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Sefoflris n’eut point de plus braves foldats, d’officiers
plus habiles, de fujets plus zélés, d’amis plus fidèles-
Ils étoient au nombre de dix-fept cents , donnant a
tous l'exemple du courage , Si fur-tout de 1 affeélion
perfonneLe & du plus tendre intérêt pour le prince.
Sefoflris eut pour maître, Mercure , que les Grecs
ont appellé Trifmegifle, c’efl-à-dire } trois fois grand;
il apprit à (on élève, la politique Si 1 art de régner.
Mercure étoit né en Egypte, ôc ce pays lui doit i invention
de tous les arts. Les ouvrages qu’on a fous fou
nom, font (uppofés. 11 y a voit eu plus anciennement
en Egypte, un autre Mercure , célèbre aufîi par fes
rares copnoiffances.
Aménophis voulut recueillir les fruits de 1 éducation
guerrière de fon fils : il lui fit commencer le cours
de les conquêtes par deux guerres ; Lune au levant de
l'Egypte , contre les Arabes ; l’autre au couchant,
contre la Lybie. Le fuccès en fut le même ; il fubjugua
une grande partie de la Lybie, il fournit les A: abes,
nation jufqués là indomptable, il apprit dans leurs
déferts,, à 4upporter la faim ÔC la foif plus qu il n avoit
fait encore. } .
Son père mourut l’an 1491 avant l’ere chrétienne.
Sefoflris monté fur le trône . ne crut pouvoir répondre
dignement à fes vues , qu’en entreprenant la conquête
du monde. 11 donna d’abord des foins au gouvernement
de l’intérieur. Il s’allura du coeur de fes fojfts ,
par une adminiftration fage & douce ; il divifa toutje
pays en trente-fix nomes ou_gouvernements, a la tete
defquels il mit des bras & des coeurs éprouvés. .
Ce fut par le midi- qu’il commença fes expéditions.
Son armée montoit , d.t-on , a fix cents mille hommes
de pied & vingt-quatre mille chevaux, fans''compter
vingt-fept mille chars armés en guerre ; car ces armées
des nations de l’Oiient font toujours innombrables. 11 rendit l’Ethiopie tributaire , Si la força de lui
payer tous les ans une certaine quantité d’ébène,
d’ivoire & d’or , tandis qu’une flotte de quatre cents
voiles avançant fur la Mer rouge, le rendoit maître
deslfles Si des Villes maritimes. Il parcourut & fournit
FAfie. Il pénétra plus avant dans les Indes que n’avoient
fait Hercule & Bacchus, Si que ne fit depuis Alexandre,
puifqu’il fournit des pays fitués au-delà du Gange,
Sl qu’il s’avança jufqu’à l’Océan» Ce fut de lui qu on
puf dite :
Nec verb Alcides tantum telluns obivit,
Fixent ûtripedem cervam lie et, aut Erimanthi
Pacarit nemora & Lemam tremefecent areu ;
Nec qui pampimis viElor juga fieSlit habenis
Liber y a gens celfo Ni fa de vertice tigres.
Au nord , il fournit les Scythes jusqu’au Tanaïs ;
ïlfubjuquaaufli la Cappadoce & l’Arménie. Il établit
une colonie jufques dans la Colchide ; Si les moeurs de
l’£aypte s’y font confrrvées long-temps. Hérodote a
vu dans l’Afle-Mineure, de la Mer Egée au Pont-
Euxin , les monuments des v éloires de Sefoflris , avec
Cëtte jnfa-iption faftueufe ; Sefoflris y le roi des rois &
k fligneur des feigneurs , a conquis ce pays par fes
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artnes. Il y avoit de ces monuments Si des ces inferip*
tions jufques dans la Thrace, &.fon empire le feroit
étendu , s’il l’avoit voulu , du Gange au Danube. Mais
à la différence des autres conquérants , Sefoflris ne
vouloit que la gloire d’avoir fournis les nations, ÔC
n’ambitionnoit pas celle de .conferver fes conquêtes ;
Nec minor efl virtus quàm queerere parta tueri,
dit Ovide ; il fembloit au contraire que Sefoflris eûl
, pris pour devife ce vers :
Corpora magnanimo fatls efl flraviffe leonu
Il parcourut la terre pendant neuf ans , aflujettifTanS
Si dépouillant tout ce qui réfifloit ; Si content d’avoir
vaincu , il revint fe renfermer à-peu-près dans les
anciennes limites de l’Egypte. Il mit les compagnons
de fes victoires en état de jouir du fruit de leurs
travaux, & ne s’attacha plus qu’à enrichir Si orne*
fon pays. 11 érigea cent temples fameux aux Dieux
tutélaires des villes: ces grands ouvrages furent achevés
fans fatiguer fes fujets ni de travaux ni d’impôts , il n’y
employoit que la main des innombrables captifs qu’il
avoit faits dans le cours de fes viéloires. 11 fit conftruiré dans toute l’Egypte , de hautes
levées fur lefquellçs il bâtit de nouvelles villes qui
fervoient d’afyle aux hommes Si aux befliaux pendant
les débordements du Nil.
