
On fait que du tems de la république , Fintèn-
danee de la monnoie étoit commiüe à trois officiers
ou magiftrats, qu'on nommoic triumviri auro,
argento , ari , f ia n d o 3 feriundo. Jules-Céfar en
ajouta un quatrième comme nous l’apprenons de
plufîeurs médailles qui portent l’image de ce prince;
mais fous Augufte les chofes furent remilès fur
l’ancien pied , & .les triumvirs monétaires continuèrent
de mettre leur nom fur les monnoies qu’ils
faifoient frapper ; c’eft un fait dont les médailles
«fAugufte nous inftruifcnt.
Il n’eft pas vraifemblable qu’il y ait eu à
Rome des triumvirs monétaires prépofés par l’empereur
à la fabrication des elpèces d’or & d’argent,
& d’autres triumvirs nommés par le fénat , pour
avoir foin de la fabrication des efpèces de bronze ;
car les mêmes officiers ont pu avoir l’intendance
de toute la monnoie qui fe frappoit à Rome , quoiqu’ils
fulfent obligés de demander l’approbation de
l’empereur pour le type des monnoies d’or & d’argent
, & l’approbation du fénat pour le type de
la monnoie de bronze.
Au refte , il n’eft guerre poffible de douter que
la dilpofition de la monnoie n’ait appartenu aux
empereurs 3 puifqu’on trouve lur une infinité de
médailles, moneta Aug. & moneta Augg. De plus,
Stace dans les vers qu’il a faits , pour ccnfoler
Héfrufcus de la mort de fon père , qui après avo r
été affranchi par Tibère , étoit devenu intendant
de l’empereur 3 difpenfator Ctfaris : «Stace > dis-je,
nous apprend qu’Hétrufcus avoit été chargé de la
matière qui devoit être employée à frapper des
monnoies au coin des empereurs.
Q u/e à ïv ûm in v ü ltu s ig n i fo rm a n d a liq u e fca t
VFfiJpi-, q u id A n to n ïc e f c r ip tum erepet igné monetee.
Il eft dcnc vrai que la monnoie d’or & d’argent
appartenoit plus particulièrement à 'l’empereur
5 en effet , outre que la marque de l’autorité
du fénat ne (è trouve que très - rarement fur
*es deux métaux, une infcription découverte à Rome
fur la fin du feizième fîècle , & rapportée dans
Gruter, prouve ce fiât d’une manière évidente.
Cette infcription qui eft du tems de Trajan commence
a'nfi : Fortuna Aug. fàcrum ojjicinatores mo-
neiA auraria argentan& Ctfaris.
Il falloit donc que la monnoie d’or & d’argent
dépendît plus particulièrement de l’empereur, puisque
fans cela les monétaires en bronze auroient
été joints aux monéta:res des deux autres métaux.
On peut tirer cette même conféquepce de ce que
Sévère Âléxând; e ayant réduit les impofitions à la
trentième partie de ce qu’elles étofent fous Helio-
gabale, voulant faire âuffi un changement dans
Je poids & dans le module de la monnoie , il
eft dit qu’il fit frapper des demi-fols & des tiers
de fols d’or , mais on n’ ajoute pas qu’il ait enr-
trepris de rien changer dons la monnoie de bronze,
apparemment parce qu’il ne voulut pas être ac-
eufé d'empiéter fur les droits du fénat.
Remarquons qu’après Augufte on ne trouve plus
furies médailles le nom des triumvirs monétaires ;
mais il ne faut pas croire pour cela que ces emplois
ayent été fupprimés ; car parmi les titres
donnés dansune ancienne infcription àun Q Hedius
Rufus Lollianus Gentianus 3 qui vivoit du tems de
Sévère & de Caracalle, on lit celui de III. Vir.
AA. A. FF. & on trouve un L . Aiîtronius Va-
gonius Profper III. Kir. Monetalis , dans une
autre infcription rapportée par Reinefîus, & que
Sperlingjfus ci oit plus moderne que la précédente.
Les ouvriers qui travailloient à-là monnoie fous
les ordres des triumvirs, étoient ou des affranchis
ou des efclaves, c’eft pour cela que dans un ancien
monument , ils font nommés ojjicinatores 3 6* num-
mularii officinarum argentarium fami lit monetaria j
on les appeiloit en général monetarii ojjicinatores
moneta 3 & nummularii ojjicinatores moneta.
