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avoit été défait. Il avoit aufïi , en i 577 , vaincu les
Dantzicois rebelles auprès de Difchaw, ÔC pourfui-
vant leur général jufques dans la viftule où il s’étoit
jette, il l’avoit atteint ôc tué de fa main, au milieu
des flots, fous les yeux de fon Roi Etienne Battori,
qui dit plusieurs fois, que s’il falloit commettre la
fortune de la Pologne au fort d’un combat fingulier,
comme autrefois Rome fut confiée à la valeur des
Horaces , . il confierait fans héfiter au Palatin de
Lublin.
Jacques Sobieskï , fon fils , ôc père* de Jean ,
n’acquit pas moins de gloire à la. bataille de Choczim ,
en 1621, fous le lègne de Sigifmcnd f il il alla enfuite
à Conflanrinople figner la paix que la Porte vaincue
demandoit , ÔC qu’il lui avoit rendue néceflaire: -
Arbitre de la paix que la viéloire amène.
Ce fat prefque toujours lui que !a république employa
dans toutes les négociations^ délicates & difficiles.
•
Il avoit eu, de Théophile Zôlkiewska, fa femme
, deux fils , Marc ôc Jean. Marc faîne périt mai-
heureufem.nt à la fleur de fon âge , étant tombé
dans un combat, entre les mains des 1 artares, qu*,
au mépris du droit des gens , lui firent trancher fa tête,
air.fi qu’aux autres prifonniers.
Jean Sobieski , devenu le chef de fa maifon , fe
fignala , fous le règne de Cafimir V , dans plufieurs
combats contre les Tartares Sc les Cofaques , il les
battit près de Zborow , & les força de ligner la paix
en 1649 ; cette paix dura peu , on reprit les armes
, Sobieski battit encore les Tartares & les Cofaques
à !à bataille de Bereftek ; il y fut bl.flé. Bientôt
le Çzar Alexis , & Charles Guftave , Roi de
Suède , fondent fur la Pologne. « Charles Guftave,
dit BolTuet , parut à la-Pologne furprife & trahie,
» comme un Lion qui tient la proie dans lès ongles,
» tout prêt à la mettre en pièces.»
La proie échappa au Lion , & Sobieski eut part
à fa délivrance; le traité d’Olîva conclu en 1660,
termina les conteftations de la Suède ÔC de la-Pologne,
Sobieski battit les Cosaques -, ÔC^fit rendre les armes
aux Mofcovites.
Des troubles qui s’élevèrent en 1664 & 1665 > dans
le fein même de la république , fervent à l’élévation
de Sobieski, comme les guerres étra gères avoicnt
fervi à la gloire. Le général Lubomirski , Grand-
Maréchal de Pologne & petit général de l’armée Po-
ionoife, ayant irrité le Roi, en s’oppofant au projet
nue la Reine avoit infpiré à Cafimir , de faire élire
-fon fucc. fleur , de fon vivant , le Roi le fit condamner
dans une diète , comme ennemi de l’état ôc
criminel de Lèze Majefté , Ôc donna fes charges à
Sobieski qu’on en jugea digne , mais qu’on vit avec
peine , profiter de la dépouille d’un homme du mérite
§1 Lubomirski ; celui-ci, traité en rebelle , fut
forcé de le devenir. Une mguvaife manoeuvre à laquelle
le Roi fo. ça Sobieski, malgré toutes fes re-
créfent&tipnSj & dura L.ü?vin:rfifci ult fixer avantage,
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fît accabler Farinée royale , ôc elle eut.été entièrement
détruite,, fi Sobieski, par une retraite aulfi
fit vante que difficile, n’en avoit fauvé les reft?«. Ses
ennemis même n’attribuèrent sa défaite qu’à Fobftina,
tion du Roi.
La généroflté avec laquelle Lubomirski fkerifia les
intérêts per (b miels à ceux de la patrie , accéléra la
paix; Sobieski garda fes dignités; en 1667 le Gro.nl
Général Scamflas Potocki mourut , *• ÔC Sobieski lui
fuccéda ; il commença par renoncer à tous les privilèges
de fa nouvelle place , qui pouvoient paroître
onéreux à la Nation.
Les Tartares ôc les Cofaques dévafloient alors à
l’envi , la Podolie , la Volhinie & le Palaiinat de
Ruftie, le Turcmenaçoit auffi la Pologne ; on 11’avoit
point d’argent, pour payer dix ou douze mille fol-
dats .qui refloient, encore moins pour en lever de nouveaux.
