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D ’Andelot, frère de Coligny , ayant au contraire
averti Tavannes^par un homme attaché à lui d’An-
delot, que la vie de Tavannes étoit rpenacée ; celui
ci prit l’avertiffement avec allez de mépris : je
remercie votre maïre ; quand les huguenots donnent
de tels avis , cefl quils ont eux-mêmes de mauvais
deffcins. J'ai trop d’honneur pour devenir poltron ; 6»
je r avertis , moi, que , quand la guerre fera ouverte ,
je ne F épargnerai point.
Il fut un des plus ardens inftigateurs & des plus
violens exécuteurs du maffacre de la Saint-Barthé-
lemi. Il eft flétri à ce titre dans la Henriade :
Nevers, Gondy , Tavanne , un poignard à la main ,
Echauffoient les tranfoorts de leur zèle inhumain ;
Et portant devant eux la lifte dé leurs crimes,.
Les conduifoient au meurtre, &. marquoient les
viéfmes.
i> Tavannes couroit dans les rues la nuit de la Saint-
» Barthélemi, criant : foigneç , faigneç ; la faignée
» efl aujji bonne au mjis d’Août qu’au mois de Mai.
» Son fils; qui a écrit des Mémoires, rapporte que
” le maréchal étant au lit de la mort, fit une con-
» feffion générale, & que le confeffeur lui ayant dit
* d un air étonné : quoi ! vous ne me parleç point de
» ta Saint-Barthélemi ! Je la regarde 3 répondit le
» maréchal, comme une a fl ion méritoire, qui doit
» effacer mes autres péchés. »
Brantôme, qui a fourni à M. de Voltaire une
partie de cette note , raconte que, la veille de cette
fanglante exécution, on fit venir au louvre le prévôt
des marchands & quelques notables habitans ,
pour leur faire part du projet, kfquels, dit Brantôme
, firent de grandes difficultés , & y apportèrent
de la confcience. n Mais M. de Ta vanne sdevant
j> le roi j les rabroua fi fort, les injuria , & les me-
” naça que s’ils ne s’y emplbypient, le roi les fe-
» roit tous pendre, & le dit au roi de les en me-
n nacer. Les pauvres diables ne pouvant faire autre
» choie, répondirent alors : hé ! le prenez-vfius là ,
n fireg & vous Motif suri nous vous jurns que vous
» en aureç nouvelle ; car nous y mènerons f i bien les
n mains a tort & a travers, qu il en fera mémoire à
n jamais de la fete Saint-Barthélemi très-bien chau-
11 mée. A quoi ils ne faillirent, je vous aflure ; mais
» ils ne le vou’oient du commencement! »
Tavannes épargna cependant un gentilhomme huguenot
, nommé la Neuville, qui implora fa protection.
n Ce gentilhomme étant entre les mains de ce
ii peuple enragé , & ayant réçu fix ou fept coups
n d’épée dans le corps & dans la tête, ainfi qu’on
a le vouloit achever, vint à paffer M. de Tavannes,
ii auquel il accourut auffi-tôt, & fe prit à fes jam-
» bes , en difant : ah ! Monfieur, aye^ pitié de moi
n & comme grand capitaine que vous êtes en tout,
n fcyei moi auffi miféricordieux. M, de Tavannes 3
n foit ou qu’il eût compaffion, ou que ce ne fût
» é;i fon honneur de lui tuer ainfi ce pauvre
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» gentilhomme entre fes jambes, le fauvâ, & le fit
n panfer, quoique ce gentilhomme fut attaché à
» d’Andelot. »
Cha ries IX vouloit envoyer Tavannes à ■ la Rochelle
& en Guyenne pourfuivre les relies des huguenots.
Tavannes, acceptant la commiffion, traça
dei 7ant toute la cour la route qu’il alloit luivre,
annonça toujes les conquêtes qu’il alloit faire. 11 ne
voyoit par-tout que foccès faciles & affurés : "il
alloit infailliblement exterminer ju(qu’au dernier huguenot,
& il en dohnoit fa* parole au roi. n 11 y
» eut quelqu'un là préfent qui l’ouit ainfi parler, &
n qui dit s un autre : voilà le difcours du roi Pi-
» crocole de Rabelais , ou de la femme du pot au
» lait, qui le port oit vendre au marché, & en fiU
» foit de beaux petits fonges & projets ; mais fur
n ce il fe cajfa , ainfi qu’il lui arriva ; car étant
>• parti d’avec le roi > & marchant en bonne ç,éfo-
» lution & affeélion de le lèrvir avec fon armée ,
n il n’alla guères avant , car il tomba malade à
» Châtres fous Montlhery, & là il mourut. .
