
outre cela prend fa terre fur la table, qui lui eft
apportée par le rangeur, comme cela fe pratique
au Havre. Les briques ne fe mettent pas non plus
-en haies en plein air ; on les tranfporte quand on
peut les foutenir , fous un hangar dont les murs font
percés d’une quantité de trous, d’environ quatre
pouces en carré, pour que l’air les traverfe librement,
fans que la pluie puiffe y tomber.
Il y a aufli quelque diverfité dans l’arrangement
des briques qui forment les haies; mais nous n’entrerons
plus dans aucun détail à cet égard.
La manière de mouler les briques en Suiffe, &
de les faire fécher, eft encore differente de ce qu’on
a dit fur ce fujet. La table du mouleur fe place fous
la halle, près de l’endroit où l’on a préparé la terre ;
elle eft affez grande pour qu’on en puiffe charger
une partie d’une certaine quantité de terre que le
mouleur peut prendre commodément de fa place ,
qui eft à l’angle, ou à l'autre bout de la table. 11 a
aufli devant lui une caiffe remplie de fable , & à
côté un baquet plein d’eau, pour mettre la plane
dedans, & pour mouiller le deffus de la brique ,
avant que de paffer la plane pour l’unir. La table
étant ainfi rangée, le mouleur commence par fau-
poudrer de fable l’angle où fe place le moule, &
un efpace quelconque de la table. Alors il prend au
tas une quantité de terre fuffifante pour remplir le
moule; il la roule dans l’endroit couvert de fable,
& il l’arrondit un peu par ce maniement, après quoi
il la jette avec force dans le moule qu’il remplit
ainft ; il rafe avec la main le moule pour emporter
le plus gros de la terre qu’il rejette au tas ; enfin, il
mouille avec la main le deffus de la brique, & il
paffe la plane qu’il tient des déux mains par les bouts
pour l’unir. Il y a un banc à côté de lui, & à quelques
pouces plus bas que la table ;' le porteur pofe
là-deffus, près du moule, un petit ais, un peu plus
grand que la brique ; il a foin de la faupoudrer de
labié, & c’eft là-deffus que le mouleur pofe fa brique
, en tirant le moule dé côté fur un ais ; & en le
foulevant, la brique y refte. Mais, le moule en quittant
la brique, élève tout autour une petite bavure,
c’eft pourquoi le mouleur appuie les bords de fon
moule fur ceux de la brique, en prenant toujours
deux côtés à-la-fois, moyennant quoi il la fait tomber.
Le porteur enlève l’ais & la brique ; mais auparavant
il emporte , avec un morceau de bois un peu
tranchant, en le paffant légèrement autour des côtés,
Jes bavures qui s’y trouvent, & il a eu foin de préparer
aulfi une couple de ces petits ais en les faupou-
drant de fable , & de les ranger fur le banc à la portée
du mouleur. Celui-ci, après avoir mis la brique fur
l’ais , plonge fon moule dans le fable de la caiffe, le
remet à fa place, & continue fon ouvrage comme
on vient de le dire.
On ne fait fécher en Suiffe ni briques, ni tuiles
à découvert, mais la halle eft faite de façon
qu’on y en peut fécher une grande quantité. C ’eft
un bâtiment auquel <*>n donne ordinairement une
forme à peu près carrée, quoiqu’il convient mieuxde
lui donner celle d’un parallélogramme reôangle ou
carré long du double de la largeur, afin que l’air
y circule mieux. On a foin de difpoferries colonnes
de charpente , enforte qu’il y ait au milieu du bâtiment
une allée , pour- y placer la table du mouleur.
On établira enfuite avec des poteaux d’autrès allées
parallèles à celle - c i , mais qui n’auront que deux ou
trois pieds de large. On entaille ces poteaux, afin de
former des tablettes au moyen de fortes lattes de
fciage placées dans ces entailles, à la diftance de fix
pouces, fur la hauteur de fix à fept pieds. C ’eft là-
deffus que le porteur va ranger les briques au fortir
de la table du mouleur : comme elles font toutes fur
des ais ou planchettes, il peut en porter trois à-la-
fois , une fur la tête & une à chaque main. Une de
ces allées fufftt pour deffervir les tablettes‘ qui font
aux deux côtés, enforte que l’on peut rapprocher
les poteaux des autres tablettes oppofées à celles-ci ;
ce qui fait gagner beaucoup de place. Pour en gagner
encore plus, on fait un étage fous le toit dont
on planche les allées , de façon qu’on puiffe relever
les planches quand toutes les tablettes font garnies
, afin de ne pas empêcher l’air de jouer. On
pratique, pour celui-ci, des lucarnes dans le toit.
