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Le cardinal n’eut pas allez de foin de corriger cés
dangereufes opinions ; aufli fut-il la viéfimë des adulateurs
du prince , qui bientôt , lui rendirent fon, oncle
le cardinal fufpefit, &. tentèrent même de le faire
dépofer de fon archevêché. La cour du jeune monarque
étoit remplie de .fa&ions,d’intrigues, de cabales,
La reine dona Catherine étoit, très- éclairée, le cardinal
avoit de bonnes intentions ; mais ils fî détel-
toient l’un l’autre „ & ne cherchoient mutuellement
qu’à fe perdre ; Mart'n Gonçales de Caméra, frère,
du précepteur du ro i, devint Ion favori, &. en flattant
fes deux palïions- , la gloire & la haine des
Maures , il parvint à faire difor acier Alcaçova ,
minière intelligent, habile, & .dont la retraite fut
fonefte àTadijiiniflration. Don Alvare de Caftro s’in-
finuoit dans l’elprit du roi, aux dépens des Jéfuites,
qu’il déteftoit , & qui étoient prefqu aufli puiflans à
la cour, qu’ils déflroient de l’être. Don Alvare, dans
un voyage qu’il fit feul, avec le r o i, dévoila fl bien
le caraélère intrigant & ambitieux des Jéfuites, que
''Sébajlien devint aufli violemment leur ennemi , qu’ il
avoit été docile à leurs confêils avant fon départ.
Alvare de Caftro fe rendant juftice , s’apperçut qu’ il
navoit point le talent des affaires, & Alcaçova fut
rappelle- Au milieu de ces intrigues î’état profpé-
roit , & Je commerce avoit fait les plus heureux
progrès. Sébajlien fit publier un abrégé dés loix , qu’il
avoit faites lui-même, & qu’il eut foin de faire obfer-
ver. Toujours dévoré du défir de fe flgnaler par les
armes, il forma le projet d’aller lui-même faire la
guerre dans les Indes ; mais l’adroit Alcaçova lui fit
abandonner ce deffeia. Toutefois il ne put le faire
renoncer à celui d’aller tenter des conquêtes en Afrique.
11 fit partir quelques troupes fous la conduite
de don Antoine , prieur de Crato , & il s’embarqua
fort brufquement lui-même enfîiite , avec quelques
fèigneurs de fa cour , aborda fur les côtes d’Afrique,
fit affez infrudueufêment quelques courfes , fe remit
en mer , fut accueilli par une violenté tempête, & eut
beaucoup de peine à retourner en Portugal, L'inutilité
de ce voyage eût dû le guérir de ces romanëf-
ques idées ; mais il fè croyoit trop obligé de détruire
les infidèles pour renoncer fi facilement aux déflrs
qu’il aVoit fl long - temps confervés ; il ne cherchoit
qu’une occaflon de repaffer en Afrique, & fon malheur
voulut qu’elle fe préfentât. Muley Mahamét,
roi de Fez , de Maroc & deTarudant , détrôné'par
Muley Mo-ach fon oncle , pafla en Europe , alla
demander du fecours au roi d’Efpagne, qui n’eut
garde de foi en accorder , puis s’adrefla au roi de
Portugal, auquel il céda Arz'le, jadis conquis fur les
Portugais. Séfajlien perfuadé que c’étoit là une
©ccafion d’allep éiendre fes conquêtes en Afrique ,
s’ engagea à fournir les plus grands fecours à Maha-
met, &fi: tous fes efforts pour s’aflurer, dans cette
guerre , de l’alliance de Philippe I I , roi d’Efpagne,
qui tenta tous les moyens poflibles de le détourner
de cette folle & téméraire entreprife. Il fut puiffam*
ment fec. ndé par la reine Dona Catherine & par
k cardinal Henri ; mais leurs remontrances ne firent
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que l’affermir encore plus dans fon projet. Philippe II
n’ayant rien pu gagner fur fon neveu, promit de
lui fournir cinquante galères & cinq mille hommes.
Animé par ce petit fecours, Sébajlien ufà de toutes
les reffources pour fe procurer les fonds nécef-
faites à cette expédition ;. il leva une armée aufli
nombreufe qu’il lui fut poflible ; il refta inébranlable
malgré toute la vivacité des follicitations du roi
d’Efpagne, des grands de PorfUgal & du péuple-réunis
pour le conjurer de ne point entreprendre cette
guerre. Le roi de Maroc, lui-même , inftruit des préparatifs
de Sébajlien , lui écrivit, 6i après lui avoir
expofé les raifons qui favoient contraint de détrôner
fon neveu, qui, par fes vices & fa tyrannie, avoit
foulevé fes fujets , lui confeilla de ne pas entreprendre
de le rétablir , & fit prier par des ambafladeurs
le roi d’Efpagne , de détourner fon neveu de cette
guerre , qui lui feroit inévitablement funefte. Sébajlien
ne fit feulement point fie réponfe à Molach , & s’embarqua
avec fes troupes , quelques efforts que l’on
fît pour l’en empêcher. Ce qu’on avoit prévu arriva;
Muley Molach , inftruit de fon approche , fe mit à
la tête d’une armée de foixante mille chevaux &.
