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Bois dune travée de trois toifes de long*
Trente-un madriers de coeur de chêne
de 16 pieds de long, fur 4 pouces d’epais,
& 6 pouces de large, à 30 livres chacun, 930 liv.
Cinq groffes pièces & demie de 19 pieds
de long , fur 8 pouces d’écarriffage, à 70
livres chacune, 3^1
Total defdits bois, 2215
Fer à employer à la confiruélion d’un bateau & d'une
travée.
2 Diagonales, eftimées 12 liv.
62 Boulons, eftimés 21
2 Barres, Ç
3 Attaches, 12
Ferrures néceffaires à un bateau, & au refie dune travée,
évaluées à 300 livres de fer , efiimé 72 liv*
Si l’on fe donne la peine de comparer
cet état avec la récapitulation des parties
du pont, qui eft à la fin de la première
partie de ce mémoire, on verra qu’il eft
exaâ ; d’ailleurs , il faut obferver que le
prix des bois a été pris à Paris, où il eft
néceffairement plus fort que. par - tout
ailleurs ; d’où il s’enfuit que le prix des
matériaux informes , 8t non compris la
main-d’oeuvre néceffaire à la conftruâion
d’un bateau & d’une travée qui eft de 3
toifes, fe monte au plus haut à la fomme
de 2337
Et par conféquent le prix d’un pont de
100 toifes ou de 600 pieds de long , fe
monte au plus haut à la fomme de 77900
D’où l’on voit que la dépenfe de ce pont n’eft
pas confidérable- relativement à l’importance de la
machine, & qu’une fois faite, comme on a obfervé
de n’employer que du coeur de chêne , il durera un
temps allez confidérable pour fervir fous plufieurs
règnes.
Jugement de B Académie royale des Sciences , fur le
rapport de MM. d’Alembert, le marquis de Cour-
tivron & de Vaucanfon, nommés par ladite Académie
à l’examen du pont expliqué dans le précédent
mémoire , inventé & propofé par M. Guïllote ,
officier dans la maréchauffée générale de l’île de
France.
Rapport fur le projet de confiruSlion d'un pont de
bateau , propofé à l’Académie par M. Guillote ,
officier dans la maréchauffée générale de l’île de
France.
MM. d’Alembert, de Vaucanfon & moi ( le marquis
de Courtivron ) ayant été nommés par l’Académie
pour examiner un nouveau projet de conftruc-
tion d’un pont de bateau , propofé par M. Guillote ,
officier de maréchauffée : nous avons cru ne pouvoir
en rendre compte d’une manière affez claire fans
entrer dans quelques détails. Nous ne fuivrons pas
dans ce rapport la divifion que fauteur a préférée
dans fon mémoire, qu’il diftribue en quatre parties:
la fécondé, où il traite de la conftruétion du pont,
& la troifième, où il explique fes propriétés, feront
principalement notre objet.
L’auteur demande pour la conftruélion d’un pont
de 100 toifes , 3 1 bateaux , chacun de 3 1 pieds fix
pouces de long, de l’extrémité de la pouppe à celle
de la proue , dont la largeur foit de 6 pieds 6 pouces
hors d’oeuvre ; toutes les planches qui font le revêtement
du bateau, font fixées fur un affemblage de
pièces qui en forment « omme le fquelette, & que
l’auteur a fendu folide fur un fommier inférieur de
27 pieds de long & de 6 pouces d’écarriffage, qui
traverfe le bateau , en le divifant exa&ement en
deux fuivant fa longueur ; il élève perpendiculairement
neuf fupports ou pièces de bois , de 3 pieds 3
pouces de long , fur 4 pouces d’écarriffage , qui
laiffent entre elles les mêmes intervalles que les
pièces du bateau auxquelles elles correfpondent fur
le premier affemblage du bateau ; chacune de ces
pièces ou fupports, eft arc-boutée par une pièce
inclinée qui s’affemble avec le fupport & la pièce
du fond du bateau à laquelle répond le fupport ; &
cette pièce arc-boutante inclinée, eft arc-boutée
elle-même par une pièce horizontale , affemblée
avec cette pièce inclinée & la pièce latérale du
bateau ; des arcs-boutans femblables font mis par
pouppe & par proue, afin de garantir cette forte de
chevalet de tous les mouvemens qui pourroient lui
être imprimés, indépendamment de ceux du bateau;
c’eft fur ces fupports que fe trouve affemblé le fommier
fupérieur de 18 pieds de long, fur 3 pouces
d’écarriffage , dont la'furface eft arrondie fuivant un
arc de cercle d’un pied de rayon : cette furface doit
être garnie de onze goujons de fer d’un pouce de
diamètre, & de 3 pouces 6 lignes de haut, qui partent
d’une embraffure de fer , dont le fommier eft
garni aux lieux où on veut fixer les goujons, & il
porte à chacune de fes extrémités des bouts de
chaînes de 6 pouces de long qui partent auffi d’une
embraffure de fer : c’eft à ces chaînes qu’on attache
des barres de fer de 24 pieds de long qui traverfent
en diagonale chacune des travées dont nous allons
parler, qui vont d’un bateau à l’autre , & qui permettent
au pont le mouvement que l’eau peut lui
donner ou direâement, ou par les déplacemens de
fon volume : l’arrondiffement des pièces, les trous
coniques de leurs extrémités , & les bifeaux des
bouts des travées dont nous allons parler auffi, permettent,
fans rien diminuer de la folidité, les mouvemens
de ffuâuation auxquels le pont en total ou
fes différentes parties peuvent participer.
