
fur laquelle on étendra un mortier fait de terre
cuite que l’on polit jufqu’à ce qu’il foit devenu lui—
fant, en le frottant avec du lard gras que Ton aura
fait bouillir.
Le mortier pour les fourneaux , fe fait d’argille rouge
qu’on mêle dans de l’eau où on a fait tremper de
la fiente de cheval & de la fuie de cheminée.
On fe plaint journellement du peu de folidité des
bâtimens modernes ; cette plainte paroît très-bien
fondée ; & il eft certain que ce défaut vient du
peu de foin que l’on Apporte à faire un mortier
durable , tandis que les anciens ne négligeaient rien
pour fa folidité. D’abord la bonté du mortier dépend
de la qualité delà chaux que l’on y emploie f>plus
la pierre à chaux que l’on a calcinée eft dure ôc
compare , plus la chaux qui en réfulte eft bonne.
Les Romains fentoient cette vérité , puifque lorfqu’il
s’agiffoit de bâtir de grands édifices, ils n’employoient
pour l’ordinaire que de la chaux de marbre.
La bonté du mortier dépend encore de la qualité
du fable que l’on mêle avec la chaux ; un fable
fin paroît devoir s’incorporer beaucoup mieux avec
la chaux, qu’un fable groffier ou un gravier, vu que
les pierres qui compofent ce dernier doivent nuire à
la liaifon intime du mortier.
Enfin, il paroît que le peu de folidité du mortier
des modernes vient du peu de foin que l’on prend
pour le gâcher, ce qui fait que le fable ne fe mêle
qu’imparfaitement à la chaux.
M. Shaw, célèbre voyageur Anglois , obfervé
que les habitans de T unis & des côtes de Barbarie
bâtiffent de nos jours avec la même folidité que les
Carthaginois. Le mortier qu’ils emploient eft com-
pofé d’une partie de fable , de deux parties de cendres
de bois, & de trois parties de chaux. On paffe
ces trois fubftances au tamis ; on ‘ les mêle bien
exa&ement ; on les humeéle avec de l’eau , 8c on
gâche ce mélange pendant trois jours 8c trois nuits
confécutives fans interruption , pour que le tout
s’incorpore 'parfaitement ; & pendant ce temps , on
hume&e alternativement le mélange avec de l’eau
& avec de l’huile. On continue à remuer le tout
jufqu’à ce qu’il devienne parfaitement homogène &
compaâe.
"Voici la compofition d’un ciment-maftic très-propre
à contenir l’eau des baftins.
Pour obtenir ce ciment - maftic, on fait broyer
du tuileau le plus parfait qu’on peut trouver ; on le
pulvérife 8c on le paffe au tamis pour n’en prendre
que la pouffière la plus fine ; on prend enfuite les
deux tiers de poix récrie ÔC un tiers de fuif de mouton
que l’on fait bouillir ; on y jette cette pouffière de
tuileau, on remue comme pour faire du mortier,
ôc l’on a de cette façon le ciment-maftic, en incorporant
bien le ciment de tuileau avec la réfine 8c la
graiffe.
Si c’eft un petit baffin auquel on veuille faire tenir
l’eau, on forme avec ce ciment-maftic un petit
cordon tout autour,del’épaiffeur d’un pouce; car il
fe foutient de lui-même à mèfure qu’il fe refroidit ;
on doit avoir revêtu le fond du baffin avec une
certaine épaiffeur d’argile que l’on a bien pétrie, ÔC
qu’on peut recouvrir avec ce ciment-maftic.
Si le baffin ou le réfervoir eft confidérable , 8c
que l’on faffe un mur intérieur de pierres de taille de
l’épaiffeur d’un pied, on mettra ce maftic entre les
deux, ôc on s’en fervira pour joindre les pierres.
Ce ciment-maftic ne fe gercera point, 8c l’eau ne
paffera poiht à travers le joint des pierres. Un baffin
conftruit de cette manière , confervera les eaux auffi
bien que s’il étoit revêtu de plomb, ôc la dépenfe
fera bien moins confidérable.
On emploie encore d’autres fortes.de ma fie s ou
cime ns pour les terrajfes & conduits fouterraihs.
1 °. Maftic de rouille. Lorfque le carreau eft fort
dur, on peut en fermer les joints avec de la limaille
de fer non rouillée , que l’on fait rougir pour détruire
6c brûler la pouffière quelle pourroit contenir ; on
verfe fur la limaille un peu chaude, dû vinaigre,
6c on en forme fin mortier que l’on introduit dans
les joints“ des carreaux ou des .dalles.
