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à
blancheur ; on fait de celles-ci quatre lots : les plusbUn-
ches & les plus nettes , forment le premier lot qu’on
nomme la fleur : la fécondé nuance de blanc inférieur
forme le fécond lot ; les cartes qu’on y place
fe nomment premières ou premier fond. Le troifième
degré de blanc ou les brunes, forment le troifième
lot des fécondés ou du fécond fond. Enfin, celles qui
font au deffous, fe nomment maîtrejfes ou mailles.
Après tous ces triages on recpule les lots déjà formés
, pour examiner particulièrement fi les nuances
du blanc font égales : car un jeu compofé de
cartes un peu brunes , n’a aucun inconviént fi elles
font toutes au même ton ; au lieu que le mélange
des cartés brunes avec des cartes blanches , produit
un mauvais affortiment qu’on doit fur-tout éviter.
Nous avons remarqué en parlant du papier cartier,
^ art 1. ) que fouvent les deux faces d’une même
feuille de ce papier offroient des nuances de bleu
ou de blanc fort fenfiblement différentes , ôc cela
dans les fuperfins comme dans les fins. Si lors du
mêlage de ces papiers en n’a pas eu attention
de difpofer la même face des feuilles de maniéré
quelle fût collée au dehors des cartes , avec un
cartier en apparence du même ton de blanc ou de
■ bleu, après le collage & le Mage des cartons, on
aura des cartes dont l’envers offrira des tons de
blanc ou de bleus fort variés ; ces différences exigeront
donc des triages fort exafts pour affoptir lés
couleurs. J’ai fait des expériences chez M. Mandrou
aveedifférentes fortes'de papiers légèrement bleus, Ôc
fuivant qu’on avoit collé le dos des feuilles ou le
ventre dehors, on eut des nuances différentes fur
le revers des cartes après le Mage. Il nous parut
réfulter de ces expériences , qu’il importoit beaucoup
de difpofer dans le mêlage les feuilles du cartier
de telle forte que le même côté fût toujours
au dehors des cartes, & qu’il conviendroit même
Iorfqu’on devoit employer une certaine partie con-
fidérable de cartier d’une nuance particulière , de
faire des efiais pour reconnoître le côté de la feuille
qui feroit le mieux fur le dos des cartes, afin de
fuivre conftamment dans les mêlages la difpofition
oh il auroit le mieux réuffi. Il faut avertir ici que
par la fuite des procédés de la papeterie * le même
côté des feuilles du cartier eft toujours difpofé de la
même manière dans les rames.
H fe trouve ordinairement fur une boutée de quarante
fixains, deux à trois fixains de cartes tachées
ou décollées , une égale quantité de maîtrejfes 3 une
égale quantité de premières ôc fécondés ; le refte paffe
pour cartes de fleur ; ôc comme tous les jeux des
différens lots fe mêlent dans les fixains , il y a
bien neuf a dix pour cent de déchet ; mais ces
différentes proportions dépendent de la manière dont
tous les ateliers de la manufacture font montés, &
du ^choix des matières qu’on y emploie.
Quand les cartes font afforties ôc triées 3 on fait
la eoucke, c’eff-à-dire, qu’on fait les affemblages par
jeux en formant autant de fortes de jeux qu’on a de
lots ; on les arrange dans une boîte qu’on appelle
boute , & à laquelle il manque un côté. Voyei
( planche I I I , fig. if . ) Enfin , on finit par ployer les
jeux dans des enveloppes.
On prépare les enveloppes en les imprimant
commes les cartes, avec un moule qui porte Yen-
feigne , le nom Ôc la demeure du cartier. A l’extrémité
de ce moule , eft une petite cavité qui reçoit exactement
une pièce de rapport fur laquelle on a gravé
en lettres le nom de la forte de jeu que l’enveloppe
doit contenir ; comme p iq u e t , fi c’eft le jeu de piquet ;
médiateur, comète, fi ce font des jeux de médiateur, de
comète. Cette pièce s’appelle bluteau, ainfi que nous
l’avons déjà remarqué à l’égard des grands moules.
Comme il y a deux fortes d’enveloppes , l’une pour
les jeux , ôc l’autre pour les fixains, il y a plufieurs
moules pour les enveloppes j mais ces moules ne diffèrent
que par la grandeur.
Les cartes fe vendent au jeu , au fixain , ÔC à la
grojje , compofée de vingt-quatre fixains.
