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kî rW* lui dit-il, je vous apporte une tête ennemie;
n vous pouvez vous en venger, & dès-lors vous ne
* le voudrez plus. Je luis Thèmiftocle, d’abord banni,
» pu's pourfoivi de retraite en.retraite par mes,ingrats
» concitoyens. J„è fois innocent eu vers eux.; .je fuis.
» coupable envers vous ; je fuis malheureux, diTpolqz
n; de ra°n fort ».Le roi forpris touché de voir à les
pieds le héros de la Grèce,, le vainqueur de PAlie, le
releva, le confola , foi .accorda laprote$ion. En ef^t,,
lès Athéniens, fie les Lacédémoniens étant venus le
réclamer ; » G’eftv mon hôte,, leur dit-il; c’eft yn
V Suppliant. Mes Dieux dorneftiques l’ont pris fous leur
* garde; il ne leur fera point- arraché ».
Pendant qu’il-éf-oit-à là cou-r d’Admète; un de tes-
anus trouva, le moyen d’enlever d’Athènes la femme
& fes enrans, fie de les fairevparvenir julqu’à lui ; - i f
fut recherché dans la fuite pour cet aéte d’àmitié-
genereufe, & on n’eut pas honte de, le condamner à*-
la mort : le plus grand malheur de l’humanité, peut-
être s conlilfe dans ce renverlèment des idées, qui
fait punir comme des crimes, des actions qu’on ne
peut s empêcher d’çjftimer. Les amis de Thé/niftocle-
Muveren’t -aiiflî :la plus grande partie de lès biens,
& la lui firent tenir dans le lieu de fa retraite ; ce-
quils ne purent dérober ' aux -recherches *&. aux
pourfuites de fes ennemis, fie. qui fut porté au-tréfcr-
publxc, montoit encore à • cent talens ; i\ n’en .-poffé-^
doit pas trois quand.il-étoit* entré dans le gouvernement.
Ges richeflès, trop epnfidéjrables & trop promptement
acquîtes, dépofoient-contre- lui. En effet, ce
héros n’eut jamais les mains pures, & le définté-
refTement n’étoit point au nombre de lès vertus, ou
plutôt il étoit grand fans être vertueux. Le généreux
Arifbde lui ayant dk un jour que le défintèreffement
lui paroiflbit une des premières qualités dans uh général
& dans un homme d’état,. Thèmiftocle ne le
lui pardonna jamais , & •_ArilKde auroit eu à -venger
iur Thèmiftocle beaucoup d’injures ; mais il ne voulut*
jamais contribuer en- rien jk la.diferace d’un grand
homme.
Cependant -les Grecs mecontens. du refus d’Admète , .
firent auprès de lui de nouvelles tentatives, & le
menacèrent de porter la guerre dans fon pays, s’il
ne leur livroit.leur vichme, ou s’il ne confentpit du
moins a 1 abandonner. Admète craignant à, la _ fois
pour lui fie pour Ion hôte, avertit celui-ci de Ion
danger, & fayorifo là fuite. Thèmiftocle prit Je parti i
de lè mettre enfin lo.us la .protection qu’en - l’a’yoit
injuffement accufoxTavoii* recherchée. Il partit^il ajla
par terre gagner Pydna., ville, maritime, de ‘Macé.-
dôine fur le golfe Thermaïque cu^-de ThefTalpnique ;
là.il s’embarqua fur un vailîèau marchand qui fanait
voile pour î’ionie. Il courut dans la route un;danger
ÿus grand, que^elui qu’il fuyoit; ce vaiffeaii fut porté
par U tempête près de l’iile de Naxos, dont les
Athéniens falfoknt alors le.fi ége. Perfonne nç le con-
noilfoit dans le vailîèau ; on alloit -aborder à la cpte
tjè Naxos, pour fe repofer des fatigues de la mer.
ÎJ fut obligé,, de lè faire cpnnoîtxe, fie. de .dite, fon
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Tccyet.au pilote', pour obtenir que, (ans s’arrêter ,- cf!f'
voulut bien reprendre la route de l’Afie. Il aborda
enfin à, Cumes,, ville d’Eolîe, dans l’Afie mineure ^
, il y trouva encore ' d’autres' dangers; Le roi de Perfê
avoit mis fà.fête à prix, & ce prijc éjtoit de. deux,
cent talens ;_cette profeription d’mj empire à l autre ,
n’étoit pas aufli chimérique qu’elle pouvoit leparoître
lès açcid^ns de la mer pouvant tous les jours pouffer:
les vaifleaux partis des cotes de la Grèce , fur les
c tes, de l’Afte Mineure. Il s’enfuit avec peine à;
(EJges , petite ville de l’Eolie , où .il n’étoit connu
de perfonne que de Nicogène,.fôn hôte & fon ami ,
qui ayoit des relations .à.la cour dé Perlé ,, & qut
arrangea tout pour le. faire conduire à Sufe en sûreté ;
après qu’il fut refté plulleurs jours caché dans fa-
maifon fans s’ëxpofer. aux regards de perfonne ; il
fallut encore prendre la même précaution pendant-,
la route. Les Pértes dès lors trè$* jaloux , menoienc--
les femmes dans des chariots couverts-pour les dérober
à- tous lés regards; ce fut dans un de ces
chariots couverts qqe voyagea- Thèmiftocle fous le
: nom, d’u.ne jeune dame Grecque ,> qu’on menoit à uns,
grand-lèigneur. dé la cour- de Pferfe.,
Àjriv.é à,. Sufe ^ i f falloit paroître devant un roi-
affez mal dilpofé. à, fon égard pour, avoir mis fa tête,
à prix, il s’adreffa au capitaine des gardes, lui dit
qu’il étoit un Grec , qui venoit parler au roi d’a f faires.
