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Les monumens de la ville de Téos en Ionïe,
publiés parChishull, dans fes antiquités -afiatiques,
nous donnent des détails intéreflans fur la manière
dont ce privilège } arohiot , étoit reconnu par les
étrangers. L a ville de Téos rendoit un culte particulier
à Bacchus , & l’a fait repréfenter fur un
grand nombre de fes médailles. Les Teiens, vers
Pan 559 de Roqje ,19 5 avant Jefus-Chrift , déclarèrent
par un décret folemnel que leur v ille ,
avec fon territoire , étoit facrée & inviolable. Ils
firent confirmer leur décret par les romains, par
les Etoliens & par plufieurs villes de Pile de
Crete. On rapporte , d’après les inferiptions , les
decrets de confirmation donnés par ces différens
peuples.
Semblablement Démétrius Soter, roi de Syrie ,
dans fa lettre au grand-prêtre Jonatlîas & à la nation
des juifs déclara la ville de Jérusalem , avec
fon territoire , facrée , inviolable 6c exemte de
tributs. Vaillant a donné la lifte des villes facrées
de l'antiquité, on peut le coufuiter. {D . J .)
V ille métropolitaine , chez les romains ,
c’étoit la capitale d’une province ; parmi nous ,
c’eft une ville où eft le fiège d’une métropole ou
égiife archiépifcopaie. t
V illes municipales , municipia , étoienr chez
les romains, des villes originairement libres , q u i,
par leurs capitulations, s’étoient rendues & adjointes
volontairement à la république romaine ,
quant à la fouveraineté feulement, gardant néanmoins
leur liberté, en ce que les fonds de ces villes
nappartenoient point à la république, & qu’elles!
avoient leurs mag^ftrats & leurs loix propres.
Voyei Aulugelle, & Loyfeau , des feign.
Parmi nous , on entend par ville municipale celle
qui a fes magiftrats & fes loix propres.
V ille murée , on entend par ce terme une
ville qui eft fermée de murailles, ou du moins qui
l ’a été autrefois : ces villes font a certains égards
diflinguées des autres ; par exemple, pour pofleder
une cure dans une ville murée , il faut être gradué.
Dans les villes & bourgs fermés , on ne peut employer
aux teftamens que des témoins qui fâchent
figner. Ordonnance des tefiamens.
V ille de paix , c’étcit celle où il n’etoit pas
permis aux fujets d’ufer du droit de guerre, ni de
le venger de leur adverfaire. Paris jouiffoit de ce
privilège, & étoit une des villes de paix, comme
il paroît par une commiftion du 16 mai 1344.
Voyei 1® glojfaire de M. de Laurièrc.
Ville de refuge, eft celle où le criminel
trouve un afylç. Dieu avoit établi fix v i l l e s d e r é-
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fuge parmi les ifraélites. Thèbes, Athènes &Rome
jouilloient aufli du droit d’afyle. Il y a encore des
villes en Allemagne qui ont confetvé ce droit.
V ille royale , eft: celle dont la feigneurie 8c
juftice appartiennent au roi , 8c dans laquelle il y
a juftice royale ordinaire.
V ille seigneuriale , eft celle dont la feigneurie
& juftice ordinaire appartiennent à un feigneur
particulier ; quand même il y auroit quelque jurif-
diftion royale d’attribution, comme une éledion,
un grenier à fel, ( A . R, )
VILLIERS DE L ’ ISLE-ADAM, ( hiß, de Fr, >
maifon confidérable dont écoient :
i° . Pierre I , qui acquit en 1364 la terre de
l31fie-Adam , qui fut porte-oriflamme de Trance
& qui fe rendit recommandable fous les régnés des
rois Jean, Charles V & Charles VI par les grands
emplois qui lui furent confiés, & par la manière
dont il s’en acquicta.
