
ii ^8 S Y L
ici, leur dît-il, pour enter^re vos antiques prcüffes,
mais pour châtier v^rc rébellion ; il prit leur ville,
la livra au P1!1 âge, il vouloit la rafer , 8c cette fu-
petbe Âtaènes alloit difparoître pour toujours ; il fe
*ov; int alors de la gloire de fes anciens héros , 8c
pardonna , dit-il , aux vivans en corfidération des
morts, mais il brûla toutes les fortifications , & ce
magnifique arfénal, ouvrage du célébré architecte
Philon ; il coupa -ces belles allées de l’académie &
dû Ly cé e, 8c n’épargna ni les bois facrés ni les
trefors des temples. Il transporta les oeuvres d’Ariftote,
de la bibliothèque d’AppelIicon à Athènes, dans fa
propre bibliothèque à Rome, dont elles firent le
principal ornement. Il vainquit - encore ces Grecs &
ce^ Mithridate, dont ils avoient reconnu l’empire ,
il les vainquit à Chéronée, à Orchomène. Dans cette
derniere bataille il ramena, feul la viétoire qui alloit
lui échapper. Ses foldats fuyoient Sc fe difperfoient ,
il accourt, faïfit une enfeigne , fe précipite au milieu
du danger : il rnejl glorieux de 'mourir ici, s’écrie-t-il ;
pour vous y f i Ion vous demande ou vous ave[ abandonné
votre général , vous répondre^ que c’ejl à Orchomène.
Ce mot rendit aux Romains leur courage
& leur audace, 8c décida du fuccès. Cependant,
& fes intérêts 8c Je triomphe du parti de Marius
dans Rome, & la foule des Sénateurs proferits qui
iè réfiigioient dans le camp de Sylla, 8c Mételïa fa
femme, qui s’étant fauvée à peine avec lès enfans,
venoit l’exhorter à la vengeance, tout le rappelloità
Rome 8c l’invitoit à terminer promptement cette
guerre lointaine. Archelaüs le favoit x & c’étoit fur
ces conjonélures qu’il fondoit l’elpérance d’obtenir pour
Mithridate, fon maître, une paix avantageufe : dans
yne entrevue avec Sylla, il lui propofa d’unir lès
intérêts avec ceux de Mithridate, qui lui fourniroit
de l’argent, des troupes 8c des vaiffeaux , pour faire
la guerre au parti de Marius.
Sylla ne répondit à ces offres qu’en propofant de
fon côté au général de Mithridate de lui livrer la
flotte de Ibn maître , de prendre le titre de roi dans
fon gouvernement ., 8c de devenir en Ion propre
nom l’ami & l’allié du peuple Romain. Archelaüs
s’écria que ce feroit une trahifon. Eh bien ! répliqua
Sylla 9 quand l’efclave , le fervîrèur du moins d’un
maître barbare , regarde comme une lâcheté d’abandonner
Ion lêrvice, tu clés propolèr à un Romain
de trahir les intérêts' de fa république ? as-tu donc
oublié mes victoires \ crois-tu que nous traitions ici
d’égal à égal ? n’eft-tu plus cet Archelaüs vaincu , fugitif
dans tant de combats, & que mes derniers fuccès
ont réduit, à fe cacher , dans les marais cTOrchomène ?
Déconcerté par une réponfe fi fière , Archelaüs
Teçut avec foumiffion les conditions que Sylla voulut
preferire , 8c promit d’engager Mithridate à les recevoir.
Ce prince propofa d’adoucir 8c de changer
quelques articles. Il eft trop heureux, dit Sylla, que.
je lui laiffe la main dont il a ligné l’ordre pour
égorger de far.g froid cent mille Romains dans l’Afie.
( Voyt^ l’article Mithrioate. ) J’attendois des re-
S Y L
mçrd^éhs de ma clémence & de ma modération ;
& il propolè des difficultés, C’étoit avec cette hauteur
que Sylla traitoic les ennemis du nom Romain,
lors meme qu il lè préparoit à faire la guerre aux
Romains.
M.thridate efpéra que dans une entrevue avec
SyUa, il reuffiro:t mieux qn’Archelaüs 8c qu’il ob-
tiendroit des conditions plus douces. Cette entrevue
fe fit dans la Troade. Mithridate avoit une armée
pour efeorte , Sylla n’a voit qu’une efeorte affez
loime ; il n en reçut pas le roi de Pont avec moins
de fierte ; Mithridate s’avança au devant de lui &
lui tendit la main ; avant de recevoir ce ligne d’amitié ,
acceptez-vous, lui dit Sylla , les conditions pro-
pofées? & comme'Mithridate, bleffé 8c embarraffé
d une telle interpellation , gardoit un moment le
ulence ; parlez, Mithridate , ajouta-t-il , c’eft aux
lupplians a s expliquer : le vainqueur n’eft ici que
pour entendre & prononcer. Mithridate alors voulut
entreprendre fon apologie ; elle eût été difficile, 8c les
cent mille Romains égorgés en pleine paix dans l’Afie,
n’étoient pas un article facile à exeufer. Sylla lui en
| épargna la peine , il l’interrompit , lui préfenta la
lille de fes crimes, 8c finit par lui demander une
fécondé fois , s’il ne vouloit pas ratifier les conditions
qu Archelaüs s’etoit chargé de lui préfenter ? Mithridate
perdant l’efpérance de féduire cet homme incorruptible
8c inflexible , déclara qu’il ratifioit les conditions;
alors Sylla reçut fès embraffemens 8c IuL
préfenta deux rois précédemment dépouillés par lui
& avec lefquels il vouloit le réconcilier ; c’étoient
Ariobarzane, roi de Cappadoce, & Nicomède , roi
de Bithynie.
