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deux V ite lliu s punis comme complices de là conjuration
des Tarquins , mais on ne croit pas qu’ils
fuflent de la même famille que l'empereur.
Celui-ci , nommé Aulus , naquit la fécondé
année du îegne de Tibère ; il palfa fa jeunefle
auptès de cet empereur dans la retra’te de Caprée ;
ce qui coi-trbua , dit-on , a la fortune & à l’élévation
de ion père , & ce qui fuffit pour donner
»ne idée des moeurs de tous les deux. Débauche ,
gourmand fe , embonpoirt excellîf, fuite de cette
gourmandife, voilà les qualités qui le d:ilinguoient ;
il ne quittoit point la table, & il avoit pris fin-
famé ulàge de s’exci er à vomir après fes repas
pour pouvoir le remettre à manger. Nous avons
die comment il avo^ plu à Tibère, il plut àCali-
gula comme excellent cocher, à l’empereur Claude
comme grand joueur, à Néron en battant & fe-
con'ant le goût qu’il avoit peur ;e produire fur
le th^a re& y faire entendre fa voix. Néron n’é.ant
plus retenu que par un relie de pudeur auquel il
de fi roît qu'on fît violence , & fe voyant prefle par
les cris du peuplé qui le pnoir de chanter, averti
que c’é;pit faire fa cour j .Néron parue vouloir fe
dérobei’ à cetre de mande indiferet e 8c quitta le
fpedhclè; un cou ti an médiocre eut été la dupe
de cette démarche , V i t e l iu s fe fit députer par
le peuple pour farn- de nouvelles inflances à Néron
, qui enfin fè laiiîa vaincre, & dès ce moment
V i te lliu s fut ait nombre de fes favoris les plus intimes.
Galba étant empeieur envoya par mépris
V ite lliu s prendre le commandement des légions de
la Germanie inférieure , à la tête defquelles il
auroit cramt alors de mettre un homme de mérite.
Il l’envoyoit, di oit-il, remplir fon ventre dans un
pays de'.bonne chère; il auprit que ces légions
à voient proclamé V ite lliu s empereur, il s’y accen
doit, & n'en fit que rire, mais un concurrent qui
pouvait n’être que ridicule pour le vieux & auflère
Galba , pouvoit être redoutable pour Othon qui
iv'aypit que des vices à oppole? aux vices de y i- \
le l it us , oc qui ayant paflé toute fa vie dans la
moli-.lFe & dans les voluptés , ne fe montra un
homme & un grand homme qu’au moment de fa
m.OTt. V ite lliu s fe prêta aux empreffemens de fs
légions , îam renoncer un moment aux plaifîrs de
la table ; il ne fît rien & lailFa fatre les deux
Üeut naos Valens & Cécïna, tous deux mécontens
de Galba, le premier parce qu’à fbn gré Galba
n’avoit pas affez récompenfé fs fervices, le fécond
parce qu’ayant détourné à Ion profit des deniers
publics, Galba, inexorable fur cet article, le fit
pourfuivre comme coupable de péculat. Quand on
vint annoncer à V ite lliu s quil vendit d’être proclamé
empereur, on le trouva d’abord à table }
quand on alla 1« prendre dans fon appartement I
pour le montrer aux foldats 8c au peuple, on le
trouva encore à table ; auifi-iôt après la cérémonie
il fe remit à table, mais il fut obligé d'en fortir,
le feu ayant pris à la falla à manger. II feifoit
régulièrement quatre énormes repas par jour, Il
mettoit à contribution toutes les terres & routes
les mers & les épuifoit de gibier & de poiflon.
Les pays par où il paflert écon nt ravagés , il rui-
noit ceux chez lefquels il alloit manger, quoiqu’il
partageât entre eux la dépenfe d’une leule journée},
allant diner chez l’un & fouper chez l’autre. On
ne pouvoit lui donner de repos qt i ne coi1:ât 'au
moins cinquante mille francs. Ses convives fuc-
comboient fous le poids de la bonne chère ; l’un
d’eux , Vibius Ci ifpus , difoit : f é to i s m o rt 3 f i j e ne
fu jfe tombé malade ; parce qu’une maladie , caulée
par cet excès d’intempérance , l’avoit difpenfé
d’affifter plus long te ni s à ces ftfiins meurtriers.
Lucius V ite lliu s , frère de l'empereur, lui donna
un repas où furent fervis deux mille poillons •&
fept mille oireaux tares1. L’empereur dédia folem-
nullement un plat d’argent qu’il nommoit, à caufe
de fa grandeur immei -le le bouclier de Min e rv e , il
le remplit uniquement de foyes d’un poifîbn exquis,
de cervelles de paons& defaifans, de laitances
de murènes, de langues d'oifeaux à plumage rouge
que les anciens appelloient Pkcenicoptçii.
