
logiques, non par une raifon 8c des lumières qu
h'éioicnt alors à l’ufage d'aucune nation, mais p^r
une ignorance profonde , bien moins à caindre
que les demi-connoiffances & les faufles lueurs,
l'Angleterre fut au quatorzième fiècle le berceau
de W ic le f, ce fameux précurfeur des réformateurs
du feizième fiècle. Il naquit vers l’an 1314, à
Wiclifou Wiclef, dans la province d’Yorck , &
fon nom, comme on voit, eft celui du lieu de
fa naiflance. Les motifs qui le rendirenr ennemi
de la cour de Rome & de Téglife catholique, font
à-peu-près les mêmes qui inlpirèrent dans la fuite
les mêmes fentimens à Luther, ce fut une querelle
contre des moines ; on avoit ôté à ceux-ci
je ne fais quelle petite place dans l’univerfité d’Ox-
ford pour la donner à Wiclef, qui fe diftinguoit
dans cette univerfité, comme Luther fe diftingua
depuis dans celle de Wittemberg. Sur la réclamation
des moines on ôta la place à Wiclef pour
la leut rendre ; Wiclef appella au pape, qui décida
contre lui, comme dans la fuite Léon X décida
contre Luther 3 de-là le déchaînement de Wiclef
contre Rome , lequel a fervi de modèle & d'autorité
à celui de Luther* L-s innovations de Wiclef
furent à peu près les mêmes que celles qui
ont été renouvellées depuis , foit par les luthériens,
foit par les calv mîtes j il portait les mêmes
atteintes au facrement de l’euchariftie , à la méfié
& à la confeffion. Les papes ( car il y en avoit deux
alors , Urbain VI & Clement VII, & on étoit au
fort du grand fchifme d’Qccident ) , les papes étoient
des antéchrifts ; mais cet héréfiaque n’avoit pas ]
tort en tout ; il n’avoit pas tort quand , à l’occa- !
fion de la croifade publiée en Angleterre par Ur- j
bain V I, contre la France , il s indignoit de voir j
la croix de J. C ., monument de paix, de mifé- ;
xicorde & de charité, fervir d’étendart & de lignai j
de guerre à des chrétiens, pour ies intérêts de
deux prêtres ambitieux ; il n’avoit pas tore, lorfqu’il
difoit qu’au lieu d’accorder des indulgences à des
chrétiens pour fe battre & pour s’entre-détruire, il
faudroit ne leur en accorder qu’à condition de vivre
en paix, & de remplir à l’égard les uns des autres
tous les devoirs de la charité 3 il eut tort fans doute
fur beaucoup d’autres points, fur-tont lorfquc devenu
contraire à fes principes de paix & de concorde
il anima les pauvres contre les riches, lorfqu’il
excita en 1379 & 1380 un fcmlévement général des
payfans d’Angleterre qui, à fon inftigation, prirent
les armes au nombre de plus de cenr miile & commirent
les plus grands défordres. Le mal ne le borna point
à cette ifieni à ce temps. Les livres de Wiclef portés
en Allemagne & en Bohême, fe reproduifirent dans
la do&rine de Jean Hus , & le fupplice de celui-ci
donna lieu à un grand loolèvement des peuples conrrc
l’empereur , roi de Bohême, & contre le clergé, &
cette même dodrine reoouvellée depuis par Luther
& | ar fes difciples , ou dociles ou difîîdens , produifit
ces différentes fentes d’anabaptiftes qui défolèrent
l’Allemagne fous l’empire de Chades-Quint, qui
finirent par un niïiffacre affreux des payfans révo’tés
& par le fupplice des prédicans fanatiques qui les
fou le voient.
Le germe de tous ces maux étoit dans la
doctrine de W i c l e f , & fur-tout par l’importance
j qu’on donna imprudemment à ccrtc doéhine, au
lieu de la laiffer le perdre dans la foule des crreuis 3
W i c l e f commença de la lépandre en Angleterre vers
la fin du règne d’Edouard III. .Quelques perfécutions
qu’il éprouva fous Richard II, l’ayant rendu inté-
reliant & çoifidérab'e, la fedte des wicléfite< ou
Lollards, ( ain'î nommés du nom d’un autre de
leurs chefs ) , fit des progt és fcnfibles 3 W i c l e f
trouva un zélé défenfeur dans le duc de Lan cadre ,
père de Henri IV.
A l’ombre de cette prote&ion , W i c l e f , malgré
la haine du clergé , dont il attaquoir les polT fiions
autant que l’autorité , mourut paifible dans fon
reélorat de} Lutterworth, au comté de Leiccder
en 1384.
