
qu’elle avo.it tpour lui les memes fentimen?. Il ig.txo-
ro.t le commerce lecret qu’elle entretenoit avec
Dellius. Les fo.upçons., peut-être bien fondes., qu’il
»voit conçus dans le féjour qu’ils firent à .Samos»
s’éyanouiréot, & Lad^elfe -.de Cléopâtre „effaça-de
ion efprit toutes ces idées importunes. Il ne j,ugéa
plus de'les fentimens que.par les piaifits qu’elle lui
faiîoit goûter , &,-.de fa reconnoifîançe , que par les
tendreltes qu’elle lui marquoit.
Cet amour aveugle rendit fon - nom & fa-valeur
inutiles. Il fut le .prétexte de,la.guerce dJOdave,
qui arracha „à Antoine , plufieurs de fes .plus illuf-
tresparrifans, parce qu’on ,éioit .perfuadé à Rome.
que s’il devenoit le maître , il tranip.orter.oit en
Egypte le fiége de l’empire , & tout le monde conclut
à le .dépouiller de fes dignités.
Les troupes d’Oiftave s’embarquent, & s’avancent
en diligence. Cléopâtre équipe une armée navale
, pompeufe s’il en fut jamais, qü’clle unit à
celle-d’Antoine pour f«utenir cette guerr-, dont
elle eft, -dit-elle, la feule, eau le. Elle étaie tous
les trefors quelle pofîède, •.& les defiine à l ’entretien
des troupes. La bataille d’Aâium ie donne;
il y avoit fur les -rivages .plus de deux cent mille
hommes, les armes à ia m an , attentifs à ce tte •
tragédie.
On cembattoit fur le golfe de Lara avec chaleur
de part :& .d’autre , quand on vit èobârimens
de la reine d’Egypte équippés avec magnificence,
cingler à toutes voiles vers le Téloponnèfe. El e
fu it, & entraîne An’oine avec eile. 11 eft du moins
certain que dans la fuite e-l-e 'le tiâhit. Peut-être
que par cet efprit .de coquetterie inconcevable des
femmes, elle avoit formé le de/lein de mettre à
fes pieds un trôifième maître du monde.
“Antoine abandonné, trahi, défefpéfe, réfôlut,
à l ’exemple*de Timon, de fe féquearer de tout
commerce .avec “les liommts. L ’île d’Anthirrodos,
fituée en face du pont d'Alexandrie, lui partit favorable
à ce déffein; il y “fit élever une jettée qui
avançait eonfidérablement dans là mer. Sur cette
jettée, il bâtit un palais.qu il nommoit Ion Timo-
nium ; 1 le rapport qu il trouvoit entre l’ingratitude
qu il avoit éprouvée de la pa*t de fès amis, & c lie
que cet athénien en -avoit auffl louftè: te., lui -avoit,
difoit-il, donné de/l’incünation pour la per-onne,
& du goût pour le5 genre-de vie qu’il avoit mené.
Il pe l imita cependant.que p-ndantpeu de rems, il
forrit de cette retraite avec-autant de légèreté qu il
y étoit entré , -& -alla re;oiodre fa : Cléopâtre à
Alé-xandrie , réfolu de faire de nouveaux efforts,
pour balancer -encore la •= fortune d Oétave ; tel fut
Ion aveuglement , .qu’il vit ;-perdîe fes dernières
efpéranees, fans ; pouvoir haïr., le ;pr,ncipe de fon
malheur.
Tant de capitaines , &. tant <de roîs-.qu’il -avoir
grandis qu faits, .lui.manquèrent ,*
jgénérofité’âvoit été liée à la fervitude , .une.troupe
,de ..gladiateurs & deux affranchis, Eros & Luci-
üu$(, lui .conferv.erent une fidélité héroïque. Dans
ce trifle état on.lui fait un.faux rapport de la mort
de Cléopâtre ; il le c io it, perd tout courage, le
trouble,’& conjure Eros de ie tuer. Cet affranchi
pdflé’dc d’une funefte douleur, fe poignarde lui-
même, >& jette en mourant le po’gnard à-.fon maître
, qui-s’en -fai-lit, s’en fa p p e , >6c tombe à fon
tour. Un de les gens arrive, dans l’inïïant de cette
catafl-rophe , bande fa plaie , & lui apprend que
Cléopâtre vivoit-encore.