de quarante mille fantaflins , & marcha Contre les
Portugais. Les deux armées fe rencontrèrent aux environs.
d’Alcaçao-Quivir , près du gué de la rivière
de Luc. La plûpart des officiers portugais opinèrent
pour la, retraite , par l’impoflibilité qu’il y avoit de
forcer une armée aufli nombreufe" & poftée aufli
avantageufement. Quelques - uns dirent qu’il falloit
donner la bataille, non qu’ils fuffent affûtés de vaincre
, mais garce qu’ils regardoient le combat comme
néceffaire., ne doutant point que les ennemis ne les
y forçaffent .bientôt. Le général de Mahamet vou-
ïoit que, fans combattre ni fe retirer, on fe retranchât
dans le lieu qu’on occupoit, de manière à ne
pouvoir être attaqués, parce qu’il fe flattoit que fî
Molach, qui, quoiqu’à la tête de fon armée , étoit
malade, venoit à mourir , la plûpart des Maures qui
combattoient pour lui , s’emprefferoient de recon-
noître Mahàmet, & de lui rendre la couronne. Cet
avis étoit le plus fage , mais il fût rejetté par Sébajlien
qui voulut qu’à l’inftant même , on donnât le fDnal
du combat. Le cherif le pria du moins de différer
jufcjua quatre-heures de l’après-midi , afin qu’en cas
d’événement malheureux, on pût fe retirer à la faveur
des ombres de la nuit. Le roi de Portugal traita
cette précaution de lâcheté , & perfifta ; le lignai fut
donné ; les deux armées s’ébranlèrent, & en vinrent
aux mains. Dès le commencement de l’a&iop, Sébajlien
reçut un coup de feu à l’épàule ; mais, quelque vive
que fût la douleur , elle ne l’empêcha point de charger
à la" tête de la cavalerie. Molach monta aufli à
cheval, & le fabreàla main, tenta de fondre furies
Chrétiens; mais il s’évanouit, &fes gardes le reçurent
dans leurs bras ; on le porta dans fa litièreoù
il expira un moment après, portant le doigt à fa bouche
pour recommander le fecret ; fa mort ne rallentit
point le feu du combat ; fon armée enveloppa celle
de Mahamet ; les Allemands , les Italiens &. tes
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CafBUans fe battirent très-courageufement ; Sébajl'fcn I
fit des prodiges de valeur , mais fut ttès-mal feçondé
par l’infanterie portugaife, qui, difent tous les h;fto-
riens qui ont parlé de cette aétion , fit fort mal ion
devoir. Le defordre fe mit dans larmee des Chrétiens
; ils lâchèrent le pied, fe débandèrent, &. furent
entièrement défaits ; la plûpart furent mafîaerés , foit
dans le combat, fôit dans leur fuite. Sébajlien entoure
de quelques fe ign eu rs fe défendoit avec la plus
héroïque valeur ; mais à la fin les Maures 1 enveloppèrent
, le ferrèrent de fi près , qu’ils lui oterent
fon épée , fes armes , . fe. difpu.erent entreüx a
qui l’auroit en fa puiflance : un de leurs généraux
accourant , & , furieux de' ce J g jg fe battoient pour
un prifonnier , déchargea un fi terrible coup de ..
cimeterre fur Sébajlien , qu’il le blefia a la teiè, au-
deflbus de l’oeil droit , & le . rçnverfa de cheval ;
enforte que les Maure:- , furieux de n avoir pu fe .
rendre maîtres d’un prifonnier dont ils avoient ef-
péré une grofle rançon , achevèrent de le tuer. C eft
ainfi que racontent'la mort de ce fouverain quelques
hiftoriens judicieux ; la plupart des autres difent
, mais fans preuves :, ni vmifemblance , quà
force de valeur , il s’étoit fait jour a travers les vainqueurs
; qu’enfuite, fait prifonnier, il fut dégagé par
quelques-uns des Tiens ; qu’il prit le chemin de la
rivière,, & que ce fut là'que les Portugais, échappés
au maflacre, le virent pour la dernière fois Sébajlien
fut-il tué où fur vécut-il à fa défaite? Cette queftion
n’a jamais été décidée-, quoiqu'il y ait la plus grande
apparence que , fougueux & intiepide autant qu il
l’etoit , il le fit maffacrer. Cependant , l’opinion
contraire prévalut fi f o r t q u ’il parut dans la fuite
plufieurs impofteurs, qui prirent le nom de Sébajlien,
perfuadèrent le peuple & excitèrent des troubles.
La foperftition s’eft mêlée à cette folle opinion , &
il exifte encore des Portugais, qui > quoiqu ils ne donnent
d’ailleurs aucune preuve de démence, font pourtant
fort intimement perfuadés que Sébajlien vit, &L
qu’il eft miraculeufement confervé. A la vérité, ils
ignorent où il exifte ; mais ils n’en croient pas moins ,
qu’un jour il paraîtra & remontera fur le trône.
