
étreffe , & achève d’entr’ouvrir toutes les bordures,
& fépare entièrement les étreffes qui n’adhéroient
effectivement que par ces extrémités. Il fait la même
opération fur les cinq à fix étreffes qui forment une
main.
Après qu’on a féparé les étreffes, on les livre et
des femmes qui les vifitent & qui enlèvent, avec de
petits couteaux pointus (pl. VI, fig. x ) , les brocs ,
les ordures, les fables, & les, autres corps étrangers
qu’elles rencontrent à la furface des étreffes : on leur
recommande fur-tout de ne pas trop évider le papier
en détachant les ordures, parce que le creux
îeroit fenfible fur les cartes.
A rt. V . D u t r e m p a g e & d u moulage d u papier
au pot.
Jufqu’à préfent nous n’avons parlé que du mêlage
des papiers & du premier collage. Tl n’a été queftion
dans tous les détails précédens , que de la formation
des étreffes compofées, ou de deux feuilles de main-
brunes, ou d’une feuille de main-brune & d’une
feuille de pot commun; ou bien enfin, d’une feuille
de main-brune & d’une feuille de cartier.
Il ne refte donc plus qu’à compléter les cartons qui
doivent former les cartes ; mais comme dans tous
ces différens cas, il eft néceffaire d’ajouter à ces
cartons une feuille de papier au p ot, fur lequel fe
trouvent figurés les têtes & les points, il importe
beaucoup de faire voir en quel état doit être ce papier
, avant d’entrer dans la compofition de ces
cartons pour les compléter. Les cartes, en tant que
repréfentant des têtes , font des eftampes enluminées
où toutes les figures font faites à deux fois : c’eft-à-
dire, que les contours & les principaux traits font
d ’abord imprimés en noir, & que les vides fortt remplis
par la fuite en couleur au moyen des patrons :
or , il eft vifible que le papier au pot ne peut recevoir
l’impreflion des traits & des contours des figures
propres à guider l’opération des enluminures , s’il
eft collé aux étreffes & qu’il faffe partie d’un carton
épais & folide : il faut donc qu’on l’imprime avant
de le coller. Mais d’un autre côté, il pourra recevoir
avantageufement les enluminures après qu’il aura
été collé : voyons donc maintenant toutes ces opérations
dans l’ordre qu’elles doivent avoir.
Les planches ou moules qui fervent à l’impreflion
des contours & des premiers traits des figures fur
le papier au pot, font ou en bois ou en cuivre :
& ce qui forme les traits eft en relief, & les efpaces
qui doivent refter en blanc, font creufés profondément
dans le bois ou dans le cuivre. Les noms des
figures en toutes lettres y font aufli en relief ; fa-
voir A lexandre, pour le roi de trèfle : D a v id ,
pour le foi dépiqué, &c. Au bas de toutes ces têtes
fe trouve aufli en relief, le nom du fabriquant,
comme Man drou , R aisin , & è . Le valet de trèfle
n’a pas de nom particulier, mais comme il porte à
une main ' l’enfeigne du cartier & fon adreffe, &
qu’il a à fes pieds le nom de lagénéralité où les cartes
ont éiç fabriquées, comme G ,D , .Paris : pour in-*-
diquer la généralité de Paris, tous ces différens détails
font en relief dans le moule du valet de trèfle.
Quant aux points, coeur, carreau, pique, trèfle
qui font au haut des mêmes cartes en figures , fl
n y a que les traits qui encadrent ces points, qui
foient marqués fur les moules. Depuis Tétabliffement
de l’impôt fur les cartes, il eft défendu aux maîtres
cartiers d’avoir chez eux aucun moule, ni d'imprimer
les traits des figures. Ils font obligés d’aller faire leurs
impreflions au bureau de la régie, où l’on a établi
à cette intention des moules qui fervent à tous les
maîtres cartiers : on a gravé feulement fur des pièces
de rapport qu’on peut adapter aux moules, le nom
des fabricants & leurs enfeignes ; c’eft ce que l’on
appelle bluteau.
Ces moules font de différentes grandeurs, fui-
vant le nombre des figures renfermées dans une
feuille de papier au pot: dans certaines généralités,
ces feuilles en contiennent vingt-quatre & même
trente. Mais l’ufage ordinaire de la généralité de
Paris & de l’Alface où il s’en fabrique une très-grande
quantité , eft de ne placer que vingt cartes foit de
têtes, foit de points, dans l’étendue de la feuille du
papier au pot ; & nous allons raifonner fur ce
pied-là.
