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La foule des hiftoriens auroît pu fe dîipenfer de
tnettre au nombre des mefures fagës par lefquel'es
il attira la bénédiélion de Dieu'îur fes armes, des
édits de perféauion contre ïes Ariens &. les autres
Eéretiques, dû refte-fos mefures furent en effet ,’jrès-
fages, & elles Turent efficaces. Théodofe remporta
fur les généraux & les liéutenans de Maxime , • deux
viétoir'es complexes; l’une fur les bords de la Save,
l’autre fur ceux de la Drave, tandis qu’Arbogaffe
détaché de fon armée, àlloit dans des Gaules s’emparer,
de la perfonne du jeune Victor , fils de Maxime ,
.& que fon père avoit fait nommer Céfar ; il le prit
S^lui fit trancher la'tête., ce que Théodofe n’ëut
peut-être point fait. Maxime lui-même fut fait pri-
fonnier dans^ Aquilée , & amené les pieds nuds &
les mains liees devant Theodofe, qui, touché dê ce
fpeélacle d’ un empereur détrôné, capt if & enchaîné ,
^onna des marques de compafîion t & alloit lui faire
grâce mais fes foldats voulant le venger malgré
lui-même, fe jurèrent fur le tyran , l’arrachèrent à
la clémence du prince & lui firent trancher la tête
le 27 août 388. ( Voye^ l’article Maxime. ) Le
«omte Andragate , qui, pour fervir Maxime , fon
maître , avoit trempé fes mains dans le farig de
Gratien , jugeant qu’il n’avoit point de grâce à
efpérer , fe noya dans la mer de Sicile. Théodofe
rétablit le jeune Valentinien dans tous lès éfa?s, &
Tendit dans la perfonne de ce prince, à Gratien foa
J gfcJ qu’il avoit reçu de lui. Du refte il fit
chérir fa viétoire & bénir fa clémence. Cètte révolution
n’entraîna ni fupplices, ni confifcation, ni
emprifonnement, ni exil, & , comme le dit un hif-
torien moderne, « ceux qui avoient fujet d’ap-
» préhender le dernier fupplice , n’eurent pas même
| | à rougir d’une réprimande. Les filles de Maxime
^’étoient exilées volontairement dans la crainte d’un
traitement plus rigoureux , elles furent rappellées ,
& des revenus convenables leur furent' aïlignés fur
l’épargne. Théodofe entra en triomphe dans Rome ,
& re#a dans l’Occident le temps r.éceffaire , non-
feulement -pour affermir Valentinien fur fon trône,
mais pour l’inffruire dans l’art de régner, & pour
réformer les abus que la jeunefle- du prince & les
troubles élevés dans cette ^partie de l’Empire, y
avoient fait naître, ou y avoient entretenus. Quand
il fut retourné en Orient, Valérifimén, abandonné
a lui-méme, éprouva bientôt de nouvelLs révolutions.
Cet Arbogaffe , que nous avons vu forvir ce prince
fous Théodofe, & qui avoit faitpérir le jeune V'iâor ,
étoit devenu général des armées de Valentinien &
tout-puiffant dans fa cour. C ’étoit'un Gaulois fier ,
cruel, ambitieux, qui étoit 'parvenu à fe rendre redoutable
aux peuples & à-foh maître ; celui-ci n’ofoit
le Contredire & le laiffoit difpofor de tout. Il arriva
cependant enfin qu’il ouvrit les yeux , & que Tentant
Je joug j il voulut le fecouer.Un jour au milieu d’une
audience publique, il lança fur le comte Arbogaffe
un regard de co'urrbux, avant-coureur d’une difgrace, ’
& il lui fit remettre un écrit par lequel il le dé-
cpmmpdeipent de^ 4»nées y ce rféjl pas -
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de lui que je le tiens j dit infolemntent Arbogaffe' \
.en déchirant le papier & le jettant par terre ; il fortit
enfui te de la falle pour courir à la vengeance. Les
courtifans, les officiers du prince , placés tous de fa
main, lui étoient vendus, il les mit dans fes intérêts
& leur donna ordre d’environner le palais du prince ±
qui étoit alors à Vienne en Dauphiné. Un jour que ce
prince fe promenoit après fon diner fur le bord dit
Rhoné , fes eunuques , gagnés par Arbogaffe, fe
jettèrènt fur Valentinien , ‘l étranglèrent & le pendirent
à un arbre par fon mouchoir , pour faire croire qu’ il
s etoit pendu lui-même. Ainfi mourut à vingt ans
Valentinien I ï , le famedi 1 5 mai 392 , veille de la
Pentecôte. Saint-Ambroife le fit tranfporter à Milan,
ou il lui fit' de magnifiques funérailles , prononça
fon oraifon funèbre à laquelle les regrets publics ne
donnoient pas moins de prix que l'éloquence d’Am-
broilè, car ce jeune prince annonçoit beaucoup de
talens & de vertus, & on reconnoiffoit, en lui un
elève de Théodôfe dans l’art de. régner. Ce fut pas
Saint-Ambroife que la nouvelle de fa mort parvint
à Théodofe, qui le regretta comme un fils , & réfolui
de le venger.