2°. Son petit-fils , Jean de Villiers , feigneur
de l'Ifie-Adam & de Villiers-le-Bel , eft le trop
fameux maréchal de VIßt-Adam , attaché au parti
du cruel Jean , duc de Bourgogne, dont il étoit le
lieucenanc & l’un des plus vaillans capitaines ; fa
mémoire doit être à jamais en horreur pour les
cruautés qu’il exerça dans Paris , lorfqu’il y entra
par furprife à la tête du parti Bourguignon , la nuit
du 28 mai 1418. Le fils d’un quartenier , nommé
le C lerc , déroba les clefs fous le chevet du lit de
fon père & alla ouvrir les portes. L‘Ifie-Adam
entra d’abord fans bruit ; puis, quand le peuple fe
fut joint à lu i , & quand il fe fut rendu maître de
la per/onne du roi Charles V I , toute la ville retentit
de ce cri : la paix 6* Bourgogne. Le vigilant
Tanneguy du Chatel n’eut que le tems d’aller
prendre le daüphin dans fon lit, & de fe fauver
avec lui à la baftille, puis à Melun ; le connétable
d’Armagnac, déguifé en mendiant, fe cacha chez
un maçon; mais fur une défenfe qui fut publiée
de donner afyle à aucun Armagnac, fous peine de
mort, le maçon le livra. Alors commença un des
plus horribles maffacres dont l ’hiftoire ait con-
fervé le (buvenir. Le connétable, le chancelier de
Marie, les évêques de Senlis, de Coutances, de
Bayeux, d Evreux, de Saintes , &c. furent égorgés
& outragés après leur mort ; leurs corps furent
traînés pendant trois jours dans les rues j on avoit
pris plaifir à couper en lanières la peau du connétable
, & on lui avoit fait une écharpe de fa chair ;
le fang ruifleloit dans les rues, on éventroit les
mères, on écrafoit les enfans ; les aflaftins rioient
en contemplant leur ouvrage : regardez ces petits
chiens 3 difoient-ils > ils remuent encore ! Les chefs
v 1 L
Ju parti Bourguignon Iesapprouvoient&les encourageaient
: mes enfans , ctioient-iis, vous faites
bien.
Les Armagnacs n’avoient pas eu plus d huma-
jiité. Le journal du règne de Charles VI accule
les gendarmes du connétable d avoir fait rôtir
des hommes & des enfans dont ils ne pouvoient
pas tirer de rançon , & le connétable avoit aufli
formé le projet d'un maffacre général des Bourguignons
, qu’il alloit exécuter lorique ceux-ci
Xurprireiit Paris. Le duc de Bourgogne y fit fon
entrée un mois après V Ijle-Adam, 6c le^ carnage
recommença. L 'Ifle-Adam fut fait maréchal de
France le juillet 1418 , & confirmé dans cette
dignité le z 6 août fuivant par la faétion de Bourgogne,
unie avec les anglois vainqueurs & dévêtus
maîtres en France. Henri V , roi d Angleterre,
prince aimable , mais fier, gardoit pour les anglois
fon affabilité, il ne vouloir être pour les françois
qu’un conquérant ; 1111e froideur feche 8c dure,
un orgueil capricieux , des manières impérieufes,
annonçoient un vainqueur & un defpote. La libeite
françoife n’ofoit prendre l’efior avec ce maître
fu'perbe, qui n’étoit flatté du tefpeél qu’autant qu’il
reflcmbloit à la crainte. Le maréchal de l'Ifie-Adam
s’ étant un jour préfeilté devant lu i, vêtu d’une robe
de blanc-gris , rifle-Adam , lui dit févèremenc
Henri , efl-ce-là la robe d’un maréchal de France i
Tr'es-çker feigneur, répondit le maréchal, je l’ai
fa it faire pour venir depuis Sens jufqu ici. L Jfle- j
Adam regardoit le roi en.parlant. Comment, dit le
prince en fronçant le fourcil, ofe^-vous regarder
un prince au vifige ? Tres-redoute feigneur, repaitit
l 'Ijle-Adam , c eft la guife de France : & f i aucun
n’ofe regarder celui a qui il parle , on le tient pour
mauvais homme 6 traître , & pour dieu , ne vous en
déplaife. Ce ne]l pas notre guife , répliqua froidement
le roi d'Angleterre. Peu de tems après, l'Ijle-
Adam fut mis à la baflille fur une faulfe accufa-
rion d’avoir voulu livrer Paris au dauphin , Si fans
le crédit du duc de Bourgogne , Philippe le-Bon ,
allié alors nécelfaire aux Anglois, la vie du maréchal
de V Ifle-Adam étoit en danger. Remis en
liberté en 1 4 1 1 , il continua de fervir le duc de
Bourgogne , qui le fit gouverneur de Paris en
14.15 , 6c chevalier de la toifon d'or en 1450. Il
prit Gournai, fervit au liège de Lagni en 1433 ,
fe rendit maître de Saint-Denis en 1435. Le duc
de.Bourgogne, ayant fait fa paix cette même année
avec Charles V I I , l ‘Ifle-Adam ne fervit plus que
fon maître légitime, St ne combattit plus que les
anglois, il leur enleva Pontoife , St facilita la réduction
de Paris, qui rentra en 1436 fous l’obéif-
fance de Charles VII. Le maréchal de VIfle-Adam
fut tué à Bruges dans une émotion populaire le
I z mai 1437.