Les jeux fe diftinguent aufli en jeux entiers, en
jeux d’hombre, & en jeux de piquet, &c.
Les jeux entiers font composés de cinquante-deux
cartes : ils comprennent quatre rois, quatre dames ,
quatre valets, quatre dix, quatre neufs, quatre huit,
quatre fept, quatre fix , quatre cinq, quatre quatre-,
quatre trois, quatre deux, ôc quatre as.
• Les jeux d'hombre font compofés de quarante
cartes, les mêmes que celles des jeux entiers, excepté
les dix, les neufs, ôc les huit des quatres figures
qui y manquent.
Les jeux de piquet font de trente-deux cartes ; ifs
comprennent les as, les rois, les dames, les valets,
les dix , les neufs, les huit, & les fept, c’eft-à-dire,
huit cartes de chaque figure.
Le jeu de tri eft de trente-quatre cartes : il manque
tout le carreau, à l’exception du roi ; enfuite le dix,
le neuf, &. le huit des autres figures, 6c enfin le fix
de coeur.
■ Le jeu de brelan a vingt-huit cartes ; il- manque
tous les points, depuis les fept jufqu’au deux ; eja
tout vingt-quatre cartes des quatre figures.
Le reverfis eft compofé de quarante-huit cartes ;
il ne manque que les dix.
Les jeux de comètefont compofés de deux-paquets,’
contenant chacun quarante - huit cartes ; le paquet
des noirs renferme les cartes trèfle Ôc pique doubles.
A la place d’un des neuf de trèfle , il y a une
comète rouge ; il y manque outre cela les quatre as:
de même le paquet des rouges contient les cartes
i coeur ôc carreau doubles-; à la place d’un des neuf de
carreau, eft une comète ; les quatre as y font .auffi
fupprimées.
Les cartes font diftinguées, comme nous l’avons
déjà dit, en deux couleurs, en rouges ôc en noirs.
Les cartes rouges portent un cceur ou un carreau9
c’eft-à-d'ire , la figure d’un coeur, ou celle d’un
carreau en lofanees : les noires offrent un. trèfle o>u
un pique 3 c’e ft-a -d ire , la figure de la. feuille du
trèfle ôc du fer d’une pique. Les cartes font marquées
par ces figures, depuis le.roi jufqu’à l ’as ; an
y volt la marque du eoeur\ du carreau, du. trèfle , Ôc
du pique.
Les têtes en cartes ont différens noms ; le roi de
coeur s’appelle Charles ; celui’ de carreau , Çéfar ;
celui de trèfle , Alexandre ; celui de pique , David :
jla dame de coeur fe nomme Judith; celle de carreau,
Racket; celle de trèfle , Argine ; celle de pique,
Pallas,
Le valet de coeur porte le nom de la Hire ; celui
de carreau , le nom d'Heélor ; celui de pjque , le
nom d’Hogier; ôc le valet de trèfle porte le nom ôc
l’enfeigne au Cartier fabricant.
Quant aux points, voici quelle eft leur difpofition
: les dix portent dix points fur trois rangées ,
quatre , deux 9 Quatre ; les neufs portent neufs points
fur trois rangées, quatre , un , quatre ; les huit font
de même fur trois rangées 9 trois, deux, trois ; les
fept également fur trois rangées , trois, un, trois ;
les fix font difpofés fur deux rangées, trois , trois ;
les cinq fur trois rangées , deux , un , deux ; les
quatre fur deux rangées , deux , deux ; les trois fur
une rangée, ainfi que les deux, ôc au milieu de la
carte ; ôc dans les as , le point feu! eft placé au
centré de la carte.
Je n’ai point fait mention, dans la defeription
précédente , des Tarots r efpèces de cartes dont on
fait ufage en Efpagne , en Allemagne ôc en d’autres
pays : elles fe fabriquent de.même que les nôtres ;
mais elles font marquées différemment de celles
dont' on fe fert en France ; ôc au lieu que les nôtres
, font diftinguées par des coeurs , des carreaux , des
trèfles ôc des piques, elles portent des coupes, des
deniers , des 'épées , des bâtons , appellés en efpagnol
copas , dineros, cfpadïllas , baflos : outre cela, l’envers
ou le dos de ces cartes ou tarots , au lieu de
refter en blanc, eft chargé de divers compartimens
peints en blanc ou en noir. Il paroît qu’on en a
fabriqué autrefois en France , puifque, les cartiers
François prennent dans leur ftatuts de 1594 , le titre
de Tara tiers.