importantes qui regardaient fon fervice. Cet;
officier l’avertit d’ün cérémonial, auquel, il favoit qqe.
- les,Grecs avoient peine. à.s’affiijettir, mais qui étoit■
abfoiument néceflàire peur, obtenir de parler-au roi
en perfonne. C’étôit de lè profterner profondément
devant foi fie., de l’adorer-; car, lui dit-il , nôtre loi;
nous-ordonne d’adorer le rpi,-comme l’image vivante
de la,Divinité., Thèmiftocle.. n’étoit pas venu de ff-
loin , à . travers tant de dangers, & guidé par de fi-
: grands intérêts pour dif^uter for un vain:céremonial v
.’ if lè fournit à .tout, .puis il débuta chez le roi de Perle •
comme chez Je roi des Moloffes par dire : je fuis
: Thèmiftocle ^ il. convint d’ayoir fait,, beaucoup de mal
- aux Pertes , mais en failànt alors fon devoir ; il avoua
que le moment étoit venu eu, le roi pouvoit lè venger
de. lui., mais il ajouta qu’une telle vengeance exercée
fur. un malheureux, for un foppliaot, feroiotrop in\•
digrje d’un fo grand roi,....
Le roi ne.répondit rien fur l’Heure , & Thèmiftocle
fortit de fon audience fans favoir rien de certain for
fon,fort ; il put même Concevoir d’affez grandes inquiétudes
du difeours d’un des Gardes, qui ayant
entendu fon nom % s^ecria d’un ton menaçant : ferpent
de Grèce, plein de.: ritfe. & de malice , ceft la fortune
du roi qui t’ajpène ici l c’efoit fa.-foçtune en effet,
nj^ise ü Tut.en., bign-ufer,..,
Gri n’ëft pas d’accord for là perfonne dil roi
auquel Thèmiftocle lè préfenta ; c’étoit Artaxerxe, félon.
Thucydide fuivi par Uflèrius, & c’étcnt au commencement
de Kin règne ; c’était; encore Xerxès, fuivant
Strabon Plutarque jkjDiôdore de Sicile. Quoi qu’il
en fpit, ce roi; regarda comme le plus beau jour u«
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fon règne, celui-où le vainqueur des Perfes vendit
aioâ"s*L>fFrir ou à fa vengeance ou à fa clémence. Il
pria fon di u Arimane d’envôyer toujours à fo. ^nne-
•mis cette difpofition aveugle à fe priver & à l’enrichir
de leurs plus grands perfonnages :
&iê t meliora p'ùs , errorcmque hojlibus ilium l
I f en-’ rêva pendant toute la nuit, & on l’entendit
phifieurs-Tois s’ écrier pendant fon fommeil : fa i Thé-
mfftock i A thènïen.
Le lendemain , dès le point du jour il manda
les plus grands feigneurs de là cour, il fit appeller
devant eux Thèmiftocle ^ qui ne s’attendoit a. rien que
de trille , & lui dû de l’air le plus ferein & le plus
aimable tu j’ai promis deux cer.t talens à celui, qui
n me livreroit Thérniflffcle , vous me l’avez, livre ,
» cette fomme eff à. vo u ?.j 11 ne fe borna pas a ce
firéfent, il lui entretint une maifon. çonfidérable,
lui! affigna de grands revenus, lui fit' rendre toute
forte dnonneurs dans fa Cour , rendit en fa faveur
au Lacédémonien Démarate, fes bonnes grâces que
ce Grec avoit perdues par' une vanité imprudente &
ridicule. Thèmiftocle , empreffé de fe rendre le plus
agréable & le plus utile qu’il pourroit à; ce roi généreux
, s’empreffa d’âpprendre le Perfan , pour pouvoir
entretenir le roi fans interprète , for tout ce qu’il
défiroit dé fàyoir concernant la Grèce,.& dans l’ef-
pace d!ùn an il 'fe rendit fi habile dans c'èttê langue,
que fes. Perfès lui. rendoient le témoignage quil la
parloit plus"' élégamment qu’eux-mê'mes.
