
» ton coeur n’eft pas dur comme la pierre, nï in-
» fiéx.ibit comme l’acier.
Voici celle de M. l’abbé de Longchamps-t.
■ o Mon bonheur à moi fera de contemphr Délie
* à ma dernière heure, Jatisfait, en expirant , de
» la (errer encore de ma main défaillante ; tu répandras
» des larmes Tioullè étendu fur le bûcher funèbre,
•n recueillera des baifers noyés dans les pleurs de fa
» Délie. Oui , tu dois en répandre , ton coeur ni en
» efl garant ; ce tendre coeur n’eft point un dur caillou,
» un acier inflexible. »
Voici l’examen que M. de la Harpe fait* de cette
yerfion :
v Elle nuit également à l’original, & par ee qu’elle
» lui cte , & par ce qu’elle lui donne. Le traduéleur
» retranche d'abord la formule de fouhait, te fpettem,
» te teneam , que je te regarde , que je te' preffe. Ce
» ^mouvement eft celui de l’amour. Tibulle ne dit
« point mon bonheur fera de contempler Délie. Il
» ne parle- point d’un bonheur dont il n’eft pas sûr ;
» il exprime le voeu de fon coeur. Contempler n’eft
» pas le mot propre. On regarde .en mourant ce
a» qu’on aime y on ne le contemple pas. Ces nuances
»> font légères ; mais c’eft de toutes et s nuances que
» fe compofe le ftyle, fur-tout dans les fujets délicats,
j» Tu répandras des larmes. . . . . . oui , tu dois en rév
pandre. Cela vaut-il les deux flebis fi tendrement
» répétés ? Etoit-il fi difficile de traduire : tu pleu-
» reras, fit de fentir tout ce que cette répétition a
» de grâce ? ton coeur m'en efl garant, n’eft point dans
» le lat.n, non plus que Jàtisjdit en expirant, non
» plus que Tibulle recueillera des -baifers noyés dans
v ' les larmes. Non feulement c’eft faire languir la
b phrafe par des inutilités traînantes, fit détruire la
» précifion , un des principaux caractères de Tibulle;
» mais encore c’eft défigurer par le mauvais goût
» lès beautés de l’original. Tibulle peut-il recueillir des
« baifers quand il fera fur le bûcher ? Et qu’eft-ce
m oua des baifers noyés dans les larmes ? Et pour-
» quoi tne'tre Délie & Tibulle au lieu de toi & moi ?
» EfUcè. la même chofe pour l’amour ? qué de fautes
m dans fix vers ï
. Si cette -critique eft (evère, on ne peut nier au
moins qu’elle ’ne foit pleine d’efprit & de gcût, &
qu’elle ne puiffè apprendre à mieux faire.
Sa traduction même en vers eft encore plus près
de- l’original que la profo même de M. de
Longchamps :
Ah Ique ma paupière mourante
Se tourne encor vers toi dans mon dernier moment ;
Que par un dernier mouvement
Je preffe encor tes mains de ma main défaillante.
Tu pleureras fans doute auprès de mon bûcher.
Tes yeux , ces yeux fi pleins de charmes ,
Répandront fur moi quelques larmes :
Tu n’às pas un coeur de rocher ;
JJu pleureras % Délie ; fit l’amant jeune & tendre,
Et l’amante, objet de fes voeux j
Te verront honorer ma cend.e
Et s’en retourneront les larmes dans les yeux.
G;'tte traduction comprend les deux, vers de Tibulle *
qui fuivent les fix que nous avons cités , fit elle en
marque la liaifon avec ces iix premi.rs:
lllo non juvenis poterit de funere quifquam
Lumina , non virgo ficca refirre domumi
M. Vieifh ne rend peut-être pas R fenfible îà
liaifon de ces deux vers avec les précédons ; mais il
les traduit en deux vers qui préfentent une image vraie,
fit touchante :
Le jeune homme attendri, la jeune fille émue ;
Sur ma tombe en filence arrêteront leur vue.
