
•» que nous courions enfemble , je n’ai jamais
» cherché à lui faire obftacle , jamais je'n’en ai - non
» plus éprouvé de fa part ; au contraire , nous
» nous faifions une loi de nous aider mutuelle-
» ment par nos confoils ;. • ; nous regardions
35 notre gloire & nos (iiccès comme un bien commun
entre nous , » • . . nous déférant l’un à l’au-
» tre la palme & le premier rang. «
Dolebam y quod non , ut plerique putabant ,
adverfarium, aut obtreftatorem laudum mearum ,
fed focium potiùs & confortent gloriojî laboris amifefam..........
Cum prcefertim non modo nunquam
fit aut iliius a me curfus impeditus y aut ab illo
meus y fed contra femper alter ab altero adjuras 6’
commuaicando 3 6* monendo & favendo.
Duodecim pofi meum confulatum annos in maxi-
mi s caufis , cum ego mihi ilium , fibi me ille ante-
ferret , canjunttijfime verfati Jumus,
Catilina & Cicéron furent en concurrence pour
le confulat ; c’étoit avoir à choifîr entre le vice &
la vertu, Catilina , déjà plus d'une fois accufé ,
avoir toujours été renvoyé abfous, fans qu’on {l’eût
cru jamais innocent. Dans une de ces accufations,
il pria Cicéron lui même d’être fon défenfeur ; on
ne fait pas fi en effet Cicéron fe chargea de fa dé-
fenlè, mais on voit par fes lettres à Atticus, qu’il
ne s’en éloignoit pasa & qu’il fàifoit ce raifonne-
jnent : ou j’obtiendrai qu’il foie renvoyé abfous, &
dans ce cas , je pourrai me concerter avec lui pour
la demande du confulat, & vraifcmblablement il
me cedera, ou il fera condamné , & je m’en
confolerai.
Tout en briguant le confulat, Catilina méditoit
la perte de Rome. Sa confpiration, la vigilance,
l’adreffe , la fermeté que Cicéron déploya dans
cette occafion, forment une des époques les plus
iméreffantes de l’hiftoire romaine. Son éloquence,
quoique naturellement fublime dans fesrcatilinaires,
fut alors fon moindre mérite, Catilina fuccomba,
Cicéron eut la gloire de fauver Rome.
Roma pat rem pat ri* Çiceronem libéra dixit.
Ce titre de père de la patrie , prodigué depuis
aux empereurs, par la.baiïèffe, fut donné alors
à Cicéron , par la voix libre de la reconnoiflance,
le peuple le lui donna, & les fages le lui confirmèrent.
Caton en haranguant le peuple, Catulus
en opinant dans le fénat, joignirent ce titre à
l ’éloge qu’ils firent du fauveur de l’érar. Lucius
Gellius, qui avoit été cenfeur, propofa de lui
donner la couronne civique. « Je vous falue ,
s’écrie, long-rems après la mort de Cicéron, Pline
l’ancien, faifi d’un faint refpeét & d’un vertueux
enthoufiafme au fouvenir de l’énumération des
grandes chofes que Cicéron avoit faites pendant
ion confulat;je vous falue, ô vous qui le premier
de tous, avez été appcllé père de la pairij, qui
le premier avez mérité , fans quittetl’habit 3e paix J
le laurier de triomphateur. Salve 3 primas omnium
parens patrie appellate} primas in togâ triumphum
lingu&que laurcam mérité»
Cicéron éleva & agrandit la puiffance de lW r e
des chevaliers; c eft depuis fon confulat, qu’ ils commencèrent
, félon Pline, à former un troifîème
corps dans la republique, au lieu qu’auparavanc
on n’y comptqit que le fénat & Je peuple, fenatus
populusque romanus.
Cicéron fauveur de Rome , étoit Pobjet de
1 admiration & de l’amour de tous les bons citoyens*
Quelle va être fa recompenfe ? des perfécutions.
