
élevé à la. dignité [de pontife & de conful. Ce
général triomphant des partîtes , félon le rapport
d’Aulu-Gelle , /. . 1. c. iv. on chanta pendant la
marche, cette chanfon : concurrite omnes augures 3
arufpices , Porterttum inufitatum conftatum efi
recens : mulos qui fricabat 3 conful fabius efi,
Velleias Paterculus, raconte que Lépide ayant
proferit (on frère Pau lus, ceux qui fuivoient le char
de triomphe, mêlèrent parmi leurs fatyres ce bon
mot, qui tombe fur une équivoque de la langue
latine : de Çermanis 3 non -de Gallis triumpkant
duo confules. Martial, /. I épigr. 4. après avoir
prié Domiticn de Te dépouiller, pour lire fes ouvrages,
de cette gravité qui féyoit à un empèreur , ajoute
que les triomphes même fouffrénr les jeux , & que le
vainqueur ne rougit pas de fervir de matière aux
railleries :
Confuevere jocos veflri quoque ferre tnumphi,
' Matsrïam di3is nec pudet ejje ducem.
Enfin , pour que le triomphateur ne s’enorgueillît
pas de la pompe de fon triomphe, on faifoit monter
fur le même char, un efclave prépofé pour le faire
louvenirde la condition humaine, fi fujette aux caprices
de la fortune. 11 avoit ordre de lui.répéter
de tems-en-tems ces paroles , refpice pofl te; ho- -
xpinem memento te ; cet efclave efi nommé ingé-
nieufement par Pline, carnifex glori& , le bourreau
de la gloire. Derrière le char pendoient un fouet
& une fonnette.
Ce qu il y a de plus étrange, c’efi que dans c.*
même jour où le triomphateur étoir revêtu de
l'autorité (buveraine, il y avouTtel cas où les
tribuns du peuple pouvoienc le renverfer de fon
char, & le faire conduire en prifun.
Valere Maxime nous rapporte que la faction
de ces magiftrats plébéiens ayant formé cette
entreprife violente contre Claudius, dans la marche
de (on triomphe , fa fille Claudia, qui étoit une
des vèftales, voyant qu’un des triburs avoit déjà
la main fur fon père, fe jetta avec précipitation
dans le char, & fe mit entre le tribun & fon
père j qu’elle accompagna jufqu’au capitole.
Cette aélion arrêta la violence du magifirat,
par cet extrême refped qui étoit du aux vef-
tales , & qui à leur égard ne laiffoic qu’au pontife
feul, la liberté des remontrances & des voies
de fait.
Le général après avoir parcouru la ville jonchée
de fleurs & remplie de parfums , arrivoit au
capitole , où il lacrifioit deux taureaux blancs ;
& mettoit uoe couronne de laurier fur la tête de
Jupiter, ce qui s’obferva dans la fuite, quoiqu’on
ne triomphât point. On faifoit après cela un fef-
tiji auquel on invicoit les confuls, mais feulement
pour la forme , car ôn les prioit .de n’y tpas venir
de peur^ que le jour même que le général avoit
triomphe , il n y eut dans le même repas quelqu’un
au-ddïus de lui. 1 1
.Telle etoit la cérémonie du triomphe ; mais pour
mettre fous les yeux du leéteur la defeription de
quelque triomphe fuperbe , nous choifîrons celle
qu ont fait e les hifioriens du triomphe de Céfar
apres la prife d IJti.que, & d’Augufte après la victoire
dAdium. Céfar brilla par quatre triomphes
reunis , qui durèrent quatre jours.
Le premier défi né au triomphe des Gaules, fit
voir aux Romains dans plu fleurs tableaux , les
notas de trois cent nations, & de huit cent villes,
| conqufes par la mort d’un million d’ennemis qu’il
r avoit défaits en plufleurs batailles. Entre les pri-
i f°nniers paroiffoit Vercingentorix, qui avoit (oulevé
[ toutes les Gaules contre la république.
Tous les loldats romains fuivoient leur générai
i couronné de laurier, & eu cet équipage il alla au
capi ole, dont il monta les dégrés à genoux ; quarante
elephans ranges de côté & d’autre , portant
des chandeliers magnifiques garnis de flambeaux.