2°. Maftic réfineux. On fait fondre dans une chaudière
de fer deux parties de réfine , une demi-partie
de graiffe , une partie de poix noire ; on y ajoute
fine fuffifante quantité de ciment., fec 6c tamifé,
pour donner à ce mélange une confiftance de maftic.
Si on l’emploie dans les lieux humides, on le rend
plus gras en ajoutant plus de graiffe ; il devient plus
fec lorfque la réfine eft en plus grande quantité.
3 °. Maftic gras. On fait éteindre à l’air 6c dans un
lieu couvert des pierres à chaux calcinées ; lorsqu'elles
font réduites en poudre , on mêle cette
pôu.dre avec du ciment très-fin 8c paffé au tamis ;
on y ajoute une certaine quantité d’huile de noix
ou de lin, ou quelque autre efpèce d’huile deffica-
tive ; on mêle 6c on agite fortement ce mélange pour
en compofer le maftic. On l’emploie dans un temps
fec 6c chaud ; on l’applique avec une lame de couteau
dans les joints des pierres, qu’on a eu foin auparavant
de frotter avec de l’huile, pour que le maftic
adhère fortement.
La bonté du ciment ou du mortier à bâtir eft d’une
fi grande importance , que nous ne devons pas
négliger de faire connoître fa nature, fes propriétés,
6c les différens procédés pour le compofer.
On a vu par ce qui précède , que le mortier à
bâtir confifte principalement en un mélange de chaux
vive'éteinte par de l’eau , 6c d’une matière terreufe
vitrifiable. Ce mélange, qui n’a d’abord aucune confiftance
, a la propriété , comme on le fait, d’en
prendre une confidérable avec le temps , 6c qui
devient même fi forte lorfqu’il eft bien compofé ,
qu’il égale alors en folidité les pierres les plus dures.
Cet effet fingulier eft dû à la matière faline terreufe
que produit la chaux pendant fon extinélion. Cette
matière tient en diffolution une certaine quantité de
la terre propre de la chaux , 6c c’eft cette terre qui
affoiblit fes propriétés vraiment falines.
Lorfque l’on applique de la chaux éteinte fur une
matière vitrifiable, la fubftauce faline terreufe quelle
contient, s’introduit dans les pores les plus imperceptibles
du corps vitrifiable , quelque dur qu’il foit,
comme on en a la preuve, en faifant éteindre dans
un verre de la chaux vive avec un peu d’eau. La
matière faline terreufe de la chaux prend avec ce
verre-une telle adhérence , qu’au bout de quelques
jours il n’eft plus poffible de l’en détacher, 6c le
verre eft terne 6c paroît dépoli.
Voilà ce qui arrive à chacun des grains de fable
que l’on emploie pour faire le mortier ; ils fe trouvent
liés les uns aux autres par l’effet de la chaux,
6c leur adhérence augmente avec le temps à mefure
que le mortier perd fon humidité. Les matières les
plus ordinaires que l’on emploie avec la chaux, font
le fable de rivière, le fablon, certains fables très-fins
mêlés 'd’argile , 6c l’argile cuite pulvérifée , qu’on
appelle communément ciment, que l’on fait avec les
débris de tuiles , de briques , 6c de vaiffeau^ de
grès. Toutes ces matières font également bonnes :
on fait néanmoins un choix fuivant les circonftaces.
Par exemple, on doit employer le fable fin pour le
mortier deftiné à remplir les petits joints que l’on
laiffe entre les pierres taillées ; 6c au contraire, on
fe fert du mortier fait avec du gros fable ou du
ciment pour les murs de moëlon , pour le pavage
des cours, 6cc. parce qu’on n’eft pas gêné pour la
petiteffe des joints , Ôc par la difficulté d’y faire
couler le mortier. Au refte, à parler en général,
le mortier de fablefin eft préférable.
Le mortier dont on fe fert pour la bâtiffe en
Lorraine, eft fait avec une chaux noire argileufe ,
6c du fable très-fin , mêlé auffi d’argile. Ce mortier
eft fi parfait, qu’on l’emploie avec le plus grand
fuccès .dans lesbaffins de jardins. On a vu des joints
de ce mortier qui, depuis dix ans, avoient encore
du relief, quoiqu’on y paffât très-foüvent le balai,
pour nettoyer lefdits baffins; 8c en l’effayant avec
la pointe du marteau, on y trouvoit encore la plus
grande dureté.
