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tenus par des fourches qui les garantirent de la chaleur
ou du mauvais temps : on appelle ces abçis
tue-vent. Les ouvriers Ont les jambes couvertes de
guêtres compofées de mauvais haillons coufus les uns
ipr les autres, jufqu’à trois 6c quatre pouces d’epaif-
feur. Ils ont entre leurs jambes un billot cylindrique
nommé chaput ; ils pofent deffus le fendis, 6c travaillent
l’ardoife avec le doleau. En trois ou quatre
coups du doleau , l’ardoife eft coupee & taillee.
C ’eft ce que lés ouvriers appellent rondir.
Le fendis 9 au fortir des mains des ouvriers qui fe
fervent du doleau, eft ardoife , mais d’une qualité
telle que le permet le morceau de fendis, tant par
la nature de la pierre dont il eft venu , que par la
figure qu’on lui a donnée fur le chaput. Comme
toutes les couches de l’ardoife ne font pas exactement
parallèles , les petits angles qu’elles forment
entre elles font perdre beaucoup de matière. Une
portion-d’ardoife ou un contre-fendis dont on ef-
père deux fendis, fe divifera fouvent obliquement ;
& au lieu de deux ardoifes , on n’en aura qu’une,
avec un morceau Ou fragment dont on ne fera
qu’une qualité d’ouvrage fubalterne. A mefure que
les ouvriers fabriquent leur ardoife , il y a un ouvrier
qu’on appelle le compteur y qui prend l’ardoife
dans une efpèce de brouette, la tranfporte en un
endroîtoù il l’arrange, & fépare chaque qualité. Les
ardoifes élevées marquent les cents.
L’ardoife, par fon poli naturel, par fa belle couleur
& fur-tout par fa légéreté , eft recherchée pour
la couverture des fuperbes édifices. Elle eft bien
préférable à la tuile, & fatigue moins la charpente
& les murs. L’ardoife eft encore propre à faire des
tombes, des tables, des carreaux d’appartemens. On
en fait auffi des planches pour y écrire ou pour
y tracer des figures de géométrie, avec un crayon
ou de la craie. Les ardoifes font auffi employées
par les paffementiers pour les haute-liffes, au lieu de
platines. >.
La bonne ardoife doit avoir un fon clair & un oeil de
bleu léger. Lé moyen de s’affurer fi elle eft de nature
à ne fe point imbiber d’eau, çeft de placer une ardoife
perpendiculairement dans un vafe où il y ait un peu
d’eau , & de l’y laiffer dans cette pofition durant
une journée. Si J’ardoife eft d’une contexture bonne
&. ferme, elle n’attirera point l’humidité au-delà de
'fix lignes au deffus du niveau de l’eau ; & même il
ne doit y avoir que les bords qui, étant un peu dé-
funis par la taille, fe trouveront humeftés : fi au contraire
l’ardoife a une mauvaife confiftance , elle s’imbibera
d’eau comme une éponge jufqu’à fa furface
fiupérieure.
De toutes les qualités de l’ardoife, la plus belle &
la plus eftimée eft la carrée. Elle eft faite du coeur
de la pierre ; elle a la figure rectangulaire. Elle porte
environ huit pouces de large fur onze pouces de
long. Elle doit être fans rouffeur. Comme la grandeur
de la carrée eft déterminée , on feroit tenté
de croire que les ouvriers prennent quelques précautions
pour la tailler. Cependant il n’en eft rien.
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Ils ont une fi grande habitude à donner à l’ardoife
de chaque efpèce ou forte les dimenfions qui lui
conviennent, qu’ils s’en acquittent très-exaélement
fans la moindre attention.
La fécondé qualité eft celle du gros noir. Le gros
noir n’a ni tache ni rouffeur , non plus que l’ardoife
carrée.
La feule différence qu’il y a entre ces deux fortes
d’ardoife, c’eft que le gros noir n’a pas été tiré d’un
morceau de pierre qui pût fournir les dimenfions
requifes dans l’ardoife carrée.
La troifième eft le poil noir, qui a la même aualité
& la même figure que le gros noir, mais qui eft plus
mince & plus légère.