Il fit creufer des deux côtés du fleuve, depuis Meirt*
phis jufqu’à la mer , un grand nombre de canaux pour
la commodité du commerce & pour des communications
néceffaires ; Si ces canaux avaient encore
l’avantage de rendre l’Egypte inaccefîible à la cavac
lerie des ennemis, qui auparavant étoient dans I’ufage
de l’infefter par de fréquentes irruptions. 11 fortifia
depuis Pélufe jufqu’à Héliopolis, dans un efpace de
I plus dé fept lieues en longueur, le côté oriental de
l’Egypte , pour le mettre à l’abri des incurfions des
Syriens & des Arabes.
Nous avons déjà vu du fàfte Si de lorgueil dans
fes inscriptions. Il pouffoit cet orgueil jufqu’à la du-,
reté, jufqu’au mépris de l’humanité & de la royauté ,
lorfqu’en allant folemnellement au temple ou en faifant
quelque entrée triomphante dans Memphis ou dans
une autre ville , il étoit traîné par les rois Si les
princes qu’il avoit vaincus , Si qu’il faifoit atteler à
fon char quatre à quatre, au lieu de chevaux, quoi-
qu’en toute autre occafion Si dans le cours ordinaire
de la v ie , il les traitât avec douceur Si avec bontéj
Ses longues & confiantes profpérités furent mêlées
de quelques traverfes , Si fa carrière finit par d’affez
grandes infortunes, pour le déterminer à quitter la
vie. 11 s’étoit propolé d’auffi vafles conquêtes danS 1 Europe que dans les autres parties du monde; mais
la difficulté de fè procurer des vivres l’arrêta dans la
Thrace ; Si au retour de fes expéditions ,fon propre
frère lui dreffa des embûches dans la ville de Pélufe ,
& voulut le faire périr avec fa femme 6c fes enfants,
en mettant le feu à l’appartement où ils étoient cou-
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B eut dans fa vieilleffe, le malhêür dwèmr
aveuele • & la vie lui étant devenue infupportable, ce
Jand conquérant efl auftombrede ces hommes courageux
par foibleffe peut-etre :
Qui fibi letum
’Infontes peperére manu , lucemque pei’f i
Projecere animas.
Il a v o i r J ““
1 1 * 1 embûches” ayant échoué dans t e
projet, s'enfuit dans le Péloponnèse, il s empara du
r * '• * On rmit nue c efl le Danaus des
SES A C , (Hift. £ Egypte.) Ce roi d’Egypte fut
un prince dont le nom feroit relie dans 1oubli, s il
n’eut été configné dans les annales des Juifs. Le ii.ence
des hîfloriens profanes efl une preuve quil n eut ni
de grands vices ni de grandes vertus. Les écrivains
facres nous, apprennent qu’il donna un afyle a Jéroboam
que Salomon pourfuivoit pour le faire mourir.
Séfac lui fournit des troupes pour rentrer dans la Judee
après la mort de fon perfécuteur. Ce fut par fon fècours
qu’il enleva à Roboam dix tribus qui le reconnurent
pour roi. Séfac fut l’inflrument dont Dieu fe fèrvit pour
punir les prévarications de fon peuple. Il entra dans
la Judée avec une armée de Lybiens, de Troglodites
& d’Ethiopiens. L’infanterie étoit fi nombreufe qu’on
ne pouvoit la compter. Il y avoit douze cents chariots
en guerre ôç foixante mille chevaux. 11 n etoit pas
néceffaire de tant de combattans pour fobjuguer une
nation fans difeipline Si devenue effeminee. Séfac fè
rendit maître de Jérafalem. Il confèrva la vie aux
habitants. Mais, plus avide de richeffes qu’ambitieux
de commander à des étrangers, il. enleva les trefors
dy temple ÔC ceux du palais du roi : il n oublia point
•les trois cents boucliers d’or que Salomon avoit fait
feire. ( T -n . )
•5 ESSA ou CHEHSA ou SISSA, fils de.Daher
( Hifl. mod. ) pbilofophe Indien , inventeur du jeu
des echecs. C ’eft dans l’Inde que ce jeu a été inventé ,
ô i l’hiftoire de cette invention reflemble un peu a
un conte oriental; l’air de hafard qu’on a voulu répandre
fur la conjoncture, oh la differtation de M.
