
Tant .pis.
» de Voifenon : M a d am e , lui dit-il , ma v e rtu eft
» de l 'a im e r , la fienne efi de le fiouffrir. » ;
On avoit imprimé en 17^2 quelques-unes des
pièces de M. l'abbé de Voifenon. L’édition qu’on
a donnée de fes oeuvres en 5 volumes in-8°. en
1781, eft la feule qui foit complette; outre fes comédies
, qui s’y trouvent en beaucoup plus grand
nombre que dans l’édition de 17jz , & dont plusieurs
, comme l'heureufe rejfemblance & la tan te
fuppofee n’étoient connues que dans des fociétés
particulières, elle contient plufîeurs ouvrages lyriques
, facrés & profanes ; des oeuvres mêlées en
profe & en vers ; des difçours académiques ; des
fragmens hiftorîques 5 des romans & des contes.
Il y a dans tout cela au moins de l’efpiit & de la
gaîté. Dans les anecdotes littéraires, des jugemens
libres, fuperficiels & un peu hazardés fur-la per-
fonne & les ouvrages des auteurs ou vivans ou
morts depuis peu, ont pu , en contribuant au débit
de ce recueil, mettre dans l’efprit de plufieurs
leéteurs des difpofitions peu favorables à l’auteur;
mais il faut être jufte & convenir queJLcet écrivain
n’a pas fait un ftu-1 chef-d’oeuvre. , il a fait une
multitude d’ouvrages agréables , qu'il répand les
fleurs à pleines mains 3 qu il étincelle d’efptit ; qu’il
a une manière piquante & qui eft à lui. La plus
célèbre de toutes fs comédies eft la coquette fixée ;
c’étoit, avant le méchant y une des comédies modernes
du meilleur ton dans un genre dont le méc
h a n t a été regardé comme le plus parfait modèle.
Il y a même dans cette pièce plus d’intérêt & de
fîtuations piquantes que dans le méchant. Il y a de
plus & dans cette pièco & dans d’autres du même
auteur, une foule de jolis vers, tels que- ceux-ci :
- Coquette qui querelle eft fur le point d’aimer......
Des ferviees qu’on rend on jouit le premier..........
L’himen n’eft que le droit d’avouer fon amant....,..
L’amour me fit fentir que malgré le malheur,
L’homme poflède tout, qiiand il jouit d’un coeur.
Il y a même des tirades de fort bon goût ;
Depuis que dans ces lieux vous êtes introduit
Le raifonnement gagne & le plaifir s’enfuit.
D’amoureux & de fots, lamaifon étoit pleine,
Nous.lavions les bercer d’une efpérance vaine..
On rioit avec eux d’abord qu’ils le fiattoient >
On s’en divertiflbit quand ils fe rebutoient ;
Sans avoir lien à dire on rompoit le filence,
L’ennui difparoifl’oit devant l’extravagance.
Un peintre en parlant à un amant de fa maitrefle
eu il doit peindre, lui demande fi elle a de i’efpril ?
DOSANTE.
Teaucoup..
V O I
Ca r m i n .. .
Dorant e ..
Comment ?
Carmin.
C’eft là ce qui m’arrête ;
J’aurois bien déliré qu’elle fût un peu bête,.
Vous l’en aimeriez moins, mais.je la peindrois mieux...»
On ne rend jamais bien la phyfionomie ;
L’efprit à’chaque inftant la change & la varie,
Et le peintre étonné, faififlant le pinceau,
Retrouve à chaque trait un vifage nouveau.
Parlez-moi d’un objet ,-modèle d’indolence ,
De qui l’ame & les yeux font fans cortefpondance.....4.
Si l’objet de vos feux étoit de cette elpèce,
Il eft vrai, vous feriez allez mal en. maîtrefle ,
Mais auffi vous feriez tout au mieux en portrait,.
Et c’eft pour un amant un bonheur bien parfait.
Le défaut le plus connu de l'efprit eft d’être
recherché. M. l’abbé de Voifenon n’eft point
l’abri de ce reproche, lorfqu’il appelle de-jolies
mains & qu’on aime, à bai fer , des. flèches- de
velours..
Si l’on veut juger du talent de M. l’abbé de
Voifenon pour les poéfies légères , on peut voir,
.une pièce de lui qui eft à la page 393- du troifîème
volume, & qui débuté par ces vers t
Vous commencez votre, carrière
Lorfque je penche vers ma fin,
Et la comparer avec une pièce toute femblable de-
M. de Voltaire à M. Definahis -
Vos jeunes mains cueillent des fleurs.
Dont je n’ai plus. que. les épines, &c..
L’auteur y fait bien des efforts pour-fuivre & pour
éviter M. de Voltaire..
La poefie a fes licences , mais M. l’abbé de
Voifenon s’en permet quelquefois d’un peu étranges;,
que parmi fes vers on trouve celui-ci :
Jouer une coquette efi une chofe très louable.
On conçoit d’abord que c’eft une faute d’impref-
fion, & qu’il faut lire :
efi chofe très louable,.
Mais comment -exeufer ce vers ?
Yoyeat comme étranger ce qui n’eft point'amour».
