
que l’objet qu’on regrette , & que l’objet quï regrette
foient intéreffans ; fi l’un des deux ne l’eft
pas, la pitié eft nulle , ou du moins foible. Laufus
dans l’Eneide eft vertueux, il meurt pour ion père ;
Mézence eft malheureux fans doute de perdre un
.tel fils ; mais Mézence eft pour ainfi dire indione
de le pleurer. Mézence eft un fcélerat & un impie ,
Virgile n’a pas même fongé à rendre fa douleur touchante
, il a donné à cette douleur Je cara&ère de
la fureur, qui étonne , mais qui n’attendrit pas.
Voyez au contraire combien eft touchante la douleur
d’Evandre qui, dans cette même guerre, perd
fon fils Pallas ; c’eft qu’Evandre & Palias font tous
deux vertueujc &. intéreffans.
Nous ne devons pas diffimuler ici que ce charme
attirant &. attachant de Virgile , qui nous paroît
manquer à Stace, ce dulce que nous lui refuforis ,
en lui accordant le pulchrum , eft précifément le mérite
que paroît louer et\ lui Juvenal qui de voit
s’y connoîtrë mfeux que nous , & qui en général
n etoit pas difpofé a prodiguer ni à exagérer la louange.
Voici le jugement qu’il porte de State dans la Satyre
huitième :
Currhur ad \ocem yacundam ac carmen arnica
Thebaidos, latam fecit cum Statius urbem
Promifitque diem\ tanta dulcedine captos
Afficit ille animas^ taniâque libidine vulfi
Auditur !
Nous répondrons , i°. que Juvénal parle peut-
être en général du fuccès des leéiures de la Thé b aide,
& du plaifir que paroiffoit faire ce 'poème , plutôt
qu’il ne veut caraétériler avec précîfion la nature de ce
plaifir, & du mérite de l’ouvragé. ' «
a°. Que Juvénal étoit peut-être l’ami de Stace ,
dont il étoit certainement le contemporain , & qu’il
voyou peut-être dans l’ouvrage de fon ami un mérite
qui n’y étoit pas.
3°. Nous ne prétendons pas refufer entièrement à
la Thèbdide le mérite vdont il s’agit ; mais tant que
nous aurons des objets de comparaifon, tels que
P Enftde & les Métamorphofes \ nous dirons toujours
que Stace, avec des beautés continues n’a pourtant
ni le charmé de Virgile , ni l’agrément infini
d’Ovide. '
Quant à l’éloge que Grotius fait de Stace , en
difànt qu’il la'ftoia viéloire incertaine entre Virgile
& lui ; ”
Ambiguam magno patmam jactura, Maroni
C ar mina, quctt doçto Statius ore dédit,
C ’eft l’éxagération d’un panégyrifte , qui, voulant
louer l’éditeur de Stace, commence par louer Stace
outre xnefure. D’ailleurs l’autorité de Grotius ne
fero.it toujours que celle d’un moderne , qui n’a point
de titre pour juger ipieux que nous des anciens.
Rapportons-nous en à Stace lui-même ; qui adoré
& fuit de loin avec refpeél la divine Eneïde, fans
effayer de l’égaler.
Nec tu divinam Eneida tenta
Sed longe fequere, & vejligia femper adora
L’opinion de Nicolas de Clémangis, célébré docteur
des quatorzième & quinzième fiècles, eft plus
modérée & plus jufte que celle de Grotius : il
donne à Virgile fur Stace, une fupérîorité incon-
teftable, mais il ne la donne qu’à lui.
Omnium inter héroïcos , uno excepto Virgûio , gra~
vijjimus, fiudiofijfimaque Virgilii imita tio ne, alter quafi
Virgilius.
Si,comme on le doit, on place Ovide parmi les
poètes héroïques, il faudra encore une exception en
fa faveur.
Jules Cefar Scafger, appelle auffi. Stace : hèroicà-
rum po'étarum, f i pluznicem ilium noftrum nïaronetn
eximas , tiim latinorum 9 tum ctiam groecorum facile
princeps.
On a reproché à Stace de l’enflure, Scaliger réfute
ce reproche. Il examine fur-tout le début de
ces deux poèmes : la Thèbdide Si PAchilléïde. Il
prouve aifément que le début de la Thébaïde n’eft
qu’exaél, & n’eft point enflé.
