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tendu à des gens qui profitant de ce défordre, le
recueilloient comme il leur plaifoic, y changeoient
ce qu’ils vouloient, ou enfin en étoient toujours
les interprètes, (/g chevalier de Jau court. )
t r u a u m o n t . ( L a ) , voyez à l ’ article i?o-
han, ce qui concerne le chevalier de Rohan décapité
en 1674,
TRUB LE T, ( Nicolas-Charles-Jofeph ) , ( Hifi.
L:tt. Mod. ). Chanoine & archidiacre de Saint
Malo , né à Saint Malo en 16517 •> écoît d’une famille
tiès-ancienne dans la bourgeoifïe de Saint
Malo. AuJJi fou qu un Trublet e i l , dit-on , un
vieux proverbe dans cette ville, & on en fait remonter
l'origine jufqu a un vieux miracle du lïxième
fîecle que M, d'Aiembert expofe ainfià la rifée publique.
On afiure que depuis qu’un gourmand nommé
Trublet, qui fioriJJ'oit dans le fîxième fîècle eut
ai l ’impiété de manger un excellent poilîon def-
3i tiné pour la table délicate d’un faint évêque
35 de cette ville , il y a toujours eu dans cette
» famille , par un jufte & terrible jugement de
* Dieu, un fou en titre & comme de fondation ;
» le fo r t , ajoute t - i l , n’étoit pas tombé fur
*> l ’abbé Trublet, pour fubir la malédiâion de fol*e
» attachée à (a famille. » En effet l ’abbé Trublet
étoit un homme doux, fage, fans humeur, fans
fie l, jufte dans fes jugemens, admirateur fîncère
du mérite & plein de zèle pour la gloire des gens
d e lettres diftingués ; celle de la Motte & de ton-
t enelle l ’avoit fur-tout frappé , l ’honneur qu’ il eut
d ’en être accueilli, l’attacha encore à eux, il fè
fit leur dîlciple, addictus jurare in verba magif
trorurn ; il adopta toutes leurs opinions, • fur- tout
celle qui eft défavorable à Ja poéfîe, & particulièrement
à la poefîe françoiïe ; peur prouver que les
plus beaux vers françois ne pouvoient être lus de
fuite fans dégoût., il crut faire honneur à M. de
Voltaire en citant la Henriade. Cette difcufïion
étoit délicate & demandoit à être traitée délicatement
: l’abbé Trublet appliqua plus naturellement
dans fon. fens que judicieufement quant au
fond & quant aux circonftances , ce vers de Boileau
.fur la Pucelle de Chapelain, au poërae immortel
de la Henriade.
Et je ne fais pourquoi je baille en la lifant.
M . de Voltaire fe fâcha , c’éroit un contre fens,
l ’abbé Trublet lui avoit rendu hommage, en le
çhoifîffant comme le plus parfait modèle de la
poéfîe françoife pour appuyer le reproche qu’il fai-
fbit non à lui , mais à la poéfîe ; mais l ’amour
propre fait quelquefois de ces contre-fens là f ge-
nus irritabile vatum, M. de Voltaire fe vengea
par une pièce malheureufement charmante , dit
M . d’Alembert , & l’abbé Trublet fut livré au
ridicule. Ceue pièce a comme on fait, eft le vau-
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vre diable. Quoique l ’auteur y diftiibuè avec pro-
fufîon l’opprobre & le ridicule à fes ennemis ou
à ceux qu’il regarde comme tels, l’abbé Trublet
eft pour ainfî dire devenu le héros de la, pièce
par le fuccès particulier qu’ curent dans fon portrait
certains coups de pinceau qui étoient véritablement
des traits de maître.
L’abbé T ru b le t avoit alors la rage
D’être à Paris > un petit perfonnàge ;
Au peu d’efprk que le bon homme avoit
L’efprit d’autrui par fuplèment fervoit........:
Il compiloit, compiloit, compiloit.
On le voyoit fans celle écrire, écrire
Ce qu’il avoit jadis entendu dire.