Le même M. Vieilh a traduit tout ce morceau ;
Ah ! que je puiffe encore à mon dernier moment
, Te voir, te regarder , te nommer mon amante,
Et mourant, te preffer de ma main défaillant^
Tu pleureras alors : fur mon trifte bûcher
A tes derniers baifers tu mêleras des larmes j
Du moins ma cendre heureufe en fentira les charmes.
Tu pleureras ; ton coeur n’eft point un dur rocher.
M. le chevalier de Parny a auffi imité ce même
morceau :
Un jour l’arrêt du fort
Viendra fermer ma paupière affo.Mie. j
Lorfque tes bras encourant ton ami,
Soulageront fa tête languiffante ,
Et que fes yeux foulevés à demi,
Seront remplis d’une flamme mourante,'
Lbrfque mes doigts tâcheront d’effuyer
Tes yeux fixés fur ma paifible couche,
Et que mon coeur s’échappant fur ma bouche J
De tes baifers recevra le dernier , ôte.
Cette imitation eft éloignée , l’auteur n’étoit engagé
à rien ; il n’étoit pas traduCteur. M. le - chevalier de
Bénin traduit, avec autant de fidélité que d’aifance, îe§
vers fuivans ;
Fortes adjuvat ‘ îpfa venus,
Ilia docet furtim molli decedere lefifb ,
llla pedem nullo ponère polfe fonol
Il faut ofer. Vénus fécondé le courage.
Vénus inftruit l’amante, au milieu de la nuit J
A defeendre en fecret de fa couche paifible s
Vénus enfeigne encor Fart de pofer fans bruit
Sur des parquets mouvans un pied sûr fit fléxiblèj
M. Vieilh , M. le chevalier de Parny , M. le ch(W
yalier de Berlin , M. Guys , M. de flins t M,. lÿ
chevalier de Cubières, M. de St. Ange, M. Leonard, 8cc.
poftérité nombreufe de poètes érotiques formes par
Tibulle.
Et nati natorum 6* qui nafeentur ah Mis,
©nt tous traduit ou imité des morceaux cho.fis de
ce poète aimable , fit tous les poètes erotiques,
leurs fucceffeur's., en feront autant.
M. Racine le fils, qui n’eft rien moins qu’un poète
érotique, quoique fon père foit le premier 6c b plus
tendre de ces jfoëtes, s’eft permis à l’égard de Tibulle
un genre de parodie bien fmgulier, qui connue a
employer dans le langage de la piété les expreffions
les plus affe&uetifes ôc les plus paffiçnnees de Tibulle.
On fait que l’égbfe a fanCtifié plufieurs ufages payens
en les cônfervant 6c en les adaptant a fon culte religieux;
il femble que M. Racine ait prétendu faire
la même chofe ; mais l’auiorité privée fuffit-elle pour
établir de la convenance entre des objets fi difparatës^ ?
Malgré les rapprochemens les plus ingénieux , ny
a-t-il pas toujours un intervalle immenfe entre les
objets de notre refpeCt fie ceux de nos pallions ?
Le fou venir de Tibulle fiC de (es amours, ne s ôp-
pofe-t-il pas à l’application qu’on veut faire de fes
vers aux choies facrées ? N’y a-t-ii pas meme a
cela une forte de profanation que le goût condamne
auffi bien que la religion ?
Quoi quil en foit, M. Racine le fils avoit placé
au bas de fon crucifix ces deux vers de Tibulle :
Te fpeélem, fuprema mihi cum venerit hora ,
. Te teneam mariens déficiente manu.
H traduit dans le poërae de la religion , en s’adreffant
à Jefus-Chrift , ces vers que Tibulle adreffoit à fa
maîtreffe :
Tu mihi sola places, nec jam te pràter in urbe
Forma fa. efl oculis ulla puella mets. . . •• • • •
Nil opus invidiâ, efl : procul abfit gloria vulgi ,
Qui fapit, in taciio gaudeat Me finit.
Sic ego fecretis poffum benè vivere fylvïs ,
Qu à nulla humano fit via trita pede. ^
Tu mihi curarum requies, tu noble vel atrd
Lumen, & in folis tu înihi turba locis.
