
C ’eft aux cartonniers qu?on abandonné, au prix
des rognures, les livres profcrits ; on en fait déchirer
les exemplaires, & on les met tremper tout de fuite
dans l’auge du pourriffoir : mais c’eft une très-petite
reffource pour cette fabrication.
Comme on peut conferver ces matières-en ma-
gafin pourvu qu’elles fôient dans un lieu fe c , on
les ramtffe en tout temps. C ’eft dans les grandes
villes où il fe fait une confommation de papier con-
fidérable, que l’on trouve plus abondamment &
plus facilement tous ces déchets, tous ces rebuts,
toutes ces rognures : aufli ne fabrique-t-on,*par
cette même raifon, de ces fortes de cartons qu’à
Paris, à Lyon , à Rouen , à Lille en Flandres , à
Tro y e s , &c.
Avant que de travailler ces matières , il feroit bien à
défirer que les canonniers en fiffent faire des,triages
exaéls , & qu’ils euffent fur-tout l’attention de mettre
à part toutes les ordures qui font étrangères au papier
; cela fimplifieroit beaucoup les opérations de
la cartonnerie, comme on. le verra par la fuite :
voici à quoi le réduifénf ces triages.
Quelques cartonniers font dirbnguer par lots les
rognures & les papiers de différentes qualités.- Ils
rangent par tas d’un côté les matières les plus blanches
6 les plus fines , lorlqu’ils fe propofent de fabriquer
des cartons blancs; & de l’autre les papiers de couleurs,
les papiers à fucre, les papiers gris d’enveloppe
, les débris de cartons qu’ils 'deftinent à la fabrication
des cartons bis : mais en général les cartonniers
négligent ces triages ; ils prennent les matières
comme elles fe trouvent, en fe bornant, à mêler
enfemble les bonnes matières comme les rognures
des carriers, avec celles d’une qualité inférieure.
A r t . IL- D u t r e m p i s & du pourrijfoir.
A mefure qu’on travaille les matières, on a foin
de les defcendre quelque ternes auparavant dansée
pourriffoir. Là,, font des auges de 5 à 6 pieds de
longueur fur 3 à 4 de" largeur , & autant de profondeur
: on y met tremper les matières en les ârro-
fant d’eau à plufieurs reprifes; c’eft ce que l’on, appelle
le trempis, & les auges fe nommant auges du
trempis, fig. 21, Et lorfqu’elles font bien hume&ées,
ondes retire de ces auges, & l’on en forme fur le pavé
du pourrijfoir à ans un endroit bien clos, des tas de
7 à 8 pieds d’élévation : ils fe deffaififlent infenfible-
ment de l’eau furabondante, & ce qui refte fuffit
pour 'diffoudre la colle & les autres lubftanees qui
fe trouvent mêlées à la pâte des papiers ; il s’établit
.peu-à-peu une fermentation, qui, au bout de cinq
a fix jours en été & de fept'.à huit dans les faifons
tempérées , produit au milieu des tas une chaleur fi;'
confidérable, qu’on a peine à y tenir la main & à
iùprorter l’odeur infeétè qui s’en exhale : c’eft à ces
lignes que les ouvriers connoiffent que les matières
font fuffifamment pourries, & qu’il convient de les
porterait moulin. Mais il s’en fautbren que les effets
du. pourriffage fe faffent fentir fur les bords & au
fond des tas comme au centre ; cependant les cartonnîers
né m’ont pas paru occupés du foin de faire
éprouver une fermentation égale à toutes les parties
de ces tas, en leschangeant de place &. de fituation :
ce qu’on foigne le plus dans une cartonnerie pour
que le travail ne foit point interrompu , c’ eft de
mettre pourrir un nouveau tas à la place de celui
qu’on entamé, & d’en avoir un nombre fuffifant,
pour qu’un tas foit bien pourri , lorfque celui qui
précède eft épuifé, foit par rie travail du moulin,
foit par celui de la cuve.
A r t . III. Tr a v a il du moulin par lequel on réduit
les papiers en pâtes feconduires.
Quand la matière d’un tas eft affez pourrie, c’eft-
à-dire, fuivant les vues des ouvriers, affez difpofée
par la fermentation à fe délayer dans l’eau , & à fe
réduire une fécondé fois en gâte ; on en tranfporte
une quantité fuffifante dans l’atelier du moulin, qui
eft contigu à celui du pourriffoir, & quelquefois qui
eft le même. Cet atelier eft partagé en deux parties:
d’un côté font les auges à rompre ; êt de l’autre fe
trouve l’équipage du moulin.