Cette, feéle très-abfùrde , porte le nom c « Sébajlia-
nijles ; fans doute elle fe fonde fur ce que Sébajlien,
perfuadé de. là fainte fureur d’exterminer ‘les infidèles
, a difparu dans une bataille livrée contre les
ennemis de là foi. Au refte Sébaflien ^éxït en 1578,
dans, la' vingt-cinquième année dé fon âge dans
la vingt - troifiéme de fon règne ; for» imprudente
valeur l’engagea à fe facrifier ôi à facrifier fes fujets ;
il épuifa fon royaume d’hommes &. d’argent ; il
fit périr la plus grande partie de la noblefle por.tu-
eaife, qui l'avoit compîaifamment fuivi en Afrique,
& fa rare valeur aboutit à rendre un objet de pitié
ce- même royaume , qui étoit fi floriffant & fi riche
à la mort de Jean III, fon prédéceffeur. ( L. C.)
Sebastien , f Jean Truchet ) plus connu fous le
nom du P. Sébajlien , carme , ( flijl. Litt. mod.') de
î’Académie des Sciences, machmifte célèbre^, naquit
à Lyon en 1657, & entra chez, les Carmes à l’âge
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xle dix-fept ans ; il fe forma dans le cabinet de M. de
Serviere à L ÿon, objet dé curicnté alors pour les
voyageurs & les étrangers. Charles II , roi d Angleterre
, ayant envoyé à Louis XIV , les deux premières
montres à répétition qu’on eût vues en France , ces
montres 's’étant défangêes , ne. pouvant s’ouvrir
que par un feeret, l’horloger du roi né put y travailler,
faute de favoir les ouvrir ; on alloit les 1 envoyer en
Angleterre , lorfque cet horloger, qui connoifloit le
génie du P. Sébajlien pour la méchanique , indiqua
le jeune carme, comme feul capable d ouvrir les montres
: en effet, il les ouvrit & les raccommoda y mais
fans favoir qu’il travaillât pour le roi. « Quelque
» temps après’, dit M. de Fontenelle, il vient, de la
„ part de M. Colbert, 'un ordre au P. Sébajlien de
» le venir trouver à fept heures du matin d’un jour
jj marqué ; nulle explication fur le motif de cet ordre ,
jj im filencé qui pouvôit caufer quelque terreur. Le
jj P. Sébaftien rie manqua pas à l’heure. Il fe prefente
» interdit & tremblant ; le miniftre.. . . le loue fur les
jj montre:, lui apprend pour qui il a travaillé.... lui
j j donne $co liv. dé penfion, dont la première année ,
jj jelon la -coutume. de ce temps là , lui efl payée le
j) même jour». Il n’avoit alors que dix-neuf aris. Ainfi
encouragé le P. Sébajlien fiedes .progrès rapides, &
fe diftingua fur-tout par des travaux utiles. Il fournit un
grand nombre de modèles pour differentes^ manu-
faéfures, pour les proportions des filières des tireurs
d’or de Lyon , pour k blanch.ffage des tciles-à-Senlis,
pour les machines des monnoies de France ; il ébaucha
l’art perfeéfionné depuis de faire des mains artificielles
dont on puifle fe fervir. Le cznr Pierre Ier »
vint voir le P. Sébajlien , ÔC voulut boire avec lui
dans le même verre.
Le P. Sébajlien imagina pour le duc de NoailI.es,
qui faifoit la guerre en Catalogne, de nouveaux canons
, qui fe portoient plus aifément for les montagnes ,
& fe chargeoient avec moins de pbudre ; c’eft lui qui
a inventé une machine pour tranfporter de gros arbres
tout entiers fans les endommager ; de forte, dit M.
de Fontenelle , que du jour aru lendemain , Marly
changeoit de face , &L étoit orre- de longues allées
arrivées de la veille. Il fit aufli pour Marly , divers
chefs-d’oeuvres de méchanique, dont M. de Fontenelle
donne une defeription agréable , mais qui n’étoienc
que de . curiofité , comme l’ont -été depuis certains
ouvrages de Yaucanfon. Au renouvellement de 1699,
le P. Sébajlien fut nommé un des honoraires de l’Académie
des Sciences. Il mourut le 5 Février 1729.
-M. le Prince difoit de lui, qu’il étoit aujji Jimple que J ’es
machines-.
SÉ8ASTOCRATOR , f. m. (Emp. de Çanflantinê)
M. de Fleury emploie ce mot dans fon Hijl. Eccttjiaf-
tlque , tome. XVÏIL C’étoit le nom d’une dignité à la
cour des empereurs de Conftantinople. Le fébajlo-
crator étoit inférieur au defpote ; mais c’étoit Une
charge de Javeur que -l’empereur ne donnoit qu’l des
favoris ; ils portoient des ornêmens & des v’êtemen
particuliers, pour marque de' leur dignité. ( Û. J .)