Ercret, concernant cette invention , fut lue à l’academie
des inferip,tions Si belles-lettres , efl véritablement un
conte, & voici tout ce qu’il y a de vrai fur cela ; Louis
X V , âgé de neuf ans, vint le 24 juillet 1719 avec M.
le maréchal de Villeroy fon gouverneur 3 affilier a une
affemblée de cette académie ; il annonça, dît 1 hiflorien
de l’académie, qu’il voùloit être témoin du travail
accoutumé tel qu’il fe faifoit dans les affemblees ordinaires.
M. Fréret qui étoit en tour de lire, « traita
>» un fujet auffi héureufement amené a l’occafion pré-
« fente, que s’il eût été choifi exprès pour le rapport
» qu’il avoit au. goût & aux amufements de Sa Majefle.
»4 U lut une differtation fur l’origine du jeu dgs echecs,
S E S ? r
» jetî dont le jeune roi s’amufoit beaucoup alors, n
Au commencement du cinquième fiècle de l’ère-
chrétienne, un jeune monarque Indien, dont les états
étoient fitués vers les bouches du Gange , & qui
prenoit le titre de roi des Indes, avoit tout l’orgueil
de fon âge & de fon rang; fes fujets ne pouvoient lui
adrefTer aucune plainte, ni fes miniftres aucune remontrance
; il fe croyoit feul tout l’état Si comptoit fes fujets
pour rien. Il méritoit cependant d’être défabufé , il
n’étoit ni fans efprit ni fans quelques qualités eflimables.
L’Orient étant la patrie du defpôtifme , efl par cette
raifon là même, le berceau des hiéroglyphes , des emblèmes
, des allégories ; c’efl-là que la vérité ne peut
paroître fans voiles, c’efl-là que l’apologue efl né , &
l’invention du jeu des échecs ne fut qu’un apologue
ingénieux : Scffa, jugeant que fa leçon ne deviendroit
utile que quand le prince fêla donneroit à lui-même,
imagina ce jeu cii le roi, quoique la plus importante
de toutes les pièces , « efl impuiffante pour attaquer
» & même pour fe défendre contre fes adverfaires,
jy fans le fecours de fes fujets & de fes foldats. »
L’inventeur avoit prévu que le nouveau jeu devien“
droit célèbre; que le jeune roi en entendroit parler,
qu’il voudroit l’apprendre, que l’inventeur feroit choifi
pour le lui enfeigner, on peut croire que fa manière
même d’enfeigner ne fit que rendre plus fènfibles les
vérités qü’il vouloit inculquer au monarque. Le monarque
les fentit Si fut gré à l’inventeur de les avoir ainfi dé-
guifées en amufement. Dans l’effufion de fa reconnoif-
lance, il laiffa au bramine le choix de la récompenfe.
Seffa demanda le nombre de grains de bled que pro-
duiroit le nombre des cafés de l’échiquier en doublant
toujours d’une café à l’autre, depuis la première jufqu’à
la foixante-kjuatrième. Le roi s’étonna'de la modicité
de cette demande & ne la trouva digne ni de fa magnificence,
ni du mérite de l’inyemion ; le bramine fe
laiffa ou faire le reproche, ou donner l’éloge d’être
trop modéré dans fes voeux; mais lorsque les tréforiers
eurent calculé , ils trouvèrent que ni les tréfors ni
les vafles états du prince ne pouvoient fuffire à la
fomme demandée; en effet on a évalué la fournie de
ces. grains de bled à 16384 villes dont chacune con-
tiendroit 1024 greniers, dans chacun. desquels il -y
auroit 174762 mefures ,& dans chaque mefure 32768
orains. C’étoit encore une importante leçon que le
bramine avoit voulu donner au prince1 pour le prémunir
contre l’avidité des courtifâns Si contre la fauffe
modeffie dont ils favent voiler leurs demandes les plus
exorbitantes. La leçon fut encore entendue & goûtée,
la véritable, réeoiiipenfe du, bramine fut de voir fo.a
prince fe corriger, efliiner fes fujets 6c craindre fe*
courtifâns..
Le jeu des-échecs paffa de llnde à la Chine Sdi
dans la Perfe, puis d:s Perfans aux Grecs , aux Latins »
aux Arabes qui l’ont porté en Efpagne. Nos vieux
romanciersfont les premiers auteurs qui aient parlé du
jeu des échecs dans l’Occident. 11 reçut dans les différents-
pays des modifications diverfes ; quelques-unes des prin«
cipales pïècês dût changé de nom-Sc d’objet, & la