Fratemas acies, dltcrnaque régna profanis
Decertata odiis fontefque evolvere Thebas
Pierius menti calor incidit.
Peut-être ne faut-il pas le vanter d’une chaleur
poétique ; mas- enfin les deuxprcmiers vers expo-;
lent le fujet avec jufteffe & fïmplicué.
Le début de l’Achilléïde paroît d’abord avoir
quelque chofe de plus enflé :
Magnanimum GLaciden formidatamque tonanti
Progeni-’m & patrio vêtitam fuccedere ccelo ,
Diva refer.
Ce trait, formidatam tonanti progeniem feroit la plus
ridicule des hyperboles afiatiques, s’il n’avoit pas ici
un fens particulier très-raifonnable. Jupiter avoit craint
d’être père du fils de Thétis parce que l’oracle
avoit déclaré que le .fils de cette Déeffe feroit plus
grand que fon père , ce qui fut vérifié à l’égard de
Pélée. Le reproche d’enflure paroît donc encore in-
jufte à cet égard , & nous ne voyons pas trop non
plus de quoi le fonder dans les détails de ces deux
poèmes. Ce reproche feroit quelquefois plus jufte à
l ’égard de Lucain; mais les beautés de Lucain nous
paroiffçnt avoir un plus grand caraéfère, une énergie
plus originale que celles •- de Stace, qui font plus
égales & plus continues. .
Nous ne préférerions pas non plus Stace à
Silius Italicus, fans quelque reftridign à l’égard de
«ertaifes
certaines beautés de ce dernier poète', qui nous pa-
roiffent fupérieures à tout : tel eft, par exemple, ce
morceau où il nous montre Annibal entouré des
journées glorieufes de Cannes , de Trébie , de
Thralymène, & l ’ombre du grand Paul Emile fe tenant
debout devant lui par refpeél, prête à défendre elle-
même fon vainqueur contre ' ceux qui voudroient
violer dans ce grand homme la majefté de la
yiftoire.
Fallit te , &c. ( Voyei l’article Silius ItalIcus. )
On a reproché à cés trois poètes ( Lucain , Stace,
& Silius Italicus ) de n’avoir fait que des poèmes
purement hiftoriques. Tant mieux; ils en font plus
intéreffans ; beaucoup d’anciens rhéteurs ont diftingué
le poëme hiftorique du poëme,épique, ils ont cru
que c’étoient les frétions & le merveilleux qui confti-
tuoient eflentiellement l’épopée. Oferions-nous dire que
ce n’eft là qu’un vieux préjugé démenti par la réfléxion
& par l’expérience ; que les poèmes hiftoriques font
les plus intéreffans des poèmes épiques, & que dans
les poèmes mêmes où régnent ces frétions qu’on
voudroit regarder comme elientielles à l’épopée, c’eft
toujours la partie hiftorique qui fait le plus d'effet ?
Voyez les beaux vers hiftoriques de laHenriade ,
la relation du maffacre de la faint Barthéiemi, de
l’àflàflmat de Henri III , de la bataille d’Ivr i, du
fié'ge de Paris ; les portraits du duc de Guife , de
Catherine de Médias ,' de la reine Elifabeth ; comparez
ces morceaux qui gravent fhiftoire dans l’imagination
en caraétères ineffaçables , arec ces allégories
ingénieulès, mais froides de la Difcorde & de
la Politique. Voyez dans l’Enéïde , la defcription
du fac de Troye, les amours d’Enée & de Didon. Que
Junon vienne tendre à Venus un petit piège dans lequel
elle eft prife elle-même, que vous, importe? Qu ëft-ce
qui vous entraîne, qui vous enflamme ? C’eft l’amour
de Didon, c’eft fa douleur tendre , fa fureur éloquente
, fon défefpoir , fon courage. L’aâion des
Dieux eft toujours aux dépens de celle des hommes ,
ou plutôt elle eft toujours froide & inutile ; ce font
les hommes, ce font leurs paflïons qu’on veut voir
en mouvement. Dans la Thébaïde , c’eft Etéocle &
Polùr.ce , c’eft la haine furieufe de ces deux frères*
c’eft le vaillant Tidée, c’eft le hardi Capançe qu’on
veut voir agir ; mais, que Jupiter envoyé Mars
animer à la guerre les peuples de la Grèce ; que
Vénus éplorée aille retarder la courfe de Mars ; que
Mars, après avoir effayé de la confoler, pourfoive
fa route par l’impoffibilité de défobéir à Jupiter,
tout eft froid, tout languit ; que Tidée foulève le
Confeil d’Adrafle par le récit du crime auquel il a
fu échapper ; que Capanée entraîne les peuples à
la guerre, au mépris des terreurs religieufes d’Am-
phiaraiis & de Mélampe , tout s’anime , tout s’enflamme.
