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le jour des Ides d’oôobre , c’eft-à-dîre, le i ƒ oélobre,
& là naiflàncc , dit Mart al, a confacré ce jour,
Qf tcb r is M a ro confecftavit ld u s .
Le plus grand événement de fa vie paroît avoir
été celui qui fait le fujet de fa première églogue ,
ou c’eft lui qui eft Tityre, quoique ce Tityre foit
répréfente comme un vieillard , f o r tu n a te Jenex y
8c que Virg ile n’eut alors que vingt-neuf an« ,
car c’^toit^ l’an 713 de Rome. Oélave ou Augufte
avoit diftribué aux foldats vétérans , pour prix de
leurs fervices , /les champs de Crémone & de
Mantoue , c’eft-à-dire , que les fervices qu’ils n’a-
voient rendus qu’à lui., avoient été payés aux dépens
des poïTeffeursâc des propriétaires de ces chaiAps ,
V irg ile avoit perdu le fien par cette difo ibution,
mais fes talens lui avoient déjà procuré d’illuftres
proteéleurs, Pollion, qu’il a tant célébré dans fes
égiogues , l’avoit recommandé à Mécène , Mécène
2 Augufte, ainfi Ion champ lui fut rendu*
Mie ilium v id r ju v e n em , Metihoee , quotannis
B i s f in e s oui npftra d ies a lt a r i a f um a n t ;
H ic m ik i refponfiumprimus dedit ille p e te n ti .*
Paficitexu t an te y boves 3 p u e r i 3 fiubmittite ta u ro s ...
O Meliboee 3 D e us nabis hotc o tia fie ci t ,
Nam q u e e r it i lle m ik i fiemper D e us , i ll iu s aram
Sape tener iiqftris ab av ilib u s imbuet agnus ,*
I l l e m a u e r ra re b aves3 u t eernis3 6* ipfium
L u d e re que.v e ilem calam o p e rm ißt agrefti. - . . .
A n te levés ergo, paficentur in ésthere c e rv ix
E t f r é t a deftituent nudos in l itta r e pifices >
A n te , p e re r ra tis amborum f in i bus e x u l ,
A u t A ra r im P a r th u s bibet 3 a u s G e rman ia T ig r im ,
Quam noftro illiu s lab a tu rp e fto re v u ltu s ►
Toute cetre églogue eft donc l’expreflïon de fa joie,
a'nfî que de fa reconnoilfancc envers Augufte ;
mais il éprouva de nouveaux troubles, dans fa pof-
feflion , & c’eft le fujft de là neuvième églogue,
intitulée : Moeris. Un.des loldats qui é ta ie n t reliés
en. polTeflioH des champs voifîns du fien , voulue
étendre lès droits & le chalfer de fon patrimoine,
V i r g ile , pour éehapper à fes violences, fut obligé
de paffer Je Mincio à la nage ; il partit pour Rome
afin d’y fare confirmer la grâce qui lui avoit été
faite, ou plutôt la juft’ce qui lui avoit été r.ndue,
il laiffa dans (en champ un fernrer, nomméMoeris,
qu’il chargea d’adoucir par toute forte de ménage '
mens & de préfens le fâcheux voifin, contre lequel
il alloir plaider fa eaufe à Rome, afin qu’il nefit
pas de nouvelles enwepiifes jtfqu'à fan. tete rn *
v 1 R
C’eft Virg ile lui-même qui fous le nom de Ménal-
cas eft fi bien traité dans cette églogue*
O Lycida , v iv i p e rv e n im u s , advenu nofiri ,
Quod nunquam v e ritif iiu n u s , u t poffiejfior ag e lli
D ic e re t : hec m ea fiunt ,* veteres migrate coloni !
N u ne viâiiy trifles , quoniamfiors omnia verfiat ,
H o s i l l i , quod nee bene v e r t a t , m ittimu s heedos.
L Y C J D A S.
Certé equidem audieram 3 quafiefubducerc colles]
I n c ip iu n t , mollique ju g um demittere clivo ,
Ufique a d aquam , & v e te ris j am f ra é la cacumina I . f* g * x
I Omnia carminibus vefirum fiervajfe Menalcan
M à K t s ,
[ A u d i eras & f h m a f u i t ; f e d carmina tan tum
N o f ira v a len t3 L ycida3 tela in te r m a r tia 3 quantum
Chaonias dicu n t Aq u ilâ veniente columbas.
Q u o d n if i me quaeumqwt novas incidçrc lites.
A n te fin iftra eavâ monuijfet ab i/ice cor n i x 3:
Nec tuus hic M oe ris , nee viv ere t ipfie M enalcas.
L Y C I D A S+
H e u , cadit in quemquam tantum fee lu s ! heu. I
tu a nobis
P en é fim u l tecum fiolatia r a p ta 3 Men alc a ! &c.
C’eft à une de res diflrîbutions de champs faite
aux foldats dans les guerres civiles qu’Horace fait
allufion dans la fîxième fatyre du fécond livre
Q u id ; m ilitib u s promiffia Triquetrâ.