Sur des pièces de bois de 19 pieds de long & de
8 pouces d’écarriffage, l’auteur fait pratiquer à chacune
de leurs extrémités, des ouvertures coniques,
tronquées, renverfées, dont la hauteur eft de 3 pouces
6 lignes; la bafe la plus petite d’un pouce 4 lignes
de diamètre, & la bafe la plus grande de 3 pouces
6 lignes: ces pièces font garnies à chacune de leurs
extrémités, d’fme plaque dêfér entaillée dans la pièce,
& percée d’un trou correfpondaht à celüi’de la pièce ;
chaque extrémité de ces piè’ces, dont le n’ombre eft
de onze pour deux intervalles de bateauxfavdir, 5
pour l’un & 6 pour l’autre , eft terminéé'pa'r des
bifeaux de 6 pouces de long fur un pouce de haut,
& celles de ces pièces qui occupent là pa'rtiê latérale
* de chacune dés travées doivent être percées fupérieu-
rement & inférieurement dans -toute leur longueur de
trente-un trous, qui portènt chacun un piton de fer
& qui fe répondent perpendiculairement. Toutes'lès
pièces de bois des travées doivent être garnies de pitons
ou anneaux à leurs extrémités, & porter des
attaches brifées de fer qui tiennent à des ouvertures
pratiquées àu bord du bateau & à la pièce de la travée,
de façon que ces attaches puiffent fe prêterai
quelque môuvemént.
Les madriéfs qui font deftinés à couvrir les travées
, font choifis de h6 pieds de long , de 6 pouces
de large ,& de 4 policés d’épais ils ont à leurs extrémités
des pitons & anneaux, & à 3 pouces de leur
extrémité, ils font percés d’un trou de 9 lignes de
diamètrè r les trente-un madriers de chaque travée
doivent être pèfcés à 2 pieds & à 1 pied de leurs extrémités
, afin de férvir indifféremment à l’une ou à
l’aiitre des travées.
