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grand procès, n’ayant ni appui ni reffourcôs m efpé-
rance ; il fe fent pénétré de douleur , embraffe la mère
& les filles & fort en filence. On le voit bientôt revenir
plus ferein , apportant une femme confidérable
qu’il avoit empruntée dun ami ; mais la trouvant
trop légère encore pour les befoins qu’il s’aglffbit de
làtisfairë , voilà la prem ère fois, s’écria-t-il, en ver-
fant des larmes , que j'ai défirè d'être riche : Il le
devint par les libéralités de la reine Elifabeth , du
roi Jacques I , & de plufieurs feigneurs anglois ; un
lord lui envoya un jour jufqu’à mille livres fterling,
(près de mille louis ) Shakefpe.ire quitta le théâtre
vers l’an 16 10, & fe retira dans fa patrie , à Stratford.
Jl mourut en 1616.
Le plus jufte jugement fur Shakefpeare, eft celui
qu’en a porté M. de Voltaire, non pas dans ces derniers
temps, où il s’étoit peut-être mêlé de part &
d’autre, un peu de paflion & d’humeur à la grande
queftion du mérite de Shàk< fpeare-\ mais dans le temps
où M- de Voltaire faifoit connoître en France les
beautés & les défauts de cet auteur ,. dont ôn n’avoit
encore que fort peu d’idée hors de l’Angleterre.
» Les Anglois , dit M. de Voltaire , a voient déjà
»un théâtre auffi bien que les Elpagnols, quand les
» François n’avoient encore que des tréteaux. Shakef-
» peare.... créa le théâtre ; il avoit un génie plein de
» force & de fécondité, de naturel & de fublime,
» fans la moindre étincelle de bon goût & fans la
» moindre connoilTance des règles. Je vais vous dire
» une chofe hafardée , mais vraie ; c’eft que le raerite
» dé cet auteur a perdu le théâtre Anglois ; il y a
» de fi belles fcènes , des morceaux ii grands ÔL fi
n terribles , répandus dans 1rs farces monftrueufes
a» qu’oa appelle tragédies , que ces pièces ont toujours
» été jouées avec un grand fuccès. Le temps, qui
» feul fait la réputation des hommes, rend à la fin
» leurs défauts refpeélables. La plupart des idées bi-
» zarres & gigantefques’ de cèt auteur , ont acquis
n au bout de cent cinquante ans , le droit de paffer
» pour lùbî mes. Les auteurs modernes l’ont prefque
» tous copié ; mais ce qui réuffiffoit dans Shakefpcare,
» efl fiflé chez eux, & vous croyez bien - que la
» vénération qu’on a pour cet auteur, augmente à
» mesure que Y on méprife les modernes. On ne fait
» pas réflexion qu’il ne faudroit pas l’imiter , & le
» mauvais fuccès des copules fait feulement qu’on le
» croit inimitable.
M. de Voltaire appelle avec raifon la tragédie du
More de Venife , une pièce très-touchante , il dit que
les beautés de Shakejpeare demandent grâce pour
toutes fes. feule s ; & , peignant les tragiques Anglois
en général avec des traits qui s’appliquent fur-tout à
Shakcfpeare, il ajoute;
» Leurs pièces, prefque toutes barbares , dépour-
n vues de bienféance, d’ordre & de vraifemblance,
» ont des lueurs étonnantes au milieu de cette nuit.
» Le flyle efl trop empoulé , trop hors de la nature ,
« trop copié des écrivains hébreux , fi remplis de
» i’enfiure afiaâque ; mais aujfi il fjmt avouer que les
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» éehafles du flyle figuré, fur lefquelîes la langui
» Angloife efl guindée,, élèvent l’efprit bien haut ,
» quoique par une marche irrégulière.
Voilà certainement tout ce qu’on peut dire de plu#
raifonnable & de plus impartial fur ce fujet.
M. de la •• Harpe, qui n’a écrit fur Shakefpe ire *
que depuis que la querelle fur là fupériorité des deux
théâtres Anglois & François, s’efl élevée ; M. de la
Harpe , condamné d’ailleurs par la pureté de fou goût
à rejetter impitoyablement tout ce que le goût dé-
favoue , a peut-être un peu trop décrié Shakejpeare ;
mais auffi les éloges prodigués à cet auteur par les
commentateurs Anglois &. par les nouveaux traducteurs
, fuppofent le renverfement de toute réglé & de
tout principe de goût, l’anéantiffement de tout art,
la confufion des genres , des objets & des tons , enfin
le retour du chaos. Quel efl en effet l’état de la queftion
entre les feuls Anglois d’un coté , & de l’autre
les François-, appuyés de l’exemple, de l’autorité des
anciens ÔL du luffrage de tous les modernes ? Le voici.