30. Philippe de Villiers l’Ifle-Adam , petit fils
du maréchal, a expié pat une gloire pure St fans
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tache les cruautés qui avoient terni les exploits
d’ailleurs brilians du maréchal ; il a répandu fur
fon nom & fur fa maifon un grand & rèfpe&able
intérêt. Philippe de Villiers lIfie-Adam eft ce
fameux grand maître de l’ordre Saint Jean dejeru-
falem , qui fut le quarante-troifîème grand-maître
de cet ordre & qui fut nommé en 1521,. Les
chevaliers de Saint-Jean occupoient encore alors
l ’ifle de Rhodes. La défenfe de cette place , fi fou-
vent l ’écueil de la puiflance ottomane, eft un des
plus beaux modèles qu’on puiffe propofer aux coeurs
paffionnés pour la gloire. Ces généreux chevalieis
y fignalèrent une valeur, une conftance, une pa-,
tience , fupérieures aux forces ordinaires de l ’humanité,
& que peut-être la religion feule peur inspirer
dans un pareil degré. Le grand-maître Vit-'
tiers de /’Ifie-Adam fit tout ce qu’on pouvoir
attendre d'un héros chrétien. Son courage , fa prudence
, fon zè le , fon aélivîté, fa piété forment le
tableau le plus fublime & le plus touchant. Toujours
fur les remparts ou au pied des autels, foi«,
da t, générai & religieux , il bravoit tous les dangers
, il elfuyoit toutes les fatigues, il repoufloit
tous les aflauts , il animoit les frères par (es
exhortations, par fes exemples, il fe produifo t
par-tout, il fe. multiplioit ; fes prières appel!oient
le fecours de Dieu , fes négociations le fe cours des
hommes, mais Dieu vouloit l’éprouver, les hommes
l’abandonnèrent ; il ne s’abandonna pas lui-
même , il n’abandonna pas fes frères, un défefpoîr
héroïque ranima, fes efforts; on le v it , oubliant
fon âge & fa dignité , pafler trente-quatre jours &
trente-quatre nuits dans les retranchcinens , ne fe
permettant qu’à peine quelques inftans de fommeil
lur un matelas quon lui jetioit au pied des rer
tranchemens, il auroit rebuté toutes les forces de
l ’empire ottoman laflemblées devant Rhodes , fi
elles n’euiïent pas eu Soliman féconda leur tête;
il fuccomha enfin , il fe rendic au bout de cinq
-mois, mais dans quelles circonftances I De cent
cinquante mille combat tan s qui formoient originairement
l ’armée des turcs, plus de quarante mille
avoient été tués dans les (orties & dans les différentes
attaquas ; les fatigues & les maladies, fuite
d’un long fiege , en avofnt emporté un pareil
nombre. La place, avoit été battue de plus de cent-
vingt mille coups de canon , elle n’étoit plus qu’un
monceau de cendre s ou qu’un amas de ruines ;
tout ce qui avoit réfifté aux canons, avoit été ren-
verfé par le jeu terrible des mines. Les aftiegés
n’avoient plus ni poudre, ni vivres, ni pionniers,
ni défcr.fêurs. Prefque tous les chevaliers étoient
ou morts , ou mourans , ou du moi 11s xnis hors de
combat. Une caufe fi noble & fi noblement défendue
, mér toit d’être triomphante , elle méritoit du
moins de n’être pas abandonnée par tout le refte
de la chrétienté. Que l'Ifie-Adam étoit alors fupé-
rieur à Charles-Quint & à François I , & quels
-hommes ces princes ambitieux laiffoient extermi-
ner. pour ne pas fufpendre un moment leurs in-î