Cet arrangement fait que dans un petit efpace, on
peut y fécher beaucoup de briques; cependant, fi le
cas arrive qu’on ait befoin de place pour mettre de~
nouvelles planchettes, alors les ouvriers ôtent de
deffus les tablettes celles qui font les plus, sèches,
& ils forment des haies tous le couvert ( à peu
près comme on l’a dit précédemment, & fans leur
donner autant d’épaiffeur ) , où elles achèvent de
fécher. On remarquera enfin que la méthode de po-
fer la brique fur des planchettes, eft très - propre
pour la conferver droite comme elle eft au fortir
du moule, plutôt que de la mettre fur le terrain qui
ne peut jamais être bien dreffé.
Des différentes façons de cuire la brique.
Après avoir rapporté les différentes méthodes de
préparer la terre, de former & fécher la brique , il
ne nous refte qu’à parler aufli des différentes façons
de la cuire ; & c’eft de quoi nous allons nous occuper.
La brique fe cuit-, comme on l’a déjà d it, avec
du bois, ou du charbon de terre, ou de la tourbe.
Mais ces différentes matières demandent des fours
différens; nous parlerons d’abord de ceux où l’on
emploie du bois, & nous commencerons par la def-
cription des grands, tel qu’eft celui du Havre.
Ce four confifte en un bâtiment, dont la partie
qui eft le four , eft faite de murs parallèles dont
l’éloignement eft de quatre pieds : le mur intérieur
doit être de brique. L’entre-d’eux de ces deux murs
eft rempli de pierres oïl de mauvaifes briques, maçonnées
avec de la terre graffe, pour que le tout ne
faffe qu’un feul corps capable de réfifter à l’aâion
du feu. L’intérieur du fourneau peut contenir cent
milliers de briques.
Cet efpace eft partagé dans le fond par douze files
d’arcades faites de briques ; entre chaque file , il y a
des maffifs ou banquettes de maçonnerie qui s’étendent
depuis le devant du four jufqu’au fond; ces
maffifs fe nomment des fommiers : on commence
donc par bâtir ces fommiers du devant du four jufqu’au
fond ; on bande après cela les arcades qui
n’ont d’épaiffeur que la largeur d’une brique , & qui
font éloignées les unes des autres de la longueur
d’une brique ; en arrofant enfuite avec de la brique
le deffus de ces arcades & des fommiers, on a les
banquettes, fur lefquelles on arrange la brique,
comme on le dira. On donne aux fommiers une
forme pyramidale, afin que la flamme puiffe traverfer
entre les cloifons des arcades, & que la chaleur fe
répande dans toüte l’étendue du four.
Les arcades n’ayant que quatre pouces d’épaiffeur,
& la diftance entre chaque file étant de fix pouces ,
on les arcbouté pour leur donner plus de folidite ,
c’eft-à-dire, qu’on les lie les unes aux autres, avec
des traverses ou languettes faites de briques pofées
fur le champ. Les files d’arcades répondent à trois
bouches voûtées, avec des ^portesque l’on ouvre
ou que l’on ferme pour régler le degré de chaleur
convenable à la cuiffon des briques.
Il y a outre cela, deux portes au corps du four ,
dont l’une fert à le charger ; l’autre que l’on tourne
au nord, fi cela fe peut., fert à retirer les briques
lorfqu’elles font cuites. Quand le four eft plein, &
avant que de mettre le feu, on ferme ces deux portes
avec un mur de briques boutiffes, qu on crépit
&. qu’on recouvre d’une couche de terre graffe d’un
pouce d’épaiffeur.
Les petits fours n’ont point de mur extérieur ; on
4e conftruit qu’un feul mur auquel on donne trois
peids d’épaiffeur ; l’intérieur eft en brique, & on
amâffe extérieurement aux deux tiers de la hauteur
une bonne quantité de terré , afin qu’il conferve
mieux fa chaleur ; on fortifie aufli quelquefois ce
mur par des contre-forts, & on les enfonce en terre ;
mais il faut obferver que le bas du four étant alors
plus bas que le niveau du terrain , fera fujet a s emplir
d’èau dans les temps de pluie ; il vaut donc mieux
faire enforte que le bas du four foit toujours plus
élevé que le terrain d’alentour, afin qu’il foit f e c ,
& que l’eau des pluies n’y pénètre jamais.