D’après cette combination, les figures font diftri-
buées fur les moules à quatre de hauteur fur cinq
de largeur. Voyez (planche I , fig. ƒ. ) l’un des deux
moules qui fervent à l'impreffion des douze figures adoptées,
par un ufage ordinaire, dans les jeux : on y a
figuré les contours & les traits des têtes , à favoir
des deux rois & des deux dames de coeur & de
carreau : des deux rois & des deux dames de trèfle
& de pique ; enfin, des valets de trèfle & de pique.
L’autre moule qu’on a cru devoir Supprimer dans les
figures, comme inutile à l’intelligence des procédés
de l’art, renferme les traits des deux valets rouges,
& contient dix valets de coeur & dix valets de carreau.
La raifon qui a déterminé à diftribuer les figures
des têtes fur deux moules différens, c’eft que l’on
enlumine de cinq couleurs les figures contenues dans
le premier moule; favoir, le rouge, le bleu, le jaune ,
le gris & le noir : au lieu que les figures renfermées
dans le fécond moule, ne reçoivent que les quatre
premières couleurs , parce que l’on fupprime le noir
dans l’enluminure des deux valets rouges. Au moyen
de cette diftribution des figures en deux moules,
on imprime cinq feuilles de rois & dames des deux
couleurs , & de valets noirs contre une feuille de
valets rouges, & l’on a une quantité fuffifante pour
compléter dix jeux.
Il r/eft plus queftion maintenant que de donner
la compofition de l’encre ou de la couleur noire avec
laquelle on imprime les traits des figures dont nous
venons de parler. Ce procédé eft fort fimple : on
délaie dans la même colle dont on fe fert pour coller
les cartons, une certaine quantité de noir de fumée ,
& on' laiffe digérer quelque temps ce mélange : il y
a des cartiers qui ajoutent du fiel de boeuf, dans
l’intention de rendre ce noir plus coulant ; mais on
général, plus le noir de fumée refte de temps dans
la colle , plus il y a de temps qu’il a reçu fa préparation
§ & meilleur il eft pour l'impreffion. Il y. a des
cartiers qui gardent un pied de noir trois ou quatre
ans, & qui s’en trouvent bien.
Il refte à décrire une préparation .qu’il faut donner
au papier pour qu’il prenne mieux l’impreffion des
traits. Cette préparation confifte à le rnoitir, c’eft-
à-dire , à le tremper dans l’eau comme celui qu’on
emploie à l’impreffion.
L’ouvrier chargé de cette préparation du papier
au pot, place à fa droite fur une table un baquet
plein d’eau, & à fa gauche le papier au pot qu’il
veut rnoitir: il prend fix à fept feuilles de ce papier;
il les paffe dans l’eau , & les pofe fur un ais qui eft
devant lui ; enfuite il prend même nombre de feuilles
sèches qu’il place fur les feuilles mouillées , & fur
celles-ci cinq ou fix autres qu’il a trempées de même,
& ainfi de fuite jufqu’à ce qu’il ait épuifé tout le tas
par des additions fucceflives de feuilles sèches & de
feuilles mouillées ; enfin , il porte le tout fous la
preffe, & en la faifant agir doucement, il fait pénétrer
l’eau également, tant dans les feuilles sèches
que dans les feuilles qui ont été trempées ; & pour
que-tout le tas foit-bien également pénétré d’eau,
& propre à recevoir les impreflions du moule , on
le laiffe fous preffe pendanffix heures au moins. Le
plus fouvent on rnoitit la veille toute la quantité de
papier qu’on fe propofe de mouler le lendemain.
Pour mouler, l’ouvrier commence par aflùjettir le
moule fur quatre pieds qui entrent dans des trous
pratiqués à la table fur laquelle on moule : les deux
pieds qui font du côté de l’ouvrier, font plus hauts
que les deux autres.