Ici Brantôme fe trompe fur un fait indifférent ^
Tavannes mourut dans fon château de Sully , le 19
juin 1573,
Brantôme dit qu’un très-grand prince , mais-
huguenot , & qui ne vouloit trop grand bien 4 M.
de Tavannes 3 l’avoit affuré avoir appris du roi Henri
CI , que T zvannes étoit mort enragé & delèfpéré ;
for quoi Brantôme obferve que Dieu envoie telles
affluions aux fanguinaïres; *
Le maréchal de Tavannes avoir un frère , GuiPaumë
de Saulx , baron de Sully, qui, après la malheureufe
journée de Saint-Quentin, contribua par la fageffe
& fon courage à défendre la Bourgogne où il com-
mandoit, & à empêcher les Autrichiens* d’y pénétrer*
Le maréchal eut deux fils célèbres, Guillaume
qui refufa conftamment d’entrer dans là ligue , &
Jean, zélé ligueur, attaché au duc de Mayenne.
Guillaume fut élevé en qua’ité.. d’enfant d’honneur
auprès du roi Charles IX ; combattit avec honneur,
fous fon père en 1 567 , contre, les Reîtres huguenots ,
à la bataille de Jarnac & dans toutes ces guerres
de re'igion ; ce ne fut point faute de zè’e pour la
foi ca;hohque, mais par attachement pour fes rois-
qu’il- réfifta aux infiances de fon frère qui vouloit
l’attirer au parti de la Ligue ; il conferva au roi les
villes de Beaune & de Châ'ons en Bourgogne , il
prit dans cette même province Flavigny, Saint-Jean
de Lône, Semur, Saulieu. 11 combattit pour Henri IV
à F on-: aine-Fr ançoife, le 3 juin 1595» Il avoit été
fait chevalier des ordres du roi , ‘le dernier décembre
1585. Il vivoit encore en 1633 » 011 a de hd des-
mémoires.
C ’eft par Jean , fon frère, qu’ont été publiés ceux
du maréchal leur père. Ce Jean de Saulx , gentilhomme,
de la chambre de Charles IX , s’ engagea
en 1585 dans la Ligue, & fuivit la fortune du duc
de Mayenne , qui le fit un des maréchaux de la
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Ligue ; il fut fait prifonnier en 1591,» en voulant
fecourir la ville de Noyon contre le roi'Henri IV •;
le duc de Mayenne, auquel il étoit utile , en fit
l’échange contre la mère , la femme & deux foeurs
du duc de Longueville. Jean de Saulx fit fon accommodement
en 1595 ; il n’eft point au rang des i
maréchaux de■ France, quoiqu’il en ait eu le titre,
les armes , la penfion & les honneurs, &. que deux
brevets, l’un de Henri I V , donné dar s le temps
de ^’accommodement, & l’autre de Louis XIII , du
4 mars 16 16 , Ipi ayent affuré le bâton. Son tefta-
menteft du 6 o£lof>re ! 629. Il eut plufieurs fils diftin-
gués par leurs lèrvices :
i ° . Henri, marquis de Mirebel , élevé enfant
d’honneur du roi Louis XIII > qui commanda pour
ce prince à Gafal & dans le Montferrat , qui fe
diftingua^en t 63 5 à la bataille d’Avein. Mort le
11 oétobre 1653.
. 20. Jacques, vicomte de Lugny, colonel dù régiment
/de Navarre, mort au liège de Montaubanen
ïézi.
3°. Lazare-Gafpard de Saulx, chevalier de Malte,
tué au liège de Quiers .en 1637,
Guillaume > fils afoé du maréchal , & frère aîné
die Jean , eut auffi des fils & des defçendans recommandables
par leurs fervices:
i°. Claude de Saulx, comte de Tavannes, lieutenant
- général des armées du ro i, mort au fiège de
Fontarabie en 1638.
2,0. Jacques, fils de Claude, un des plus braves
hommes & des chefs les plus expérimentés de fon
temps. Il a laiffé des mémoires.
3®. Nicolas , chevalier de Malte, auffi fils de
Claude , tué d’une moufquetade dans un combat près
de Quiers en 1659.
4°, René, marquis de Tavannes, fils de Jacques &
petit-fils de Claude, tué en Candie , le 16 décembre
1668.