On voulut d’abord marquer par une humiliation*
fa fortic du confulat. La grande lo i , falus populi
fuprema lex ejlo , avoit forcé d’exécuter militairement,
quoique d apres un décret du fénat, divers
conjures trop convaincus , mais à qui les conjonc**
tures n’avoient pas permis de faire leur procès dans;
toute la lenteur des formes ordinaires. Des tri-*
buns jaloux, dans leurs harangues féditieufes au
peuple , commencèrent a murmurer contre un con-
fui qui, difoient-ils, avoit fait mourir des citoyens
fans forme de procès, & comme ils redoutoient
fon éloquence, ils voulurent l ’empêcher de haranH
guer le peuple en lui rendant compte , félon l’ufage,
de fa geftion, le dernier jour de décembre, joue
où l’on quittait le confulat. L e tribun Métellus
Nepos prit fur lui de défendre à Cicéron route
harangue ; il lui ordonna impérieufement & pat
le droit de fa charge, de fe renfermer dans le
ferment ordinaire de n’avoir rien fait contre leg
loi*. Cicéron forcé d’obéir à la défenfe, même
injufle, du tribun , ne fe déconcerta point, & jura
que la république & la ville de Rome lui dévoient
leur falut; cette préfence d’efprit charma le peuple,
il applaudit, & d’un cri unanime , jura que rien
n etoit plus vrai que ce que le conful venoit
d'affirmer. Ainfî l ’entreprife des tribuns ne fit que
tourner à fa gloire. L e même Métellus Népos fe
difpofoit cependant à l'accufer, & à le cirer devant
le peuple ; mais la caufe de Cicéron, étoit
celle du fénat, & le fénat ratifia tout ce qui s’e-
toit fait fous le confulat de Cicéron , & déclara
ennemi de la patrie quiconque entreprendroit d’y
porter atteinte.
A Métellus Népos fuccéda bientôt un ennenü
plus odieux & plus à craindre, Clodius ( Voyez
Ion article, & celui de Pompeia ) , Cicéron avoit
dépofé contre lui dans cette affaire, où Clodius
juftement accufé d’un de fes moindres crimes, celui
d'avoir profané les myftères de la bonne déeffe
fut fcandaleufement abfous par des 'juges bien
payés. Ces juges , avant que Craflus eut traité
avec eux de l ’abfolution de Clodius, avoient paru
difpofés à'faire leur devoir, & comme Clodius
I étoit un homme de qui on avoit tout à craindre, ils avoient demandé au fénat, une garde qui leur fut ac-
cordée.Cette précaution étoit fage, mais l’événement
la rendit bien ridicule , & Catulus dit aux juges :
pourquoi donc nous demandiez-vous une garde j
ètojt-ce pour empêcher quon ne vous enlevât l'argent
que vous aviez repu de l'accufé ? Ce jugement
confterna tous les gens de bien, Cicéron ranima
leur courage; il s’éleva au' milieu du fénat, en
préfence de Clodius même , contre la corruption
des juges qui l ’avoient abfous : c’eft une plaie, dit-il,
que la république a reçue , nous ne devons ni la
diiîimuler ni la craindre ; la diffimuler feroit manquer
de fentiment, la craindre Feroit manquer
de courage. Vulnus ejfe ejufmodi, quod nec dijji-
mulandum , nec pertimefeendum videretur, ne aut
metuendo ignavijjimi, aut ignorando fiuhijjimi judi-
caremur. Il apoftrophe Clodius : « ne crois pas, lui
d it- il, être échappé au péril, tes juges t’ont réfervé
pour la prifon & le fupplice, ils t’ont privé du
bénéfice de l ’ex il, leur prévarication, cependant,
afflige les honnêtes gens, mais n’affoiblit point
leur vertu. La ligue naturelle des geDs de bien
contre les méchans, (ubfîfte ; il ne nous eft furvenu
aucun mal nouveau, mais le mal caché s’eft découvert.
L ’abfolution d’un coupable a fait con-
noitre fes femblables. Erras, Clodî : non te judices
urbi , fed carceri refervarunt , neque te retinere
in civitate, fed exilio privare voluerunt. . . . . . Manet
ilia in republicâ bonorum confenfio : dolor acceffit
bonis v ir is, virtus non ejl imminuta. Nikil eft
damni faflum novi ,• fed quod erat inventum eft.
In unius hominis perditi judicio plures Jimiles
reperd funt ».
Il falloit pour fe venger, que Clodius fut homme
public, & c’eft à quoi il travailla ; il voulut être
tribun du peuple , mais il étoit de race patricienne,
& les feuls plébéiens pouvoient être tribuns du
peuple ; il entreprit de fe faire plébéien : un
Fonteius, plébéien, conlentit de l ’adopter, mais
c’étoit une adoption illufeire, Fonteius étoit
marié, il étoit plus jeune que celui qu’il adoptoit:
cependant il acquéroit fut lui tous les droits de
la puifïance paternelle, mais il s’en dépouilla
fur le champ & l’émancipa : en général il y avoit
trop de fiâions de droit, dans le droit romairf.