Soit au Arbogaffe craignît qu’en prenant la place
de Valentinien , il ne parut s’avouer trop hautement
pour fon meurtrier, foit qu’il eût d’autres motifs de
ne point prendre la pourpre , il aima mieux régner
fous le nom d un homme qui lui fût entièrement
dévoue ; il fit choix d’Eugène , autrefois rhéteur ,
alors focrétaire d’état , qui tenoit de fon premier
métier une forte d’éloquence, & du fécond la con-
noifiance des affaires, il lui donna le nom d’empereur
jS en refervant 1 autorité. Eugène envoya des
aipbafladeurs a Théodofe pour lui taire, part de fon
élévation à l’Empire , & de prier de le" reconnoître
pour fon collègue; Théodofe accueillit les ambaffadeurs,
-leur fit des préfens , mais les renvoya fans aucune
jeponfe fur 1 objet de leur million , & prépara tout
pour la vengeance de Valentinien. Il part a la tête
d une armee formidable p greffie du concours de ces
peuples barbares qu’il avoit lu aff:â onner à l’empire
par fes bienfaits; Stiliçon & Alaric , fi célébrés depuis,
for voient tous lui ; arrivé par là Thrace & par lTjiyrié,
il force le paffage des Alpes, dont Flavien , préfet
du prétoire, réputé favant & dans l’art de la divination
dans l’art de la guerre , avoit répondu au
tyran Eugène- ; Flavien fo fit tuer dans le combat pour
échapper au reproche d’avoir donné de faillies efpé-
rancis, & de s’être trompé dans fes prédirions,
Eugène & Arbogaffe attendirent Théodofe dans k
plaine d’Aquilée , & c’eft là que devoit fe décider
cette grande querelle, à laquelle la religion n’étojt
pas moins intéreffee que la politique ; Théodofe étant
le proteéleur déclaré, non-feulement du Chriftianifme
en general, mais encore de la foi orthodoxe contre
les Ariens , & Eugène ayant renouvellé l’idolâtrie
dans Rome, offert des facrifices aux Dieux, confuîté
les entrailles des victimes, oit il avoit trouvé tous
les heureux prefages qui pouvoient fai'eugler, ayant
d>illeurs relevé les ftatues de Jupiter & l’autel de ù
yi$ojre g
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tBétoire , 8t portant pour enfeigne principale l’image
d'Hercule. La bataille dura deux jours comme dans
ki fuite celle de Marignan ; la première journée fut
favorable à Eugène, ot plufieurs des principaux capitaines
de Théodofe lui confeilloient la retraite : a Quoi
» donc ! s’écria-t-il, la croix de Jefus-Chrift peinte
» dans mes drapeaux fuiroit devant les images de
v Jupiter & d’Hercule , qu’étalent infolemnaent les
v enfeignes de ces infidèles l
C ’eft le même mouvement que dans cette tirade
'{T^thalie ;
O crainte, a dit nîofl père, indigne, injurieufe l
L ’arche qui fit tomber tant de fuperbes tours ,
Et força le Jourdain de rebrouffer fon cours,
Des Dieux des nations tant de fois triomphante
Fuiroit donc à l’afpeét d’une femme infolente l
Théodofe renouvella le combat le lendemain , &
Eugène & Arbogaffe , qui croyoient marcher à une
victoire certaine contre les déplorables reftes d’une
armée prefque détruite la veille , furent entièrement
défaits. Les auteurs eccléfiaftiques , comme il s’agiffoit
d’un chrétien d’un côté, d’un païen de l’autre, ont
chargé le récit de cette viétoire de vifions prophétisées
& de miracles, qu’ils difont fi avérés, que le
poëte Claudien lui-même , quoique payen , n’a pu
s’empêcher d’y rendre témoignage 'dans un poëme
qu’ il compofa dix-huit mois après à la louange de
l’empereur Honorius, fils de Théodofe. Arbogaffe ,
après des prodiges de valeur dignes d’une autre caufe
& dignes de la viétoire , chercha ton falut dans la
fuite. Les chefs des légions qu’il commandoit, mirent
bas les armes & implorèrent la clémence du vainqueur
auquel ils prêtèrent ferment. Théodofe leur demanda
pour unique preuve -de leur fidélité une infidélité
jaffez forte , celle de lui amener Eugène, Ils partirent
pour exécuter cet ordre, Aufiï-tôt qu’Eugène les
apperçut , eh bien ! leur dit-il , nîamene^vous
Théodofe ? non , répondirent-ils , mais nous filions
vous mener à lui. En effet, l’ayant dépouillé des or-
jnemens impériaux, ils je traînèrent aux pied« du
vainqueur les mains derrière le . dos , comme
Maxime y avoit paru autrefois ; il eut auffi le fort
de’ Maxime , il fut décapité le 6 feptembre 394.
