
i l faut foufrlr quelquefois...... Tous Ici officiers
de la garnifon de Saint-Venant m’ont demandé en
grâce de leur faire donner du pain, & cela avec
modeftie , difant : nous vous demandons du pain ,
parce qu’il en-faut pour vivre: nous nous paierons
d’habits & de chemifes. »*
(, cc Nous les avons vus, dit le même maréchal
dans fon difcours de réception à l’académie Fran-
çaife prononce le 13 .juin 1714 » pendant une
campagne entière , fouffrir, fans murmurer, le manque
d’argent 8ç de pain , jetter même le pain dont ils
avoient manqué pendant deux jours, pour courir
plus légèrement au combat , & leur feule valeur
leur tenir lieu de force 8c de nourriture. »
Des ignorans demandeient où M. le préfident
Hénauit avoir pris ce fait qu’il rapporte, en parlant
de la bataille de Malplaquct, du 11 feptembre de
cçtte année 170^.*
A cette bataille le maréchal de Villars eut le
genou çafTé d’un coup de fufil 3 ceux qui comman-
doient fous lui les principales divisons , furent tués
eu rais hors de combat. La bataille fut cenfée perdue,
puifqu on fut obligé d’abandonner le champ
de bataille, ce II eft certain , écrivoit le maréchal
de Villars au roi, que la perte des ennemis eft
quatre fois plus grande que la nôtre 3 qu’ils ne nous
ont fait aucun prilonnier ou très-peu > mais ils ont
été repouffés jufqu’à cinq & fix fois, Il ny aperfoiuie
qui ne convienne que, s’ils ont gagné le tçrrein
que nous occupionsnous n’ayons remporté la vie»
t'oire p^r le trèsrgrand nombre d’hommes tués &
bleffés de leur part. Jufqu’à préfent, je ne fâche
pas qu’ils nous aient pris plus de trois où quatre drapeaux
, & j’en yois déjà çtafis raa chambre plus de
trente des leurs , 8c on m’en apporte encore à tous
momens...... SiDipu nous fait encore la grâce de
perdre encore une pareille bataille, votre maj eft é
peut compter que fes ennemis font détruits. »
Le maréchal de Villars applique ici aux ennemis ,
ce que Pyrrhus difoit de lui-même après la fatale
victoire qu’il avoir eu le malheur de remporter fur
les Rpmains,
Le zo feptembre, le maréchal fut fait pair de
France,
En 17.1.0, çe fut aflfez d?arrêter, de retarder les
progrès des ennemis, Le maréchal de Villars malade
, demanda pour fucceifeur le maréchal de
Jîeiwick,
En 17} 1, Villqrs furprit & bâtit un détachement
considérable des ennemis, près du château
d’Arleux, pofte dont il s’empara. Mais les ennemis, j
Supérieurs en force, faifoient toujours des progrès. !
Q ,ç fut au commencement de 2712- que le roi, J
, au milieu de la douleur dont f accablaient la perti
I de fesenfans, les malheurs du royaume, les fuccèsdc
fes ennemis, fit part au maréchal de Villars de là
réfolution qu’il avoit prife de périr avec lui, ou
de fauver l’état, fi le maréchal efluyoit un échec,
& de s’avancer au devant des ennemis jufqu’à Pé-
ronne ou a Saint - Quentin, avec ce qui pourroit
lui refter de troupes, plutôt que de les Iaifler approcher
de la capitale , & de fe retirer à Blois comme
on le lui confeilloit % au lieu de l’échec prévu &
redoute, le maréchal de Villars , devenu par la
défeéhoii des Anglois moins inégal en forces au
prince Eugène, remporta le x* juillet l’importante
vidoire de Denain , fit lever le fiége de Landrecies ,
prit Marchienne où étoient tous les magafins des
ennemis, Saint-Amand, Douay, le Quefnoy, Bou-
chain j fauva la France en détruifant ces lignes de
communication de Marchienne à Denain , que les
confédérés appelaient le grand chemin de Paris, 8c
qui pouvoient le devenir, & accéléra la paix dont
toutes lespuiflances avoient tant de befoin.
Sur lè chemin de Paris à Valenciennes, à l’endroit
où aboutit le chemin de Denain, eft élevée
une pyramide de trente pieds. Sur la bafe on lit
ces mots: Denain 24 juillet 1711 , & ces deux
vers de la Henriade :
Regardez dans Denain l’aadacieux Villars
Pifputant le tonnerre à l'aigle des Céfars.