No n in caro nidore v olupta s
S um m a , fed in te ipfo efi. T u p ù lm e n ta ria qu&rt
Sudando ; pinguem v it iis albumque nec ojlrea
N e c fça ru s 3 a u t p o te r ît peregrina ju v a r e Lagois.
V ix tamen e rip iam pojitopavone 3 v e lis qu ia
Hoc p o tiu s 3 qu am g a llin â tergere p a latum ,
Corruptus v an is rerum , quia veneat auro
R a ra a v is 3 & p iç tâ p a n d a t fpefîacula-cauda :
Tanquam a d rem a ttin e a t quicquam3 nurn vefeeris
ijia
Quam laudus pluma,, cofto mon a défi honoridem ?»
Jejunus ra ro (iomachus v u lg a r ia temnit ;
F o r re d um magna magnum fpettare- catino ,
V'éllem 9 a i t h a rp y iis gu la digna rapacibus j a t vos
P r tfe n te s aufiri coquite horum obfqnja3 quamv is
P u t e t ap e r rhombufque recens, mala naujea quandà
Ægrum f o li i citg.t fiomacjium...........
Si Horace n’ayoit pas vécu fî long-tems avant
V ite lliu s , on croiroit que c’eft ce vorace empereur
& fa monfirucule gloutonner e qu’il a voulu
peindre dans ces vers. Dion & Tacite^évaluent
à environ cent cinquante millions ce que la table
de V ite lliu s put coûter à l’empire pendant les feuls
huit mois que dura fon régné. Cependant cet avantage
de tiouver tout bon qu’Horace regarde comme
ne pouvant être que le fruit de la tempérance 8c
de l’exercice, & qu’il n’accorde qu’aux efiomacs
à jeun , l’indolent , le gros & lourd V ite lliu s en
étoit toujours doué« Sortant de table & aififtam à
v i t
des- facrifices, il enievoit prefque de deflus Il-s charbons,
les chairs de viâimes & 1« gateaux lacrés.
Si, en paffant dans les mes, il voyou piales des.
relies de viandes cuites, il y portoit a linllant la
main & en mangeoit tout en marchant. Manger
pins, fut le feul avantage que l’empire put lut s
.procurer.
Pendant que Valens & Cécina s’avançoient vers I j
l’Italie , l'un par les Gaules & lés Alpes Coftien- ,
nés , ( le mont Cenis ) l’autre par le pays des Ire -
vétiens ( la Suiffe ) & les Alpes Péonines, C vers le
grand S. Bernard) Othon & VitcUius seertvotent
des lettres, d’abord pleines de témoignages d amitié
& d’offres réciproques de toute force d honneurs ;
& d'avantages pour celui qui voudroit_ bien céder
,l’empire à l’autre , ils finirent par fe faire récipro- :
qutment les reproches les plus fanglans 8t les
mieux mérités & par envoyer l’un contre I autre
des alfa (fins. Cécina &Valens, après avoir éprouve
•contre l’ennemi des fortunes diverfes 8c dans leur
.propre armée des féditions violentes , apres avoir
tantôt agi lepatément, tantôt uni leurs forces &
les avoir affoiblies par leur jaioufie, gagnèrent ■
enfin la bataille deBedriac, près de Crémone ; ce
j fut alors qu’Othon , qui pouvoit encore fe defen- :
.dre, s’il eût confenti plus long-tems d’eipofer fa
■ vie & la fortune des citoyens qui lui éroienc attachés
, prie le parti généreux de ne facrifier que
lui. Tout fe fournit alors à V ite lliu s . U faut lui
rendre juftice , il n’étoit pas porté naturellement
■à la cruauté, il voulut d’abord ufer de clémence
envers les vaincus, mais on ne 1 en lailïa pas le
maître : les conieils de Ion frere & les leçons de
tyrannie des courtifans lui arrachètent des vengeances
cruelles ç il n étoit que méprilable, lis le
rendirent o iieux. Il voulut quarante jours après la
bataille de Bedriac, aller voir le champ de bataille
couvert de morts à demi pourris : feedum mque ;
arm* fp eS a c u lum , dit Tacite, in tr à quadragefimum
p u g iu diem , la c e ra corpora , tru n e i a r tu s , p u tre s '■
virorum equorumque fo rm a , infecta tabo h um u s ,
p r o tr it i s arboribus atque f ru g ib u s , d i ra v a f iita s .