_Vëlleïus Paferculus ne trouve rien "de plus admirable
dans toute la vie de Sylla , que la patience
avec laquelle il laiffa la faéfion de Marius & de
Cinna dominer pendant trois ans en Italie , fans
jamais diffimuler qu’il fe préparoit à en tirer vengeance
, mais fans jamais interrompre, pour cette
querelle perfonnelle, la guerre qu’il faifoit à l’ennemi
de fon pays, 8c jugeant qu’il falloit avoir abattu les
ennemis étrangers avant de foumettre & de punir
les ennemis domeftiques. Vix quidquam in Syllce
operibus clarius duxerim, quant quod, cüm per trïen-
nium Cinnantz Murianceque partes ltaliam obfiderent,
neque illaturum fe^.bellum lis diffimulavit , nec quod
trat in manibus ortùfit ; exijhma vit que ante frange n—
dum hofiem, quàpi ulcifcendum civem ; reptilfoqu * ex-
ter no tnetu , ubi quod aliertum effet viciffet ,fuperaret
quod erat dornejlicum.
La guerre civile fe faifoit déjà dans l’Afie avant
de commencer en Italie. ' Le parti de Marius en-
voyoit contre Mithridate des géuéraux, qui étoient
bien plutôt envoyés contre Sylla. Leur commiffion
étoit de chercher à féduire les foldats de Sylla, &
fi par force ou par artifice ils trou voient les moyens
de nuire à ce général , de n’en pas perdre l’oc-
cafion. Sylla, débarraffé enfin de Mithridate, mar-
[ cha contre le plus redoutable & le plus menaçant
dç
» Y L
«fe ces généraux Romains du parti de Marias, c’étoit '
Thnbria , il avoit auffi de fon côté remporté d affez
grands avantages contre Mithridate ., 8c une des rations
qu’a voit eues Sylla de conclure promptement
£ quoique fans complaifance 8c fans foibleffe , comme
on l’a' vu ) la paix avec Mithridate, étoit la .crainte
que Fimbria ne le prévînt 8c que joignant fes forces
à celles de ce prince, réconcilié par fon entremife
avec les Romains , ils ne vinffent enfemble
accabler Sylla. Délivré de cette inquiétude, Sylla
marcha lui-même contre Fimbria, qu’il trouva campé
fous les murailles de Thyatire dans la Lydie , & il
affit fon camp près de celui de Fimbria. Ce général
n"étoit point aimé de fes troupes 8c n’avoit pas pour
leur impofer le grand art de Sylla. Dès que les foldats
de Fimbria virent dé loin les foldats de Sylla , ils
•coururent en tunique & fans armes les embraffer &
les aider à fe retrancher dans leur camp. Fimbria
jugeant, d’après ces difpofitions, qu’il né pOurroit réinter
à Sylla , tenta de le faire affaffiner, & n’ayant
pu y réuffir, il fe tua lui-même.