On les divifoit en plufîeurs claflès ; f é s uns,
nommés Ctgnatores 3 gravoient les coins ; les autres,
appelles fuppoftores , avoient foin de mettre la
pièce de métal entre les quarrés*; d’autres , appelles
malleatores, la frappoient avec le marteau ;
il eft fait mention de ces trois fortes d’ouvriers
conjointement dans une infcription de Gruter.
Il y avoit outre ce'a d’autres ouvriers chargés
de la fonte & de la préparation des métaux qu’on
apportoit en ma,re ou en lingots aux hôtels des
monnoies. Ceux-ci fe nomir: oient flatores 3 ou fia-
tttarii 3 auri & argenti monetarii.
Quelques uns étoient chargés de la vérification
du titre & du poids des efpèces, on lis appeiloit
exactores auri, argenti 3 arts 3 & c’eft pour cela
qu’on lit exagium folidi fur certaines médailles
d’Honôrius & ce Valentinien III j qui p'aroiflent
avoir fervi d’une efpcce de pied-fort ; pour vérifier
les fols d’or qu’on fiappoit du tems de ces
empereurs, comme en peut le voir dans la dif-
fertation de M. du Cange fur les médailles du
bas âge : le chef de ces ouvriers eft appi lié optlo
dans quelques inferiptions, du moins eu cas qu’il
y eût quelqu’un au-deffus de celui qui portoit
ce nom, les anciens monumens ne nous en ont
pas confervé le fouvenir.
Ce font la tous lès noms qui foi nt parvenus
jufqu’à nous , des perfonnes employées dans les
monnoies des romains ; car >1 faut bien fe garder
de confondre , comme a fait Sperlingius, les monétaires
avec ceux qui font appelles fur. d’anciens
marbres3argentarius> coactor 3 auri lufiralis coaftor,
procurât or 3 fübprocurator 3 defenfor aurariorum. Les
pi envers étoient des receveurs chargés du r^cou-
Vfément de ï*ot & Je l’argent que les fiijets de ffeßl-
pire dévoient- payer au. tréfor impérial ; les derniers
étoient des officiers- prépofés à la fouille des
mines d’or qu’on découvroit fur les terres de
l’empire.
Dans le Bas-Empire , il n’eft plus fait mention
des triumvirs monétaires, & le S. C. ne fe trouve
plus comme auparavant fur les monnoies de bronze.
Cela fait juger que les empereurs , en attribuant à
leur dignité le droit exclufîf de faire battre monnoie,
abolirent les trois charges de ceux qui préfidoient
à cet emploi, & qui vraifemblablement n’étoient
pas nommés fans l’approbation du fénat. Ce changement
, félon les apparences, arriva fous Aurélien,
contre qui les monétaires s’étoient révoltes.
Dans la fuite, il paroît par la notice des deux
Empires que la monnoie fut dans le département
du furintendant des finances , appelle cornes fa-
crarum largitionum. On établit pour lors dans chaque
monnoie particulière un dire&eur, que la notice
appelle procurator moneta , & Am mien Marcellin ,
prapofitus moneta : au deffus de Gelui-ci étoit le
chef des monétaires, à qui on donnoit le nom
de primarius monetariorum. Il eft vrai que la notice
ne parle point des différentes monnoies établies
dans l’empire d’Orient , & qu’elle n’en nomme
que fix dans l’Occident, celle de Sifcia, d’Aquiiée,
de Rome , de Lyon , d’Arles &de Trêves. Cependant
l’exergue des médailles du Bas-Empire nous
prouve qu’il y en avoit un bien plus grand nombre.
Notice de M. le baron de la Baftie. ( D. J . )
TRIUMVIRAT, f. m. (hiß. rom. ) c’eft le nom
latin que, l’hiftoire a confacré à l’afiociation faite .
par trois perfonnes , pour changer le gouvernement
de la république, & s’en emparer contre les
loix de l’état.