La république lé croyoit perdue, Sobieskiy
en failànt des levées fur fes propres Domaines, en
empruntant fur fes propres fonds, parvient à raflem-
hier vingt-mille hommes, à la tête defquels il court
en défier cent mille dans le Palatinat de Rufiie ;
il trace à la femme , qui étoit alors en France, tout
le plan de là campagne , lui montre la plus ferme
elpérance de ruiner, par fes opérations, toute
cette Rombreüfe armée.' L î Grand Condé , à qui
cette lettre fut communiquée, ne croyoit pas le fuccès
poffible. On ne -le croyoit pas non p'us dans la
petite armée de Sobieski , on y murmuroit hautement
, on menaçoit de quitter le camp./ » Je ne
» changerai rien à mon plan , dit nèrefnenti *S'obieski ,
» le fuccès fera voir s'il eft bien conçu ». Il avoit
fait quelques prifonniers Tartares , il les renvoya 3
leur Général, « allez , hur dit-il, dites à Nuradin,'
» Sultan, que je le traiterai, comme il â traité mon
frère ; Nuradin , pour toute réponfe , preffa l’at^
taque du camp Polonois ». Sobieski , au lieu d’at«
tendre les ennemis, dans fes retranchements, marche'
à leur rencontre ; c’eft ce qu’ils defiroient , & ce
qu’ils n’avoient oie efperer : mais tandis qu’ils croient
n’avoir qu a accabler une poignée de téméraires guidés
par un défefpoir aveugle , divers corps raffemblés
avec intelligence , les prennent en flanc, lés mettent
en défordre, les Tartares perdent leurs rangs, prennent
la fuite , & entraînent les Cofaques ; c’ëft alors
que Sobieski fe flate de tenir parole à Nuradin, il
le fait chercher par-tout pour l'immoler à la vengeance
de fon frère ; mais Nuradin , qui avoit appris
à redouter les menaces de Sobieski, s’étoit enfui
à temps, en la fiant vingt mille hommes fur le
champ de batailje. ''Les barbares demandèrent la
paix ; les vainqueurs en avoient plus befoin que les
vaincus ; elle fut fignée le 19 Octobre 1067
& Sobieski alla jouir à Varsovie de toute fa glore.
. Elle fembloit devoir l’élever au trône., que l’abdication
de Cafimir laiffa vacant dès l’année fuivanteJ
Michel Wiefiowieski l’emporta Tür tous les conçur-
-rer.s, tant étrangers que Nationaux, ÔC en fut etoa-
r.é lui-même ; Cafimir plus étonné encore d’avôm
un
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iun tel fucceflèur, s’écria en apprenant la proclamation
: quoi l ils ont couronné ce pauvre homme !
[ Sobieski fut en difgrace pendant tout ce nouveau
règne ; mais dans la difgrace , il étoit plus Roi
,que Wiefnowierk ; il fe forma une. ligue pour détrôner
celui-ci , Ôc cetté ligue mit Scbiestà à la tête.'
C e ne. fut pas du moins le défir du trône' qui le fit agir;
■ car il proposoit d’élire le jeune duc de Longueville
qui périt au paffage du Rhin., dans le cours de cette
négociation. Mahomet IV , empereur des Turcs ,
faillit l’occafion de ces troubles , pour entrer en Pologne.
Le roi ne s’occupoit que de fa vengeance
Contre fes fujets révoltés; il condamnoit à mort le
Primat ôc Sobieski, Ôc mettait leurs têtes à prix. L’aimée
républicaine jura de défendre & de venger, fon
général. Je reçois vos ferments , dit Sobieski, mais
défendons la patrie avant tout ; auffi-tôt il court ,
non au Roi de Pologne, mais aux Turcs qui s’avan-
çoient pour fa:re le nege de Kaminieck , capitale de
la Podolie , ôc Boulevard de la Pologne, contre les
Turcs & les Tartares. Le roi , enfe 1 éuniflant avec
Sobieski, pouvoit encore repouflèr les Turcs ; mais il
craignoit oc haïflbit plus le feul Sobieski, que tous
les Turcs enfemble ; il envoya demander la paix à
Mahomet, & fe fournit à la honte d’un tribut annuel
& ; erpétuel de’ cent mille ducats d’or. Sôbi.ski
■ propofa dans une diète de révoquer ce traité ignominieux.
Un gentilhomme accufa Sobieski, dans cette
même diète , d’avoir appelle ces mêmes Turcs , ccs
mêmes Tartares qu’il avoit fortement combattus : Tac-
eufateur avoua depuis qu’un parti puiflant l’avoit
pouffé à'cette calomnie; il fut condamné à mort,
& remis entre les mains de Sobieski, pour l’exécution.
C’étoit lui fauver la vie.
La guerre contre les Turcs fut réfolue, Sobieski
fut chargé de la faire ; mais bien-tât l’inquiétude & la
jalonfie , plus que l’amour de la gloire, engageront le
roi à prendre lui-même le commandement de l’armée;
il y alloit moins pour en diriger les opération y que
pour troubler celles de Sobieski, ce qui n’empêcha' pas
celui-ci de forcer le camp des Turcs à Choczin, &
de les mettre en déroute ; le roi Wiesnowieski ne
jouit point de cette vidoire , fes chagrins & uTi
tjlcère dans les reins l’avoient mis au tombeau dès la
veille/ L e trône ne pouvoir vaquer plus à propos
1>omt Sobieski : il fut élu en effet, le 19 Mai 1674 ,
ôc prit le nom de Jean III.