Sylla ne fe comporta pas avec moins de hauteur
à i’egard dès Romains qu’à l’égard de Mithridate. Il
ne-diffimula point fes deffeins , quoique dans l’exécution
de ces mêmes deffeins il employât, beaucoup
de prudence , 8c que le conful Carbon , fon ennemi,
devenu chef de la faflion de Cinna & de Marius,
eut coutume de dire que dans, le feul Sylla il avoit
à. combattre un lion & un renard, & qu’il craignoit
plus encore le renard que le lion ; il écrivit au fénat
une. lettre menaçante dans laquelle il expofoit les
nombreux & glorieux fervices qu’il venoit de rendre
-à la république ; il fe plaignoit de l’injuftice 8c de
l’ingratitude clu parti de Marius qui, pour toute ré-
compenfe , proferivoit fa tête 8c envoyoit contre lui
des affaffins ; il déclaroit qu’il venoit venger les
injures de la république 8c les injures particulières,
mais qu’il fauroit diûinguer 8c honorer" les bons ci •
toyens. Sur cette lettre 3 Cinna 8c Ca: bon firent des
levées pour s’oppofer à Syllay; le-Sénat flottant entre les
deux partis, envoya une députation porter à Sylla
<fes propofxtions de paix 8c liii offrir des fatisfac-
tions qu’il jugea infuffifantes ; lorfque les députés retournoient
à Rome rendre compte de leur commiffion;
ils- apprirent' que* les foldats de Cinna fachant qu’on
les menoit contre le væ.nquêur de Mithridate, avoient
refis?é de marcher,, 8c que Cinna ayant voulu lés
y forcer , avoit été tué dans le tumulte que ces débats
avoient exciré ; ils revinrent fur leurs pas demander
à Sylla de nouveaux ordres ; Sylla répondit
qu*xl alloit les porter lui-même. Sur fa route Metellus
rrus, Pompée, depuis nommé le grand, Céthégus,
tous ceux qui avoient à fe plaindre du parti de
Marius, ou qui gémiffoient de cette tyrannie , vinrent
fe joindre à Sylla ; Marius étoit mort Fan 667 de
Rome , Cinna , l’an 670. Les chefs de ce parti étoient
Marius le fils, 8c. Carbon , auxquels, fe joignirent
les confuls de Farinée 671 ; Caxus Junius Norbanus
8c Lucius Cornélius Scipion. Norbanus fut mis en
déroute près de Cannés, par un dés lieutguans de
Hifioire Tome Js
S Y L 16p
Sylla ; Scipion , trahi par fes troupes ", fut livré
avec fon fils à Sylla lui-même en 672. Marius le
fils 8c Carbon furent confuls , Norbanus ayant encore
été défait, fe tua lui-même. Marius, près d’être forcé
dans Prénefte par Sylla , fe tua auffi lui-même ;
Pompée ayant fait Carbon prifonnier , lui fit trancher
la tête , qui fut envoyée à Sylla ; enfin Sylla par-tout
vainqueur, foit par lui-même, foit par fes lieutenans,
fit fon entrée triomphante dans Rome. De ce mo- ■
ment, ce n’eft plus ce hér.os brillant 8c fublime ,
qui la rendoit triomphante elle-même pendant qu’on
le proferivoit,, c ’eft un digne 8c barbare rival de
l’affreux Marius, c’eft un vainqueur impitoyable,
yvre de fang , avide de vengeance , c’eft l’horreur
8c le fléau de Rome. Il affemble le Sénat dans le
temple de Bellonequi donnoit fur le cirqùe. Tout-à-
coup des cris effrayans fe font entendre 8c troublent
l’affemblée , on s’agite , on s’épouvante, on regarde
Sylla en tremblant. Ce nejl rien , dit-il froidement,
cefi un petit nombre de rebellés qu on châtie par tries
ordres. C'étoient fix ou fept mille prifonniers de guerre
auxquels il avoit promis de conferver la vie 8c qu’il
s’amufoit à faire égorger fous les yeux du Sénat.
Chaque jour voyoit de nouveaux maffacres , jufqua
ce qu’enfin un jeune Sénateur Caïus Metellus , ofa
demander en plein Sénat à ce tyran , quef terme
il prétendoit mettre aux terreurs 8c aux infortunes
de fes concitoyens ? Nous ne demandons point, lui
dit-il, que tu. pardonnes^ à ceux que tu as rèfolu d’immoler
, mais délivre-no us de l'incertitude , apprends-
nous du moins ceux que tu veux fauver. Je rien ai
pas encore déterminé le nombre, répondit-il. Fais-nous
connoître au moins , répliqua-t-on , les malheureux que
tuas condamnés ? Je le ferai; dit-il tranquillement
8c comme s’il eût été queftion d’une aéfion prefque
indifférente. Delà Ces cruelles proferiptions dont les
liftes fe multiplioient 8c groffiffoient de jour en jour;
On récompbnfoit l’efclave qui apportoit la tête de
f®n maître, le fils qui préferitoxt celle de fon père : '
Le fils" tout dégoûtant du meurtre de fon père
Et fa tête à la main demandant fon faiaire.
Ces vers d’une , énergie effroyable , 8c auxquels ori
fait -par tradition j que Baron donhoit une ékpreffion
fx terrible, font ie,récit fidèle de ce.qui fe paffoitaii
temps'des proferiptions. La réputation feule d’être
riche, quelque part qu’on, eut eue ou qu’on n’eût
pas eue aux affairés publiques , étoit un arrêt de
mort. Un citoyen paifxble, Quintus Aurelius, qui
avoit vécu loin des faclions 8c des affaires , 8c qui
le croyoït ignoré , voyant fon nom fiir la lifte fatale,
s’écria: ah ! malheureux ! ccfl via terre ctÂlbè \juï
mé prof cri t , & il fut affaffiné à quelques pas delà.
Catilina, jeûne encore , fut un des bourreaux .les
plias ardens des proferiptions il s’y diftingua par le
meurtre de fon frère 8c par des recherches de cruauté
qui lui valurent la faveur 8c les récompenfes de
Sylla. C ’eft à ces exploits de la jeuneffe de Catilina
que penfoit Sallufte, lorfqu’il difoit ; huic ab adoles^