Etat de Rome fur la fin de la république. Rome
montée au faîte de la grandeur , fe perdit par la
corrup’ion , par le luxe, par des profufions qui
n’avoient point de bornes. Avec des defirs immodérés
, on fut prêt à tous les attentats , & , comme
dit Sallufte, on vit une génération de gens qui ne
pou voient'avoir de patrimoine, ni fouffrirque d’autres
en euffenr. Sylla , dans la fureur de fes entrepiifes ,
avoit fait des chofes qui mirent Rome d'ns l’im-
poffibilicé de confer ver fa liberté. Il ruina dans
fon expédition d’Afie toute la difcipline militaire ;
il accoutuma fon armée aux rapines , & lui donna
des befoins qu’elle n’avoit jamais eus ; il corrompit
une fo:s des foldats qui dévoient, dans la fuire ,
corrompre les capitaines.
Il entra à main armée dans Rome , & enfeigna
aux généraux romains à violer l’afyle de la liberté.
Il donna les terres des citoyens aux foldats , & il
les rendit avides p'pur jamais ; car dès ce moment
il n’y eut plus un homme de guerre qui n’attendît
une occafion qui pût mettre les biens de fes concitoyens
entre fes mains.
Dans cette pofition, la république devoit jiécef-
fairement périr ; il n’étoit plus queftion que de
favoir comment & p^r qui elle fêroit abbatue.-
Trois hommes également ambitieüx effaçoient alors
les autres citoyens de Rome, pat leur naiffance,
leur crédit, par leurs exploits , & par leurs ri-
cheffes-, Cnéïus Pompéïus, Caïus Julius Céfar,
& Marcus Licinius Craffus.
Caraftére de Craffus. Ce dernier de la maifon
Lîeinia, & célèbre par fa mort chez les l’arthes ,
étoit fils de Craffus le cenfèur. Ne pouvant vivre
en fureté à Rome, - parce qu’il avoit été proferit
par Cinna & Marius , il fe fauva en Efpagne,
&ù Vibius , un de fes amis , le tint caché pendant
huit mois dans une caverne. De-là il -fe
rendit en Afrique auprès de Sylla, qui lui, donna
d’abord la commiffion d’aller dans le pays d‘^s
Marfes, pour y fa«re de nouvelles levées ; mais
comme il falloit pafler dans différenS quartiers d*
l’armée ennemie , Craffus avoit befoin d'une escorte
, il la demanda à Sylla. Ce général, qu
vouloit accoutumer fes officiers à des entreprifes
hardies , lui répondit fièrement: » Je te donne pou
» gardes ton père, ton fière , tes pafens , & tes
» amis qui ont été maffacrés par nos tirans, &
» dont ’e veux venger la nrirt ». Craffus touché
de ce difcours , & ple:n du defîr de fe diftinguer,
partit fans répliquer, paffa au-travers de différens
corps de l’armée ennemie, leva un grand nombre
de troupes par fon crédit, vint rejoindre Sylla, &
j partagea depuis ? r ë c lui tous les périls & toute
la gloire de cette guerre.
Dans le même tems , le jeune Pompée n’ayant
pas encore vingt trois ans, tailla en pièces la cavalerie
gauloise aux ordres de Brutus , joignit Sylla
avec trois légions , & fe lia d’amitié & d’intérêt
avec Craffus.
Sylla devenu di&ateur perpétuel, ou . pour mieux
dire, le maître abfolu de Rome , difpofa'foùve-
rainement des biens de fes concitoyens , qu’il re-
gardoit comme faifant partie de fes conquêtes ; &
Craffus , dans cette confifeation , eut le choix de
tout ce qui pouvoir flatter fon avarice : Sylla,
auffî libéral envers fes amis, que dur Sc inéxorable
envers fes ennemis , fe faifoit un plaifir de répandre
à pleines mains les tréfors de la. république fur
ceux qui s’étoient attachés à fa fortune. Voilà la
principale fource des richeffes de Craffus.
Elles n’amollirent point fa valeur. Il y avoit
déjà trois ans que la guerre civile duroic en Italie ,
avec autant de honte que de défavantage pour la
république, lorfque le fénat lui en donna la conduite.
La fortune changea fous cet habile général;
Iil rérablit la difcipline militaire , défie les troupes
de Spartacus, & remporta une yiâoiie com«
plette.