Faut-il peindre la nature telle qu’elle fe préfente à nos
yeux, avec ce mélange confus d’objets nobles ÔL
yi!s , intéreflants ÔL rebutans, tragiques ÔL burlefques
qu’elle entafle autour de nous? Faut il , fous prétexte
de vérité, mettre à c-té de ce que le pathétique a
de plus touchant ÔL de plus lublime, ce que le jargon
des Halles a de plus bas & de plus dégoûtant î
Ou faut-il peindre une nature choifie, féparer les
genres, diflinguer les ftyles, être vrai avec décenc#
& s’aflujettir aux leix ne la convenance ? Sans doute
la réglé gêne , ÔL le goût met un frein au génie ;
Mais la reglî qui femble auflère
N’eft qu’un art plus certain de plaire^
On peut cependant accorder beaucoup de chofes
aux partifans, même outrés, de Shakcfpeare ; on peut
convenir que, comme cette imitation de la nature dans
toutes fes irrégularités, ÔL tout (on Chaos, efl cependant
l’imitation de la nature, & qu’ellé a pou* bafè
la vérité , il efl allez rare que Shakcfpeare ennuye ,
même dans fès fcènes les plus baffes ÔL les plus déplacées
; elles bleffent, elles révoltent, elles excitent
le dég< ût , quelquefois l’horreur; elles caufentrarement
de la langueur. Plufieurs de fes pièces ont de l’intérêt
; prefque tous fesperfonnagesont une phyfionomie
marquée, & quoique fe nombre en foit très-grand dans
chaque pièce, ils n’y mettent point de confufion.
De cette différente manière de concevoir l’imitation
de la nature & la vérité, ont réfulté des différences
effentielles dans le fyflême de la tragédie Angloife
ÔL dans celui de la tragédie Françoife.
i°. Toute tragédie de Shakcfpeare, efl effentielle-
ment une tragi-comédie,
' 2°. Qttoiqu’en général les François ne fe piquent
pas de ne choifir pour leurs tragédies que des fujets
moraux, ou de les rendre tels par la manière de les
traiter ; quoiqu’ils n’offrent pas dans toutes leurs pièces
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le fpeélacle confolant du vice puni & de la vertu
récompenfée ; cette moralité efl cependant un mérite
qu’ils aiment à donner à leurs tragédies, pour peu que
le fujet en foit fufceptible, ils arrangent même les
événements relativement à ce but, ÔL voilà ce que
les Anglois ne fe permettent point, eux qui fe permettent
d’ailleurs tant de chofes, ils trouvent que
c’efl trop .montrer la main de l’ouvrier, que c’eft
fubftituer l’art à la nature ÔL s’écarter de la vérité,
qui ne fépare point ainfi les événements heureux ÔL
malheureux,' ÔL ne les difoofe pas, félon nos voeux ,
d’après un plan exact & fuivi, mais qui mêle le bien
& le mal, la joie & la douleur d’une manière en apparence
confufe ÔL irrégulière. i3<\ Par une fuite encore du même fyftême , les
tragédies hifloriques des Anglois altèrent beaucoup
moins les faits que les tragédies Françoifes ; les tra-
« gédit-S hifloriques de shakejpeare en particulier, peu-
B vent être regardées comme autant de chapitres de 1 ^ I’hifloire d’Angleterre mife en aÔlcn. C ’efl: l’exemple
I de Shakejp are , qui a .donné à M. le Préfident
I Henault , l’idée de fon François I I , mais le Préfident
| Henault n’a pas ofé feeoucr entièrement le joug des
B ;• réglés ; il s’efl tenu auffi près qu’il a pu des trois
* unités , il a choifi un règne qui n’a , pour ainfi dire,
S qu’un feul événement arrivé dans un même lieu, la
» conjuration £ Amhoife ; nous avons deux très-bonnes
pièces du même genre, cù l’on retrouve de même
de l’unité, de la régularité, c’efl /’Evêque de Li fieux,
Jean Hennuyer , ou la Saint Barthélemi, & la mort
de Louis X I , toutes deux de M. Mercier, &. peut-
être fès meilleurs ouvrages. Ainfi , dans nos drames
hifloriques il y a toujours du choix , du goût , de
l’unité, de la regle, tandis que les Anglois ne mettent
dans les leurs que de la vérité ôc plient leur
fcène mobile à toutes les irrégularités , à toutes les
•J viçiffitudes de l’hifloire. Qui ne fauroit l’hiftoire que Ipar nos drames hifloriques, la fauroit mal ; on peut
dire au contraire , qu’avant que la grande Bretagne
pofledât fon David Hume & fes autres bons hifto-
riens , qu’elle n’a eu que ti ès - tard , les tragédies
• hifloriques de^Shakcfpeare .étoient au nombre des four- * 1 ces fes plus pures & les plus fideiîes de fon hiftoire.
