
décrotte, on la met à l’aléfoir pour lut donner le calibre
qu’elle doit avoir. On perce enfuite la lumière avec
une efpèce de foret particulier ; après quoi on fait
l’épreuve de la pièce.
Avant de paüer à l’opération de l’aléfoir, nous
ne pouvons nous difpenfer de rapporter ici ce que
M. Bofc d’Antic dit fur les avantages de cette invention
, en même temps que fur les moyens de
prévenir les foufflures des métaux coulés ou jetés en
fonte.
Les canons font pour l’état un objet de très-grande
conféquence : on fait combien les chambres, les fouf-
fiures leur font préjudiciables. Pour les en garantir ,
il n’eft point de recherche, de tentative que l’on
n’ait faite depuis leur invention. Les plus grands
efforts avoient été fans fuccès jufqu’au temps où le
fieur.Maritz a paru en France, & a établi fa méthode
admirable de forer les canons. Ceux qui ont examiné
fa machine, l’ont trouvée d’une fimplicité qui prouve
le génie de l’inventeur, & il eft certain qu elle produit
un effet auffi fur que prompt.
J ’ai lieu d’efpérer , ajoute M. d’Antic, que personne,
pas même le fieur Maritz, pour lequel je
fuis rempli d’eftime, ne trouvera mauvais que j’examine
ici avec quelque attention les effets de cette
nouvelle méthode.
Autrefois on couloit les canons avec un noyau,
& ils avoient beaucoup de foufflures : il femble qu’on
de voit s’y attendre. Il eft naturel de penfer que le
métal, en coulant dans le moule, détachoit quelques
parties de la matière du noyau , qui , enveloppée
par ce métal tout en feu, donnoient une
vapeur capable de faire des chambres , ôc que la
chaleur employée pour le .defféchement du moule
n’aVoit pu diffiper.
Legrand artifte que nous venons de nommer,
coule les canons pleins, Ôc les fore enfuite en même
temps qu’il lés tourne II prévient ainfi un grand nombre
de foufflures,fur-tout dans l’intérieur où elles font
le plus dangereufes ; ce qui'fait le grand avantage,
de fa méthode. En fupprimant le noyau, il eft certain
que la fource des chambres eft confidérablement
diminuée, mais elle n’eft pas entièrement tarie.
Il peut fe détacher également de la matière, des
réfervoirs ôc des parois intérieures du moule : l’expérience
ne prouve que trop que les canons forés
ne font pas exempts de foufflures. M. du Puget,
officier d’artillerie, très - favant & d’un très - rare
mérite , me l’a affuré. très - pofitivement. Qu’il me
foit permis, continue M. d’Antic, de faire voir en
deux mots à quel prix nous achetons cette perfeélion
des nouveaux canons: i°. en coulant plein, on n’a
par fonte qu’environ moitié du nombre des canons
qu’on avoit par fonte avant la fuppreffion du noyau.
2°. Le moule fans noyau eft moins folide , & il a à
foutenir le double environ de métal ; auffi arrive-t-il
quelquefois que la pièce n’eft pas droite ; ce qui la
rend inutile, ou eft très-difficile à réparer.
39; Les canons forés font plus tendres , bavent
plus promptement que les canons coulés avec un
noyau. Deux bons juges en cette matière, M. du
Puget Ôc le baron de Mélé , me l’ont affuré , ôc cela
paroît très - conforme à l’idée que nous avons de
l’effet des refroidiffemens plus ou moins prompts.
4°. 11 en coûte fans doute affez gros pour monter,
entretenir & faire aller la machine à forer, & en
perte de métal , ne fît-on attention qu’au déchet
de la fécondé fonte. Ces inconvéniens ne doivent
pas diminuer les obligations que nous avons au fieur
Maritz, & je ne les ai certainement pas fait remar-
marquer dans cette vue.
L’excédent des chambres des canons coulés avec
un noyau, ne procédant évidemment que des matières
détachées du même noyau, il eft à préfumer
qu’on pourroit corriger avantageufement l’ancienne
méthode, & peut-être attendre de ces correéîions
des canons qui ne le céderoient en rien à ceux de
la nouvelle : tout l’art confifteroit , félon moi, à
faire des noyaux tels que le métal en coulant n’en
détachât aucune matière , ôc ne pût en faire fortir
aucune vapeur ; la chofe ne me paroît pas impoffible.
Je vais hafarder ce qu’une affez longue étude des
argiles ôc de la manière de les traiter, peut m’avoir
appris de plus relatif au fujet dont il s’agit.
