
Rotterdam le 9 feptembre 16 1 9 mourut le n mai
1 6 9 1 , Sa vie fut publiée à la Haye en 1694.
TRONCHIN, ( Théodore') , { H i ß . Litt. Mod, ).
Médecin célèbre, citoyen de Genève, difciple de
Boerhave, On dit que Boerhave, voyant venir à
fes leçons ce jeune homme beau, orné d’une belle
chevelure arrangée avec foin, lui dit qu’il prenoit
line peine inut'le, que la (cience du médecin s’ac-
quéroit par l'étude & non par le foin d’arranger
fa chevelure :
Nequicqnam veneris preefidio ferox
Te Ses ceefariem.
Le jeune Tronchin ne lui demanda que peu
de temps pour lui prouver qu’il étoit digne des
leçons d’un tel maître : deux jours après il parut
a, ces memes leçons avec la perruque-la plus Ample;
cette belle chevelure avoit été facrinée au
defir d’être avoué pour difciple par Boerhave ;
celui-ci admira le courage du jeune homme, &
fentit qu’un tel facrifice n’étoit pas d’un homme
ordinaire. C’eft à fes pairs , ceft aux maîtres de
l ’art à le juger tomme médecin , fon liv re t C o -
iicâ PiSonum eut peu de luccès , il éprouva du
moins de redoutables critiques. M. Tronchin a fourni
à l’Encyclopédie quelques articles de médecine. On
ne peut lui réfufer l’honneur d'avoir fuit époque
& révolution a beaucoup d’égards dans la médecine.
Il a répandu l’ufage de l’inoculation- encore combattu
de fon temps j il a introduit un nouveau
fyftême de traitement pour la petite vérole , tel
que le régime rafrsichiffant , l’air rendu aux ma*
lades ; il a enfeigné aux femmes les vrais moyens
de guérir les vapeurs & même de les prévenir ,
l’exercice & la fobriété ; il fit par fes ordonnances
ce que J. J. Rouffeau fit par fon éloquence.
Il rendit aux enfans la tendrefle des mères.
C’eft-à-dire , qu’il apprit à celles-ci, à remplir
tout le devoir de mères, en rtourrifiant elles-mêmes
leurs enfans. C’eft avoir fourni fans doute une
allez belle carrière que d’avoir produ t tous ces
changémens. II s’établit à Paris en 1756. Ce fut
alors qu’il inocula M. le duc de Chartres, aujour-
d’huiM. le duc d Orléans. Il mourutà-Parisen 1781,
il étoit des academies de Londres, de Berlin, de
Stockholm , d’Edimbourg, \8cc,
TRONSON, ( Lou is) , j{Hiß. Eccl. ) fupé-
rieur'du féminaire de Saint Sulpice en 1676 , eft
connu pour avoir affilié en 165)4 avec l’évêque
de Meaux , ( Bolîuet ) & l'évêque de Châions ,
( Noailïes , ) depuis archevêque de Paris & cardinal
aux conférences d’Ifly, où les livres de madame
Guyon & ceux de l'abbé de Fenélon fur lé quié-
tifme, furent examinés, On a de M. l’abbé Tron-
fon deux ouvrages , intitulés , l’un examens -par- ;
ticuliers, l’autre : Forma'Cleri, lieft mort en 1700. '
TRONÇON , ( Hiß, mod. ) mot dérivé du latin
truncits ; c eft une efpèce de bâton fore court, que
portent les rois, les généraux , les grands officiers
miliaires , comme la marque de leur autorité.
{A , K.)
.. TROPHONIUS , oracle det {Hiß. des oracles')
oracle- fameux dans la Béotie , lequel fe rendoic
avec plus de cérémonie que ceux d’aucun dieu ,
& fubfifia meme a fiez longtems après que tous
ceux de la Grece eurent celfé.
Trophonius dont l’oracle portoit le nom , n’était
cependant qu’un héros, & même fuivant quelques
auteurs, un brigand & un fcéléiat. Il étoit fiis ainfî
qu’Agamede, d’Erginus roi des Orclîoméniens : ces
deux frères devinrent de grands architedès. Ce
furent eux qui bâtirent- le temple d’Apollon à
Delphes , & un édifice pour les tréfors d’Hyriéiis.