Çe monument a été placé en 1781, par les foins
de M. $enac de Meijhan , intendant de la province
du Hainault,
Le maréchal de ViUars çut le gouvernement
^ a * Vacant par la mort du duc de Vendôme
, arrivée le j î juin.
En 1713, fut coqclae la paix d’Ucrechtj mais
la guerre continua contre l’empereur. Le maréchal
de Villars prend Landau, Spire, Worms, Kçifer-
lauter*, 8cc. défait le zo feptembre le générai Vau-?
'bonne , & termine la campagne par la prife dç la
ville 8c des châteaux de Fribourg, A ce fiége , il
reçut à la hanche un coup de pierre (i violent,
que fes habits en furent percés 3 & Je duc, depuis
maréchal de Richelieu, alors fon aide-de-çamp, dont
il vante par-tout la valeur , l’efprit & les païens ,
fut blefle à la tête.
En 1714, le maréchal de Villars couronne une
guerre fi glorieufe pour lui, par une paix glorieufe,
qu’jl eut l’honneur de conclure, en qualité de plénipotentiaire
de la France, avec le prince Eugène
plénipotentiaire de l’empereur. Ces deux généraux,
ces deux hommes d’état , dignes de fe combatte
& de traiter enfemblc, étoient pleins d’eftime &
même d’air itié l’un pour l’autie : Mes ennemis font
a V ’/failles & les vôtres à Vienne , difoit le ma-
îéçhal-duç de J R Iw f s au prince Eugène,
Êa paix fut lignée par eux à Raftad, le <> mars ;
on prit pour baU le traité de Rifrick , fur quoi
le maréchal de V i l l a r s , ou fon hiftorien, fait cette
réflexion importante , qui montre fi bien la trifte
iautili.é des guerres.
oc Airfi , après une guerre de quatorze ans, pendant
laquelle l’empereur 8c le roi de France avoient
été près de quitter leurs capitales , l’Efpagne avoit
vu deux rois rivaux dans Madrid 3 prefque tous les
états d’Italie avoient changé de Souverains 3 une
guerre, dont toute l’Europe, excepté la Suifle 8c
que’ques lieux dans les autres parties du monde ,
avoit reflenti les horreurs, nous notfs remettions
précifémrnt au point d’où nous étions partis en commençant.
Lorfque le maréchal de V i l l a r s parut à Verfalles
, apiès la pacification générale : « V o i l a d o n c ,
M o n f e u r le m a r é c h a l , lui dit le roi, le ram eau
d ‘o l i v i e r que v o u s m ' a p p o r t e i l co u ro n n e to u s v o s
la u r ie r s .
En lui donnant à Verfailles un appartement ccn-
fîdérable que M. le Dauphin avoit occupé autrefois,
il lui dix.: l e s g e n s d e guerre f e r o n t b i e n - a i f e s
d e v o i r le u r g é n é r a l b ie n l o g é , & d a v o i r d e g ra n d
e s p iè c e s p o u r f e r e tir e r eheç lu i .
* Un jour le roi à la chafle avoit manqué plufîeurs
coups 3 le maréchal le joignit, 8c le roi tira quatre
coups tout de fuite qui portèrent., M. le m a r é c h a l ,
dit-il, v o u s m 'a v e£ p o r té b o n h eu r , v o u s ê t e s a cco u tum
é a r endre m e s a rm e s h eu r eu fe s.
Le roi d’Efpagne, de fon côté , avoit envoyé ,
èn x715 , la toilon d’or au maréchal 3 & pour qu’il
ne manquât à celui-ci aucune cfpèce d’honneurs,
il fut, comme nous l’avons dit , reçu, en 1714,
à l’académie frarçoife , à la place de M. de Cha-
millart, évêque de Scnlis. Il vouloir parler dans
fon difcours de la réfolution courageufe que le roi
avoit prife , en 1712, de fe mettre à la cête de
fes dcrnièrrs troupes, 8c de périr avec elles plutôt
que de laifler l’ennemi pénétrer dans le royaume ,
en le rttira< t à B ois , il en demanda la permiflion.