Ce fpeétacle dura jufqu’à la nuit , à caufè que
1 effieu du char de triomphe rompit , ce qui pen(a
faire tomber le vainqueur , lorfqubl fe croyoit au
plus haut point de (a gloire. »
Le fécond triomphe fut de l ’Egypte, où parurent
les^ porrairs de Ptolomée, de Phôrin & d’Achillas,
qui rejouirent fort le peuple. Le troifîème repré-
fentoit la défaite de Pharnace, & la fui:e de
ce roi , qui excira parmi le peuple de grands cris
de joie, & plufleurs railleries contre le vaincu ;
c eft-là que fut employée linfcription veni, vidi,
vici ; mais au quatrième triomphe , la vue des
tableaux de Scipion 3 de Pétrtïus , & de Caron
qui étoit peint déchirant Tes entrailles , fit fou-
pircr les Romains.. Le fils de Juba , encore fort
jeune , étoit du nombre des prifonniers ; Augufte
lui rendit dans la fuite une partie du royaume de
(on pere , & lui fit époufer la jeune Cléopâtre ,
fille de Marc-Antoine.
Dans tous ces triomphes , on porta tant en argent
qu’en vafes & fiatues d’erfévrerie pour foixante 8c
cinq mille talens, qui font 12 millions' 650 mille
liv. fierlings, à 210 livres fierlings le talent;
il y avoit mille huit cent vingt-deux couronnes
d 'or, qui pefo:ent vingt mille quatorze livres , 8c
qui etoient des prefens qu’il avoit arrachés des
princes & des villes après fes vi <ftoires.
C ’efi de cette Tomme immenfc qu’il paya à
chaque foldat, fuivanc fe? promclfés , cinq mille
drachmes , environ cinq cer.t livres, le double au
centurion; & le quadruple aux tribuns des foldats,
ainfi qu’aux commandans de la c a v a le r ie& pour
leur retraite après la guerre , il leur donna des
héritages dans plufleurs endroits féparés de l’Italie.
Le peuple fe relfentit aufli de fa prodigalité ;
il lui fit diftribuer par tête quatre cent deniers ,
dix boilîeaux de blé , 8c dix livres d’huile ; enfuite
il traita tout le peuple romain à vingt-deux mille
tables.-
Afin que rien ne manquât à la pompe de çes
fêtes , il fit combattre jufqu’à deux mille gla
diateurs , fous prétexte de célébrer les funérailles
de fa fille Julie. Il fit repréfenter les jours fui-
vans, toutes forte de pièces de théâtre , ou les
enfans des princes de PA fie d infèrent armés. Le
cirque fut agrandi par fon ordre , & environné
d’un foITé plein d’eau. Dans cet efpace , toute
la jeune noblelfe de Rome repréfënta les jeux
troyens , tant à cheval que fur des chars à deux
& a quatre chevaux de front.
A ces divertiflemens fuccédèrent ceux de la
challe des bêces qui dura cinq jours. On fit pa-
roître enfuite deux armées campées dans le cirque,
chacune de cinq cent foldats , vingt éléphans ,
& trois cent cavaliers, qui repréfenièrent un combat.
Les athlètes à la lutte & au pugilat remplirent
deux jours entiers.
Enfin pour dernier fpeétacle , fur un lac creufé
exprès dans le champ de Mars , deux flottes de
galères équipées de mille hommes , donnèrent au
peuple le plaifîr d’un combat naval. Ces fêtes attirèrent
tant de monde à Rome , que la plupart
furent obligés de camper dans les places publiques
; plufleurs perfonnes , & entr’autres deux fena-
teurs , furent étouffés dans la preffe.
Le triomphe d’Augufie, après fes viébires d’Ac-
tium & d’Alexandrie , ne fut guère moins fuperbe ,
quoique par une feinte modération , il crût devoir
retrancher une partie des honneurs que le decret
du fénat lui accordoit, n’ayant point voulu, par
exemple , que lès vefiales abandonnaient le foin
de leur religion , pour honorer fon triomphe, &
laiiïant au peuple la liberté de fortir au-devant
de lui , ou de fe tenir dans leurs roaifons , fans
contraindre perfonne. Au milieu de .cette modération
affedée , [il fit fon entrée triomphante , l’an
725 de la fondation de Rome, s’étant fait donner
le confulat pour la quatrième fois. Il borna fon
triomphe à trois jours de fuite.