En conftruifant ce dernier bâtiment , ils avoient
pratiqué un fecret , dont eux feuls avoient con-
noiffance: une pierre qu’ils favoient ôter & remette
fans qu il y parût , leur donnoit moyen de voler
chaque nuit l’argent d’Hyriéus;, lequel le voyant
diminuer fans qu’on eût ouvert les portes, s’avifa
de tendre un piège autour des vafes qui renfer-
moteftt fon tréfor , & Agamede y fut pris. Tro- .
phonius ne fachanc comment le dégager, & craignant
que s’il étoit mis le lendemain à la quef-
tîon , il ne découvrit le myftère , lui coupa la
tête.
Sans entrer dans la critique de cette hiftoire ,
qui femble être une copie de celle qu’Hérodote
raconte au long d’un roi d’Egypte , & de deux .
freies qui lui voloient fon tréfor par un flmbîabie
ftratagême , je dois obferver que Paufanias ne
nous apprend rien de la Vie de Trophonius t &
qu il dit feulement que la terre s’étant enrr’ouverte
foiîs fes pieds , il fut englouti tout vivant dans
cette foffe , que l’on nomma d ’A g am e d e } & qui fe
voyoit dans un bois (acre de Lébadée, avec une ■
colonne que l'on avoit élevée au-deffus.
Son tombeau demeura quelque tenis dans Tou-
bli, lorfqu’une grande féchereffe affligeant la Béotie,
on eut^recours à l’oracle de Delphes ; mais Apollon
qui vouloit reconnoife le Service -que lui avoit
rendu Trophonius en bâciffant fon temple, répondit
par fa Pythie- que c’étoit à T r o p h o n iu s qu'il falloit
avoit recours, & l’aller chercher à Lébadée. Les
députés s’y rendirent en effet, & en obtinrent une
réponfe qui indiqua les moyens de faire- cefter la
. ftérJlté. Depuis ce rems on confacri à Trophonius
le bois dans lequel il étoit enterré , ’& au mil'eu de
ce bois on lui éleva un temple où il reçevoit des
facrinccs , & rendoît des oracles. Paufanias qui
avoit été lui-même confulter l’oracle de Trôpho-
nius , nous en a laiffé une deferiprion fort ample,
dont voici l’abrégé, i
Lébadée , dit cet hiftorien , eft une ville de
■ Béotie
Béotie au-deflus de Delphes, 8c auffi ornée qu’il y
en ait dans toute la Grece : le bois facré de Trophonius
n’en eft que fort peu e'oigné -, & c’eft
dans ce bois qu’eft le temple de Trophonius , avec
fa llatue de la main de Praxitèle.
Lorfqu’on vient confulter fon oracle , il faut pra
tiquer certaines cérémonies. Avant que de def-
cendre dans l’antre où l’on reçoit la réponfe, il faut
palier quelque jours dans une chapelle dédiée au
bon génie & à la fortune. Ce tems eft employé à le
purifier par l’abftinence de toutes les chofes illicites
, & à faire nfage du bain froid, car les bams
chauds font défendus ; ainfi on ne peut le laver
que dans l’eau du fleuve Hercine. On facrifie à
T r o p h o n iu s & à toute fa famille , à Jupiter fur-
nommé roi, à Saturne , à une Cérès Europe, qu’on
croyoit avoir été nourrice de T r o p h o n iu s . ; & on ne
vit que des chairs facrifiées.
Il falloit encore confulter les. entrailles de toutes
les viétimes, pour favoir fi Trophonius trouvoit
bon qu’on defeendît dans fon an.re; furcout celles
du bélier , qu’on immoloît en dernier lie». Si les
aufpices ctoiént favorables , on menoit le eonful-
tant la nuit au fleuve Hercine, où deux enfans de
douze ou treize ans lut frottoient tout le corps,
d’hùüe. Enûiite çn le conduifoit jufqu’à lafource du
fleuve& on l’y faifoit boire de deux fortes d’eau,
celle de Léthé qui effjçoit de i’efprit toutes les
penfées profanes, & celle de Mnémofyne qui avoit
la vertu de faire retenir tout ce qu’on devoît voir
dans l’antre facré. Après tous ces préparatifs , on
faifoit voir la llatue de Trophonius , à qui il falloir
adreffer une prière : on étoit revêtu d’une tunique
de lin , ornée de bandelettes facrées ;enfuite
de quoi on étoit conduit à l’oracle.