Ce fut là qu’il montra l'indifférence la plus inhumaine,
ou plutôt il qu’il ofa étaler la joie la plus
barbare , & qu’un de fes courtifans n’ayant pu
s’empêcher de -dire que ces cadavres répandaient
une odeut inf.ôe , il répondit, comme fit depuis :
Charles IX en parlant du corps de l’amiral de
Coligny, que le corps d’un ennemi mort fentoit
toujmirs bon. Suétone, voulant rendre ce propos
plus atroce, paroit le tendre bien moins vrailem-
blabié , lorfqu’il fait dire à cet in ligne empereur :
oplime olere occifum h o jlem , s r m e l iu s erreur.
Que la perverfité de la nature humaine, que la
fureur des paffions aille jufqu'à faire trouver un
plaifir aff.eux à contempler !o;i ennemi mort, on
peut à toute force le concevoir, m.;isj;_u'on aime
encore mieux que cet cnn.ini mort fuit un concitoyen
qu’un étranger, c'efl.ee qui n’efl pas dans
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la nature, suffi corrompue qu’on voudra l'imaginer
: il eft vrai qu’on hait plus encore fis ennemis
concitoyens que’ fes ennemis étrangers, & cVfi ce
que Suétone a Voulu dire ; mais il n’y a guères
d’apparence qu e V ite lliu s iVt dit ; c'eift une re-
flexion philofophiqUe de l'auteur , non un mouvement
naturel de lTidmme. V i te l l iu s porta .fur ie
trône toute la balTefFe & toute la perverfité de fes
' goûts ; il honora publiquement la mémoire d e ce
Néton qu’il avdit ft^jailement flatté vivant ; il fit
laffociété intime 8c psrticûlièce de _ farceurs, de
'bouffons, de cochers; il les admettoit à fes plaifirs
& à fa familiarité, il leur prodiguoit les marques
de confiance & les témoignages d’amitié ; quibus
ille amic itia rum déhoaejlamentis mire g a u d e b a t.
Il prenoit parti dans les faftions du cirque, comme
firent depuis tous ces derniers empereurs imbéeilles
de Conftantinople , il bâtifloit à grands frais des
écuries pour les chevaux du cirque , fur-tout pour
ceux de la fadion qu’il fàvorifoit 8c il punlffoit
comme des crimes d’état les cris que des fp dateurs
de fadions contraires pouffoient quelquefois
contre cette fadion favorite ; il en coûta la vie
à plufieurs citoyens pour un pareil fujet. Telles
étoïent les-affaiies-qui occüpoient V i te l l iu s i Valens
St Cécina, qui avoient .vaincu pour lui^-fe.chargèrent
aulfi de regnet pour lui ; mais ils enten-
doient mieux la guerre que l’art de gouverner ;
ils régnèrent mal 8c leur mésintelligence fut fatale
à l’état, ils firent commettre à V ite lliu s beaucoup
de cruautés où fon ~ caradère ne l’eût pas porté
naturellement. Ce fut envers fes créanciers qu’il
fut toujours le plus injuûe 8c le plus crue.1. Ses
excelfives dépenfes.ravoientfouvent expofé autrefois
à leurs poutfuites. Devenu empeieur, il n’épargna
aucun de ceux qui l’avoient poutfuivi avec
quelque rigueur. Un d’entre ces-créanciers croyant '
n’avoir eu aucun tort à fon égard, fe préfenta pour
lui faire fa cour, V i te lliu s l’ayant apue.rçu , l’envoya
aufiitôt au fuppli-e ; tout-à-éo_up il Itrappellp
comme fe repentant de fà rérôlutiqh, & déjà -cm
applaudiffoit à ce retour de clémence , il le fie
poignarder à l’inftant, dilant qu’il vouloir tepaît-e *
fes yeux du fang de fon ennemi, c’eft toujoursTe
même cfptit 8c le même mot que fur le champ de
bataille de Bédriac. Mais voici une plus grande
horreur, deux fil* lui demandant la grâce de ieur
père . il les fit. périr avec lui. Un chevalier romain*
qu’il envoyoit arbitrairement au fupplice,
lui cria qu’il l’avoit nommé fon héritier, V ite lliu s
voulut voir fon teftament, Sr peut-être lui auroit-
il fait grâce , fi le teflateur l’avoir nommé feul
héritier, mais voyant qu’il lui dennoit un cohéritier
dans la perfonne de fon affranchi, il les fit
égorger l’un 8c l’autre. Il étoit tems que V fpafien
vint arrêter le cours de tant de crimes, cet homme
vraiment digne du trône, apres avoir quoique
tems réfifté à fon élévation ,le voyant proclamé
par les légions d’Egypte, de Judée, de Syrie , &
reconnu dans tout l’Orient, confentit de fuivre
Dr d d d i