
du pain qu’on a à faire. On emploie plus de levure
pour le pain mollet, Si moins, pour la pâte ferme.
On ne met point de levure au pain bis, à moins
qu’on ne foit bien preffé de le faire , d’autant que
la pâte bife fermente plus aifément que celle du
pain blanc.
Le temps de mettre la levure, eft après avoir
ôté le levain : on frafe Si l’on contre-frafe, enfuite
on ôte le levain , puis on fait un petit creux dans
la pâte commencée pour y délayer la levure avec
un peu d’eau.
11 faut obferver ici qu’on ne peut conferver un
levain fait avec la levure , parce qu’il fe dénature
bientôt, Si devient promptement aigre.
Levains artificiels•
Tout ce qui eft capable de faire fermenter, peut,
dans le befoin , fervir de levain. La préfure, ou le
lait caillé qu’on trouve dans l’eftomac d’un veau,
le vinaigre , la bière même , feront fermenter la
pâte, & en repétriffant avec de la farine & de l’eau,
on affoiblit le goût du levain, fans en diminuer la
force.
En Angleterre , les boulangers préparent leur
levain de la façon fuivante. Ils font une pâte de
farine Si d’eau dans laquelle ils mettent de la levure
affez pour exciter une fermentation : on ajoute un
peu de fel pour empêcher que la levure ne faffe
trop fermenter la pâte. La pâte ainfi préparée , s’appelle
l’éponge. On laiffe l’éponge dans un vafe pendant
cinq hôures.
Du fel dans la pâte.
Le fel, employé à propos dans la compôfttion du
pain , perfectionne cet aliment.
On fait plus de pain avec la même quantité de
farine lorfqu’on y met du fe l, que lorfqu’on n’y en
met point, parce que le fel diffous dans l’eau, fait
que ce fluide pénètre plus intimement la farine.
Le fel contribue encore à rendre le pain plus léger
& de meilleur goût.
Le fel corrige le mauvais goût des farines des
bleds qui ont été gâtées, ou d’un levain trop avancé,
Si il exalte le goût du fruit ou du bon grain dont on
a fait la pâte du pain.
Au refte , le fel ne change rien à la quantité du
levain naturel qu’on doit employer.
La pâte, dans la fabrication de laquelle il eft entré
du fel , a plus de peine à prendre couleur dans le
four en cuifant, que lorfqu’il n’y a point de fel,
mais il fait aufli que la croûte de ce pain s’amollit
mieux en mitonnant, & qu’elle fe diffout en s’étendant
dans le liquide fans fe féparer en miettes & en
y confervant fa forme ; c’eft pourquoi il faut mettre
du fel dans la compofition des petits pains à café
& dans celle des pains à potage.
Le fel eft bon pour foutenir la pâte que les boulangers
nomment veule ou lâche ; il a plus de force
que la levure pour donner du corps à la pâte , Si la
pâte foutenue par le fel, fe conferve toujours mieux
que par la levure.
Le fel retarde l’apprêt des levains & de la pâte,
mais il rend cet apprêt plus parfait en le retenant,
la fermentation fe fait ainfi plus intimement Si le
pain en eft plus léger.
Il faut proportionner l’emploi Si la quantité du
fel à la qualité de la farine.
Le temps de mettre le fel dans la compofition du
pain, c’eft quand après avoir délayé le levain , on
met de l’eau la fécondé fois, .qui eft pour pétrir.
Il eft d’autant plus avantageux de mettre du fel
dans la compofition du pain bis Si du gros pain,
qu’il retient une fermentation trop prompte Si la
rend plus parfaite.
Le fel eft fur-tout utile dans le pain des pauvres
& des gens de la campagne , pour le rendre plus
reftaurant Si pour fuppléer en partie au défaut d’autre
nourriture.
Mais il faut bien s’abftenir de l’excès du fel dans
la fabrication du pain, & il y auroit plus d’incon-,
vénient à y en mettre trop que trop peu.