5°. Charles - Marie , marquis de Tavannes , frère
<ië René , bleffé au combat de Sênef en 1674, beau-
frère du chancelier d’Agueffeau , & père du cardinal
de Tavannes , grand - aujjiônier de France.
6°. G.alpard , marquis d’Arc-fur-Til, frère des
précédens , tué à la bataille de Caffel en 1 jf> >7.
TAVAYOLE , f. f. ( terme de relation. ) .grand
mouchoir qu’on met fur la tête en Turquie-, pour
recevoir l’ odeur des parfums. Chez les Turcs, dans
les vifités de cérémonie , un peu de temps après
qu’on eft affis , le maître de la maifon fait apporter
une caffolette auprès de fon ami , & deux valets lui
couvrent la tête d’ une tavayole, afin que la fumée
du parfum qu’on lui préfente ne s’échappe, pas , &
qu’il la refpire toute entière, ( D. J. )
TAUBMAN, ( Frédéric ) ( Hifl. lin, mod. )
Littérateur Allemand , mort en 16 13 j auteur de
{Commentaires fur Plaute & fur Virgile j on a auffi
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de lui des poëfies & un recueil de mois fous le
titre de Taubmaniana.
TAUCOLES , f. m. ( Hifl. mod. ) feuilles d’arbres
dont les Chingulàis ou habitans dé Pile de Ceÿlan fe
fervent pour écrire ; elles reçoivent facilement l’im-
preflion du ftilet, mais on ne peut point les puer
fans les rompre> [A. Ré)
T A VERNIER, ( Jean - Baptifte '( Hifl. ütt. mod. )
voyageur célébré dont on a un recueil de voyages
connus, pour la rédaélion defquels Samuel. Chap-
puzeau & la Chape'le 1 lui prêtèrent, leur plume.
Louis XIV avoit donné à Tavernier des lettres de
nobleffe. Il mourut à Mofcou , dans le cours de
lès voyages en 1689. Il étoit de la religion réformée.
TAUPKANE , f me terme de relation ; ârfénal
d’ artillerie chez*les Turcs : il eft fitué à la pointe1
qui regarde le ferrail hors des murs de Galata ;
taupkane veut dire place des canons. (D . J .)
TAU R E AU X , combats de, ( Hifl. mod. ) fêtes
très-célèbres & très-ufitées parmi les Efpagnols qui
'les ont prilès des Mores, & qui y font fi attachés,
que ni le danger qu’on court dans ces fortes d’exercices
, ni Jes excommunications que les-papes ont
lancées, contre ceux qui s’y expofent , n’ ont pu les
en déprendre.
Ces'fpeélacles font partie des réjouiflanceS publiques
dans les grands événemens, comme au mariage
des rois, à la naiffance des infans; on les donne
dans de grandes places deftinées à cet ufagé enpréfence
du roi & de la cour, des miniftres étrangers , &
d’un nombre infini de fpeélateurs placés fur des amphithéâtres
dreffés ‘autour de la place. Voici à-peu-
près ce qui s’y paffe de plus remarquable.
A l’un des coins de la place eft un réduit appelle
. tauril ou toril, capable de contenir trente ou. quarante
taureaux qu’on y enferme dès le matin. Lorf-
que le roi eft placé fur fon balcon , fes gardes s’emparent
de la place , en chaffent toutes les perfônnes
inutiles pour la laiffer libre aux combattav.s ; quatre
huiffiers - majors vifitent les portes de la place ; &
lorfqu’ils ont affuré le roi qu’elles font fermées , fa
majefté commande qu’on faffe fonir un taureau. Ces
jours là les combattans font des perfônnes de qualité
, & ils ne font vêtus que de noir , mais leurs
creados ou eflafiers font richement habillés à la turque,
à la moreique , &c. On rie lâche qu’un taureau à-
la-f©is , & on ne lui oppofe qu’un combattant qui
l’attaque ou avec la lance , ou avec des efpèces de
javelots qu’on appelle rejonnes. On ouvre le combat
fur les quatre heures du foir ; le champion entre dans
la carrière à cheval , monté à la genette , fuivarit
l’ufage du pays , c’eft-à-di/e , for des étriers tellement
raccourcis que fes pieds touchent les flancs du
cheval. Le cavalier, accompagné de les ' creados ,
va faire la révérence au roi , aux dames lés plus
apparentes, tandis que , dans le tauril, on irrite le
taureau, qu’on en lâche quand jl eft en furie. 11,en