Je commencerois par écarter la bourre ôc la fiente
de cheval ; ces matières n’entrent dans la compofi-
tiou. des moules & des noyaux que pour empêcher
les gerçures ; mais il y a d’autres moyens auffi efficaces
: elles font un obftacîe à une étroite liaifon des
parties argileufes ; ôc mêlées avec l’argile , il n’y a
qu’une chaleur exceffive qui puiffe en chaffer tout
ce quelles ont d’expanfif. Je n’emploierois donc
pour-les noyaux que des argiles pures préparées
avec foin : on en trouve de très-bonnes dans pref-
que toutes les provihces , à la Bélière en Normandie
, à Autrages dans la Flandre , à Forges dans le
Hainaut, à Suzi en Picardie, à Villentrode en Champagne
, &c. Il convient de faire paffer cette argile
par plufieurs lotions , pour en extraire tout ce qu’il
peut y avoir de falin , ôc la matière graffe la plus
groffière qui monte toujours à la furface de l’eau ,
lorfqu’on laiffe à celle-ci le foin de pénétrer &. de
délayer l’argile.
Après que cette argile eft defféchée , on en fait
brûler environ la moitié à une flamme bien claire ,
ôc affez long-temps pour que , pilée & délayée dans
l’eau , elle n’ait plus de liaifon. Il faut que cette
terre pilée foit paffée par un tamis d’abord très-
fin , & enfuite par un moyen. Si le ciment, en terme
de verrerie , étoit trop gros , il nuiroit à la folidité ;
s’il étoit trop fin, il rendroit le defféchement difficile,
& oceafionneroit des gerçures. On doit mêler
quatre parties de cette argile brûlée & tamifée avec
cinq parties de celle qui ne l’a pas. été , & les faire
pétrir à l’ordinaire avec la plus grande attention. La
pâte doit être d’une confiftance moyenne ; fi elle
étoit trop dure , les différentes couches ne fe lie—
roient pas bien enfemble; fi elle étoit trop molle,
le noyau pourroit fe déjeter , le defféchement fe-
roit plus long , & la retraite plus confidérable. Il eft
néceffaire de faire le noyau hors de la foffe. Le feu
qu’on a employé pour deffécher le moule , ne fuf-
firoit pas pour le recuire parfaitement. Ce noyau
peut être fait dans un calibre de bois bien fec ôc
bien folide, dont l’ouverture ait trois quarts de
pouces de plus que celui du canon. Je fixerois au
centre de ce calibre un bâton bien droit de bois
fec , d’un pouce environ de diamètre , & de deux
pouces plus court que le noyau , de façon qu’il ne
fortiroit que d’un bout du noyau ; le vide que laif-
feroit ce bâton, lorfqu’il feroit renfermé par le feu,
ne porteroit aucun préjudice à la folidité du noyau,
diminueroit le danger des gerçures, & faciliteroit
l’intime recuiffon. Ce calibre doit .être rempli par
petites portions , ôc il faut avoir foin de bien paffer
l’argile ôc regrater avant d’en mettre de nouvelle.
Les noyaux faits de cette manière doivent être
defféchés très-lentement ôc bien fecs ; mis dans un
fourneau pouf y fouffrir un feu violent pendant
huit ou dix jours : le feu fupprimé , on bouchera
exaélement toutes les ouvertures du fourneau , &
on ne lui donnera de l’air que lorfqu’on n’y fentira
plus de chaleur : on aura par ce moyen des noyaux
très-durs, très-folides , dont le métal en coulant ne
détachera rien , ôc qui ne donneront aucune vapeur.
Il conviendra de les ufer avec un grès dur , autant
qu’il fera néceffaire pour les rendre parfaitement
unis. Un fondeur intelligent trouvera dans la méthode
que je viens de donner fur la compofition des
noyaux , les idées néceffaires pour perfectionner
la compofition des moules ; il peut fubftituer avec
avantage au crotin & à la bourre le foin appelé reg
a in , haché, en rejetant les brins les plus forts.
Je crois que l’ancienne méthode ainfi corrigée
donneroit des canons auffi bons que la nouvelle ;
mais il ne faut pas fe faire illufion : ni l’une ni
l’autre n’en donnera jamais de parfaits. Telles précautions
que l’on prenne , il pourra fe mêler avec
le métal, au moment qu’on le coule , quelque matière
capable de donner une vapeur par l’embrâfe-
ment, ôc paffer avec le métal dans le moule au
moins quelques parcelles de fcories ; ce qui formera
un défaut d’homogénéité dangereux.