■ P rad ia Coefar an. eft l ta lâ . tellure daturus 2
; V i rg ile , acquérant toujours plus de faveur à mesure
qjPon le connoiffoit davantage, fut admis dans la
familiarité d’Augufte St deMécène 8r y fît admettre
d’autres gens de lettres ; il fut l’introduéhup
d’Horace auprès de Mécène :
Optimus olim
V irg iliu s , p o fi h une V a r iu s y dixere q u id effiemv
II paroit qu’il- régnoit entre ces deux grandsmoéfcs
une grande aminé , ils n’étoîenf point rivaux , ils
ne brilloient pas dans le même genre. L’ode au
vaifteau ^ii tranfportoit Virg ile à Athènes :
S ic te D iv a p o ten s C y p r i,
S ic f ro tte s - He len a -, lu cid a f id e ra „
Ventorumque regat p a te r x
V I R
O b f irïâ is a liis , p roe te r Iap y g a ,
N a v i s , qile tib i cveditwn
Debes V irg ilium ; finibus Ä ttic is
Reddas incolumem precor ,
E t fen te s anim e dimidium mes.
L’ode fut îa mort de Quintiüus, leur ami, quel
que fut ce Quintiüus :
Qn is defiderio f i t p u d o r d u t modus ? &c.
L’ode :
J am v ê tis comités q u t mare tem p é ra n t, d e .
font des monumens de cette amitié de Virg ile &
d’Horace 8t de d gnes élog?s de V irg ile . Comme ■
V irg ile paifoit fa vie dans ia meilleure compagnie
de la cour d‘Augufte, Horace l'appe.Ie :
Juvenum nobilium cliens.
Cette amitié de deux grands poètes éclate plus
etiooreid.ins la fatyre cinquième du premier livre
qui contient la îeiation dun voyage de Rome a
Brin-'es :
P öfter a lux o r itu r rhulto gratijfima : namqut
P lo tiu s & Va r iu s finuejfæ Virgiliufique
Occurrunt : anime, auales neque candidiorès
T e r ra tu i i t neque queis me f i t devinclior a lte r .
O qui compLexus & g au d ia quanta fu e ru n t !
N i l ego contulerim jucundo Jan u s arnico.
On croit que c’eft Virg ile qui eft défigné dans un
endroit de la troilïème fatyre du premier livre.
Horace , qui* s’aceufe plü? d’une fois dans fes ouvrages
d'avoir été füjet à la colère, en accule aufti
celui dont il parie, il l’accufe encore d’un excès
de fimplicicé qui pouvoir quelquefois le rendre le
jouet de jeunes gens de la cour d’Augufte , mais
il lui donne en même tems les meilleures & les
plus grandes qualités :
I ra cu n d io re fi p au lo , minus a p tu s acutis
N a r ib u s horum hominum : r ide ripojfit eo quod
Rufiicius tonfo toga de f u i t & male laxus
I n pede calccus heret : a t eft bonus 3 u t melior v i r
N o n a liu s quij'quarn : a t tib i amicus , a t ingenium
ingens
Inculto la te t hoc fiub corpore.
Virgile avoit en effet cette candeur, cette modef-
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tie, cette fimplicité, la plus belle parure du génie,
qui fcmble , dit M. de Voltaire , être donnée aux
véritablement grands hommes pour adoucir l'envie,
& que cependant on ne peut pas dire que M. de
Voltaire ait eue. V irg ile fe déroboit à fa gloire,
il fe çàchoit dans la foule qui s’empreffbit autour
de lui. Un jour il païut au théâtre où l’on veno t
de réciter quelques-uns de fes vers , tout le peuple
fe leva fur le champ avec des acclamations, honneur
qu’on ne rendoit alors qû’à l’empereur & qui
embaraffa beaucoup Virg ile ; mais on aime à être
embarrafié ainfi.
Le leéleur pourroit être étonné de voir qu’Horacc
dans l'endroit où il nomme tous les poètes de fon
tems qui peuvent fervir de modèle dans chaque
genre, ne cite que Varius pour 1 épopée, & ne
cite V irg ile que pour le poëme paftoral.
A rg u tâ meretrice p o tes Dav o q u e Chremeta.
Elu d en te fenem, comis g a r r ire libellos ,
I J nus v iv o rum , F u n d a n î. P o llio regum
F a c ia c a n it pede te r perc-ujfo : F o r te epàs acer
U t nemo 3 Va r iu s ducit. M o lle atque facetum
Virg ilio annueruht gaudentes rure camans.
Ho c e ra t experto f ru f tr a Varrone A ta c in o ,
Atque quibufdam a l i i s , melius quod fcriberepojfiern.
In v en to re m inor.
La ravfon de ce filence fur l’Enéide , eft que ce
poème n’écoit pas encore connu dans le tems où
Horace écrivoit ce morceau, & qu’il ne l’a été
que long tems après la mort de V irg ile ; auffi-tôc
que ce poème parut , Properce & tous les gens
de goûc s’écrièrent :
Nefcio q u id ma j u s n a fià tu r I lia d e .
Augufte retournant de l’Orient à Rome , paffa
par Athènes où il trouva Virg ile qu’il preffà de
profiter de l’oc aiion pour reveniravec lui à Rome,
V irg ile y confentit &' s’emba qua quoique malade;
les fatigues de la navigation augmentèrent fa maladie
, & débarqué à Brindes il y mourut l’an de Rome
725 le n feptembre. On dit que fe (entant mourir
U fe fit l’épitaphe fui vante. Pour l’entendre , il
faut favoir que mourant àBrindes, il avoit ordonné
que fes reftes fuiïent portés à Naples :
M a n tu a me gen u it 3 Calabri rap u e re , ten e tn u n c
Partk en o p e ; cecini paficua 3 r u r a , duces.
Nous avons vraifoinblablemcnt fon poëme de l’Enéide
moins dcfeAueux qu’il ne l’àvoit laiffé, &
les défauts de cet ouvrage le fràppoient fiiremcnt
bien plus qu’ils «e nous frappent ; il n^avoit jamais
> voulu en lire à Augufte que le fecoûd, le qua«