Les auges à rompre , planche I , fig. 2 1 , ont a peu
près la même forme &. les mêmes dimenfiôns que
celles du trempis : on "y porte d’abord la matière
qu’on tire du pourriffoir ; on la déchire groflièrement
avec les doigts : & on enlève en même temps les
ordures les plus apparentes , à mefure quelles fe
préfenterit, en un mot, tout ce qui ne faifoit point
partie de l’étoffe du papier. Il feroit à fouhaiter que
ce triage fe fît avec beaucoup plus d’.exa£litudè,
foit dans ces circonftances , foit peut - être plutôt
avant le trempis, comme je l’ai déjà remarqué ; on
épargneroit une opération fort longue,, dont nous
parlerons dans la fuite, & qu’on nomme épluchage.
Lorfque l’on a bien fecouè la pilée, & que les
auges à rompre font remplies de matières ouvertes &
triées, ort lâche les robinets pour ache ver d’imbiber
les matières ; enfuite avec des pelles de bois, fig. 23;
on les remue & on les rompt en les hachant : des
ouvriers vigoureux continuent ce travail jufqu’à ce
qu’ils apperçoivent qu’elles foient réduites en forme
de grumeaux grofliers.
Alors ils puifent avec des féaux cette matière/
& la verfent dans la pile du moulin, qu’on nomme
la pierre, quoique depuis, long-temps on foit dans
, l’ufage. de la conftruire en bois ; elle a la forme d’un
tonneau , compofé de douves étroites , épaiffes
& bandées, par de larges cercles de fer. Voyez ’(.fig. 1
de la vignette ) cette pile en A , & fig. 4 , en AA AA»
En V , même figure , eft une crapaudine qui reçoit le
pivot d e Y arbre du moulin CD. L’autre extrémité de
cet arbre eft garnie d’un tourillon F , lequel eft reçu
dans une poutre comme on Tàpperçoit , fig. i , en D.
Dans la partie fupérieure , l’arbre eft percé ril’une
mortoife carrée G ,fig. 4 , dans laquelle eft affujetti
le bras ou la.traverfe d’un brancard H I L , qu on
appelle Y aile ou la branche du moulin.. De cette tra-
verfe defcendent verticalement deux pièces de
bois, IK , LM , folidemeat affemblées dans Y aile ;
elles laiffent entre elles l’efpace néceflaire pour recevoir
un cheval qu’on y a tte lle par fon collier,
percé de deux trous , ou s’introduifent^ les bouts
des cordes n & p , bouclés, & qu’on arrête par les
deux clavettes o fk q : tout cet affemblage fe nomme
Yattelloirei.
Enfin, la partie inférieure de Y arbre d u m o u lin eft
armée de bandes de fer plates , pliéês an forme de
doubles équerres r s , r s . Les deux extrémités de ces
bandes ou font fcellées dans l’arbre, ou bien s’y
attachent par le moyen de deux pitons qui reçoivent
les mamelons ou crochets pratiqués à ces deux
bouts. Ces bandes de fer qui font au nombre de
quatre , fe nomment c o u te a u x .
Au moyen de cet équipage, le chéval tournant
autour de la pierre ou pile , donne le mouvement
à Y arbre d um o u lin & aux c o u te a u x , qui achèvent de 1
divifer la matière hachée dans Y a u g e à rompre , &
de la réduire en une bouillie aufli. exa&ement délayée
que peuvent le faire les machines & les manoeuvré
groflières que nous venons de décrire.
Avant que. de mettre en mouvement le m o u lin ,
il eft bien effentiel d’ajouter de l’eau à la matière,
pour que nageant dans un véhicule fuffifant, elle
puiffe tourner plus facilement , & fe délayer plus
également.
La matière pour être bien préparée, ou , comme
l’on d it, fuffifamment tournée , refte une heure &
demie, deux heures dans la pierre : la quantité qu’en
peut contenir cette p ie r r e , fe nomme p ilé e ; c’eft la
tâche d’un cheval : après qu’elle eft bien divifée
ou to urnée, on fufpend fon travail. En donnant au
cheval à tourner par jour trois p ilé e s en trois tâchés
pareilles, on prépare affez d’ou v ra ge pour entretenir
le travail de deux c u v e s . Nous paffons maintenant
à ce travail $ après que nous aurons décrit toutes
les machines qui doivent meubler l’atelier de la
cuve.
A r t . I V . D e B a t e l i e r d e la c u v e .