Les cartiers faifeurs de cartes à jouer, formoient
a Paris une communauté fort ancienne , lorfqu’ils
furent fupprimés comme tous les autres corps en
Ï776* On les nommoit papetiers - cartiers, ôc dans
leurs ftatuts, il prenoient les titres de maîtres du
métier de cartiers, faifeurs de cartes , tarots , feuillets
& cartons ; ou ceux de cartiers, tarotiers, feuilletiers
ÔC canonniers.
Les ftatuts dont ils s’étoient fervis jufqu’à l’année
de leur fuppreflion ; n’étoient que des ftatuts renou-
vellés en çonféquence de l’édit de Henri III , en
I5§ 1 i. ils avoient été confirmés ôc homologués en
*594 fous Henri IV : ils contenoient 22 articles,
auxquels Louis XIII ôc Louis XIV en avoient ajouté
quelques autres, fuivant les différentes demandes
qifen avoit faites la communauté.
Le premier Ôc le quatrième portaient qu’aucun.
ne. pourroit faire le métier de cartier s’il n’étoit reçu
maître, ôc s’il ne tenoit ouvroir ouvert fur la rue.
Les deuxième ôc, troifième fixoient l’apprentifTage
à quatre années, fuivies de trois autres de eomptv
gnonage, après lefquelles les ajpirans étoient obligés
de faire le chef- d’oeuvre , qui confiftoit en une
demi-grofle de cartes fines, ôc de paypr les droits-
aiix jurés pour être admis à la maUrife.
Les cinquième ôc fixième fixoient le nombre des
apprentis à un ou à deux , fi le maître tenoit chez
lui cinq ou fix compagnons ; ils défendoient auffi
aux maîtres de fe tranfporter leurs compagnons ,
fans en avertir les jurés.
Les feptième , huitième , neuvième ôc dix-hui-
ticme , fixoient les droits des fils , filles ôc veuves
de maîtres. il y étoit ordonné de faire trier ôc
éplucher lés étrejfes par les veuves ou les filles dé
maîtres, comme une reffource pour les familles qui
n’avoient pas réuffi dans le commerce.
Le feizième enjoignoit aux maîtres d’avoir une
marque différente les uns des autres, fur laquelle
dévoient être détaillés le nom , furnom , enfeigne
ôc devife de chaque maître.
Les autres articles regardoient l’éleélion des deux
jures.; ôc contenoient des règles de difeipline pour
les maîtres ôc les compagnons. Parmi ces réglemens,
il étoit • arrangé que les ouvriers ne pôurroiéut travailler
aux cartes, en été, que depuis quatre heures
du matin jufqu’à huit heures du foir.; & , en hiver ,
depuis cinq heures du matin jufqu’à neuf Heures dur
foir.Comme.il eft d’ufage d’accordér aux ouvriers
trois heures pour leurs repas, il s’enfuit que le temps
du travail des ouvriers étoit de treize heures chaque
jour pendant toute l’année.
Les corps ÔC communautés ayant été. rétablis ôc
créés- de nouveau à Paris par Ledit du mois d’août
1776, la communauté des cartiers fe trouva rétablie
après une fuppreflion de trois à quatre mois, ôc elle
ne fut pour lors réunie à aucune autre; mais, en
1779 , les difeuffions qu’elle avoiti eues avec les
papetiers - colleurs, déterminèrent l’adminiftration à
réunir dans une même communauté les cartiers ôc
les papetiers - colleurs - relieurs, fous la dénomination-
de papetiers-cartiers-relieurs. Les difpofitions qui concernent
cette réunion, font renfermées dans une
Déclaration du Roi, donnée à Verfailles le-6 mars /77P,
ôc regiftrée en parlement.le 23 du même mois.- '
Le 4 mai de là. même année , on donna un- réglement
de. police, concernant les compagnons & garçons
papetiers-colleurs & en meubles 3 cartiers-relieurs ; mais
il,ne paroît. pas qu’on ait encore pourvu à ce qui
concerne l’adminiftration intérieure des deux communautés.
Le corps dès ftatuts qu’on leur deftine
n’a pas .encore été .mis au. jour, ni reçu la fàn&ion du
miniftère public ; au refte , ces détails n’intérèffent
que d’une manière très-indire&e , l’àrt ÔC.l’induftrie-
qui vient de nous occuper.,