Quoique l ’abbé Trublet qui ne faifoit point de
livres d’érudition n’eût rien de commun avec ce
qu’on entend ordinairement par des compilateurs ,
c étoit une efpèce de compilateur de bel efprit>
comme il racontoit beaucoup , comme il cicoit feu-
vent & ce qu’il avoit entendu dire & ceux auxquels
il l’avoit entendu dire, ces traits paroiftbient
le pei ndre avec beaucoup de vérité : une certaine
activité qu’il mettoic dans fes écrits , qu’ il avoit
dans tous fes mouvemens & jufques dans l’habitude
du corps, étoit fur-tout exprimée avec goût
par cette répétition du même mot. Ce malheureux
vers I
H compiloit, compiloit, compiloit,
étoit devenu, dit M. d’Alembert, comme fa de-
vife involontaire. Il en parloit lui même volontiers
& prenoit plaifîr à en fa:re fentir tout lé mérite.
Un fo t , difoit-il , auroit bien pu trouver ce
vers, mais il ne l’auroit pas lailié. Après le mérite
d’avoir fait, le vers , dit M. d’Alemberc ,
le plus grand fans doute eft de le louer avec tant
de juïlefîè & de* fincfle , fur-tout lorfqu’on a le
malheur d’en être l’objet , le contre fens que faifoit
M. de Voltaire en prenant un hommage de
l’abbé Trublet pour une injure, il le faifoit à bon
efeient, il confîdéroit moins l ’intention de l’auteur
que l ’effet;qui pouvoir réfulter d’un jugement
mal formant & de mauvais exemple. En
effet depuis ce tems j’ai fou-vent entendu des fois
répéter qu’il y avoir de beaux vers dans In lien-
r ia d e , mais qu’on ne pouvoit la lire de fuite fans
dégoût & fans ennui ; ce qu’aucun d’eux n’a volt
jamais ofé ni dire ni penler auparavant. Quand
une fottife a une fois été dite, fur-tout par quelqu’un
ayant autorité, on peut être fur qu’elle fera
répétée & qu’elle profpérera. C’eft ce que M. de"
Voltaire vouloir empêcher ou du moins affaiblir
en rendant l’abbé Trublet ridicule. 11 étoit d’ailleurs
bleflé d’un jugement trop favorable à Cré-
billon & qui fembloit accorder à ce dernier une
forte de fupériorité fur lui dans la tragédie , jugement
injufte, mais qui a été long-teins general.
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L’admiftion de l’abbé Trublet à l’académie françoife
fut un événement dans cette compagnie ,
qui ne s’y attend oit guères & qui s en étonna.
Ce fut le prix de la perlévérance'. 11 y avoit vingt-
cinq ans que'l’abbé Trublet frappoit à la porte de
l’académie & toujours en vain; il s’etoit mis fur'
les rangs dès 1736 & il ne fut reçu qu’en 1761.
La reine, les puiffmccs eurent pitié de lui 5c s’in-
térelièrent à l’accompiiffement d un défît aulfi ardent
& aufîi confiant. On faifît un moment d'inattention
& de fée u ri té de la part des phiiofophes,
& on fe procura la pluralité d’une feule voix. On
ne fait pas trop pourquoi les phiiofophes vouloient
être ennemis de l’abbé Trublet, qui n c-
toic ennemi de, perfonne & qui n’etoit point du
tout le *eur ; ils lui reprochaient dJavoir travaille
au Journal chrétien, où ils etoient, quelquefois
maltraités, mais par d’autres que par lui. is lui
reprochoknt d’y avoir lui-meme mis un- mot con-
trele livre de YEfprit 3 mot mefuré , root qu'un
prêtre journalifte n’avoit pu fe dilpenfèr de dire;
les philo ophes permettoienc tous les jours à des
eccléfîaft.ques de leurs amis de déclamer contre
eux en, chaire pour la forme, cela s’appelloit en-
tr’eux le couplet des procureuis , c’eft-a-dire >,une
plaifanterie d’ufage & fans coniéquencê , leur véritable
raifôn pour être oppofes à l’abbe Trublet,
étoit que M. de Voltaire avoit rendu l’abbe Tru
blet ridicule 5c que le mér.te de celui-ci n’éteit
pas a-ffez tranfeendant pour effacer l’impreftion i
terrible du ridicule ; mais fuppofons un homme
d’un mérite fupérieur à qui la fat.re fut parvenue
à donner un ridicule ineffaçable, ce qui n’eft pas
abfolument impoflible, ce ieroit alors à 1 académie
, à ceux dont le devoir 5c le talent eft de
juger, ce feroit. à eux d’appiendte à ceux qui ne
jugent point &: qui ne font que répéter ■, que le
fort d’un homme ne doit pas dépendre du bonheur
de l ’à - propos , de 1‘ag'ément d’un trait
lancé contre lui par un ennemi , 5c que le me- •
rite doit toujours avoir fa récompenle. L’abbé !