Henri IV, avant de monter fur le trône, avoit
partagé les fentimens de fon père , & on s’atten-
doit a le voir d’autant plus favorable aux Lollards
qu’ils avoient été perfécutés fous Richard II , qui
avoit éré détrôné , puis immolé par Henri IV 3 la
politique en décida au •.rement.
Henri IV-jpgea qu’il devoit mettre le clergé
dans fes intérêts , il fit paffer en loi au parlement ,
que les hérétiques feroient livrés au bras féculier par
l’évêque, & au feu par le magidraj, ce qui ue tarda
pas à être exécuté dans la perfonrie de William Samre
reéteur de Saint-Ofithes, à Londres.- On croira
aifément que la feéte en fit desprogrès plus rapi ies.
On s’en apperçut dans le parlement qui fe tint la fixièm
année du règne de Henri IV. La chambre baflé , à
qui le roi demandoit un fubfide , lui propofa fans
détour de prendre tout le temporel de l’églife , &
d’en former un fond perpétuel & faeré , réfervé pour
les befoins de l’état.
L’archevêque de Cantorbéri voulut défendre
le clergé , & fai c compter pour quelque chofe
dans l’ordre politique l'occupation de prier dieu
pour la profpérite de l’état 5 l’orateur de la
chambre baffe, répondit par un fourire, qui ré-
duifôir à une très-petite valeur les prières de
l’églife.
Le roi prit le parti du clergé , la chariibfe
reietta le bill des communes ,. comme contraire
a u drois de propriété & aux loix fur Icfquelles
ce droit étoit fondé. La chambre baffe cependant ne
perdit ppint courage 3 le W i c le f i fm e continua fes
progrès, Cinq ans après le roi infiftant pour obtenir
un fubfide, la chambre baffe infifla poun que le
clergé fût dépouillé. Elle produifit un calcul des
revenus eccléfiaftiques, qu’elle portoit à cçnt qua-
t te-vingt-cinq mille marcs par an $ on pouvoir ,
difoit-elle, faire remplir beaucoup mieux qu’aupara-
vant les fondions cléricales par quinze mille piètres
habitués, à fept marcs d’appointemenr chacun 3 c’é-
toit en tour cinq cent mille marcs ; le roi pou voit prélever
ving mille marcs par ah pour fon propre ufage.
Les foixante mille marcs reftans pouvoient, félon
le même calcul , entretenir quinze comtes , quinze
cent chevaliers, fix mille écuyers, & cent hôpitaux.
A ccrte réquêre la_ chambré baffe en joi'gnoit une
autre par laquelle elle demandoit quon adoucît les
loix pénales, portées contre les Lollards. Le roi
répondit durement aux communes, & pour donner
fatisfaélion au clergé, il fit brûler un Loliart avant
la di'ffo lut ion du parlement : c’étoit trop peu d’un , fi
cette rigueur envers les Lollards étoit jufle 3 c’étoit
beaucoup trop , fi elle n’étoit qne barbare.
La France étoit dans Tufage de brûler les hérétiques
quatre fiècles avant l’Angleterre. La France
précédoit prefque toujours fa rivale dans les con-
noiffances & les erreurs par lefquelîes i’efprir humain
doit paffer. Il faut déjà des demi connoiffances
pour amener des heréfies & des perfécutions. Si depuis
Pelage jufqu’à Wiclef l'Angleterre n’avait prefque
pas vu naître unefeule fe&e dans fon fein , c’étoit
comme nous l’avons dit , l’effet, non de fes lumières
, mais au contraire de l’ignorance où elle
étoit enfevelie , qui ne lui permettoit pas encore de
s’occuper des objets fur lefquèis on fe crompoit déjà
en France 3 on peut croire que cette ignorance avoit
d’ailleurs beaucoup d’inconvér.icns 3 les demi connoif-
faoces en ont beaucoup auffi 3 c’étoit à des lumières
plus étendues & plus sures qu’il appartenoit, d’un
côté , de rendre les héréfies plus rares , en découvrant
quel eft l’abus des nouvautés dans.=une fçicnce
effentiellemeot immuable, de l’autre, de diminuer
les perfécutions , en infpirant pour- Terreur Tindul-
gence de la charité , & en faifant faifir ce jufte
milieu où !a tolérance civile vient s’unir à l’intolérance
eccléliaftique.
