot corrompu
ôc une mauvaife prononciation des habitans
d’Alexandrie. Philon de Biblos, dans le fragment de
Sanchoniathon, nous apprend que les Egyptiens
prononçoient Thoor ; ainfi ne penfons qu’à ce dernier
terme.
2°. Si l’on fait réflexion que les lettres fehin «,•
tçade ÔCtav, dans les langues orientales, font allez
fouvent employées l’une pour l’autre j que les
Hébreux écrivoient fehor pour dire un boeuf, tandis
que les Chaldéens prononçoient tor, que le nom
de Tyr vient de T for, &c. je m’imagine qu’on n’aura
aucune répugnance a dériver le nom de thoor du
mot tfoura , ufité dans l’hébreu ôc le chaldéen , pour
exprimer une image, une figure, d’autant plus que les
Arabes écrivent ôc prononcent ce même mot foura«
La racine de ce mot oriental fignifie faire une
figure, la peindre ou la fculpter : ajoutez à Thoor ou
Thfor l’article , vous aurez othfoor ou athfoor, uns
fculpteùr, un peintre.
3?. Les réflexions que l’on vient de faire fur les
changemens mutuels des trois lettres nommées ci-
deffus, prouvent que les noms d’Ofiris , Seiris, ha-*
billés à la grecque, ne font point différens d’O th-
foor. On fait par Plutarque , que l’époufe d’Ofiris
étoit auffi furnommée Âthyri, A’ùvfi , ou félon
l’auteur du grand Etymologicon, A’fl&jp Athor. Plutarque
, dans un autre paffage, dit qu’lfis portoit
encore le nom de Meèvtp ; ôc il eft vifible que ce"
nouveau nom ne diffère des préeédens que par le
mem, qui eft la marque du participe.
4e. Les Egyptiens ont voulu, par ces furnoms
d'Othfoor ou Ofiris , apprendre à la poftérité que le
fondateur de leur monarchie avoit le premier fait les
ftatues des dieux, ôc qu’il méritoit par excellence
l’epithète de ftatuaire ou fculpteur. La Grèce n’en
avoit point perdu le fouvenir , puifqu’elle appelloit
un ftatuaire hermoglypheus , ôc l’art ftatuaire Hermo-
glyphicè tecknè , l’art de Mercure.
5°. Selon Sanchoniathon, Diodore de Sicile,
Mercure étoit le Grammateus de Chronos. On a
rendu ce terme de grammateus par fecrétaire ; mais
c’eft une erreur, puifque ce terme peut auffi bien
fignifier Y inventeur des lettres que fécre taire. D ’ailleurs
, ont fait que les feuiptures facrées ou les portraits
des dieux, étoient appelles grammata. Dans
ce fens, il feroit vrai que Mercure eût été le Grammateus
de Chronos ou Hammon , puifqu’il l’avoit
fculpté ainfi que les autres dieux , comme on l’a dit
ci-deffus. J’envifage donc encore cette épithète de
Grammateus dçnnéç à Mercure par les Grecs, comme