Fabrication de la pâte pour le pain•
Lorfqu’on a préparé les levains, lorfque celui de
tout point à fon apprêt, on ne peut différer de com-
pofer la pâte pour faire le pain : on met pour cela
dans le pétrin plus ou moins d’eau pour pétrir,
félon que l’on a plus ou moins de gros pains à faire,
félon que l’on veut préparer une pâte ferme ou une
pâte molle.
Il y a des boulangers qui règlent la quantité d’eau
par celle de la farine , dont ils ont pris un poids
déterminé ; d’autres règlent, comme on fait ordinairement
à Paris, la quantité de farine fur la quantité
d’eau qu’ils mefurent.
En général, il faut pour pétrir employer la farine
& l’eau en trois temps Si en trois parties : on prend
d’abord les deux tiers de la quantité de farine , Si
les deux tiers de la quantité d’eau qu’on fe propofe
de mettre en pâte ; enfuite on y ajoute le quart de
cette quantité d’eau & de farine à employer ; & en
dernier lieu on ramaffe & l’on y mêle à la totalité
le reftant de la Farine & de l'eau. -
On commence par préparer au bout du pétrin fur
la main gauche , ce qu’on appelle la fontaine , dont
la conftruftion confifte à former une réparation avec
de la farine qu’on éleve dans le bout du pétrin , Si
qu’on preffe pour retènir l’eau. Cette fontaine occupe
environ le quart ouïe tiers du pétrin, félon la quantité
de la pâte qu’on a à pétrir, Si félon la grandeur
du pétrin ; on la forme plus grande quand on a à
pétrir pour faire le pain , que lorfque c’eft pour
refaire feulement les levains.
Lorfqu’on eft prêt à pétrir , on met dans cette
fontaine le levain de tout’ point , & l’on y verfe
l’eau ; le levain quitte auflitot le fond du pétrin , &
il nage dans l’eau s’il eft bien fait Si s^l eft pris dans
fon point.
11 faut avoir fois de délayer fi exa&ement 1$
levain, qu’il ne refte dans cette diffolution aucuns I
grumeaux. ^ ^
Dès que le leVain eft entièrement délayé, on fait
écouler de la fontaine dans le pétrin cette diffolution
, en faifant une brèche à la féparation qui
forme la fontaine , Si auflitot on attire légèrement
les deux tiers de la farine de l’autre bout du pétrin ,
vers le milieu où eft la diffolution la plus liquide ;
c’eft ce qu’on nomme pétrir.
Enfuite on prend encore les deux tiers du tiers
reftant de la farine, qu’on mêle promptement de
gauche à droite avec la première qui eft déjà en
pâte molle. On forme ainfi la pâte plus sèche que
la première fois, fans cependant qu’elle foit ferme ;
c’eft ce qu’on nomme frafer.
Chaque façon qu’on donne à la pâte , chaque
reprife du travail pour la faire, eft nommé tour.
Après avoir donné le fécond tour, on verfe fur
la totalité environ les deux tiers du reftant de ce
qu’on a à employer d’eau , Si l’on y enfonce promptement
par-tout les mains pour y faire pénétrer
l’eau ; puis on répand le reftant de (a farine fur toute
la longueur Si la largeur de la pâte ; c’eft ce qu’on
nomme jetter en couche.
Auflitot après on divife la pâte en petites parties,
Si fans relâche , on l’enlève en gros morceaux ,
qu’on jette d’un bout du pétrin à l’autre ; c’eft ce
qu’on nomme eontre-frafer.
Après avoir frafé Si contre •■ frafe , on verfe le
reftant de l’eau qu’ôn enfonce vite dans la pâte avec
les mains fermées , qu’on rouvre dans la pâte même
en les retirant ; enfuite on agite la pâte en la maniant
avec .promptitude Si avec force, fur-tout la prenant
par les bords de la maffe ; c’eft ce qu’on nomme
travailler la pâte.
L’on a foin de raffembler toute la pâte qui eft attachée
au pétrin, Si de faire enforte qu’elle foit partout
unie Si fans grumeaux. Enfuite, pour l’achever
& la perfeélionner, on la découpe Si on lui donne
encore plufieurs tours.