,11 fe fait porter aux. pieds de la tour où elle
étoit enfermée. Ce fut un fpeéfacJe louchant de
voir le maître de tant de nations, un,des premiers
capitaines de fon fî.èçle, illullre par fis faits d’armes
& par fes viélojres, expirant, poité par des
gladiateurs, Ôf élevé dans lin panier au haut de
ia tour où Cléopâtre lui tendoit les bras, à la
vue de toute la ville d Alexandrie , dont les- cris
& les larmes :exprimoienr la douleur & l’étonnement.
Cléopâtre en fe réfugiant dans cette.tour , avoit
fait femer d’avarce le bruit de fa mort, bien réfo-
lue de fe tuer , foit qu’elle fe reprochât d’avoir
perdu un homme qui lui avoit, pendant dix ans,
fai ri fié l’empire du. mon de,-ou qu’elle vît fes nouveaux
projets déraemk. Quoi qu’il en foit , -le
tri fie état d’Antoine lui fit verler un torrent .de
larmes..« Ne .pleurez, point, madame, lui dit-il.,
» je meurs content entre les bras de l ’unique per-
» -for, ne que j’adore ». Tel fut, à l’âge de 53 ans,
la fin d’un homme ambkieux , qui avoit défol©
la terre , & que perdirent les égaitmens de l’amour.
Jiai peu de chofe à dire du trôifième
triumvir.
. Caractère de Lépidus. Lépidus ( Marcus Æmiiius ),
fortoic de ia maifen Æmilia, la plus illufire entre
les patriciennes ; c’efi celle qu’on citoit oïdinaire-
ment pour la Ip’endeur, -& pour la quantité ,de
triomphes & de dignités. Ai.-nfî Lcpide porroit un
grand nom, eonfidëré dans le lënat , & très-honoré
dans la république , mais il le ternit hon-
teufement par fes vices & -par les crimes.
C ’étoic un efprit borné , ambitieux , fans courage,
un homme vain , fourbe, avare, & qui ne
pollédoit aucune vertu , nullanv-virtutibus tam fon-
gam fortune, indulgent!am •meritus. La fortune l ’éleva
, & le foucint quoique tems dans le haup
pofte de triumvir, fms aucun mérite de fa part ;
mais aufîî cette même fortune lui .fit éprouver fes
revers , •& ie remit dans 1 éc.at cfopprobie o,ù ril
paffa les dei-n ères .-années de fa vie. Il avoit été
tro:s fois çonful , favoir l ’an 70,8, ,■ 70g & 7t3.de
Rome. .
Des qu’il fut, revêtu -de cette énorme puiffncç
que lui donna le-rang j fupc-rhe ,..de iriumvir, qu.il
avoit joint- à la charge de grand'pontife , tant de
pouvoir &5 dé dignités rètourdiréiit. Cet étourdiflè-
meut s-aécrut encore lôffqùe les deux autres triumvirs:
lé fixèrent à Rome pour y commander à
toute l’Italie , au peuple, & au fénat qui difiribuoit
fes ordres dans les provinces : cependant il auroit
dû comprendre qu-'on ne le laiffoit à Rome que par
Ion peu do capacité pour la qjuerie.
Audi quand les deux* autres triumvirs-, aptes la
bataille de Philippe« , le- partagèrent de nouveau
le monde, ils ne lui donnèrent que très peu'de
part à l ’autorité ; & tandis qu’Antoine prit l’orient,
Oâave l’Italie & le relie de l’empire, Lépidus fut
obligé de fè contenter de fon gouvernement des
Efpagnes ; 81 comme toutes les troupes étoienr dévouées
à fés deux collègues , il fallut qu’il partît
feulement avec quelques légions , deftinées- pour
fia province.
Bientôt après , Oétave avant fiir les bras en
Sicile les reùés du parti de Pompée, Lépidus le
tira de peine avec plufîeu s légions qu’il lui amena,
& qui décidèrent de la viétei e. Le fuccès tourna
lSrêtedecet homme vain, il montra peu degards pour
Ion collègue, & loi fit dire de le retirer de Sicile
où il n’avoit plus rien à faire. Oâa ve qui
troûvoit toujours des îeflources dans fes rufes, difli-
-muîà cet-e in.ure, & gagna par tant de récompenfes
& de promefiës plufieurs chefs de l’armée ce Lcpide,
qu’ils aban ionnèrent leur général , & le livré 1 ent
entre fes mains.
Conduit à la tente d’Augufte , il oublia fon
nôïti, fa nailTance &. fon rang:. Il lui demanda
lâchement la vie avec la confervation de fes bien'.