Et celui - ci :
Qui vous î vous m’auriez peinte»
Oui
Sans que je l'aie JM l
Et cet aufre r
Futiles répertoïrs des fottifes courantes-
M. l’abbé de Voifenon auroit-il voulu le défigner
& juger fes comédies par ces deux vers qu il met
dans la bouche d’un de fes perfonnages :
Que je n’ai jamais fait une pièce, il eft vrai
Mais quatre volumes de fcènes T
L’amitié a.donné pour éditeura M-l abbe de Voifenon
une dame qui nè fe défigne que par ces lmt.es
L. C. D. T ., & à qui M. de Voltaire écrivoit :
« La véritable gloire apparient au petit nombre
d’hommes qui. ont . reiïemblé à Mcnlieur votre
père. » On apprend par une note de cet éditeur,
que la romance de Cominges , attribuée a M. le
duc de la Vallière, auteur de celle de R a o u l de
Coucy, eft de M. l'abbé de Vo ifen o n . On trouve
auffi dans ce- recueil ce joli couplet, attribue à
Panard & imprimé .parmi fes oeuvres
Sans dépenfer
C’eft en vain qu’on efpère.
De s’avancer
Au pays de Cithère,
Femme en courroux,.
Mari jaloux
Grilles, verroux
Tombent fur vous;
Le chien vous poutfuit comme loups-
Le tems n’y peut rien- faire ;
Mais fi Plutus entre dans le myftère „
Grilles, reftort
Tombent d'abord ;
Le chien s’endort,,
Le mari forf;
Femme & foubrette font d’accord1-,.
Un jour finit l’affaire..
Ce couplet, le chef-d'oeuvre des couplets & qui
eft notoirement de M. Panard, beaucoup plus
exercé dans ce g. nre que M. l’abbe de Voifenon 3
L fera trouvé à caufe de fa perfcâion même parmi
les pap:ers de ce dernier , & l’éditeur , toujours
favorable à fon am i l ’aura cru ou aura voulu le
croire de lui».
C’eft avec beaucoup d’étonnement qu’on .trouve
ce titre à la. tête d’une des pièces du recueil : A
Madame de . . . . qui me marquoit que Madamji
de PpMPADOUR me favoit gré d avoir accompagné
M . le duc de Praflin dans fon exil. Il y a
aufti dans la pièce ce vers :
Je fais que Pompadour m’en a fait un mérite#
Cependant Madame de Pompadour eft morte en
1 7 6 4 ’, & l’exil de M. le duc de Praflin eft des
derniers jours de l’année 1770. Les époques^ indiquent
le nom qu’il faut fubftituer à celui de
Pompadour.
A l’article de Madame la marquife de Lambert on
lit ces mots : « Elle fit paroître dès fon jeune âge ,
» cette délicatefie d’efpric qui ne fe trouve point
„ dans fon fix e ». On voit bien que c’eft encore
une faute d’impreffion , & qu’il faut lire apparemment
: qui ne fié 'trouve que dans fon fixe.
Parmi- les jugemens purement littéraires de M.
l’abbé de V o i f in o n , on ne remarquera que trop
comme injuftes & indignes de lui, le mépris qu il
montre pour Ad élaïde du Guefçlin , & l’applaudiffe-
ment- qu’il pavoît donner au mot de Piron, v o u s
v o udriez bien que j e l'euffe f a i t 3 mot aufti avan-
; tageux que défobligeant & injufte , mot que M.
Piron il a jamais pû en aucun feus avoir le droit
de dire à M. de Voltaire.
VOISIN ,. ( Jofeph de ) : ( Hifi. l ï t t . . mvd. ) né
à Bordeaux d’une famille noble & diftinguée dans
la robe, fut lui-même confeiller au parlement de
c:tte ville. Ayant enfuite embrafle l’état eeclefîaf*
tique il fut prédicareur & aumônier du prince
de Conti Armand;de Bourbon. Ce prince dévot au
point d’avoir voulu être cardinal & même jéfuite,
ayant fait un traité contre la. comédie , l'abbé
d Aubignac , qui faifoit des tragédies ,* & qui
avoit fait la pratique du théâtre, réfuta l’ouvrage
du prince, & l’abbé de Voifin Ce crut obligé de
réfuter F abb é d’Aubignac. On a de plus de lui
une théologie des juifs , un traité de la foi
; divine , un- trai é du jubilé félon les juifs ; ccs
: ouvrages font en latin , il eft-encore auteur de-
. favantes- notes fur le p u g io fidei de Raymond Mar-
‘ tin. Il donna en 1660 une'tradudion françoife du
Miifel romain en 4 volumes in i i ° . Elle fut condamnée
par raffemblée du clergé & proferite pair
un arrêt du confeil. Elle ne contenoîr cependant
rien que d’édifiant, mais on: foupçonna finement
que l’intention fecrette du tradudeur pouvoit avoir
été de faire dire la melfe en françois. L’abbé de
Voifin mourut en. 1685 avec la réputation d’un
homme d'un profond favoir & d'une grande piété.
Il avoit une vafte coiHioüTance.des langues-.
V oisin , (Daniel François) ( H i f i . de F r . )
G’eft le chancelier Voifin , d’abord confeiller ail
parlement, puis maître des requêtes en 1684 , in-
, tendant des armées de Flandre en i^38 confeiller