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thaux dî France, mêfiie plus anciens. On l’en-
▼ ova commander en Italie. Joint au roi de Sa--
daigne , il fit rapidement la conquête du Milanez.
Mais les fatigues de la guerre étoient trop fortes
pour fon âge. Il étoit dans fa quacre-vingt-qua-
»rième année; cependant, il favoit retrouver encore,
dans l'occafion, tbut le feu de la jeunefle. Il
s'étoit avancé hors de la vue de l'armée avec le roi
de Sardaigne , efeorté feulement de quatre-vingt
grenadiers & de fes gardes. Tout-à-coup ils fe trouvèrent
en tête quatre cents hommes qui firent feu
fur eux. Le maréchal dit au roi de Sardaigne : il
ne faut fonger qu’à fortir de ce pas. La vraie valeur
ne trouve rien d’impojfible. I l faut , par notre exemple
donner du courage à ceux qui en pourroient
manquer. Aulfitôt il charge avec tant d’ardeur
qu’il ébranle les ennemis............ . . ils fuyent & lai filent
fur le champ de bataille cinquante morts &
trente prifonniers. M. le maréchal, lui dit le roi
de Sardaigne après 1 attion, je n’ai pas été furpris
de votre valeur , 'mais de votre vigueur & de votre
activité. Sire 3 répondit Villars, ce font les dernières
étincelles de ma vie $ car je crois que c’efi ici
la dernière opération de guerre ou je me trouverai5
&
C ’eft ainfi qu’en partant je lui faismesadieux.
Au fîège de Pizzighitone, un officier lui* représenta
qu’il s’expofoit trop : vous auriez rai fon , lui
répcndit-il, f i j ’étois à votre âge ; mais ayant f i
peu de jours à vivre , je ne dois pas les ménager ni
négliger les occafions qui pourroient me procurer une
mort glorieufe , que doit ambitionner un vieux général
d’armée. Dans le tems qu’il affiégeoit M ilan,
quelqu’un lui demandant fon âge , il répondit :
dans trois jours j ’aurai Milan.
Il mourut dans fon lit à Turin, au mois de juin *75 4- On d it, pages $ 0 & 351 du quatrième
volume des nouveaux mémoires de Villars 3 que ce '
fut le 17 j page 360, que ce fut le 19. Cette
date n’eft nullement indifférente, car l’auteur rapporte
ce qu’on a toujours dit, que le maréchal de
Villars , apprenant que le_ maréchal de Berwick
venoit d’être tué d’un coup de canon au fiège de
Philisbourg, s’écria ; cet homme a toujours été
heureux. O r , le maréchal de Berwick fut tué le
1 z juin. Il faut que la nouvelle de fa mort ait eu
le tems d’arriver à Turin , ce qui eft affez difficile,
fi le maréchal de Villars eft mort le 17 , & cependant
cette date paroît être la vraie.
L’abbé Seguy ’a fait fon oraifon funèbre, qui
tut dans le tems quelque célébrité, auflï bien que
celle du P. Follard 3 mais le plus bel éloge qu’on
ait pu faire de ce héros eft celui qu’en fit un fol-
dat , dont le maréchal admiroit la taille avanta-
geufe, la bonne mine & l’air guerrier. Mon ami,
lui dit le maréchal, je voudrois bien q u e lle roi eût
deux cents mille, hommes faits comme toi , & moi,
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■ Monfieur le maréchal, qu’il eût deux hommes faits
comme vous. On fit ce vêts latin , pour mettre au
bas du portrait du maréchal, qui , comme on fait
fe nommoit He&or :
Hic novus Heftor adefi , quem contra nullus Ackilles.
Le maréchal de Villars eut un frère digne de
lui , Armand, dit le comte de 'Villars , qui le dif-
tingua en 1703 à la première bataille d’Hochfter,
fut fait lieutenant-général des armées du roi en
17°8 » gouverneur dé Gravciines en 1710, & qui
mourut au camp devant Douay le zo août 171Z.