Arbogaffe , abandonné de tout le monde , erra longtemps
dans les montagnes, jufqu’à ce qfi’enfm fâchant
qu’on le eherchoit & n’efpérant point de grâce , il fe
perça lui-même de ebux coups d’épée. La vengeance
de Théodofe fe borna encore à ces deux viéVmes
nécefiaires , & il ufa de cette^dernière viétoire comme
il avoit fa t de toutes fes autres. Ce fut en effet te
derrt 1ère qu’il remporta.
Nous venons de l’envifager comme guerrier &
comme empereur ; confidérohs-le préfontement comme
prince chrétien , car il fut grand encore fous cet
iautre point de vue.
Rouffeau a célébré fa foi dans cette belte ftrophe
de fon ode contre les Turcs :
flijloire, Tome Vx
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O honte ! ô de l’Eurc'pe infamie étemelle !
Un peuple de brigands fous un chef infidèle
De fos'plus faints remparts détruit la Cureté: -
Et le ntgnfonge impur tranquillement repofe,
Où le grand Théodofe
Fit régner fi long-temps Vaugufte vérité.
Théodofe n’étoit point encore bap'.ifé , lorfqu’il fut
aflocié à l’empire en 379 ; il le à la fuite d’une
maladie dangereufe qu’il eut au commencement de
l’an 380 ; ce fut Saint-Afcole , évêque de ThefTalo-«
nique, qui en fit la cérémonie. Dans fa ferveur de
Neophyt t il donna un édit daté de ThefTalonique,
par leque ilordonnoit aux peuples de fon obéiflànce
de Cuivre U foi de l’églife Romaine & du pape
Damafe fur l’égalité des trois perfonnes & la con-
fubftantialité du verbe , fous peine d’être punis comme
hérétiques. Commander de croire, punir l’héréfie ,
& même de mort, c’étoient là les grandes errreurs
du temps, & l’on ne peut ici reprocher à Théodofe
que de n’avoir point fu- s’élever au-deffus de ces
erreurs accréditées. ^
En conféquence de ton édit , il voulut obligée
Démophile, patriarche Arien de Conftantinople ,
d’embraffer la foi catholique ; fur fon refus , il le
cHaffa & mit en fa place Saint - Grégoire de
M jizianze,
En 381, nouvel édît contre les hérétiques. Ses loi*
étoient févères; mais comme fon caraffère étoit doux ,
il en temperoit l’exécution. Cependant il employoit
les foldats à cHgffer les Ariens, comme des loups
ravijfans, des églifes qu’ils occupoient- ; les foldats
dans les affaires eccléfiaftiques, font bien d’autres loups
ravijfans•
Il fignala encore plus fon zèle contre l’idolâtrie que
çontre l’héréfie, il interdit tous les facrifices & toutes
les cérémonies payennes ; il fit murer les portes des*
temples , nommément de celui de Serapis, fi célébré
dans Aléxandrie par fa magnificence & par les im-
poftures des prêtres.
Tous ees aâes de domination fur la croyance
font - effentiellement des aétes de tyrannie, mais on
ne le favoit pas alors , & d’ailleurs la prudente douceur
de Théodofe favoit faire refpeâer fes ordres
Cependant comme les intérêts de religion font ordinairement,
& étoient, far-tout dansçe temps, ceux
qui agiffoient le plus fortement fur les âmes, U fe
forma de la part des payens une conjuration contre
l’empereur ; elle fut découverte. Théodofe commença
par déclarer que ceux qui n’a voient fait qu’en entendre
parler, & qui n’y avoient point pris part formellement
,n’étoient point coupables; il ajouta que ceux
auxquels il étoit échappé da .s leur douleur ou leur
colère des paroles peu refpeëtueufes , étoient ‘ex-
cnfables, ôç qu’on ne pumffgit point lès p&roksi
Les vrais conjurés furent jugés & condamnés. Pendant
le cours du procès, un des juges ayant d t à
Théodofe eue leur principal foin de voit être cTaiiurer
te vie d« prince ; vous devez , répondit Théodofe^
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