Ces petits fours n’ont qu’une grande gueulé voûtée
en ogive, on la nomme bombarde y un fommier &
deux rangées, d’arcades ou arches ; quelques-uns
ont deux fommiers & trois rangées d’arcades ; mais
cela n’eft pas bien, parce qu’on n’a pas. la facilite de
jeter le bois fous les arches..
La bombarde eft précédée d’une grande arcade
que Fon nomme la chaufferie, au milieu de laquelle
eft une ouverture p^r où la fumée s’échappe. C’eft
là où couche un cuifeur, pour être à portée dé
veiller pendant la nuit à la cuite des briques.. Ordir
nairement il n’y a à ces fours qu’une ouverture-,
pour enfourner & défourner ; lés uns la ferment
avec un mur de brique, comme on l’a dit auparavant
; d’autres établiffent dans Fépaiffeur du mur du
four-deux parpins de brique, & ils rempliffent l’entredeux
avec du fable.
Les arches de la plupart des fours font liées les.
unes aux autres, par des briques de champ placées-
de diftance en diftance ; enfuite on carrèle le gril
du four avec des briques pofées ? ou avec de forts;
carreaux, ayant l’attention de ménager des jours
entre les arcades : ces jours fe nomment des lumières
Un four qui a 18 pieds en carré, doit avoir 70 k.
80 lumières au gril.
On en conftruit de plus petits qui n’ont que douze*
à quinze pieds en carré, qui ont des lumières à proportion.
11 faut cependant obferver qu’on ne carrèle-
pas , dans toutes les briqueteries, le gril comme
nous venons de le dire ; mais on pofe immédiatement
les briques fur les tablettes > en les arrangeant
comme on le dira dans la fuite. La hauteur des fours ,
depuis le gril jufqu’en haut, eft égale à leur largeur
dans oeuvre.
Quelques-uns de ces fours font couverts au deffus.
par une voûte de brique, à laquelle il y a de diftance
en diftance des trous ou évents, pour laiffer échapper
la fumée : en ouvrant quelques-uns de ces trous;
& en en fermant d’autres , on peut diriger Faéfiora
du feu dans les différentes parties du four : on ferme
ordinairement en premier lieu ,l’event du milieu
pour déterminer la chaleur à. fe porter vers les?
côtés.
Les fours qui ne font point couverts-d’une voûtev
font ordinairement terminés par deux pointes de
pignon qui fupportent un toit de voliche, pour garantir
la brique de la pluie tandis qu’on charge l.e;
four; après quoi on l’ôte quand on met le-feu au:
four..
Il y a quelque différence entre ces fours dès briqueteries
ou tuileries deFrance,.& ceux des tuileries-
de Suiffe. La plus grande partie des fours de-ce pays;
font plutôt petits que grands*; il n’y en a aucun où
l’on- puiffe cuire cent milliers de briques à-la-fois ,,
comme à celui du Havre ; d’ailleurs on n’y cuit jamais
des briques feules , mais. la. plus grande partie du-
four eft pleine de tuiles; car la confommation de
celle-ci eft beaucoup plus grande que des premières
, parce que la pierre propre à bâtir abonde dans
■; ce pays ; elle eft d’ailleurs de bonne qualité, & ne
coûte pas à beaucoup près- autant que les briques :
c’eft. pourquoi on la préfère.
La différence, dis-je, qu’il y a entre les petits
fours de Suiffe & ceux de France dont nous-venons,
de parler, confifte en ce que ceux de Suiffe n’ont
pas cette grande gueule que l’on nomme bombarde.
Les deux- files* d’arcades ont chacune leur bouche
fiépaFée, comme dans lès grands fours dont nous
avons donné d’abord la defcription, cependant avec
cette différence , que celles-ci font formées par une
voûte affez longue. On établit àu deffus du four fur
les murs, des colonnes qui doivent-avoir une certaine
hauteur v afin que-le toit qu’elles foutiennent
& qui couvre le deffus du four, foir affez éloigné
des briques ou tuiles., pour que le feu n’y grenue.'