Le rci, pour fixer plus sûrement Thèmiftocle à.fa
cour ou du moins dans fes états, lui fit époufer une
femme d’une des. plus confidérab’es & des plus nobles
familles de la Perfe , Thèmiftocle devint auprès de
lui un véritable favori ; il avoit toutes les entrées
fit. chez le roi fit chez.les princeffes ; le roi avoir
fouvent avec; lui. des entretiens particuliers; qui dort-
noient de la jaioufie fit de l’inquiétude aux cour-L
fans, fit l*ôn rapporte for-tout comme une marque
très-particulière de fa faveur que- par l’ordre fpécial
du roi , il fut admis à entendre lès leçons fit les difeours
des Mages,, fit qu’il fut initié, par eux à f u s
lés myflères. de leur philofophie. _ Enfin cette faveur
de Thèmiftocle fut telle- qu’elle paffa pour aiofi d'.re
en proverbe ,.,ôt que > fous les règnes fuivans où les
affaires, des Perfès furent encore plus mêlées avec
celles-des Grecs ,. quand les rois vouloient attirer
un' Grée à leur fervice , ils lui- promettoient qu’il
fèroit aufli grand ou plus grand auprès d’éux -que
Thèmiftocle ne l’avoit été auprès du roi Artaxerxe Lon-
guemaiii. •
TMmitlock fentit vivement ce bonheur qu’il n’avoit
oft efpé-rer , & en voyant l’abondance qui regnoit
dans fa maifon & à fa table, & qui étcK> plus de
fon goûtt,ue la ftmplicité & la frugalité républicaines,
il -s’ ccrioit tranfponé' de joie au feiu de fa famille .•
mes cnjlïns , nous pènffions ■ f i nous ncujftons pe/u.
J»iJUEùRCiM NI SJ FERUS S
T H E aj.7
Gspendant,. fbit que la jaioufie d^s coiirtifans lut
parvenue* à lui procurer un exi' honorable fit avantageux
, fous prétexte de l’employer utilement , foit
qu’en effet l’intérêt du roi demandât que Thèmiftocle
fît fon fejçjur dans ÜAfie Mineure, pour être à portes,
d’obferver les difpofition s fit les mouvemens , foit
des Grecs Afiatiques, foit de ceux des lfl’.s , il 1 >t
envoyé à Magnéfie fur le Méandre , qui fut pour lui
comme une efpèce de domaine royal fit de petit
empire particulier dont il touchoit les revenus , ôc
où fa mai on , toujours entretenue avec abondance
fit avec fplendeur , étoit une efpèce de cour de
Satrapéf
La puiffance des Athéniens fit la gloire de C ’.tnon-,'
fils de Miltiade , prenoient tous les jours de nouveaux
accroiffemens.: Artaxerxe en étoit alarmé ; Thèmiftocle^
comblé de fes bienfaits.; lui avoit promis fes fervices,
le roi crut qu’il étoit, temps de les employer ; il fit
propofer à Thèmiftocle de l’envoyer dans l’Attique-,
à la tête d’une nombreufe armée. Thèmiftocle , dans
les proteftations de zèle fit les. offres dé ferv ce que
la reconnoiffance lui avoit infpirées , avoit fans doute
efpéré que fes talens ne feroient pas employés directement
contre Athènes; ce qu’ il devoit à- un r o i, qui
Tavoit accueilli avec tant de grandeur, n’ étouffok
point dans' fon ame ce qu’il croyoit devoir a fà
patrie ; le temps affoibîifloit d’ailleurs chaque jour lé
reffentiment dans la chaleur duquel il avoit promis
au roi de le fervir contre cette même patrie , qu’il
avoit fait triompher avec tant d’éclat. IV alloit donc
démentir fes premiers exploits- & flétrir- fes premiers
lauriers I Le libérateur des. Grecs alloit en devenir
l’oppreffeur. Voilà ce qui pouvoit lui arriver de plus
heureux, fi en traînant aux combats les efelayes
efféminés d’undefpote, il pouvoit fe flatter des mêmes;
fuecès qu’il avoit eus autrefois en menant contre
eux des hommes libres combattant pour la liberté ;•
mais on prérend qu’à ces conûdérations fe joignit
fur-tout la crainte de compromettre fa vieille gloire
contre la gloire toujours croiilante du jeune Cimon
(voy*i l!article Cimon ) & que l’amour 6c le
refpeéi de la. patrie ne fervirent que d’ùn voile hono-*
rable à ce motif plus puiffant fur ton ame : il prit donc,
le parti de ne manquer ni au roi de Perfe , ni à fa
patrie ; il fe donna la mort , après avoir invité fes
amis à un facrince folemnel, ou leur ayant fait tes
adieux , il avala , dit-on , en leur préfence du fang_
de taureau, fi c’efi un poifon , ou quelqu’autre poifotÿ
dont l’effet fut très-prompt. -■
Mais dans le dialogue de Cicéron, intitulé, Bmtus l
Atticus., un des,interlocuteurs, traite ce récit de fable
inventée pat des rhéteurs pour faire briller leur;
éloquence fie leur imagination, ôc Thucydide , en
convenant qu’il courut un bruit que Thèmiftocle oïl
s’é.oit empoîfonné ou .l’avoit été par d’autres ; • croie'
qu’il mourut de maladie.-, ôc que fes amis transporté-,
rent fecrétement tes-os à Athènes , où du., temps d-S
Paufanias, • le voyageur ; on voyoit encore fon ta->
bleau près du grand Port. On voyoit aufli-Ton tombeau