On découpe la pâte, comme nous l’avons dit, en
la divifant avec les deux mains fermées , en pinçant
Si en arrachant la pâte avec les doitgs index pliés &
les pouces alongés ; & on bat la.pâte en la prenant
par pâtons de douze à dix-huit livres. On tourne
ces pâtons avec les deux mains de dehors en dedans,
vers foi Si de haut en bas. On les jette tout de fuite
à l’autre bout du pétrin , en les lançant de droite à
gauche, Si de gauche à droite. Cette agitation forme
dans la pâte qui a acquis beaucoup de liaifon, des
efpèces de veffies remplies d’air qu’on y enferme
par ces mouvemens. Une partie de cet air pénètre
la pâte , Si lui donne plus de confiftance ; il la sèche,
& il y forme avec l’aide de la chaléut* de la fermentation
Si de la cuiffon , tous les petits, trous qu’on
voit dans le pain lorfque la pâte a été ainfi bien
travaillée.
Cet air introduit dans la pâte en fait partie Si en
augmente la quantité, ainfi que l’eau qui s’y incorpore
intimement.
„ On recommence au cinquième tour à couper la
pâte & à la battre , ce qui la sèche de plus en plus
& en augmente la liaifon, en obfervant de mettre
chaque fois les pâtons les uns fur les autres, afin
que la pâte foit égale', Si quelle ait, autant qu’il eft
poflible , un même degré de molleffe & de fermeté
dans toutes fes parties! Ce travail dur & pénible fait
geindre le pétriffeur , qui de là eft appelé le geindre
dans la boulangerie.
Ce qui dénote le point de liaifon que doivent
avoir entre elles les parties qui compofent une pâte
bien pétrie, c’eft lorfqu’elle ne fe colle plus aux
mains : il faut que les mains qui font couvertes de
la pâte qui y eft attachée, deviennent libres Si nettes
en pétrifiant.
Enfin, pour parvenir à faire de bonne p âte, fl faut
obferver en général de pétrir légèrement d’abord,
& de frafer peu-à-peu, c’eft-à-dire par parties, mais
toujours promptement, obfervant de ne commencer
à agir un peu fort que lorfqu’on contre-frafe. Il eft
néceffaire d’aller enfuite avec force Si viteffe pour
découper, & d’employer toutes fes forces Si beaucoup
de célérité pour battre la pâte ; en un m o t,
il faut frafer légèrement , contre - frafer promptement ,
Si battre la pâte fortement : c’eft en quoi conftfte
tout l’art du pétriffeur.
On ne doit être qu’une demi-heure ou trois quarts-
d’heure au plus pour pétrir deux cents livres de
pâte ; en y mettant plus de temps, on rifqueroit
d affoiblir & de faire manquer la fermentation de la
pâte.
Il y a différentes méthodes communes de faire
le pain, dont voici les principales auxquelles on
peut rapporter les autres. A Paris, quelques boulangers
font dans l’ufage de prendre, î’après-midi, un
morceau de pâte gros comme le poing pour faire
le levain de chef, qu’ils renforcent avec Un peu de
farine, Si qu’ils laiffent entre deux febiîlès jufqu’au
lendemain trois heures du matin , : les veilles de
marché, fur-tout de celui du mercredis Les autres
jours ils le laiffent fept heures; au bout duquel temps
ils le refont pour un levain dé premier d’envirofi huit
livres : au bout de huit heures , il en font un levain
de fécond d’environ vingt-cinq livres.
Quatre heures après, ils font un levain de tout
point de 6o à 8o livres ; & ils le laiffent près de
deux heures à lever.
Enfuite ils prennent trois féaux d’eau pour pétrir ,
Si ils en ont pris un feau Si demi pour pétrir les
levains.
Après avoir déchargé leur levain de tout point,
ils ajoutent une demi-livre de levure sèche qu’ils
délaient avec.
Enfin, ils pétriffent, ils frafent Si eontre-fafent ;
ils ne découpent point la pâté , Si ris ne la battent
pas. Ils donnent à la pâte quatre tours après l’avoir
frafée & contre-frafée.
Ils retirent de la maffe environ 8o livres, pour
enr faire un levain de tour point, Si iis laiffent le
refte de Ia pâte pendant une demi-heure à prendre