A l’égard des meilleures proportions , toutes les
expériences indiquent qu’il faut environ trois parties
de fable contre une partie de chaux vive ; ce qui
doit être entendu de parties en poids, 6c non de
parties en mefure.
Enfin pour fe procurer un bon mortier, il y a
déux obfervations importantes à faire ; la première
eft d’employer la chaux la plus v iv e , c’eft-à-dire
nouvellement tirée du four ; la fécondé, de garantir
les ouvrages de l’eau 6c de l’humidité, jufqu’à ce
ce qu’il ait bien pris.
Voici une aut,re méthode de préparer un mortier
impénétrable à l’humidité , 6c qui acquiert en peu
dé temps- la plus grande dureté. Prenez de la chaux
v iv e , la plus récemment calcinée , un tiers, fur
deux tiers de fable fin ; verfez-y de l’eau peu à peu,
en remuant exactement avec la truelle, jufqu’à ce
que ce mélange ait acquis la confiftance de mortier ;
employez-le fur le champ , foit comme ciment ou
comme .plâtré. Ce mortier fermentera pendant
quelques jours ; enfuite il durcira, fur-tout dans les
lieux fecs ; mais dans les lieux humides, il confervera
un certain degré de molleffe pendant trois
femaines* ou même plus. A la fin, il deviendra
dur, quand même l’eau y auroit affez d’accès pour
s’attacher à la furface. Dans la fuite, il acquerra la
dureté de la pierre, 6c réfiftera à.toute l’humidité.
La perfeétion de ce mortier confifte dans l’exaCtitude
avec laquelle le mélange eft fait, 6c dans la promptitude
à le mettre en oeuvre auffitôt qu’il eft prêt.
Pour bien opérer, il faut cinq ouvriers qui préparent
ce mortier, contre un qui le met en oeuvre : il faut
auffi choifir de la chaux parfaitement calcinée, fans
pierre, 6c qui n’aic point été à l’air.
Si l’on emploie du lait écrémé au lieu d’eau , la
dureté de ce mortier fera exceffive. Il eft bon d’ob-
ferver que le vent ou le foleil, dans les premiers
jours , deffèche trop vite ce mortier, ôc s’oppofe à
la fermentation, qui contribue tant à fa perfeClion.
Ciment pour boucher les fentes & les crevaffes«
Voici encore plufieurs procédés dont les Anciens,
fuivant Palladius, fe fervoient pour boucher les fentes
6c les crevaffes.
11 faut, dit-il, avoir telle quantité qu’on veut de
poix liquide, pareille quantité de vieux-oing ou
de fuif, faire cuire le tout enfemble jufqu’à ce que
l’écume monte; quand le mélange fera refroidi, le
faupoudrer de chaux menue ; bien mêler le tou t,
pour en former une pâte , dont on fe fervira pour
boucher les trous des lieux où il y a de l’eau.
On peut auffi, ajoute-t-il, prendre de la poix
dure , de la cire blanche, de l’étoupe, de la poix liquide,
de la terre cuite réduite en poudre, de la fleur
de chaux, de façon que le poids de la cire blanche
foit égal à celui de la poix dure ; que celui de la
poix liquide foit moitié du poids total de ce mélange.
On mêle le tout, après l’avoir bien broyé
dans un mortier, 6c on bouche les fentes.
On s’y prenoit encore d’une autre manière: on
broyoit avec un pilon du fel ammoniac réduit en
poudre, des figues, de l’étoupe 6c de la poix liquide,
6c on enduifoit les crevaffes.
On enduifoit auffi les crevaffes avec du fel ammoniac
6c du foufre réduit en poudre.
On faifoit encore un enduit de poix dure, de cire
blanche, mêlés enfemble 6c faupoudrés de fel ammoniac
, 6c on faifoit paffer un cautère par deffus.
On lit encore que les Anciens faifoient un enduit
de fleur de chaux 6c d’huile mêlées enfemble, mais
on ne mettoit pas l’eau tout de fuite.
On mëloit auffi du fang de boeuf, de la fleur de
chaux 6c de l’huile. On broyoit enfemble de la poix
dure , des figues Ôc des écailles d’huitres sèches. Ces
cimens pouvoient, dit-on, contenir l’eau chaude ÔC
l’eau froide.
Ils broyoient encore enfemble, avec un pilon,
du fang de boeuf, de la fleur de chaux , du mâchefer
, dont on faifoit une efpèce de cérat, dont on
enduifoit les ouvrages, ;