Atigufté n’ofa pas lui refufer fa piière , de peur
d’irr ter toute une armée dont il avoit befoin de
gagner les coeurs. Mais quand il eut affûté fon autorité;,
U dépouilla Lépidus du pontificar. Le relie
dé la vie de ce triumvir fe paffa dans l’obfcurité,*
& fans-doute bien ttifiement, pu’fqu’il fe voyoit
le maiheureux'objet de l’indu gence hautaine d'un
ancien collègue'. Cependant où eft bien aile de
l ’humiliation d’un homme qui avoir été un des
plus méchans citoyens de- la république , fans'
honneur & fans ame, toujoms lé premier à commencer
les troublés , & formant fans ceffc des projets
où* il étoit obligé d’afiocier de plus habiles gens que
lui.
Gonclufion. Voilà le portrait des trois hommes
par Icfquels la république fut abattue, & perfônne
ne-la rétablit. Malheureufement Brutus, à-la journée
de Phiüppes , fe crut trop-t û fans reffource pour
rcle-ver la liberté de la parrie. Il fe confidéra dans
cet é;at, comme n’ayaut peur appui que fa feiilè ’
veitu , dont la pratique lui devenoit B fu&efie•: ‘
« Vertu, s’écr a-t i l , que j’ai toujours- fuivië -, & ;
» pont laquelle j’ai tout, quitté,., pare ns,, amisp j
» biens, plâifirs' & dignités , tu "n’es qu’un Vain j
|» fantôme fa nS'for ce &. fans pouvoir. Le crime
» a l’avantage' fur toi, & déformais eft-il quelque
» mortel, qui doive s'attacher à*- ton: inutile poif-
» fan ce» ! En d'jfant ces mots i l fe jettâffujr lapoime
de fbn épée y 8c fe perça k coeur.
Vitaque cum gemitufugit indignata fub timbras.
L ’article triumvirat qu’on vient de lire, & que
j’ai tiré de plufieürs exceil'ens ouvrages,, pourroif
être beaucoup plus court ; mais je me flatte qu'il
re paroîcra pas trop- long à ceux qui «daigner ont
Confidérer que c’eft le morceau le plus intéref-
fant de l’hiftoire romaine. Aufli les anciens l ’om-i/s
traité avec amour &c prédilï&ien. ( Le chevalier
DE J A UC O U E T ) . j ,
TKOGUE POMPÉE, ( Hijh rom. f Hiftorief*.
latin dont l’abrégé de Luiti-n nous- a fait perdie
l’ouvrage, l’auteur vivo-k du temps d’Augufie> toute
l’antiquité a ténio-igné beaucoup d’efiime.pour fon
ouvrage ; fon père avoit été fecrétaire & garde -du-
fceau de Céfa-Fi
TROIS CHAPITRES, Sur la difpute des tro’s
chapitres, confultez les articles Ibas 3 Théodore de
Mopfuefie St Tjiéodoret,
TROMP , ( Hifi, de Hollande ).. C ’efi le irom
| de deux célèbres amiraux hollandois, père & filsi
|i°. Martin Happertz, connu foirs le nom de
Mart'.n Tlromp , nauf delà Brille s’étant embarqué
( à huit ans; pour les Indes , fît un rude apprent f-
i fage de fon métier fous des pirates angfois & bar-
' barefqu.es entre les mains defquels il^ tomba fac-
ceifivement. D arts la fuite il fe fît connohre avec
avantage-à la journée de Gibraltar en 1607. Ayant
mérité d’être élevé à la place d’amiral de Hollande
, il défit e o 163.9 une énorme flotte espagnole,
il gagna trente deux autres batailles navales.
Sa gloiie précéda celle de Ruyter, qui ne
devint véritablement Ruyter , qu’après la mort de
T'romp , qui fut rué fur fon tiîlae, dans un combat
contre les anglois', le 10 août 16?$. Ses compatriotes
lui rendirent tous les honneurs dus à fa
mémoire. Il fut enterré dans k temple de Delfr,
parmi les héros de la république, qui en compte
peu en effet d’aufîf diflingues, on frappa des médailles
en fon honneur. De fon vivant il ne prit
jamais; que la qualité de bourgeois, mài-s il étoit
flatté qu’on-I appellâc Le père des matelots. i°. Corneille
Trornp Ion- fils , apparemment moins, rao-
defte, s’apps.'l!oitle comte de Trompa lieutenant-
aimkal- général des Provinces Unies , il fut digne
de fon père ,. & ajouta encore à la- gloire de fon
nom. C’efi lui fur-tout qu’il faut regarder comme
le rival de1 Ruyter. — Ils étaient de partis.dk-
férens-,-Ruyter était attaché aux de Witt, républicains
zélés Tromp au prince d~Oran<ge qu
tendoit à la monarchie ; Corneille Tromp, né à