Cet oracle étoit fur une montagne , dans une
enceinte de pierres blanches , fur laquelle s’éle-
voient des obélifques d’airain. Dans cette enceinte
étoic une caverne de la figure d’un four, taillée
de main d’homme. Là s’ouvroit un trou affez étroit,
où l’on ne defeendoit point par des degrés, mais
avec de petites échelles. Lorfqu’on y étoit def-
cendu , ou trouvoit encore une petite caverne , dont
l’entrée étoit affez étroite: on fc couchoit à terre;
on prenoit dans chaque main certaines coropofî-
tions de miel, qu’il fallait néceffairement parier :
on paffoit les pieds dans l’ouverture de cette fécondé
caverne, & auffi-tôt on fe fentoit entraîné
au-dedans avec beaucoup de force & de vîteffe.
C’étoit-là que l'avenir fe déclaroit, mais non
pas à tous de la même manière ; les uns voyoient, les
autres entendoient. On fortoit de l’antre couché à
terre , comme 011 y étoit entré, & les pieds les
premiers. Auffi tôt on étoit mis dans la chaife de
Mnémofyne , où l’on demandoît au confultant cè
qu’il avoit vu ou entendu: de-là on le ramenoit,
encore tout étourdi, dans la chapelle du bon génie,
& on lui laiffoit le tems de reprendre les fens ;
Hifioire , Jome K,
enfin il étoit obligé d écrire fur un tableau , tout
ce qu’il avoit vu ou entendu , ce que les prêtres
apparemment interpréiohnt à kur mantère.
’ Ce pauvre malheureux ne pcuvort fortir de l’antre
qu’après avoir été extrêmement effraye ; auffi les anciens
ciioient de la caverne de Trophonius, Ja
comparaifon d’une extrême frayeur , comme il
paroîc par plufieurs paffages des poètes, & enti’autres
d'Ariftophane. Ce qui augmentait' encore l’horreur
de la Caverne, c’ eft qu’il y avoit peine de mort
pour ceux*qui ofoient interroger le dieu fans les
préparatifs néceffaires.
Cependant Paufanias aflùre qu’il n’v avoit jamais
eu qu’un homme qui fût encré dars 1 antre de
Trophonius & qui n’en fût pas forii. C ’étoit un
efpion que Démétrius y avo:t envoyé , pour voir
s’il n’ y avoit pas dans ce lieu faint quelque chofe
qui fût bon à pilier. Son corps fut trouvé loin
de-là, & il y a apparence que fon defTê'in étant
découvert, les prêtres le maflacrèrent dans l ’antre
même , & le firent fortir par quelque iflue , par
laquelle ils entroient eux-mêmes dans la caverne
(ans-qu'on s’en apperçûc. Paufanias ajoute à la fin :
» ce que j'écris ici , n’eft pas fondé fur un oui-
» dire ; je rapporte ce que j*ai vu arriver aux autres ,
» 6c ce qui m’eft arrivé à moi-même *, car pour
» m’affurer de la vérité, j’ai voulu defceirdre dans
» l'antre, & confulter l’oracle ».
Il fant terminer ce récit par les réflexions donc
M. de Fontenelle l’accompagne dans fon Hifioire
des oracles. Quel loifir , d^t-il, n’avoient pas les
prêtres pendant tous ces différens facrifices qu’ils
faifoieni faire, d’examiner fi on étoit propre â être
envoyé dans l’antre l Car affurément Trophonius
choififioit fes gens , & ne rccevoit pas tout le
monde. Combien routes ces ablutions , ces expiations
, ces voyages noâurnes, & ces paffages dans
des cavernes étroites & obfcures , rempMïoient-
elles l’efpric de fuperftition , de frayeur Se de
crainte \ Combien de machines pouvoient jouer
dans ces ténèbres ? L’hiftoire de l'efpioiï de Dé-*-
métrius nous apprend qu’il n’y avoit pas de fuieté
dans l’anre , pour ceux qui n’y appo.rroient pas
de bonnes intentions , & de plus, qu’outre l’ouver-.
ture facrée, qui étoit connue de tout le monde,
l’antre en avoit une fecrette qui n’étoit connue
que des prêtres. Quand on s'y fentoit entraîné
par les pieds, on étoit fans doute tiré par des cordes
, & on n’avoit garde de s’en appercevoir en
y portant les mains , puifqu’elles étoient embar-
raffées de ces compofitions de miel qu’il re falloit
pas lâcher. Ces cavernes pouvoient être pleines de
pa fums & d’odeurs qui troubloient le cerveau ;
ces eaux de Léthé & de Mnémofyne pouvoient
auffi êtrè préparées pour le même effet. Je ne dis
rien des fpeôacles & des bruits dont on pouvoir
être épouvanté ; & quand on forroit de-là tout
hors de lo i , on difoic ce. qu’on avoit vu ou en-
C t t