Le maréchal de Villars eut un fils, Honoré-
Armand , qui hérita de les places & de (es dignités ,
qui fut pourvu en furvivance à l’âge de 11 ans &
demi du gouvernement,de.Provence, qui fervic en
Italie en 173 3 auprès.;du maréchal fon père , &
apporta au roi le 4 janvier 1734 la nouvelle de la
rédudion du château de Milan. L’académie fran-
çoife voulut bien déroger en fa faveur & par rcfpeéfc
pour la mémoire de fon iUufttè père , à l’cfpè;c de
loi qu’elle s’eft impoféè de ne point donner-aux
fils la place des pères , pour éviter toute apparence
de fucceffion héréditaire. M. le duc de Villars
s’eft montré digne de cet honneur par (on amour
pour les lettres & pat fon goût éclairé. I! avoit
dans fon degré véritablement diftingué un talent
qui tient de près aux lettres, le talent de la déclamation
théatiale. Mort en 1770.
V il l ar s , ( l’abbé de Mon’faucon de ) ( hifit
litt. mod. ) parent du P. de Montfancon, bénédictin.
L’abbé de ViÙars eft fort connu par fon
comte de Qabalis. On a de lui encore ua Traité
de la Délicatejfe, en faveur du P. Bouhouts, & un
roman intitulé : Amour fans foibleffe. L’abbé de
Villars fut tué d’un coup de. piftolet, par un de
fes parens, fur le chemin de Paris à Lyon , en 167 y.
Il avoit environ trènte-cinq ans.
VIL LE , ( de ) ( hift. mod. ) C ’eft le nom de
divers perfonnages connus.
i v. D’Antoine de V ille , ingénieur célèbre avant
M. de Vauban. On a de lui un Iivjre de fortifications,
une relation du fîège de Corbieen 1636 ,
& du fiège de Hefdin en 1639. Il étoit néàTou-
ioufie en \$$6.
1*. De Jérôme-François, marquis de V ille ,
Piémontois, qui fervit le duc de Savoie , la Fiance ,
& fur-tout la république de Venife , dont il com-
mandoit les armées en Candie contre les Turcs.
On trouve dans fes mémoires un journal inré-
lefTant du fameux fiège de Candie.
39. D’un autre marquis de V ille , ( Jean-Bapriftc
Manzo ) qui, après avoir fçrvi quelque temps la
Savoie & l’Efpagne, fe retira dans fa patrie , à Naples,
pour y cultiver les lettres, & fut un des principaux
fondateurs
fondateurs de l’académie Degli Ofiofi. On a de
lui les productions fuivantes : Dell’ amore dialoghi,
Milan, 1608. ; Vita del Tdjfo, imprimée en 1634 ;
Rime , imprimées en 163 5. 11 mourut en 1645,
âgé de 84 ans.
4°. D’Arnold de V ille , Liégeois, machinifte
fameux. La gloire de l ’invention & de la conftruc-
tion de la machine de Mariy, gloire qui fut grande
dans le temps, fe partage entre lui 8c Rannequin,
ion compatriote. ( Voyeç l ’article R an n equ in . Ce
dernier, mort en 1708, eft qualifié feul inventeur
de la machine de Marly, dans fou épitaphe, qui
fe voit en l’églife de Bougival, près de la machine
de Marly.
V ille , ( l ’abbé de la ) ( hifi. de Fr.) Tout ce
qu’on fait de M. l’abbé de la Ville , fe réduit à ce
qu’en a dit M. Suard, fon fucceffeur à l ’académie
Françaife, dans fon difeours de réception , du jeudi
4.août 1774.