SHAKRI, ok CÜAKRI , f. m. ( H ,fl mod. j
• Dans le royaume de Siam on défigne fous ce nom
un des premiers rcagiflrats de l’état qui efl chargé
de la police de' l’intérieur. Toutes les affaires des provinces,
fe portent devant lui, & les gouverneurs font
i|■ obligés de lui rendre compte, & de recevoir fes or- ~ dres., c’efl lui qui efl le préfident duconfeil d'état.(v4. R.')
1 ' SHARP, ( Jean. ) ( Hiß, lin. môd. ) Un des plus
célébrés prédicateurs d’Angleterre , mort en 17 13,
Archevêque d’Yorck. On a fes fermons.
SHARVAKKA, ( Hiß, mod, ) nom d’une feéle
de bramines, ou de piètres indiens qui ont desfenti-
mens très-pm orthodoxes & conformes à ceux des
Epicuriens. Ils ne croyent point l’immortaliié de l’a-
| «ie, ni la vie à venir , .& ils exigent de leurs ad-
l yerfeires des preuves fenfibles & pofùives que l’on
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ne peut point trouver dans une faufle religion ; malgré
cela on dit que les Sharvakkas mènent une vie
très - exemplaire.-{A. R.j
SHASTER, ou CHASTER, f. m. ( H ih mod.
fup. ) c’eft le nom que les idolâtras de l’fndoflan
donnent à Un livre dont l’autorité efl tiès-reiptélée
parmi eux, qui contient tous les dogmes de la religion
des brames , toutes les cérémonies de leur culte, &.
qui efl deftiné à fervir de commentaire au livre ap-
pellé vedam, qui efl le fondement de leur croyan e ,
& ' il étoit fait dans la vue de prévenir des d Jputcs
qui pouvoient s’élever au fujet de ce livre ; mais ii
n’a point produit cet effet , parce qn'il n’eft guere
poffible d’empêcher les difputes entre les différentes
feéles d’une religion abfetde par elle-même. On le
nomme shafler, shajlrum9 ou ja/lra9 ce qui fignifie
fcience ou fyflême : auffi donne-t-on ce mêiiïe nom
à plufieurs autres ouvrages , fur - tout fur la philcfo-
phie & fur l’aftronomie , qui n’ont d’ailleurs aucun
rapport avec la religion des Indiens. 11 n’eft permis
qu’aux bramines & aux rajahs ou princes de
l’Inde de lire le vedam ; mais les prêtres des
Banians , appel! s shuderers, peuvent lire le shafler j
quant au peuple, il ne lui çft permis de lire que le
livre appellé puran ou peuran , qui efl un commentaire
du shafler ; ainfi il ne leur efl permis de puifer
les dogmes de la religion que de la troifiéme main
Le shafler efl divifé en trois parties , dont la première
contient la morale des bramines ; la fécondé
contient les rites & les cérémonies de leur religion „
& la troifiéme divife les Indiens en différentes tribus
ou claffes, & preferit à chacune les devoirs qu’elle,
doit obferver.
Les principaux préceptes de morale contenus dans
la première partie du shafler font , i°. . de ne
tuer aucun animal vivant * parce que les animaux
ont, félon les Indiens , une ame auffi - bien que les
hommes ; 20. de ne point prêter l’oreille au ma!, &
de ne point parler mal de loi-même ; de ne point
boire de vin, de ne point manger de viande , ‘ de
ne toucher à rien d’impur ; 30. d’cbferver les
fêtes preferites, de faire des prières ÔL de fe laver *
4°. de ne point mennr , & de ne point tremper dans
le commerce; 50, de faire des aumônes fuivant fès
facultés; 6°. de ne peint opprimer , r.i faire violence
aux autres, y°. de célébrer les fêtes folemnelles , d’eb-
ferver les jeûnes , de fe retrar.cher quelques heures
de fommeil pour être plus difpofe à prier ; 8°. de ce
point voler, ni frauder perfonnede ce qui lui appartient.
'
La fécondé partie du shafler a pour obje. les cérémonies
: elles cor.fiftent 1^. à fe baigner fouvtnt
dans les rivières. En y entrant, les Banians commencent
par'fe frotter tout Iç corps avec de la boue
ou du limon, après quoi ils s’enfoncent plus avant
dans l’eau , ,& fe tournent vers le folell ; a'ôrs un bra-
mine ou prêtre adreffe une prière à D cu pour iui
demander de purifier l’ame de lès fouillures ; ks Banians
fe plongent quelquefois dans la rivière , ÔL ils