La matière étant bien to u rn é e , ce qu’on reconnoît
lorfque dans une pelotte bien égouttée par la com-
prefiion des deux mains, on ne remarque plus aucuns
tampons ou pâtons qui aient l’apparence de Yétoffe
du p a p ie r , on enlève les couteaux, & l’on tire de
h pierre l’ouvrage qu’on tranfporte, ou dans la cuve
ou fe travaille le carton, ou bien dans des a ug es
deftinées à recevoir Y ou v ra ge préparé d’a v a n c e . Au
lieu de ces a u g e s , on fe fert quelquefois de tonneaux
qui peuvent en tenir lieu, &. former pareillement
des caiffes de dépôt pour l’ouvrage. C ’eft là
quon le conferve pour fervir à garn ir la c u v e £
mefure qu’on l’emploie.
.La cu v è \où l’on fabrique le carton eft une grande
caiffe de cinq à fix pieds de longueur, fur trois pieds
& demi de largeur & autant de profondeur : elle
eft conftruite de fortes planches de chêne bien affemblées,
enforte qu’elle puiffe contenir la pâte liquide
dont on la remplit, fans qu’elle s’écoule par aucune
ouverture. Voyez en AB cette c u v e , ( f ig . 2 de la
vignette) & l’ouvrier qui travaille. Sur le bord de fen
grand côté , oppofé à celui où fe place l’ouvrier, & à
la même hauteur eft un grand baquet carré & peu
profond, CD E F , figure 20, & C D , figure 2 de
la vignette : fl doit être bien foncé pour retenir
l’eau qui s’y égoutte ; ri a par le haut quatre tra-
verfes de bois G C , F D , fig» 20 , dont les bouts
portent fur le grand côté de la cuve ; ce baquet
s’appelle égouttoir, parce qu’il fert à recueillir l’eau
qui tombe des formes qu’on pofe fur les traverfes %
& à la verfer au dehors par le moyen d’un trou
qu’il a en E vers un de fes angles. Le grand côté
oppofé à la cuve étant plus élevé que celui qui eft
contigu à la cuve, l’eau prend fon écoulement vers
ce dernier côté par le trou E , & au moyen d’une
rigole de bois ou fans rigole, elle tombe dans le
tonneau-du-bout F , fig. 2 de la vignette. On voit aufli
en G , même figure, une forme qui eft fur les traverfes
de Y égouttoir, pour que l’eau furabondante
.s’écoule de la pâte dont elle eft chargées
Il nous refte à «parler des formes & des langes afin
que l’ouvrier qui doit travailler à la cuve ait tous
les uftenfiles néceffaires.
A r t . V . D e s f o r m e s & des langes.
Les formes ou moules des cartons font composés
d’un tiffu de fils de laiton & d’un cadre formé de
quatre tringles de bois affemblées carrément par
les quatre angles. Les fils de laiton qui compofeiît
le tiffu des formes , ont environ une demi-ligne d’é-
paiffeur : ils font placés parallèlement les uns aux
autres, & fixés à peu près à la diftance d’une ligne
par d’autres fils, qui, dans l’intervalle de deux à
trois pouces , les lient en s’entrelaçant de manière
à les maintenir invariablement à une même diftance
dans toute leur longueur. Ce tiffu , dans tout fon
contour , s’attache aux quatre tringles du cadre ,
& y eft folidement affujetti par le moyen d’une
lame mince de laiton , & de clous de la mêae matière
fixés le long de la bordure. Outre cela , le
même tiffu fe trouve appuyé en deffous d’efpace en
efpace par des traverfes de bois qui entrent dans
l’affemblage du cadre, & qui le fortifient : on les
nomme pontufeaux. Cette forme eft recouvérte d’un
châjfis compofé de quatre tringles de bois , qui, par
une feuillure , s’emboîtent exaélement fur les quatre
côtés de la forme : les bords du châflis varient quant
à le^r épaiffeur ; ainft ^ lorfqu’il eft en place , fes
bords excèdent plus ou moins le plan du tiffu de la
forme. Nous verrons quel eft l’ufage de ce châflis.
Fort fouvent ce meme, châflis partage , au
milieu de fà longueur, en deux parties égales par
une tringle AB 9fig. 8, qu’on enlève ou qu’on met
a volonté ; on la voit fig. p ; on l’appelle barre ; &
la fig. 7 repréfente une forme avec fon châjfis, fans
aucune barre ou féparation. ;
Il faut aux cartonniers plufieurs formes de diverfes
grandeurs, avec des châjfis qui leur foient appropriés,
& dont les bords aient des épaiffeurs différentes
, fuivant les cartons qu’ils fe propofent dç
P p p ij