Sobieski ne fe crut que plus obligé de mériter le
trône, après l’avoir obtenu.
.En 1675 , ^ ara Muftapha, nouveau Vifir , neveu
de Coprogli, chargé de la vengeance de Mahomet
contre la Pologne, étoit ,à la tête d’une armée qui
au roi t fuffi pour -renverfer les plus grandes puiflances :
Sobieski ne put jamais raflembler contre lu i, plus de
quinze mille hommes ; cependant lorfqivit vit que
Cara Muftapha , favori aimable , mais général malhabile
, au lieu de marcher droit à lui, pour écrafer
<fa petite armée , & conquérir enfuite Ja Pologne fans
•réfiftance , s’amufoità prendre des places inutiles dans
Ukraine , il dit ■: puifqitil rien fait pas davantage,
IJjloire. Tome T,
s o b m
je rendrai ben compte de fa grande armés avant la fin
de la campagne, & il tint parole.
Il y eut un moment où l’armée Polonoife, campée
dans un pefle défavantageux, près de Léopold ,
& craignant d’être enveloppée par les Turcs & lesTar-
târes , conjura le roi de mettre au moins fa perfonne
en sûreté ; vous me m é p r ife à e dit-il, y? je fiàvois
votre çonfeil, ,
Le Kan des T artares vint attaquer Sobieski, qu’il
s’étoit vanté de prendre & de mener au Vifir ; il
fut repoufle avec grande perte ; les Turcs eax-mê- •
mes furent battus fous les murs de Trembowla , &
obligés de fe retirer fous le canon de Kaminiek ; la
paix fe fit à des .conditions raifonnables , il ne fut
plus queflion du tribut infamant que Wiefnowieski
s’étoit laifle impofer ;
Mais de tous les exploits qui ont immortalifé iSo-
bieski , le plus fameux eft la délivrance de Vienne
en 1683. C’étoit fur l’empite qu’étoient tombés cette
année , tous les efforts de la Puiflance Ottomane ;
une confternation universelle avoit saiû l’Allemagne;
l’empereur & toute la fam lie impériale avoient fui de
Vienne à Lintz , puis à Paflau : Léopold imploroit
en tremblant, l’appui de Sobieski • Sobieski arrive^
voit l’e.inemi, le combat, le défait, ôc difSpe eomtne
par enchantement c:tte multitude innombrable qui
fembloit devoir engloutir toute la chrétienté. Il en
coûta la vie à Cara Muftapha qui commandoit encore
les Turcs dans cette expédition , .ôc dont les malheurs
ôc les fautes Jafsèrent à la fin la patience du
Sultan , qui lui envoya le cordon. La reconnoil-
fance de l’Europe chrétienne prodigua au vainqueur
les titres de Sauveur ôc d’envôvé dé Dieu. Fuit homo
miffus à Deo, cui tiomen erat Joannes ,* tel fut à cette
cccafion le texte d’un prédiçatèur ; mais la recon-
noiflance del’Empëreur éclata beaucoup moins ; une
jaloufii fecrette le faifoit rougir d’avoir tant 'd’obligation
à fon allié , ÔC de voir' l’éclat de fes grandeurs
héréditaires fi effacé par l’éclat de la grandeur
perfonnelle de Sobieski. Mon frère , je fuis bien-aï fe
de vous avoir rendu ce léger fervice, dit froidement
S.bLski à l’empereur , en remarquant tout l’embarras
de fa jaloufe ingratitude , dans l’entrevue qui
fuivit la délivrance de Vienne.
Tei fut Sobies ki dans la guerre ; dans le gouvernement
intérieur , il fùt jufte, prudent ÔC modéré. Sa
première démarche à fon avènement au trône , fut
de rendre le Grand-Maréchalat au fils de ce Lubc-
mirski s aux dépens duquel il l’avoit autrefois obtenu.
La clémence étoit, après le. courage, la vertu
dont le Roi de Pologne fe piquoit le plus ; les favoris
qui l’avoient perfécuté, fous le règne de. Wiefiiowieski,
oc qui ofoient encore l’outrager , par dépit ôc par
jajoufie , depuis qu’il étoit devenu R o i, le trouvèrent
très-indulgent, pourvu qu’ils n’euffent offenfé
que lui. Un fcélérat avoit vomi contre lui mille injures,
Ôc, comme s’il eût voulus’eflayer au régicide, il avoit
' percé fon portrait d’une balle. Les loix le condamno’ent
à mort, ôc Farrêt étoit prononcé« Le Roi fit grâce;
N