La quatrième eft le poil taché, qui a les mêmes
dimenfions que le gros noir, mais qui n a pas la
même netteté ; on lui remarque des endroits roux.
La cinquième eft le poil roux. Cette ardoife' eft
en effet toute roufle; ce font les premières foncées
qui la donnent, & ce n eft proprement que de la
coffe. Il n’en eft pas de même du poil tache^ ; il fe
trouve par-tout, il n’y a guère de foncées ou il ne
s’en rencontre.
La fixième eft la carte qui a la meme figure la
même qualité que la carrée , mais qui eftplus petite
& plus mince.
La feptième eft Yhéridelle, ardoife étroite & longue,
dont les côtés feulement ont été taillés, mais dont on
a laiffé les deux autres extrémités brutes.
La huitième eft la cofine , propre à couvrir des
dômes, parce qu elle a une convexité qui lui vient,
non de la main-d’oeuvre, mais de la pierre dont les
couches font convexes. Cette efpèce d’ardoife eft
plus rare & plus chère que la carrée.
Enfin, la neuvième forte d’ardoife , eft celle taillée
en écaille.
Les ardoifes peuvent être encore confidérées félon
leurs échantillons. La grande carrée forte fait le premier
échantillon. On dit que le millier de cette efpèce .
couvre environ cinq toifes d’ouvrages.
La grande carrée fine fournit par millier cinq
toifes & demie , & fait le fécond échantillon.
La petite fine couvre environ trois toifes par millier
, & eft du troifième échantillon.
La cartelette fait le quatrième échantillon , &
donne deux toifes & demie de couverture par
millier. #
Les copeaux ou déchets des pierres , fourniffent
encore trois efpèces de petits échantillons ; favoir,
la tïllette , la cartelette & le fendis.
Les ardoifes fe vendent au cènt, au millier, & a la
fourniture qui.eft de vingt-un milliers , avec les quatre
par-cent de bénéfice.
Quand on prend les ardoifes fur la carrière , on
accorde dix au cent pour dédommager 1 acheteur des
rifques de la voiture , cette marchandife étant fort
fujette à fe caffer.
Il y a eu plufieurs réglemens pour l’exploitation,
la fabrique & la fourniture des ardoifes.
Par arrêt du confeil du 29 feptembre 1747» **a”s
avoir
avoir égard aux a&es faits entre les propriétaires du
terrain qui contient les carrières d’ardoifes ouvertes
& à ouvrir aux environs de la ville d’Angers , 6c
les entrepreneurs defdites carrières : ordonne qu’il
fera payé une feule fois par lefdits entrepreneurs
defdites carrières ouvertes & à ouvrir dans la fuite
aux propriétaires d’icelles, une fomme de mille quarante
livres par arpent pour celles quine pasfontfuf-
ceptibles de culture , ou un loyer par an à raifon du
denier dix defdites fommes principales réglées par
chaque arpent , pendant le temps feulement que
durera l’exploitation de la carrière ; le tout au choix
du propriétaire auquel l’emplacement de ladite carrière
retournera à la ceffation de ladite exploitation.
Permet à toutes perfonnes de faire de nouvelles en-
treprifes pour tire* de l’ardoife, en convenant de
gré à gré avec les propriétaires du terrain, de leur
dédommagement ; foit par le paiement une fois fait
des fommes ci-deffus, foit par un loyer annuel fur
le pied du denier dix defdites fommes.
Permet pareillement aux entrepreneurs qui ont
aôuellement ou auroient à l’avenir des carrières à
ardoifes ouvertes , & qui n’auroient pas fuffifam-
ment de.terrain pour les vidanges defdites carrières,
de fe procurer de la part des propriétaires voifins
celui qui leur fera nécéffaire, en leur payant comptant
le prix ci-devant marqué, ou le même loyer
annuel, auffi au choix defdits propriétaires.
L’ordonnance de Paris de l’an 1672 fur la moifon,
c’eft-à-dire fur la dimenfion & les qualités de l’ar-
doife, veut que l’ardoife deftinée à la conftruôion
des bâtimens de Paris & des environs , foit faite &
fabriquée de pierres tirées de la troifième foncée qui
fe trouvera au moins à vingt-fept pieds de profondeur
, & que l’ardoife tirée des deux premières
foncées refte dans la province, pour en couvrir les
bâtimens de la ville d’Angers & des environs.
