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Cicéron indigné s'écrioit. »» O Dieux! le tyran ed
sa more & nous ne foraines pas libres, & la ty-
» rannie vit encore ; nos héros , ( car il n’appel-
» loit jamais autrement les conjurés. ) ont tout
» fait pour leur g’oire & ri:n pour la patrie »5.
O Du boni ! vivit tyrannis , tyrannus ocelait !
cui fcrvîre ipfi non. potuimus , ejus libellis pare-
7nus......... ‘ InterfèBo rege liberi non fumus. Nofiri
keroes quod per ipfos confiez potu.it glorijiofjimé
- & magnificentijjime confecerunt. . . . . î lli quoquo-
modo beati 3 civitas mi fer a. Il appelle les conjurés,
des hommes pour le courage , mais des en fans
pour le confeil; aBa ilia res efi anlmo virili 3
conjilio puerili. Il regarde comme une faute inex-
cufable qu’on ait laine vivre Antoine en tuant
Céfar. Que n’ai-je été incité, dit-il, à ce repas
exquis des Ides de‘Mars ! il ne feroit rien r-flé.
Quam vellem ad illas pulcherrimas epulas me Idi-
bus martiis invitaffes ! reliquiarum nihîl haberemus.
Ici Cicéron femble croire que la liberté navoit
rien à craindra que de Céiar & d’An:oine, il il-
trompoit, 1 heure étoic ver.ue où la liberté devoir
«éder la place au gouvernement monarchique ,
& ce n'étpit pas Antoine qui devo t porrer le
dernier coup à la liberté expirante. On a remarqué
que le coup d éliai du jeune Odave ou Odavien ,
lut de tromper un homme d état aufli conlommé
que Cicéron. On fait que Célkr dont il écoit le
neveu , l'avoit nommé fen héritier & lui avoit
donné fon nom. Il fe faifoit nommer en confë-
quence Caius Julius Ctfar OBavianus ; c’étoit annoncer
fes prétentions , mais perfonne ne fe dé-
fioit 'd’un jeune homme de dix-neuf ans j il flatta
Cicéron , & il le féduifit.
Ce grand homme ou plutôt ce grand génie,
voyant les luccès d’Antoine , & comme il mar-
choit à pas de géant vers le pouvoir fuprême ,
étoit retombé dans toutes fes perplexités, & s'étoit
de nouveau retiré à la campagne ; c’étDi’t (on
afile ordinaire contre la tyrannie. Il étoit alors
dans le voifinage de Cumes; Odave vint dans le
canton chez Martius Philippus, qu’Attia (a mère
avoit époule en fécondés noces , il fit à Cicéron des
prévenances 8c des proteftatlons d’attachement &
de relped auxquelles cet orateur ne fut point in-
fenfîble ; Odave fe fit préfenter à lui par Philippus
fon beau-père. Dans cette première entrevue,
qui fe pafla tonte en civilités réciproques , Cicéron
remarqua que ceux qui étoient de la fuite d’Oc-
tave , l'appelloient Céfar, mais que fon bcau-pè:e
ne lui donnoit pas ce nom 3 il s’abflint auffi de
le lui donner , ne croyant pas difoit-il, qu’aucun
bon citoyen pftt fe permettre une autre conduite.
Nobifcum hîc perkonorificé d amicé OBavius".
quem quidem fui Csfarcm falutabant, Philippus
non : itaque ne nos quidem j quod nego poffe bo- !
num civem. Odave, obligé de partir pour Rome, I
parut fort emprelfé à cultiver par lettres ce commencement
de liaifon , il combloit Cicéron de
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1 témoignages d'admiration & de refpcd, il I'ap-
pelloit Ion père, il le conjuroit de vouloir bien
lui en fervir, il juroit de fe conduire en tout par
1 fes confeils. Le deflein 8c l'efpoir d’oppofer Oc tave
à Antoine, aveuglèrent Cicéron au point de
lui perfuaier qu’un neveu de Céfar, adopté par
lui , deftiné par lui à l’empire, pourroit êtie amené
à prendre la dëfenfe des meurtriers mêmes de
Célar. Il eft évident que la politique naturelle
d’Odave étoit de p-.rdre les uns par les autres 8c
Brutus & Antoine, & les alTalTins de Céfar 5t.