Nunc licet è coelo mittatur arnica Tibullo ,
Mittctur fmflrà dcfiûetque Venus • • • •
Jamficiam quodeumque voles , tuus ufque manebo,
Nec fugiarn notât fervitium Dominée»
Ma feule ambition eft d’être tout o to i,
Mon plaifir, ma grandeur, ma richeffe eft ta loi ;
Je ne foupire point après la Renommee : ^
Qu’inconnu0, aux mortels, en toi feul enfermee ,
Ma gloire n’ait jamais que tes yeux pour témoins.
C ’eft en toi que je trouve un repos dans mes,soins.
Tu me tiens lieu de jour dans cette nuit profonde;
Au milieu des déferts tu me rends tout le monde-; "
tes ïioûltnês vaineraement m’odrirolcnt tous leui#
biens, ’m ,
Les hommes ne pourroient me féparer des tiens.
Ceux qui ne t'aiment pas, ta loi leur fait entendre
Qu’aux malheurs les plus, grands ils doivent tous
O menace, grand Dieu ! qui ne peut m’alarmer ;
- Le plus grand des malheurs-eft de lui point Canner.
Quêta croix dans mes, mains foit a ma deimere
heure, , „ . .
Et que les yeux fur toi je t’embraffe & je meure
Ces deux derniers vers font la tradu&icn du Ti
speélem , ficc. Te. teneam, ficc. dont nous avons tant
parlé. ,
Le grand Racine n’avoit pas donné a fon fils ceç
exemple de tranfporter le profane au (acre ; c d t
dans les prophètes , c’eft dans les ivres g , ®
puifoitees cantiques fubl mes dont il rempliHoit i/tta-
& Jihali: ; il 1-éfervoit pour Bérénice , les imitations
de Tibulle.
TICHO ou TYCO -BR AH É , ( Hijl. lut. moi, )
gentilhomme Danois-, dont la maiionétoit originaire
de- Suède , eft célèbre par fon Syfiéme. du. mônee,
aujourd'hui rejette. Son inclination pour l’aftrononue
& les mathématiques s’annonça de bonne heure:
Une éclipfe de foleil qu’il v it, à l'âge.de quatorze ans ,
arrivera l’heure, précife qu’elle avoit été prédite,
lui r préfema l’aftronomie comme une fcience divine
, & décida de fa vocation. On l'envoya étudier
le droit à Léipftck ; il y fit des obfcrvations aftro-
nomiques. A fon retour en Danemarck , U fe me-
fallia , grand crime aux yeux dune mailon Danoile
du feîzième fiècle. Pour' échapper aux reproches de
fes parens, & aux témoignages de leur colère , il
voyagea. Plufieurs grands princes voulurent le fixer
chez eux par des emplois importans ; mais il fe réferva
pour les bienfaits de fon prince. Freder.c I I , roi de
Danemarck, lui donna 111e de Wen,- avec une grofte
penfion. 11 bâtit à grands frais dans cette île le chatean
d’Uranienbourg, Ville du Ciel, & la tour de Stelle-
bourg, où étoient raffemblés fes inftrumens 8c les
nrnehmes, & oh il faifo.t fes obfervadons Ticho-
Brahé dépenfa plus de cent mille écus pour les progrès
de l’aftronomie. Dis fouverains venoient le
voir dans fa' retraite favante , & apprendre de lui à fe
familiarifer avec les aftres. Ses travaux aftronomiques
parurent admirables pour3le temps, & produifirent
beaucoup de découvertes, alors importantes. Il fournit
au calcul les réfractions aftronomiques , 8c forma
des tables de réfiaffion pour différentes hauteurs. 11
découvrit dans la lune trois mouvemens, qui fervent
à expliquer fa marche. Il fut auffi très-habile dans la
chymie, 8c fit un ufage très-heureux de cette fcience
appliquée à la médecine. La poëfre le dékffoi.t des
mathématiques. Il eut toutes les erreurs de 1 altro—
nomie judiciaire ,' des preffentimens-, dès préfages,
6'c. Si en .fortant le matin il rencontrait ùr.e ^vieille
femme, fi un lièvre uayerfoit fonichemin, il ren-
a n