
l’enfournoit auflitôt. .Lorfqu’on juge que l’ardeur-eft
un peu ralentie, on ouvre le four, ôc on enfourne
le plus promptement qu’il eft poflible.
Manière £ enfourner.
‘ Pour enfourner y on prend la pelle deftinée à cela ,
qui doit être toujours tenue fort propre, & on met
le pain deffus. On commence toujours par les plus
gros pains, dont on garnit le fond & les côtés du
four , gardant le milieu pour y placer le petit pain,
C ’eft aufli par ce milieu qu’on finit d’enfourner.
Temps de la cuiffon.
Après avoir enfourné , on a foin de bien boucher
le four, ôc d’en étoüper la bouche avec des linges
mouillés, de crainte que la chaleur ne fe diflipe.
Deux bonnes heures ôc demie après, qui eft environ
le temps néceffaire pour cuire le pain bourgeois, on
en tire un pour voir s’il eft affez cuit, particulièrement
en deflous. On le frappe du bout des doigts, ÔC
s il refonne ou qu’il foit affez ferme, c’eft une marque
qu’il eft temps de le tirer ; finon, on le laiffe encore
quelque temps, jufqu’à ce qu’on reconnoiffe qu’il
foit tout-à-fait cuit. *.
Pour le gros pain , on ne le tire que quatre heures
apres qu il ajété enfourné , examinant s’il eft cuit de
la meme manière qu’on l’a dit pour le pain bourgeois ;
car, fans une parfaite cuiffon, toute forte de pain a
toujours quelque chofe de défagréable. S’il n’eft pas
cuit, il fent la pâte ; & s’il l’eft trop, il devient ronge
& perd tout fon goût. A force de faire du pain,
l’expérience rend affez favant dans cet art.
Lorfque le pain eft bien cuit, on le tire du four,
puis on le pofe fur la partie la plus cuite , afin qu’il
s’humeéte en refroidiffant : par exemple, s’il a trop
de chapelle, c’eft-à-dire, fi la croûte de deffus eft
trop elevée, ce qui arrivé ordinairément lorfqu’on
n ote pas la cendre en chauffant le four, on range ce
pain mettant le deffus deffous: au lieu que s’il eft également
cuit, on l’appuie contre le mur, en le pofant
fur le côté qui eft affez cuit.
Le pain étant cuit comme il faut & rangé de la
maniéré que je viens de dire, on obfervera de ne le
point renfermer qu’il ne foit refroidi.
Sa chaleur étant abfolument paffée, on l’enfermera
dans une huche, obfervant toujours de l’y pofer
fur le cote, afin qu’il puiffe avoir de l’air également
par-tout. Bien des; gens le laiffent indifféremment fur
la table de la boulangerie ; jamais il ne .s’y conferve
auflï-bien que lorfqufil eft renfermé à propos ; car, ou
il fe sèche trop en été, ou en hiver il eft trop fuf-
ceptible de gelée. On aura foin aufli, pendant les
grandes chaleurs, que la huche foit placée dans la cave,
afin d’empêcher le pain de moifir.
Manière ancienne de faire cuire le bled.
•rP*nS ^es Prer^ ers âges du monde, on faifoit
riffoler les épis du froment, ôc l’on en mangeoit en-^
fuite le grain pur ; quelque temps après on pila le
grain; démêlé avec de l’eau, on le fit cuire, on le
mangea en bouillie. Quelques perfonnes imaginèrent
de piler le grain avec très-peu d’eau, ôc d’en faire
cuire la pâte fur la cendre chaude : on raffina fur cette
découverte , on imagina de faire cuire la pâte fur des
pierres échauffées : on creufa les pierres , & l’on y
fit cuire des gâteaux. Suidas dit qu’un Egyptien
nommé Anrïos, imagina de faire de petits fours : on
préfume qu’ils étoient carrés, apparemment parce
que les Egyptiens ont ignoré pendant plufieurs fiècles
l’art de faire les voûtes, il y a grande apparence que peu
après l’on creufa des bancs d’argille , ôc l’on y fit des
fours d'une feule pièce. Cet ufage fubfifte encore dans
quelques provinces de la France. L’on imagina dans
la fuite les fours totalement conftruits en briques
cuites ; on tenta d’y fubftituer des pierres meulières
ou fableufes , telles que le grès , le granité, ôc l’on
en fit la voûte ôc l’entablement. Dans des temps
poftérieurs, l’on a imaginé de conftruire la voûte des
fours en briques crues, durcies au foleil, ôc liées avec
de la terre glaife qui fert de mortier. Enfin, lanécef-
fité a fait imaginer les fours portatifs à la fuite des
armées : ils font compofés de plaques épaiffes de fer
ou de gueufé. Nous obferverons que \es fours tota-
j lement conftruits en terre glaife , que l’on a enfuite
fait durcir en échauffant graduellement peu-à-peu,
jufqu’à ce qu’un feu extrêmement violent ait à demi
vitrifié la terre glaife , font les meilleurs ; le pain y
cuit facilement, parfaitement ôc à peu de frais, fur-
tout, i° . lorfque la voûte n’eft pas trop élevée;
z°. lorfque l’on a eu foin de donner beaucoup d’é-
paiffèur aux reins de la voûte ; 3 °. lorfque l’çn a réparé
exactement les crevaffes. Les fours en plaques de
fonte ou de gueufe , brûlent ordinairement la croûte
du pain, fans cuire fuffifamment l’intérieur de la pâte.