ceux qui ne fe déclaro ent fes vengeurs que pour
lui fuccéder au préjudice d’Odave. Celui ci avoit
befoin de s’appuyer du crédit que Cicéron confer-
voit encore dans le fénat. Te! étoit le motif de
fes déférences , & Cicéron négligé par Céfar &
maltraité par Antoine , fut la dupe des premiers
égards quon voulut bien recommencer à lui témoigner;
il fe livra entièrement à Odave , éclata contre
Antoine , & c’eft alors qu’il fit ces fameufes Philip-
piques , où à foixante & trois ans il a su métré
tout le fi.u qui l’avoit diflingué dans la jeunefle
avec la folidité 3 la force de raifennement, &
la maturùé d’éloquence propres à fon âge. Oc tave
eut la bonne politique d’offrir au lërat. fes
firvices contre Antoine , Cicéron les fit accepter
avec reconnoilTance. Il fe confirma dans i'cfpé-
rance qu’Odave feroit ami de Brutus & des autres
meurtriers de Céfar 3 par la facilité avec laquelle
O d» ve, p ur achever de le gagner, confentit à
fa (ollicitation , que Cafca , un des conjurés, &
qui avoit donné le premier coup à Céfar , prit
polTeflion de la charge de tribun du peuple. Cicéron
n'eut plus alors le moindre doute fur les
difpofitions républicaines d’O d a v e , il ne vit plus
en lui que l’ennemi d Antoine & l'ami de Brutus,
il fe rendit fon garant & fa caution envers le
fifnat ; je promets, dit-il : « j’afsûre, je garantis
» que Céfar ( car alors il l’appelloir ainfi & 11e
» croyoit plus que ce fût un crime,) fera- tou-
» jours comme il l ’eft aujourd’hui , un excellent
» citoyen». Promitto , recipio 3fpondeo , P. C. C,
Cdfarem talem femper fore civem , qualis hodie
fit , qualemque eum maxime effe velle & optare
debemus. En conféquence il demande pour lui le
titre-de propréteur, le rang de finateur & l’ad-
miflion aux charges avant l’âge preferit par les
loix. Tout fut accordé ; mais la condefcendance
du fénat s’arrêta ici. Odave ayant eu quelques
fuccès contre Antoine , Cicéron demanda pour
lui l’ovation & ne fut point écouté. L ’ambition
d’ëtre conful à vingt ans, vint faifîr Odave, &
celle de l ’être pour la fecon ?e fois dans un âge
avancé , fut fuggérée par lui à Cicéron ; il fit
entendre qu’il ne vouloit du confulat que le titre
& l’honneur , finguifir à fon âge', qu’il lai (feroit
l’autorité toute entière à fon collègue , pourvu
que ce collègue fût Cicéron. Celui-ci donna dans
le piège & eu général il étoit aifé de le faite
tomber dans tousteux qu’on tendoit à fon amour-
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propre. Il éto't inattaquable du côté de la probité, mais
il étoit vaincu dès qu’on Tattaquoitdu coté de la vanité.
Il propofa donc au fénat de donner ^le con-
fulac à- Odave , mais en lui donnant à lui-meme
fous le titre de collègue, une efpèee de gouverneur
qui dirigeât ce jeune homme, par Us confias
; on comprit quel étoit le vieux gouverneur
qu’il vouloit donner au jeune homme , & fa
propofîtion fut rejettée , même avec quelque dc-
rifion. Mais la jondion de Lépide avec Antoine,
& quelques négociatiops entamées entre le même
Antoine & Oétave, qui- voyoit que le fénat cher-
choit à l’hunflier ou du moins qu’il craignoit de
1 éfever, répand rent de nouveau dans cette compagnie
une terreur dont Odave profita pour re-
nouveller la demande du confulat ; le lénat per-
fifta dans fon refus ; alors le Centurion Cornélius
, chef de la députation envoyée par Odave
au fénat , mettant la main fur la garde de fon
épée, die aux fénateurs : f i vous ne vouleç pas
donner le confulat a mon général , voici qui le
lui donnera ; alors Cicéron , qui aimoit a tourner
en plaifanterie les chofes les plus fériéufes, dit au
Centurion : » fi c’eft ainfi que vous deraandezle con-
m fulat pour votre généra! , vous 1‘obtiendrez in-
» failliblement ». Cicéron vit alors qu’il s’éto:t
trop avancé en répondant du patriotifme d O >
tave , il refta religieufement attaché au fénat ,
tandis qu’O d iv e , comme autrefois Céfar , s’avan-
çoit à la tête d’une armée pour exiger les honneurs
qu’il follicitoic, & envahir 'a puifTance où il
alpiroit ; alors le fénat fans défenfe fubit la loi
du plus fort ; tous allèrent faire leurs foumifïions
au nouveau ryran , Cicéron y aUa comme les
autres & fut mal accueilli ; » Vous êtes le der-