Pour fer garantir de l’inconvénient qui obligeroit
d’enfoncer le premier & dernier bateau de fon pont,
qui peuvent fe brifer par le fond , à caufe des poids
dont ils font chargés-; lorfqu’il fe trouve près du bord
où l’on jette ce pont, des bois cachés ou des roches,
l’auteur prôpofe dès tréteaux dont les pieds foiént
inégaux; ferrés & arcboùtés folidement, affemblés
fixement par un. fommier immobile de 4 pieds de
long; fur 8 pouces de large, & 6 pouces d’épais ;
un fommier fupérieur de même dimenfion5, eft tra-
verfé par deux barres de fer fixées fur lui & qui traverfent
le fommier inférieur, de façon à pouvoir fe
lever & baiffer avec le fommier fupérieur, au moyen
de deux vis de bois qui traverfent le fommier inférieur,
& dont les têtes arrondies & garnies d’un goujon ,
font reçues dans des ouvertures coniques, pratiquées
dans le fommierfupérieur aux endroits qui répondent
aux têtes de ces vis qui fervent à le mettre de niveau
; c’eft fur ce fommier fupérieur que l’on fixera
par deux vis de fer horizontales dont les écrous y
font arrêtés, une pièce de 19 pieds arrondie fupérieu-
ment, de façon qu’elle foit parallèle aux pièces des
fupports qui doivent foutenir les pièces des travées
du premier bateau. Ces tréteaux nous fourniront tout-
a-l’heure l’occafion de quelques remarques. Tout
étant ainfi préparé, la conftruéfion du pont devient
aifée ; l’on bâties chevalets outrétaux, on arrête fur
®ux les pièces qui doivent porter les travées de l’avant-
pont au premier bateau, l’on gliffe fur des rouleaux
placés entre les huit intervalles que produifent les
neuf fupports, huit madriers de fapin qui doivent
porter destréteaux fur les rouleaux du premier bateau,
& qui fervent d’échafaud aux porteurs des pièces des
travées, dont les trous ménagés aux extrémités les
arrêtent; les barres de ferpofées en diagonales, &
qui ne font pas arrêtées fixement, mais qui tiennent
aux chaînons, affujettiffent lâchement les bateaux , qui
portant dês mâts font encore amarrés chacun au bord
de la rivière, par des cordages renvoyés du mât au
bateau, comme ceux qui fervent au tirage fur les rivières;
& ces cordages s’attachent à des pieux au bord de la
rivièrë: l’on 'continue le portt de bateau èn bateau,
& il finit par un -autre avant-pont femblable à celui
qui l’a commencé. •
Par la fùpputa'tion de la force des bois que l’auteur
fait d’après les expériences & les tables imprimées
dans les mémoires de l’académie , & d’après
fes propres expériences , il trouve que les pièces
qu’il emploie font beaucoup plus que fuffifantes pour
réfifter aux ‘plus grands fardeaux qui fuivent les
armées, qu?il eftime avec'raifon être la pièce de
24 liv. laquelle avèc fes agrêts 8i affûts, peut pefer
environ 8060 liv. mais nouspenfons que ce ne fera
point affez d’avoir fongé a la réfiftance que les pièces
doivent avoir, il fera néceffaire d’apporter beaucoup
de foin & dans le choix des pièces, & dans leur con-
fervation, foit 'lors du tranfport, foit qiïand elles ne
feront pas d’ufâge’ ,■ pour les garantir de l'inconvénient
d’arquer. Pour parer en partie à l’inconvénient
de l’arcùation, l’auteur peut alonger les ouvertures
de l’extrémité de fes pièces, & le confeil ne pourra
que lui être avantageux dans la conftrucfion. Le
déplacement du volume d’eau étant tel dans le cas
de la charge de 8000 liv. ajoutées au poids des matières
employées à la conftruâion du pont , que
les bords du bateau font encore élevés de 13 pouces
au deffus du niveau fde là rivière , le pied cubique
d’eau étant eftimé à 70 livres, il s’enfuit que
le nouveau déplacement d’eau qu’il faudroit pour
faire fubmerger le bateau, fe trouve três-fuffifant
pour les cas d’augmentation de poids imprévus &
d’autres accidens. L’auteur eft entré, tant fur la force
des bois, que fur le déplacement des volumes d’eau r
dans un détail clair & fuffifant qu’il a fait avec intelligence.
Il nous a paru en général qu’il y avoit
de 1’ invention dans la manière & les différens moyens
que l’auteur a employés pour laiffer à fon pont la
participation aux divers mouvemens qui peuvent
iurvenir aux eaux fur lefquelles il le jette , tant par
elles-mêmes que par les bateaux, lorsqu’ils font déplacés
à l’occafion des différens poids dont ils font
chargés. Les ouvertures coniques des pièces des
travées qui reçoivent des goujons droits, permettent
cet enfoncement, fans que l’effort fe faffe fentir ~
l’arrondiffement des furfaces fupérieures des fommiers
frit qu’au mouvement du bateau, les pièces des trac
e s portent toujours également & perpendiculaire*
ment fur ces fommiers. Les bifeaux de l’extrémité
des pièces des travées leur permettent de s’élever à
leurs extrémités, fans déplacer les madriers qui y
répondent- Enfin le petit efpace laiffé entre chaque
madrier leur laiffe la liberté de s’approcher um
peu dans la courbure que les poids font prendre-
au pont dans' les enfoncemens des bateaux & des