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tout avec empire, cabaleur avec injuftice ; du refte
mangeant fort, buvant de même, & toujours obfcène
quand il vouloir être gaillard. O ! ch armes d’une
focietç délicieuse que je regretterai toute ma vie !
Vous nous les avez, fait Supporter tous les deux,
aimable & efUmable Saurin , pardonnez-moi ce
moment d'humeur contre ceux qui m’ont privé fi
fouvenc de la douceur & du plaiùr de vous
entendre !
C ’eft ainfi, qu’en, s'intéreiïant à tout, M. de
TrelTan intéiefle toujours fes lecteurs. ;
Dans l ’idée qu’il donne du génie , il ne fait
point entrer le talent de l’invention , du moins
dans le fens qu’on attache ordinairement à ce mot ,
qui eft le fens de c r éa tio n » Il obferve que le mot
in v e n t io n vient du latin , où il a un fens plus
pofitif & plus vrai que celui que nous lui donnons
dans notre langue ; inventer, in v e n ir e , lignifie
t r o u v e r , & trouver fuppofe du travail 8c des recherches
; dans ce fens l’invention eft effentielle
au génie ; mais nous n’inventons rièn dans le
fens ordinaire|de ce mot, la nature feule invente ,
nous ne pouvons qu’imiter & perfectionner; {mais
chaque combinaifon nouvelle cft une découverte
& un trait de génie, & plus cette combinaifon
nouvelle eft fine & profonde , -plus nous tirons
des chofes connues , de réfultats & de produits
inconnus, plus, enfin, une découverte nous facilite
d'autres découvertes, foit prochaines, foit éloignées,
& plus nous montrons de génie.
[ Dans un autre difeours , M. le comte de Trelfan
entreprend de prouver que jamais fîècle ne fut
plus fécond que le dix-huitième , en découvertes
utiles, & en observations conftatées par
l ’aveu de l ’univers. Tout fon difeours eft une
énumération & un tableau hiftorique de ces découvertes
& de ces obfervations.
Grâce à M. de Reaumur, dit-il, les infeétes
font fuivis dans les détails les plus intimes de
leur méchanifme , de leur économie, & dans l’ad:e
myftérieux de leur génération'; le fer & l’acier
font amollis, & affujettis aux formes qu’exigent
les befoins ; l’art de faire éclore & d’élever les
poulets , comme en Egypte, nous eft connu y la
pourpre de Tyr eft encore à notre ufage. M. de
Reaumur a retrouvé fur les côtes du Poitou &
de la Bretagne, les coquillages dont les anciens
fè fervoien.t pour la teinture de la pourpre ; il a
découvert que la liqueur propre à l^teinture réfide
dans deux veines blanches qu'on apperçoit dans
ce poiÏÏon, après avoir cafté le coquillage avec
précaution. Le même M. de Reaumur a perfectionné
les thermomètres & les baromètres , il
les a plus exactement gradués; il les a rendus
plus fenfibles & plus portatifs.
M. de Majran a expliqué les ’phénomènes de
la glace & des aurores boréales..
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Qui r.e connoit les obfervations faites au cercle
polaire & fous l’équateur ?
M. Bradley a , le premier, obfêrvé l’aberration
des étoiles fixes, & l ’a expliquée. Ce grand aftro-
nome a perfectionné la règle de Roemer, fur le
te ms que la lumière du foleil & des étoiles fixes
eft à venir jufqu’au. globe de la terre.
MM. de Maupertuis , Fontaine , Clairault ,
d’Alembert, ont trouvé divers principes généraux qui
développent la doftrine de Newton , &qui fervent de
clef pourlafolution d’un grand nombre de problèmes,
tels que ceux qui concernent les loix de la réfraction
de la lumière , & le principe de la moindre
quantité d’aétion, principe dont les loix du mou-*
vement & du repos font déduites.
Tout perfectionnement eft une découverte, fuivant
le principe établi par M. le comte de Treftan,
en eonféquence il fait entrer dans fon énumération ,
les élémens de géométrie de M. Clairault, qui
Amplifient l’étude de cette fcience, & le traité
de dynamique de M. d’Alembert, qui donne, par
les plus petits nombres, les véritables loix de
l’éçjuilibre.
Nous approchons, avec plus de précifion . que
jamais, des points fixes qui peuvent déterminer
les longitudes. M. le Monnier, le cadet , partit ,
en 1748, pour aller obferver en Ecofte, une
éclipfe de foleil qui devoit y être annulaire. Milord
Motton , de l’illuftre maifon de Douglas, fit les
obfervations avec lui. Le télefcope. qu’ils avoient
réduit à ne groflir que fix cens fois les objets ,
peut les groflir jufqu’à mille ; mais alors les objets
paroilïent moins nets, & leur circonfcription eft
moins régulière. Ce télefcope eft un ouvrage de
M. Short 5 il a fait auffi celui de Londres , qui
groflit douze cens fois l ’objet. Les télefeopes de
cette elpèce font de l’invention de M. Grégory.
Si les obfervations aftronomiques & les tables
fe perfectionnent tous les jours, nous ën forcîmes
redevables en partie à la précifion des inftrumens
du plus habile artifte que la Grande-Bretagne ait
produit, M. Grabaro,
Quelles recherches fa vantes & utiles, quelles découvertes
heureufes n’a-t-on pas faites fur toutes les différentes
partiesdel’hydrographie aftro-nautique ? Que
de corrections importantcsjdans nos cartes marines ,
& dans la méthode pour faire l ’eftimation de la
route d’un vaifleau !