La pratique de ces fours eft affez difficile à faifir : au
contraire, les payfans les plus groflïers peuvent facilement
apprendre à échauffer parfaitement les fours
qui font conftruits en briques ou en grès.
Les fours oh l’on fait cuire le pain deux ou trois
fois le jour , exigent infiniment moins de bois pour
les échauffer , que ceux ou l’on ne cuit le pain que
toutes les femaines.
Différentes fortes de pain.
Les diverfes efpèces de farine dont les boulangers
font leur pain, font la pure fleur de farine pour le
pain mollet ; la farine blanche d’après la fleur, pour
le pain blanc; les fins gruaux mêlés ayec cette dernière.,
pour le pain bis-blanc ; les gros gruaux, avec
partie de farine blanche ôc de fin gruau, pour le
pain bis.
Le pain fe fait de farine de maïs dans la plus grande
partie de l’A fie , de l’Afrique ôc de l’Amérique ;
outre le maïs , l’Amérique a encore la racine de
caffave, dont le fuc récent eft un poifon , mais dont
la racine que l’on en tire fait un pain délicat ôc nour-
riffant.
Le pain bis, eft le nom de la moindre elpèce de
pain ; on le fait avec une partie de farine blanche »
& des gruaux fins ôc gros. On y mêle aufli des rô-
coupettes, mais ce n’eft que dans les chertés.
Le pain bis-blanc, fignifie le pain au deffous du
blanc; il eft fait de farine blanche 6c de fin gruau.
Le pain blanc, eft le nom qu’on donne au pain fait
de farine blanche, Ôc tirée au bluteau d’après la fleur
de farine.
Le pain de brane eft le pain de douze livres.
Le pain chaland, eft un pain très-blanc , fait de
pâte broyée, -
Le pain chapelé, eft un petit pain fait avec une
pâte bien battue 6c fort légère, aflaifonnée de beurre
ou de lait.
Le pain chapelé , fe dit encore d’une efpèce de
petit pain dont a enlevé la plus groffe croûte avec
un couteau.
Le pain de chapitre eft une efpèce de pain fupé-
rieur au pain chaland, qu’on peut regarder comme le
pain mollet de ce dernier.
Pain cornu, nom que les boulangers donnent à
cette efpèce de pain qui a quatre cornes, 6c quelquefois
plus. C ’eft de toutes tes efpèces de petit pain
celui qui fe fait avec la pâte la plus forte 6c la plus
ferme.
Le pain à la figovie fignifie une forte de pain-qui
a une tête au milieu. Il eft fait avec une pâte d’un
tiers plus forte 6c plus dure que celle du pain à la
reine.
Le petit pain eft un pain fait avec une pâte plus
ou moins legére, felon l’efpèce de pain, du beurre ,
du lait ou de levure. Le petit pain fe divife en pain
à la reine, pain à la figovie , pain chapelé , pain
cornu, comme nous venons de le marquer.
Quelques boulangers de’Paris font leur petit pain
avec lés gruaux qu’ils font remoudre : il bouffe en
effet davantage ; mais n’eft jamais fibon que celui de
fleur de farine.
Le pain de rive eft un pain qui n’a point de bifeau,
ou qui en a très-peu. Il ne manquera pas, dit Molière
dans fon Bourgeois-Gentilhomme , ait. IV. fcène I. ,
de vous parler d’un pain derive, relevé de croûtes 1
croquantes fous la dent.