Les deux efpèces d’ardoifes qu’on doit employer
pour la confommation de la ville de Paris & pour
l’entretien des maifons du R oi, font déterminées par
l’ordonnance : ce qui a été confirmé par un arrêt
du parlement du 5 août 1669. & eft dit que l’on ne
fabriquera que de deux qualités d’ardoife, l’une appelée
carrée forte , qui aura dix à onze pouces de'
long fur fix à fept de large & deux lignes d’épaiffeur ;
1 autre nommée carrée fine, qui aura douze à treize
pouces de longueur fur fept à huit pouces de largeur,
& une ligne d’épaiffeur de quartier fort fin & fonnant.
Ces deux fortes d’ardoifes font taxées par ce même
arrêt , la carrée forte à 22 livres, la carrée fine à
21 liv. 11 eft ordonné qu’elles feront féparées dans
les bateaux 6c dans les magafins.
Les entrepreneurs des verrières firent dans le temps
des reprefentations, & le plaignirent du tort que ce
réglement feroit à leur commerce ; mais ils ne furent
point écoutés. Le réglement fut confirmé par une
nouvelle ordonnance de 1672, à laquelle on n’a rien
changé depuis.
Par un article de cette Ordonnance, fervant de
réglement pour la moifon ou dimenfion, qualité 6c
vifite des ardoifes qui arrivent pour la provifion
de la capitale , il eff enjoint aux marchands trafi-
cans d ardoife pour Paris , de n’en faire venir que de
deux qualités ; favoir , de la carrée forte de dix à
onze pouces de longueur fur fix à fept de largeur ,
& ,^eux lignes d’épaiffeur fans être traverfine ,
ni melee de finnes ,* & de la carrée fine de douze à
treize pouces de largeur & une ligne d’épaiffeur,
cës deux fortes d’ardoife étant faites de quartiers fort
& fonnant, & tirées de la troifième fonçée de chaque
perrières. Il eft défendu pareillement de mélanger les
qualités d’ardoife.
Enfin, il eft ordonné aux jurés couvreurs de venir
au bureau de la ville , faire leur rapport des quantités
& qualités d’ardoifes qui font arrivées à chaque marchand,
d’en repréfenter les échantillons, pour le prix
en etre taxe ; & défenfes font faites aux marchands
de les expofer en vente, que les échantillons n’aient
été portés au bureau.
On envoie à Paris, à Rouen, & dans les principales
villes, les ardoifes les plus fines & tes meilleures.
La grojfe noire & les autres de moindre qualité
fe débitent dans les villes inférieures. On fait paffer
plus communément de la carrée fine & de la carrée
forte dans les pays étrangers , parce qu’étant d’un
plus petit volume que les autres, elles font moins
d’encombrement dans le vaiffeau.
Une carrière en valeur, rend par femaine environ
cent milliers d’ardoifes d’efpëces différentes ; & l’on
eftime que l’Anjou peut fournir par an vingt-cinq
a trente millions d’ardoifes de différentes qualités.
Les droits de fortie hors de France pour les ardoifes
, font de quinze fous par millier, 6c les droits
d’entrée de dix fous.
L’art de l’ardoifier n’eft point établi en maîtrife ;
mais dans les endroits où il y a maîtrife , le droit
d employer l’ardoife pour la couverture des maifons %
appartient aux maîtres couvreurs. -
Al Aligner , ou dresser la carrière ; c’eft faire
ouverture d’une ardoifière dans la direction convenable
à fon exploitation.
Alignoirs , ou alignonets, font des outils
' Cn ^orme coin pour ranger les écots • c’eft-
a-dne , abattre les fragmens qui font reftés après
Réparation des blocs d’ardoife.
Arts £» Métiers» Tçme I. Partie l.
Ardoise ; matière pétrifiée de la nature de l’argile
, qui fe divife en lames minces , plates 6c
unies.
Ardoisière; carrière d’ardoife, qu’on nomme
auffi perrière ou pierrière. *
Avantage ; c’eft un délit ou veine de matières
étrangères dans un fens incliné.