» nier , lui dit fichement O d a v e , à venir faire
» compliment à vos amis ». Cependant fur un faux
bruit qui courut dans R^mc , 8c qui fut peut-être
femé jar Odave lui-même, que plufieurs légions
fh détachoient de fon armée & embraftbient la
caufe de la liberté, le fénat s'aflèmble pendant
la nuit ; Cicéron , comme pour expier fon erreur,
animoit tous les lénareurs à la définfe de la patrie,
on envoya faire des levées de troupes, on s’enroura-
geoit, on s’excitoit réciproquement, lorfque quelqu’un
imagina de deman }er quelle ctoit la Iburce,quelétoit
le fondement du bruit qui avoit couru , on ne put
en découvrir aucun auteur certain ; alors la terreur
s’empara plus que jamais des efprits, on fe dif-
perfa , Cicéron s’enfuit en litière hors de la vUIe,
Od<»ve fut conful , & qui plu$ eft , il fut le
maître à vingt ans. A'ors fe forma cet abominable
triumvitat d’Od av e, d’Antoine & de Lépide,
qui produifit des proferiptions plus nombreu(es &
plus cruelles que celles de Marius & de Sylla. La
plus grande difficulté qui arrêta les triumvirs pendant
trois jours que durèrent les conférences,
roula fur le choix des yidimes. Comme Antoine
& Odave s’étoient fait la guerre avec beaucoup
d’animofité, plufieurs des amis de l ’un étoient
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les ennemis de l’autre, & chacun voulant alTou-
vir fa vengeance trouvoit un obftacle à ce defîr
i dans la protedion que l’amte accordoit à ceux
' qui l ’avoient fervi. Ils difputèrent pendant trois
; jours fur ce qui concernoit Cicéron ; Odave ne
| le rendit qu’au troifième jour , Antoine ayant déclaré
qu’il ne pouvoit y avoir ni réconciliation ni
paix , fi on ne lui abandonnoit un homme qui
, l’avoit fi cruellement outragé , & Lépide ayant
appuyé _ cet avis ; chacun d’eux fit le facrifice
| d'un parrnt, pour obtenir celui-là. Par un horri-
bfe écharge , Antoine livra pour la têre de Ci-
■ céron, celle de L . Céfar fon oncle , & Lépide,
! celle de Paulus fon frère. Cicéron fut proferit,
1 avec fon fils , fon frère , fin neveu, tous ceux
qui avoient avec lui quelque liaifon de parenté
ou fimplement d’amitié. Il éroit fprti de Rome à
l'approche des triumvirs, dans le deflëin de paffer
la mer avec fin frère & de fè retirer en Macédoine
, dans le camp de Brutus, mais comme leur
départ précipité les lailfoit manquer des chofes
les plus néceffaires, Quintus retourna fur fes pas
pour faire de plus amples provifions. Cicéron
continua fa route vers Gaë e , où n’ayant poir.t
eu de nouvelles de fin f.ère , il s’embarqua.
Tantôt les vents contraires , rantôt les fatigues
de la mer l’obligèrent de relâcher. C étoit la fécondé
fois qu’il s’embarquoit pour fuir la violence
d’Antoine , & la fécondé fois que les vents le
repoulfiient. L ’anuée p écédente 708 de Rome ,
il avoit voulu partir pour Athenès , 011 fon fils
âgé alors de vingt & un ans , fuivoit les leçons dix
philosophe Cratippe *, embarqué à Syracufe, il avoit
été jufqu’à deux fois repoulfé par les vents fur là
côte de l'Italie , près de Rhège ; des nouvelles
un peu plus confolantes qu’il avoit reçues en cec
endroit l‘avo:ent ramené à Rome , & il avoit cru
avoir obliga tion aux vents écéfiens qui , di foit-
il , comme de bons citoyens, avoient refufé de
lui tenir compagnie, lorfqu’il abandonnoit la république,
Iratus temporibus , in Gr&ciam defperatâ
libertate, rapiebar : cum me etefit, , quafi boni cives p
relinquentem rempublicamprofequinoluerunt. En 700
il eut moins d’obligation aux vents qui le repoufi
fiient vers l ’Italie ; l'ennui le prit de fuir 8c
de vivre ; il fe retira dans une maifon de campagne
, qu’il avoit aux environs à un mille de
la mer. Je veux , dit-il, mourir dans ma patrie
que j’ai plus d’une fois fauvée : moriar in. patriA
f&pé fervatâ.
A l’approche du péri!, on le tira comme pat
force de cette maifon pour tâcher de le mettre ett
lûreté ; on n’en eut pas le temps, il fut atteint par
les afîafïins qui le enerchoient 8c qui Croient à leuc
tête un tribun milicaire, nommé Popillius , que
Cicéron avoit autrefois défendu dans une caufe afîex
douteufe , & qui avoit brigué la commiffion de
tuer fon bien-faiteur, car dans lesdifeordes civiles,
foit par fanatifme ou pat lâcheté , on fe pique