Des façons a donner a,ux principales fortes de pains.
Pour le pain £ avoine, il faut que le levain foit :
fort; on doit prendre l’eau un peu chaude, 6c tenir le *
four chaud : le bien cuire 6c long-temps,6c le garder au
four fuivant la groffeur du pain, parce que le dedans
eh eft toujours gras. Il demande un grand apprêt.
La pâte doit en être bien travaillée 6c bien ronde.
Pour le pain d'orge, il ne faut en levain que le tiers
de la maffe de la pâte. Trop de levain le rend trop
lourd 6c trop gras en dedans. 11 veut être bien travaillé.
On le pétrit à l’eau douce, parce qu’il femble
porter fon levain avec lui-même. Il ne lui faut pas
beaucoup d’apprêt. Le four doit être chaud. Ce pain
porte bien la cuiffon.
Les payfans Allemands font encore un mélange
de pommes de terres 6c de farine d’orge, ÔC ce mélange
leur paroît de très-bon goût.
Pour le pain de feigle, il faut faire de grands levains
, à ntoitié de la quantité de la pâte ; prendre
l’eau fraîche 6c faire la pâte forte : donnez bien de
l’apprêt, parce que le feigle eft toujours doux. Tra-
vaillez-le beaucoup. Que votre four foit très-chaud :
que le pain y refte long-temps, cependant félon (a
groffeur.
Comme le pain de feigle eft le plus commun en
Allemagne, on le fait dans la dernière pèrfeâion.
On a aufli par-tout en Suède du pain d’orge 6c
d’avoine : dans quelques endroits on mêle du bled
farrazin avec de la farine de feigle.
Le bifouit de mer demande en levain un bon tiers
de la quantité de la pâte. Il faut que ce levain, foit
bon, naturel, bien fait, fort travaillé; un four bien
chaud, où on le laiffe au moins trois heures.
Le bifcuit eft un pain cuit deux fois. En Fran.ce cm
le fait de pur froment. En Allemagne, il eft plus
fouvent de feigle.
On fait pour le bifcuit une pâte très-ferme, on
la pétrit avec de l’eau chaude ; ôc cette pâte étant
très-dure , on fe fert de rouleaux de bois pour
l’applatir.
Le pain de bifcuit doit avoir 24 à 27 pouces de
circonférence, ou 8 à 9 pouces de diamètre6c 1$
à 16 lignes d’épaiffeur.
Quand on a façonné les bifcuits, on les mèt fur
des tablettes.
Il faut piquer les bifcuits comme les pains à foupe,
immédiatement avant de les mettre au four, afin
d’empêcher que le bifcuit qui doit être plat pour
être plus cuit, ne fe bourfouffle dans le four. On
fe fert pour cela de piquôirs de fer faits exprès , à
cinq ou fix dents.
11 y a des nations du nord qui font pour leur
nourriture une efpèce de bifcuit, qui eft comme font
ici les pains de foupe ; ils remettent une fécondé
t fois leurs pains dans le four chaud, ôc enfuite on
les gardé enfilés1 dans le grenier.
Le pain de bled, façon de Goneffe , veut de grands
-levains1, Ôc -l’eâü douée. Fàites la pâte forte ôc bien
foutenante. Travaillez-la beaucoup ; enfuite remet-
tez-ÿ lun peu d’eau fraîche par déffus, afin d’éclaircir
ou délayer la pâte,' Ôc travaillez enfuite. Quand
votre pâte fera bien travaillée, tirez-lâ du pétrin r
6c la tournez tout de fuite. Il ne faut pas qu’elle
entre en levain, mais point du tout. Diftribuez-la aux
poids que les pains doivent avoir. Tournez les plus
petits les premiers ; tournez enfuite les gros. Que lès
bannes ou facs foient toujours frais. Que les couvertures
fôientun peu humides. Que le four foit très-
chaud, afin que le milieu foit cuit. Que le four foit
plus chaud au premier quartier qu’au dernier. On
s’affure de la cuiffon prefque à la main.
Parlons du pain en pâle y ou de la quantité de pâte
à employer pour avoir, après la cuiffon, un pain <£un
poids déterminé. Un pain de quatre livres veut quatre
livres onze onces.de pâte ; un pain de trois livres ,
trois livres Ôc demie de pâte ; un pain de fix livres ,
i - fix livres ôc trois quarts de pâte ; un pain f e huit