Trublet pouvoit indifféremment être ou n’être pas
de l’académie fans qu’on eût aucun reproche ci ir.-
juftice à faire à ce rte compagnie. Mais apres la
manière dont il avo t été traité par M. de Voltaire,
il falloit qu’il fût élu; cette compenfatkm
devenoit prefque de droit. Pendant fes vingt-ci»
ans de poftulation, l’abbé Trublet obtint fouvent
des fuffîages faits pour lcconfoler de la longueur
de fon noviciat. M. de Fonrenelle lui donnoit
conftamment fa voix à toutes les élections ; M. de
Montefquieu dans une cleétion, refegea ainfî fon
billet. Je donne ma voix a M. l'abbé Trublet, aimé
& eftimé d e M. de Fontcnelle, comme Cicéron
dit à* Céfar dans Rome fauvée :
Méritez que. Caton vous aime & vous admire.
M. de Maupertu:s fî célébré, puis fî décrié par
M. de Voltaire, a dédié à M. l’abbé Trublet le
quatrième volume du recueil de fes ouvrages.
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L ’ abbé Trublet devenu v ie « & infirme fe re tira
dans fa patiie , c’efi: .par-là qu on devroit
toujours finir , il édifia fes compatriotes par fon-
affiduité à tons les devoirs de religion. On a .cependant
écrit de St. Malo que dans fa dernière
maladie, il avoir.demandé, pour tout remede, à
fon médecin la fin de fes fouffrances ; on a voulu
ti et de ce fait des induéUons contre fa foi. II
mourut le 14 mats 1770.
Ses ouvrages font : des réflexions inférées dans
le Mercure fur le Télémaque qui venoit de pa-
roître. L'abbé Trublet n’avoit alors que vingt ans.
meilleurs Tde la Motte & de .Fomenelle commencèrent
dès-lors à l'aimer & a 1 efiiurer.
Ex îllo Coridon , Coridon eft tempore nobis. -
iV. Ses EJfais de Morale & de Littérature. C ’efi
par-là qu’il eft principalement connu , c'eft en
effet le meilleur de fes ouvrages, on l ’a très bien
évalué . en düant que c’eft dans fon genre un bon
livre du fécond ordre.
a0. On a de lui deux volumes de Panégyriques
des Saints avec des réflexions fur l’éloquence,
5 principalement fur l'éloquence de la chaire. Ce
n’étoit pas-là fon genre. Pureté, finette, élégance;
voila ou fe bornoit fon mérite , et , c’en eft un.
4°. Ses Mémoires pour fervir a Tkiftoire de
M. Fontcnelle font juftement accu ïs de defeendre
quelquefois .dans des détailj-minutieux; mais ils
font pleins d’anecdotes intéreffanres & qu’on retient;
ils font connoître un vrai phrlofophe, un
fage aimable , ils font vivre en fociété avec lui
6 avec feu hifrorien & fon difcpie«,.
TRUCHEMEN T, mod. ) en latin lnterpres.
Quoique piefque toits lés Romains ëri-
tendittent & parlaffent grec , cependant les gou-
verneurs dë province avoient toujours avec eux
un truchement, même dans les provinces où on
parloit grec, comme dans la Sicile , dans l ’Afîe
min cuve , dans la Macédone , parce qu’il leur étoit
cléfen lu de parler une autre langue que là latine ,
lorsqu'ils étoient en fonélion. On peut citer.'pour
preuve C icé 'on , à qui l’on reprocha d’avoir pailé
gr< c dans le fénat de Syrjcufe, pendant qu’il étoit
queireur en Sicile. La république entretènoit aufti
dés truchemens dans les vilfes de commerce, 5£
fen-rout daiu les ports de mer, pour la commor
dite des étrangers de différentes narions qui y àbor-
doient. ( D. J .)
T ruchement , ( Hifi. mod.) dans les contrées
du levant fign.fieun interprète ; ce font ordinairement
des Grecs & des Asméniens qui rempliffent cette
fonéUon à la cour du grand - feigneur. ( A , R ,)