au toi, qui rêva un moment , 8c lui dit:« on ne
c r o ir a ja m a i s q u e , f a n s m 'e n a v o i r d em a n d é là
p e rm i j j io n , v o u s p a r l i e z d e c e q u i s 'e f l p a jfé en tre
v o u s & m o i . V o u s le p e rm e ttr e & v o u s l'o r d o n n e r
f e r o i t la m êm e c h o f s , & j e n e v e u x p a s q u 'o n p u iffe
p e n fe r n i l ’u n n i l ’a u tre . »
Voici comment le maréchal de V i l l a r s rapporte
les der rières paroles de Louis XIV. Les grandi de
fa cour étoieut aflcmblés autour de fon lit , il leur
dit; ce J e v o u s r e com m a n d e le j e u n e r o i , i l n 'a p a s
c in q a n s . Q u e l b e fo in n a u r a - t- il p a s d e v o tr e f a le
& de v o tr e f id é l i t é ! J e v o u s d em a n d e p o u r lu i le s
m êm e s f e n t im e n s que v o u s m 'a v e z m o n tr e s e n ta n t
d 'o ç ç a f io n s . J e v o u s r ecom m a n d e d é v i t e r l e s g uerres
; j'en ai trop fa it 3 elles m'oflt forcé de char*
ger mon peuple , & j ’en demande pardon a Dieu »*•
Le jeune dauphin étoit préfent. Il entendit ce«
mots mémorables, dont Louis XIV mourant voulut
faire la leçon éternelle de fes fuccefleurs.
Lorfque, fous la régence , les confeils furent
établis , le maréchal de V i l l a r s fut un des membres
du confeil de régence, il avoit même, été"
nommé par le teftament de Louis XIV pour en
être j il fut aufli nommé président du confeil de
guerre , & il eût été difficile de donner cetrre place
à quelqu’un qui pût y avoir plus de droits. Pendant1
tout le cours de la régence , on voit le maréchal
de V i l l a r s toujours confidéré, fouvent confulté »
mais fes confeils étoient rarement fuivis , car ils
tendoient tous à l’économie, au retranchement de«-
dépenfts de la cour, au tétablifTemcnt des finances* 5 II éprouva quelquefois des dégoûts, des d-fag.é-
| mens, des momens de difgrace 3 il penfa être
( enveloppé dans celle du duc & de la ducheffe d i t
j Maine, d’après des fbupçons mal-fondés , 8c dont
I on reconnut alfez tôt l’injuftice , pour ne pas corn-
j mettre celle de priver de la liberté le libérateur
de la patrie. Dans la petite guerre conne l’Ef-
pagne , guerre qu’il n’approuvoit pas , la trouvant-
trop contraire aux vues & aux fentimens de Louis>
XIV , dont la mémoire lui fut toujours facrée , c&
ne fut point à lui qu’on s’adrelfa , ce fut au maréchal
de Bcrvrick.
Le maréchal de V i l l a r s eut part à l’accomo-
dement du cardinal de Noailles fur la conftitution
& le régent, qui prenoit intérêt à cette affaire,
parce que l’archevêque de Cambrai, Dubois
arter.doit le chapeau pour prix de ' la faris£i<ftion.
qu’il procureroic au pape fur cet article , en témoigna
fa reconroiiTance au maréchal, e« Vous
ê te s y lui dit-il, u n b o n n é g o c ia te u r , c e n e f p a s-
d ’a u jo u rd ’h u i que j e le f a i s . Je v o u s f u i s t r è s -
o b l ig é d e la m a n iè r e d o n t v o u s a v e \ c o n d u it toute*
c e t te a f a i r e . >3 II patoît que le maréchal avoit fur
ces quereiles eccléfiaftique*, fi importantes alors ».
aujourd’hui prefque oubliées , les fentimens d’u».
honnête liomme 8c d’un homme éclairé..
En 1711 le marquis , depuis- duc de V i l l a r s »
fils unique du maréchal , époufa la feçonde fille du
duc de Noailles. Le maréchal de V i l l a r s ne perdoit
pas une occafion d’inftruire le jeune .01 , qui lui
montroit beaucoup d’égards. Le maréchal trouvoic
~ l’éducation de ce prince trop négligée. « Il ne
pouvoit, dit-il, fe réfoudre à dire une feule parole
à ceux qui n’étoient pcïs dans fa familiarité. Jamais
de réponfes aux ambalfadeurs , 8c même aux
députaçions des provinces , quc’diâées mot à mot
par le maréchal de Villeroy. Pour infpirer au roi
quelque honte de fon filcnce , je lui dis à (cm
coucher , comment j’ayois vu éte^pr l’empereur