M. de la Condamine a parcouru la rivière des
Amazones dans tout fon cours ; il a pafté le Pungo ,
efpèce de catarade de cette rivière qui defoend
des Cordillères ; il a donné de ce voyage , une
relation auffi inftruClive qu’agréable. Le féjour
des obfervate.urs françois dans l’Amérique , les
voyages de plufieurs navigateurs efpagnols & Portugais,
fur-tout ceux du célèbre Halie-y , & de l'amiral.
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Anfon , nous ont donné la connoiflance la plus
étendue & la plus précife de. cette partie du monde.
Elle eft, après l'Europe, celle que nous connoiftons
le mieux , & dont tous les points géographiques
font le mieux déterminés.
M. de Buffon a renouvelle parmi nous les effets
du miroir d’Archimède , & fon hiftoire naturelle
n’eft pas un des moindres titres de la fupériorité
de ce fïécle fur les précédens.
Les automates de M. de Vaucânfon , les métiers
qu’il avoit inventés pour la fabrication des étoffes
de foie ; l ’invention des barres magnétiques & des
aimans artificiels, par M. Kinght ; lès mémoires
de M. Duhamel, pour la confervation des grains;
les ventilateurs de M. Haies, & fon traité d elà
ftatîque des végétaux ; tout ce que les fciencès
doivent à MM. Bernoulli & Grégory ; le traité
des excavations paraboliques des mines, par M. de
Valière, le père; les écrits de Boerhave & de
M. de Sénac ; les injedions de Ruyfch & des
Hunaults , tant d’inftrumens nouveaux , inventés
par MM. Morand , Chefelden , le Cat & le Dran;
le traité de la chymie hydraulique, du comte de
la Garaie ; toutes les nouvelles expériences faites
fur l ’éleâricité , & une multitude d’autres découvertes,
font autant d’avantages ioconteftables de
ce fiècle trop décrié, même de ceux qui contribuent à
fa gloire.
Les poéfies de M. le comte de Treftan , font
riantes, faciles & d’une galanterie aimable. On
y diftingue fur-tout fes chanfbns. Nous ne parlons
pas de fes chanfons fatyriques, vraiment originales
& pleines de goût dans leur méchanceté, où un
trait malin & inattendu termine perfidement un
couplet jufques-là obligeant & plein de grâces ; il
a d'autres chanfons qui plaifent encore fans ce
condamnable mérite , telle eft celle - ci , par
exemple.
Le prîntems ne fait point éclore
De fleurs plus brillantes que vous ;
Les oifeaux, chantant dès l’aurore,
N’ont point des accens auffi doux ;
Sans eefl'e une grâce nouvelle
Se dévoile, & vient~vous parer :
Heureux qui, vous voyant fi belle,
Ne fera que vous admirer.
Plus heureux qui pourra vous plaire,
Qu’il foit digne d’un fort fi doux !
Que rien ne puifl’e l ’en diftraire,
Qu’il foit fans celle à vos genoux !
Qu'il vous dife......Te vous adore...,»
Mais d'un ton fi vif, fi touchant,
Qu’il puifl’e l’être plus encore
Que vos regards & votre chant.
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Aux vers de M. de Treftan, on a joint, daïis
un recueil , des réponfes de nos meilleurs poètes.
On en trouve plufieurs de M. de Voltaire , elles
font connues y en voici une de M. Gtelîet, qui
mérite de lêtre.
« Monfie.ur, je fuis perfuadé que vous ne doutez
point de l ’emprefTement que j’ai de répondre à
votre lettre charmante :
Mais comment écrire à Paris T
Toujours le dieu des vers aima la fôlitude.
Dans cet enchaînement d’amuféméns fuivis,
De chofes & de riens unis J
Où trouvêr le filence , où fuir là multitude ?
Comment être feul à Paris ?
Pour cueillir les lauriers & les fruits de l’étude
Aux premiers rayons du foleil,
Je vedx, dés fon coucher, me livrer au fomtr.eil ;
3e me dis chaque jour que la naiflante aurore
Ne retrouvera pas mes yeux appefantis.
Dix fois je me le fuis promis, 3e promettrai dix fois encore:
Comment fê coucher à Paris ?
On veut pourtant que je réponde
Au badinage heureux d’une mufe féconde ,
On croit que les vers font des jeux ,
Et qu’on parle, en courant, le langage des dieux ,
Comme on perfiffie ce bas monde.
Par les grâces , dit-on , fi vos jours font remplis ,
Par les mufes du moins commencez vos journées :
Oui , fort bien , mais eft-il encor des matinées ?
Comment fe lever à Paris ?
Des yeux fermés trop tard par le pefant Morphée,
Sont-ils fi promptement ouverts ?
De l’antre du fommeil paflë-t-on chez Orphée ?
Et du néant de l’afne à l’eflor des beaux vers ?
N’importe cependant ; malgré l’ombre profonde
Qui couvre mes yeux obfcurcis ,
Dès que je me réveille, à peine encore au monde,
- Je m’arrange , je m’établis ;
Dans le filénce & lé mÿftéfe
Au coin d’un foyer folitaire
3e me vois librement aftïs»
Le ciel s’ouvre : volons, mufe, oublions la terre : 3e vais puifer au fein de l’immortalité ,
Ces vers faits par l’amour, ces préfens du génie,
Et dignes d’enchanter , par leur douce harmonie ,
Les dieux de l’univers > l’efprit & la beauté.
Enftâmé d’une ardeur nouvelle,
Déjà jê rPé crois dans lès ciéux ;
Déjà.....Mais qüél profané à l’inftanf me rappelle
Aux méprifables foins dé ces terrefirés lieux?
Quel infecté mortel vient m'arracher la rime?......
Bien-tôt mon cabinet eft rempli de fâcheux ;