Il a devant lui un pot plein de noir , où il prend
avec un pinceau de quoi garnir la furface d’une
pierre ; puis il paffe une broffe fur cette pierre
pour qu’elle fe charge également de la couleur
noire , & l’applique auflitôt fur le moule ,* enfuite il
étend adroitement fur ce moule une feuille de papier
au pot toute moite , & avec un frotton qu’il paffe
plufieurs fojs fur le papier, il fait qu’il adhère exactement
à tontes les parties en relief du moule ; par
ces manoeuvres, tous les traits fe trouvent imprimés
fur le papier au pot ; en un mot , ce papier eft
moulé. Lq frotton, qui fait ici la fonction de la preffe
d’imprimerie, eft une efpèce de balle compofée de
plufieurs lifièresou d’un tiffu-de crin roulés de manière
que la face qu’on applique fur le papier, en foit
plate & unie > & que le haut, par où l’ouvrier la
faifit, ait la forme d’un fphéroïde alongé : on peut
Voir le frotton fpl. l l l , fig. 13. )
On hume&e de temps en temps le frotton avec
tan peu d’huile, pour qu’il n’adhère pas à la feuille
«Juil preffe , & qu’il ne la déchire pas; on évite
aufli avec foin d’employer dans le moulage une colle
trop chargée de noir, ou d’en mettre fur le moule
une couche trop épaiffe ; car alors l’impreffion des
traits eft fujette à contre-marquer quand on met les
cartons fous la preffe lorfqu’on a collé en ouvrage ;
ce que les ouvriers appellent b ai fer 3 & d’ailleurs le
noir trop épais eft également fujet à d éten d re fous
la liffe.
A rt. VI. S e c o n d m ê l a g e & fécond collage.
Maintenant que le papier au pot a reçu l’impref-
fion des traits des figures, il peut entrer dans la
compofition des cartons qu’il eft queftion de compléter
par le fécond collage. On fe prépare à cette
opération comme au premier collage , en mêlant les
papier & cartons fuivant des combinaifons différentes
, lorfqu’on doit faire des cartes de trois ou de
quatre feuilles.
L’opération du mêlage pour les cartes compofées
de trois feuilles, eft très-fimple. Comme par le premier
collage on a réuni une feuille de cartier avec
une feuille de main brune, il ne refte plus pour
rendre le carton complet qu’à y ajouter la feuille
de papier au pot, moulée pour les têtes, ou bien en
blanc pour les points.
Dans ce cas, l’ouvrier place à fa droite un tas
d’étreffes, compofées chacune d’une feuille de main-
brune , & d’une, feuille de cartier : ces étreffes font
ordinairement doubles, parce que l’on ,a eu foin lors
du féparage, au fortir de l’étendoir, d’en laiffer deux
unies enfemble,de manière que les deux feuilles de
cartier fe touchaffent, & fuffent renfermées au milieu
des deux cartons , pour être confervées propres
& fans taches, pendant les différentes manipulations
qu’ils fubiffent.
Le même ouvrier place à fa gauche un tas de
papier au pot, & pour mêler il pofe devant lui
d’abord une feuille de papier au p ot, ayant foin de
mettre deffous l’impreffion des traits; enfuite un
carton double ; puis deux feuilles de papier au pot ;
& fi ce font des têtes , les traits des figures doivent
être au-dedans des deux feuilles: il continue ainfi à
mêler dans cet ordre, jufqu’à ce qu’il ait formé un
tas d’environ quatre rames, & il finit par une feuille
de p o t , dont les traits font deffus. il eft aifé de
voir maintenant comment, après cette difpofition
préliminaire , s’éxecute le collage.
L’ouvrier pofe fur un ais devant lui la première
feuille de papier au p ot, les traits deffous : il e/z-
colle cette feuille en promenant la broffe chargée de
colle, comme nous l’avons dit lorfque nous avons
parlé du premier collage : il pofe enfuite deffus un
carton double, dont il encolle la feuille fupérieure,
qui eft de .main-brune, & pofe deffus deux feuilles
de papier au pot, dont il encolle la feuille fupérieurç*
& ainfi de fuite pour toute la diftribution des feuilles
cartons qui compofent les deux tas. Lorfque le
tas des cartons & des papiers collés eft ftiffifamment
épais, on le porte fous la preffe, qui par fon aétion
achève de rendre le collage plus folide & plus intime.
Après que les cartons ont féjourné fous la preffe
environ une heure , on les en tire ; on les pique, on
les épinglet on les étend, on les abat, comme on l’a
expliqué ci-devant à l’article du premier collage.
Le mêlagtL pour les cartes des petits jeux com