L e premier jour, il triompha des Pannoniens,
des Dalmates , des Japides, & des peuples de la
Gaule & de l ’Allemagne , voiflns de ceux-là, le
fécond , de la guerre d’A&ium , & le troifîème ,
de celle d’Alexandrie.
Ce dernier triomphe furpaffa les deux autres en
magnificence. On y admiroit uu tableau ; qui re-,
gréfentoit d’après nature la reine. Cléopâtre couchée
fur (on l i t , où elle fe faifoit piquer le bras
par un afpic. Ou vôyoic à fes côtés le jeune Alexandre
& la jeune Cléopâtre fes enfans, vêtus
d’habits magnifiques. Le char de triomphe éclatant
d’or & de pierreries, fuivoit celui du tableau ;
A u gu fie y c-teit aflïs , & rare de fa robe triomphale,
toute de pourpre en brode-ie d’o r , tel qu’on
avoit vu autrefois le grand Pompée triomphant
de l’Afie , de l’Afrique & de l’Europe , c’efi-à-
dire , de toute la terre connue , faifanc porter devant
lui plus de quatorze cent millions en argent, &
menant trois cent princes & rois captifs qui pré-
cédoient fon char. Augufte 11’apportoit guere moins
de richefles à l ’état que Pompée en avoit apporté »
fi l ’on en croit Dion , Plutarque & Suétone.
Après avoir fait diftribuer quatre cent fefterces
par tête au peuple , ce qui mou-toit à plus de
dix millions d’or , en comptant, cinq cent mille
hommes, il donna plus de cinquante millions à
fon armée ïjj & cependant il remit tant d’argent
dans l'épargne , que l’intérêt fut réduit de 6 à
2 pour cent , & que le prix des fonds haufia à
proportion.
Il remplit les temples de Jupiter & de Minerve,
ainfi que les grandes places de Rome , des plus
riches monumens de l’Egypte ti de l’Afie , & fiç
mettre dans le temple de Vénus une ftatue de
Cléopâtre qui étoit d’or maflîi ; de forte que cette
reine après fa mort fe trouva tellement honorée
par fes propres vainqueurs , qu’ils placèrent fes
fiatues jufques dans leurs tetnples.
Il y avoit dans celui-ci une chapelle dédiée à
Jules-Céfar, où étoit la ftatue de la vLftoire; c’eft
autour de cette ftatue, qu’Oèlave fit attacher les
plus riches dépouilles d’Alexandrie.
En politique habile , il demanda que fon collègue
au confulat, Apuleius, fût affis auprès de
lu i, & qu’il n’y eût point de diftin&ion dans la
marche entre les fénateurs & les autres magiftrats
de la république. Aux deux portières de fon char,
marchoieut à cheval Marcellus & Tibère, le premier
à la droite , & Tibère à la gauche ; ils entroient
l’un & l ’autre dans leur quatorzième année;
mais Marcellus attiroit tous les regards de tout
le monde par la noblelfe de fa figure, telle que
Virgile l’a dépeint dans fon Enéide.
Egregium formâ juvenem & fulgenttbus armis !
Qui Jîrepitus cïrcà comitum l quantum ïnfiat in
ipfo efi |
D’ailleurs les Romains qui vénéroient fa famille,
& qui honoroient la vertu d’Oétavie , le regar-
doient avec plaifîr , comme devant un jour fuccéder
à l’Empire.
Cette fête fut fuivie des jeux troyens, où le
jeune Marcellus furpalTa. tous les autres, par fon
adreffe & parla bonne mine. Augufte donrra enfuite
des combats de gladiateurs qu’il tira d'entre les
prifonniers faits par fes généraux fur les peuples
barbares qui habitoient vers l ’embouchure du Danube.
Il eft inutile de parler des fpeétacles} des jeux