Clodius fut réputé plébéien, & devint éligible
pour la charge de tribun du peuple ; les gens de
ce caraâère, quand ils ont fu fe rendre éligibles,
lavent qu’ils feront élus , Clodius le fut..
L ’an 694 de Rome, le confulat de Lucius Cal-
purnius Pifon Sc d’Aulus Gabinius, démentit pleinement
la maxime par laquelle Catulus rafïuroit
Cicéron fur les inquiétudes que lui donnoient les
intrigues de fes ennemis. Rarement , diloit Catulus,
eft il arrivé que la république ait eu un
conful méchant ; mais jamais il n’eft arrivé qu’elle
en ait eu deux méchans à la fois ( il exceptoit
feulement les tems de la tyrannie de Catilina ; d’après
cette observation, Catuhis promettoit toujours à
Cicéron un des confuls au moins pour défenfeur.
Gabinius, ancien ami de Catilina, & Pifon, ennemi
des gens de bien, s'accordèrent pour vendre Cicéron
à la vengeance de Clodius. Le premier triumvirat
étoit formé ; les triumvirs étoient ennemis
ou déclarés ou fecrets de Cicéron,Craffus le haïlfoit
à découvert ; Céfar & Pompée avoient voulu fe
l ’attacher, c’eft-à-dire fe l’afièrvir, & Cicéron,
quoiqu’il aimât Pompée , ayant voulu n’être attaché
qu’à la république, ils l'abandonnèrent & appuyèrent
Clodius ; celui-ci pour préparer fes attaques, propofa
d'abord quelques loix indifférentes, ou qui
ne mewaço ent Çicéron que de trop loin pour que
fes amis cruffent devoir s’y oppofer ; Clodius avoit
promis folemneliement de ne rien entreprendre
contre Cicéron, pourvu qu’il ne mît point d’oppo-
fition à fes loix j enfin il leva le mafque, & pro-
pofà une loi pour condamner à l’exil, quiconque
feroit ou auroit fait mourir un citoyen (ans forme
de procès, l ’hoftilité étoic manifefte, Cicéron alors
fe regarda comme accu(e, & félon l ’ufage des
accules, il prit le deuil. Prefque tous les chevaliers
rema'ns le prirent avec lui. Vingt mille jeunes
gens, la fleur de la nobleffe romaine, accompa-
gnoient par-toüt Cicérofi, follicirant le peuple en
fa faveur; tous les ordres de la république,
toutes les villes d'Italie s’ailarmèrent de (on danger.
Le fénat fomma les confults de prendre la défenüc
de l'accufé, & par une délibération publique ,
cette compagnie prit aufli le deuil, comme accu-
fée elle même dans la perfonne de Cicéron, qui
n’avoit rien fait que par les ordres du fénat. Clodius
arma les efclaves & les gens de la lie du peuple.
& fit infulter, par eux dans les rues, Cicéron &
fes défenfeurs. Les moyens s'affortiffent naturellement
à la fin. Les faélieux qui foulèvent la populace
, qui arment les affaflins, ne peuvent avoir
que des vues criminelles ; les confuls loin d’obéir au
(énat, ordonnèrent au (enat de quitter le deuil ;
ils fe déclarèrent hautement pour Clodius & pour
fes aflaflins ; un d’eux avoua même à Cicéron ,
que fon collègue, & apparemment lui-même,
attendoient de Clodius, des grâces & des emplois
que ni Cicéron , ni le fénat même ne pouvoienc
plus leur procurer ; car, félon eux , le fénat n’é^
toit plus rien ; en effet, la violence décida de
tout, & Cicéron fut exilé, c’eft-à-dire, il s’exila
lui-même pour ne point exciter une guerre civile
que fes amis étoient rélôlus de foutenir, & il put
fe vanter, & il fe vanta en effet d’avoir deux fois
fauvé la république, l ’une par fa gloire, l'autre
par le généreux (àcrifice de fa perfbnne & de fes
intérêts. Unus rempublicam bis fervavi, femel
gloriâ, iterum arumnâ meâ. Mais Clodius voulut qu’il
eût la honte d’une condamnation , il fit rendre contre
lui, par le peuple t unfe loi qui, pour avoir fait mourir
des citoyens romains ( c’eft-à-dire des conjurés ) fans
procès, mais en vertu d’un décret du fénat, rendu
d'après l’évidence du crime) pour avoir porté furies re-
giftres publics , un faux fénatufoonfulte ( ce qui étoit
abfolumçnt faux) leprivedel’ufage de l’eau & du feu,
| défend à toute perfonne de le. recevoir ôc de lui