Je fuis perfuadé , dit encore M. Dantic, qu’il
n’y a qu’un moyen d’avoir des canons tels qu’on peut
les denrer, c’ eft de ne les pas couler ; mais ce moyen
eft-il praticable ? Je vais l’envifager fous différens
points de vue. Il eft poffible de faire un fourneau
dont le baffin foit plan ou incliné dans fa longueur de
deux pouces, ôc qui ait cinq pieds & demi de largeur,
fur dix pieds ôc demi de longueur & vingt deux pouces
de profondeur. Si l’on met dans ce baffin une fuffifante
quantité de cuivre allié , pour qu’il foit plein après la
fufiôn; & f i lorfque la matière fera bien fondue & bien
dépurée , on la laiffe refroidir dans le fourneau , on
aura une table de cuivre auffi parfaite que le plateau
dont nous avons parlé plus haut. Cette table
fciée en trois fur fa longueur , fournira de quoi faire
trois pièces de vingt-quatre par le fecours de la
machine à forer du fieur Maritz, auffi compares ÔC
auffi homogènes qu’il foit poffible ; mais il en coû*
tera fans doute beaucoup pour fcier & pour tourner
ces canons. Je penfe qu’on pourroit fe procurer
le même avantage d’une manière plus fimple ÔC
moins difpendieufe : il n’y a qu’à faire le moule du
canon dans le baffin: du fourneau ; à mefure que la
matière fondroit, le moule fe remp'.iroit, les canons
feroient pleins , auffi bons que par la méthode précédente
, ôc il.n’y auroit qu’une arête dé quelques
pouces à emporter.
Il feroit bien à fouhaiter qu’on pût s’épargner la
peine & la dépenfe du forage. Je ne vois qu’un
moyen : ce feroit de mettre un noyau q u i, d’un
bout feroit foutenu dans le pied droit du baffin, ÔC
du coté de la culaffe du canon par un tenon fixé
au fond du moule. Les noyaux que j’ai propofés ci-
deffus feroient affez folides ; mais le tenon laifferoic
une ouverture fâcheufe. Pourroit-elle être bouchée
folidement avec une vis de même métal ou par quel-
qu’autre moyen ? Quoiqu’un fondeur de province
affez intelligent me l’ait affuré , je n’oferois décider
la queftion. Si cela étoit poffible ôc fans danger , il
feroit peut-être auffi fimple d’ajouter après coup
une culaffe. Ces méthodes ont fans doute de très-
grandes difficultés. Comment conftruire un fourneau
de cette étendue affez folide , Ôc propre à donner
une chaleur capable de fondre promptement Ja matière
? Si la réuffite ne dépendoit que de-là je crois
qu’on pourroit s’en flatter. Les reffources de la pyrotechnie
ne font certainement pas épuifées dans les
fourneaux ordinaires des fondeurs : il me. femble
qu’il faudroit ignorer les vrais principes de cet art,
pour douter qu’on ne puiffe changer les dimenfions
des fourneaux fans perdre la folidité néceffaire , ÔC
fans fe priver du degré de feu le plus avantageux.
En donnant au baffin une fi grande étendue , il
fe perdra , dira-t-on , beaucoup de métal ; cela ar-
riveroit indubitablement , fi l’on fondoit à l’ordinaire.
Il eft certain que le fêu prive d’autant plus le
métal de fon phlogiftique , toutes chofes égales
d'ailleurs , que la furface fur laquellejl agit eft plus
grande. Le moyen de. prévenir ou du moins de diminuer
confidérablement cette perte , eft connu ;
il ne faut que donner au métal de nouveau phlogif-
tique à mefure que le fien lui eft enlevé.
On peut encore objefter qu’à chaque fonte il
faudroit un nouveau fourneau. Quand cela feroit,
je penfe qu’il y auroit à gagner fi cette méthode
donnoit de beaucoup meilleurs canons , comme il
me paroît qu’on ne peut guères en douter. Je crois
que , pour tirer les canons , il fuffiroit de démolir
une portion du fourneau. Pour en fondre de nouveaux
, on n’auroit qu’à réparer folidement la brèche
ôc refaire le moule dans le baffin. N’en coûte-
t-il pas autant pour vider une foffe ôc recpnftruire
les moules? Peut-être même y auroit-il moyen de
fe procurer une économie precieufe. Les canons de
fer faits fuivant cette méthode , feroient-ils de beaucoup
inférieurs à ceux dé cuivre allié , coulés
à l’ordinaire ? ..