« M. l’abbé de la Ville fit fes premières études
chez les Jéfuites ; fes heureufes difpofîtions n’échappèrent
pas à l’oeil de fes maîtres, qui n’oublierent
rien pour l’atrirer à eux, & qui furen t y parvenir. »
« Il entra donc dans cette fociété, dont le fort
fut toujours d’effuyer ou de fufeiter des orages. Il
aimoit le travail & les lettres , peut-être même
i ’ftfp rit dominant du corps dont il étoit membre,
n’étoit-il pas tout-à-fait étranger à fon cara&ère;
mais il fentit que le facrifice de la liberté n’eft raisonnable
, & ne peut même avoir un véritable prix ,
qu’aurant qu’il fe fait toujours librement. Il ne
voulut point lier le fyftême de fa vie à la volonté
d’un moment ; il fortit de la fociété des Jéfuit s ,
pénétré dés fentimens d’attachement & d eftime qu’il
leur confèrva jufqu’au dernier inftant. «
ec Peu de temps après, ayant accompagné M. de
Fénéion , ambafiadeur en Hollande, il fut employé
.avec le caradère de miniftre dans des négociations
également importantes & délicates: obligé de traiter
avec les mini lires des nations ennemies , il fut
forcer leur eftirne par fon caradère , & mériter de
s’en faire craindre par fes talens. En traitant avec
les Hollandois, qu’il falloit difpofer à la paix, il
ne tarda pas à s’appercevoir qu’ils obéifloient à la
vieille & profonde haine qui les animoit contre la
France, plus qu’ils n'écoutoient les confeils d’une
politique fage & éclairée ; & s’il ne parvint pas
à empêcher les effets de leurs difpofîtions, il en
changea du moins le principe, en aftbiblifîant leur
animofîté, »
ce M . l ’abbé de la Ville auroit pu efpérer les
plus grands fuccès dans la carrière des négociations,
lorfqu’il fe vit appelé à un emploi ( celui de premier
commis des affaires étrangères ) où l’on ne doit
guères s’attendre à être recoinpenfé de fes travaux
par les honneurs, ni dédommagé de fes facrifices
par la gloire. 11 fe livra ayec zèle aux fondions
Hifioire, Tome V •
d’une place moins brillante, parce qu'il efpéra qu’il
pourroit y être plus utile. »
et Le mérite d’un homme toujours charge des
fecrets de l’é tat, eft lui-même un fecret qui rarement
fe révèle. Condamné par fon devoir à enfie-
velir dans les ténèbres les preuves de fes talens*
l’honneur le forçoit à renoncer à la gloire ; mais
fon mérite devint bientôt éclatant, par les marques
fîngulières d’eftime & de confédération que s’em-
preffèrent de lui accorder les différens miniftres dont
il exécuta les ordres, & dont peut-être il dirigea
quelquefois les vues & les projets. »»
« Il avoit fait uue étude approfondie de notre
langue; le ftyle de fes dépêches étoit noble, fîraple
& corred, tel, en un mot, qu’il doit être lorfqu’oa
fait parler des hommes d’étar, qui 9 toujours occupes
de grands objets , ne doivent avoir que de grandes
idées. »
« N ’ayant jamais à traiter qu’avec des étrangers,
il devoir être diferet., mais il étoit difpenfé d’être
faux; il lui fuffifoit d’obferver un profond filence
& fa fidélité fur ce point ne fè trahit jamais, je
ne dirai point par la parole , mais par aucun fignet
aucun mouvement extérieur; jamais perfonne dans
les affaires ne fut plus acceflible, jamais aufti perfonne
ne fut plus impénétrable : on pourroit lui
appliquer ce qu’un ancien difoic d’un politique de
fon temps : Que fa porte étoit toujours ouverte &
fon vifage toujours fermé. Sa converfation étoit
allaifonnée de mots & de réflexions qui fuppofoient
une grande connoilfance des affaires, 8c la con-
noiffance plus rare & plus néceffaire encore des
hommes par qui les grandes affaires font conduites.
Près de quarante années de fervices utiles, parurent
mériter une diftinétion : le titre de directeur des
affaires étrangères fut créé pour lui j & prefqu’ea
même temps on l’éleva aux honneurs de l’épifcopat.
Comme il avoit apporté dans fa place un mérite
nouveau , on ctut devoir lui décerner une récom-
penfe extraordinaire. «
Il fut fa:t évêque de Tricomie, in partibus. Il
mourut en 1774, dans un âge aflez avancé.
V IL LE B ÉO N , (Pierre de) {hift. de Fr.) D’Au-
teuil, dans fon hiftoire des miniftres d’état, voulant
à toute force que Saint Louis ait eu un premier
miniftre, l a trouvé dans Pierre de Villebéon, chambellan
de ce prince, parce que Joinville a dit que
c étoit l ’homme du monde en qui le roi croyoit plus .
fondement bien léger pour une pareille opinion. Au
refte, ce Pierre de Villebéon avoit fuivi Saint-Louis
dans fes deux croifades & s’y étoit fort diftingué.
Au fîège de Carthage, avec trente chevaux , il défit
un efeadron entier de l’armée ennemie. Saint-Louis
le nomma l’un de fes exécuteurs teftamentaires; mais
Villebéon ne lui furvécut pas long-temps ; il mourut
comme lui à Tunis en 1670, & de la même maladie
qui ravageoit alors l’armée des. croifés.