Comparez au feptième-livre les difeours de
Jupiter & de Bacchus , avec ceux de Jocafte &
de Tidée, dans le camp de Polinice ; quelle diflfé-
•rence •
11 a paru en 1783, une tradition nouvelle de
Hifloire. Tome V,
Stace, par M. l’Abbé de Cormiîiolle, curé de Coye »
entre Lufarche & Chantilly.
STAFFORD , (Hiß. d'Angl. ) nous avons parlé à
l’art, du doéteur Arnauld, de la prétendue ccnfpFalisn
pàpïjle, dont il a fi éloquemment & fi folidement
démontré la faufieté. Le Parlement d’Angleterre,
c.ui n’accréditoit les bruits de cette prétendue confpira-,
tion ,que pour éloigner du trône le duc dYorck ,
qui fut depuis le roi Jacques I I , défendit de n:er
la réalité de la confpiiaticn papifte , ce qui prouve
qu’il n’y croyoit pas. On a eu la barbarie dans cette
occafion, de verfer des flots de fang innocent, on
fit même tomber des têtes illuftres ; le vicomte de
Stafford, de la maifon Howard, homme fimple &
vertueux, d’ailleurs vieillard infirme , fut décapité
le 29 décembre 1680 , parce qu’un fauffaire de la
lie du peuple, déclara lui avoir vu remettre une
commimon du P. Oliva , général, des Jéfuites, qui
le créoit tréforier d’une prétendue armée papale qu’on
de voit lever pour faire la conquête des trois royaumes.
Le vicomte de Stafford, en partant pour l’exécution,
demanda un manteau à caufe du froid : )e pourrai
trembler de jroid, dit-il, mais je ne trertîbUrai pas de
peur.
STALH , ( Georges Err.ëft ) ( Hiß. litt. mod. )
Célébré chymifte Allemand, du fiècle dernier & de
celui-ci , né en Franconie en 1660 , fut le premier
Profeffeur en médecine dans l’Univerfité de Hall ,
qu’il vit fonder en 1694. Il fut appelle à Berlin en
1716 , & y fut confèfller de la cour & médecin du
roi. Il mourut en 1734. On a de lui Thèoria me d'ica
vera, opeffculum chymico-phyfico-medicum ; un excellent
traité de métallurgie ; des cbfèrvations thy miques
, des élémens de chymie qui ont été traduits
en François par M. de Machy.
STANDONS ou STADONKC, ( Jean ) ( Hiß.
de Fr. ) principal du collège de Montaigu , à Paris,
en eft regardé comme le fécond fondateur. Touché
de la vertu de Jeanne de France , première femme
de Louis X II, & fenfible à l’affront qu’efluyoit cette
läge & pieufè reine , il fe permit de parler un peu
librement fur la répudiation de cette princefte ; fa
liberté déplut, il fut chaflc du royaume , Cambray
fut fon afyle ; il revint au bout de deux ans, &
mourut dans fon collège de Montaigu-; il eft enterré
dans la chapelle de ce collège. Il étoit né à Malines
en 1443 ; il mourut en 1504.
STANHOPE , ( Jacques comte de ) ( Hiß.
à'Angl. ) fils d’Alexandre Stanhope , envoyé ou
ambaffadeur extraordinaire du roi Guillaume en Espagne
, fe diftingaa dans le méfier de la guerre & parvint
par fon mérite au commandement des armées.
Il fit fes premières armes en 1695 , fous le roi
Guillaume , lorlque ce prince reprit Namur. En 1709,
il fut nommé commandant en chef des troupes
Angloifes en EfpagnéT Le 27 Juillet 1710 p
il remporta près d’AImanara une viâoire ,
dont l’empereur Jofepli lui fit des remercîmens
publics. Le 20 août fuivant, il contribua beaucoup
avec le comte de Staremberg , à Ja vi&oire de