Camme i’admi nitration de Henri IV fut un mélange
Je foupleffe & de fermeté, la conduite de
la chambre des communes à fon égard, fut un mélange
d'audace & de condefcendance. On Ta vue quelquefois
étendre fa vigilance inquiète & jaîoufe juf-
ques fur l’intérieur de la maifon du prince 3 elle le
força de renvoyer quatre officiers de fa maifon , dont
un étoit fon confeffeur. Ce dernier article pouvoit
avoir rapport à la perfécution qu’éprouvojent les
Lollards. Sous le règne précédent, les communes
avoient défendu au confeffeur du roi de paroître à la
cour , excepté aux quatre grandes fêtes de Tannée.
Tous ces. réglemens fe ientoient de Tefpric de
Wiclef. C’eft lui qui a le mérite ou le tort de Fin—
vention dans fon genre, ce’ft lui qui a porté lç prçmier
coup à i’égllfe romaine. Les huffites, les luthériens
j les cal vinifies ne font cille fes difciples St
n’ont prefque été que fes échos. Les erreurs de W i c l e f
furent condamnées au concile de Confiance avec
celles de Jean Hus & de Jéîôme de Prague, qu’elles
avoient fait naître.
VICQUEFORT, ( Abraham ) ( h if l. l i t t . m o i . )
écrivain hollandois a dix connu , vécut dans différentes
cours. -où il fe rendit néceflairc, & où il
éprouva divers orages qu’il s’étoitvraifemblablemcnc
attirés ; attaché d’abo.-d à l’élcâeur dé Brandebourg,
il fut pendant trente-deux ans, fon rifident à la cour
de.France. Le cardinal Mazarin, à force de le voir,
»’accoutuma fans doute à le regarder comme fuiec
de la France, & le fit mettre à la baflilie en 16 j 8 ,
foit à caufe de fon attachement à la maifon de Condé
que le cardinal n’aimoit pas, foit à caufe de quei-
; ques anecdotes de la cour de France, qu’on l’accu-
i nrit d’avoir répandues en Hollande ; aucune de
ces deux caufes n’étoit fuflifar te pour faire renfermer
le réîîdenc d’une puiffance étrangère , mais le timide
Mazarin n’ofa que trop en ce genre, & même en
tendant à W ie p ie fo n fa liberté, il exigea que ce
. réfdent fortît du royaume. Trois mois après . ayant
changé d’opinion fur fon compte , ou plutôt avant
befoin de lui ; car les intrigans on toujours ou
peur , ou befoin les uns des autres, il le rappella,
&le traitant véritablement en fujet, & en fujet utile1
il lui donna une penfion de mille écus. La guerre dé
i 6-jt. l’obligea de quitter la France , & de fe retirer
dans la Hollande , fa patrie, en i-67p , il y devint
füfpeél d’intelligence avec les ennemis de l’état
& il fut condamné à une prifon perpétuelle; le prince
d’Orarge, Guillaume, qui fut depuis le roi d’Angleterre,
Gut laume III, eur beaucoup de part à
.fa condamnation. W i c q u e fo r t fe vengea de lui, &c
trompa l’ennui de fa prifon, en comptant l’hiftéire
des provinces unies, où il maltraita beaucoup le
prince d’Orange. Sa prifon ne fut point perpétuelle
grâce à la piété hardie d’une de fes filles, qui lé
délivra en 1675 , en changeant d’habits avec lui. Ce
fut a la cour du duede Zell qu’ilfe réfugia pour lors,
&il y rcfla jufqu’en 1SS1, que l’amour de la patrie lé
ramena encore en Hollande, où il fut content de
vivre libre & fans 'emploi, après y avoir rempli autrefois
celui de fecrétaiie interprête des états généraux.
Outre fon hifloire des provinces unies, dont
il n’a paru qu’un premier volume en 1 7 1 ,, on a
de lui l’ouvrage a fiez connu , intitulé : l ’ am b a f fa - ,
d eu r & f e s f o n c t i o n s ; & des traduirions francoifcs de
divers voyages . te s que U v o y a g e d e M o f c o v ie &
d e P e r fe , écrit en allemand par Adam Oléarius ; U
r e la t io n d u v o y a g e d e J e a n -A u b e r t de N la n d c f lo , a u x
In d e s O r i e n t a l e s , écrite auffi en allemand ; elle forme
la fuite & le fécond volume de l’ouvrage précédent -
enfin le voyage de Pcrfc & des Indes Orientales
par Thomas Herbert. Il a traduit auffi la relation
de l’amballade de Dont Garcias de Silva-Ft»ucroa
en Perfe, . 0