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M. de Tiliemont, les fait remonter jufqu’à l’an 7
de Jefus-Ghrift, & leur donne pour premier auteur
Judas, dit le galiléen, qui s’affoeia un pharifien
nommé Sadoc. Vers ce même temps Quinnus, gouverneur
pour les ronia ns, de la Syrie & de la Judéc ,
crut devoir o donner une cftiniation des bieris, pour
régler les tributs que chacun devoit-payer aux romains.
Julas &_ Sadoc fermèrent une faétion pour s’y op-
pofer. Cette-eft.mationdifoient-ils , étoit une véritable
fervitude , & en eile-même, & dans Ion objet
il ne falloit point d’eftinaation, puifqu’il ne
fal oirpoint de tributs , & nul n’avoit droit de rien
ordonner, puifqu’on ne devoit obéir qu’à Dieu. Ce
langage n’étoit que trop féduifant pour le peuple
& excitoit en divers lieux des foulèvemens. Cependant
Judas le galiléen fuccomba ^ p é r t, 5c les
partiians furent difïîp'és , au moins 3>pir quelque
temp-, C’eft cependant à lui Sc à Rp^&rine que
Jolephe attribue tous les maux qui fondirent en fuite
fur la Judée, & qui ne finirent que par la ruine
en ière du peuple juif.
Judas le galiléen laifla une poftérité digne de lui.
Jacques-& Simon les - fils furent crucifiés fous le
règne de l’empereur Claude, pour avoir renouvelle
des troubles qui, après un certain intervalle, recommencèrent
encore fous Néron , & furent entretenus
par Manaïm , autre fils de Judas le galiléen j
ces derniers Troubles n’eurent plus- d’autre terme
que la prife de Jérufalem par Tirus ; Eléazar petit-
fils de Judas le galiléen, y périt le dernier.
Manaïm s’étoit fait chef de voleurs & cTaflaflins ,
Sc ces afl'afinis étoient les Z é la te u rs ; ils s’emparent
d’un château qui avoir fervi d’arfenal à Hérode ,
ils en prennent toutes les armes , ils entrent en
tiiomphe dans Jérufalem', & l’apôtre de l’égalité,
Manaïm, fe préfentè dans le temple en habit royal,
les féditieux le proclament roi 5 • cepcndanr il fe
forme divers partis qui prennent les armes les uns
contre les autres j Manaïm eft mis en fuite, fait \
prifonnier & maflacré $ Eléazar fon neveu lui fuc-
cède.
Pendant la guerre que Vcfpafien commença contre
les juifs, & que Titus acheva, les Z é la te u rs
& tous les voleurs leurs aflociés accoururent en foule
dans Jérufalem, fous prétexte de défendre cette
ville contre les romains, mais-en effet pour 11 ty-
rannifer & pour la piller. On balançoit encore
entre la paix 5c la guerre, lés vieillards ôc les gens
fages ofoient propofer la paix ; une jeuneffe brillante
5c audacieufe ne demandôit qu’a fe précipiter
dans tous les hafards de la guerre. Les Z é lateu rs
qui mettoient dans le trouble feul toutes lçuis
efpérances, firent rejetter comme honteux tous
les confeils prudens ; la guerre fut réfo’ue; alors,
dirent Jofephe 5c Tiliemont, tous fe mirent à pi 1er
à voler, chacun dans fon canton, ils exerçoient
pHVçrtçipeQC leufs brigandages dans foute la cam- (
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pagne, 5c ne faifoient pas moins de mal que leS
armées romaines.
Lès Z é la te u r s , entrés dans la ville,, y continuèrent
les mêmes brigandages , & comme on ne s’op-
pofoit point à eux, n’y. ayant point de jnqgifttat
qui eut allez d’autorité pour les-réprimer, l'impur
nité augmenta leur nombre & leur infolencc. Ils
fe mirent à piller les mutilons, 5c parce -, qu’on le
fouffric j ils en vinrent jufqu’à tuer publiquement
en plein jour les pe Tonnes les plus illuftres. Ils
commencèrent par Autiras, Levias & Soplias-, tous
trois du fan g royal & fort pniiîans, qu'ils accu-
foient de vouloir livrer la ville aux rojTnfas. Ils fc
faifirent d’eux 5c les traînèrent par le milieu de la
ville à la prifon. Tout le monde fut faili d tfïrôi
à ce Tpcôtacle; -rouis pcrlanne n’ofa les défendre
chacun ne penfanc qu’à fe. fauver pour périr un peu
plus- tard. Ainfi la lâcheté du peuple augmentant
la hardie If e des Z é l a t e u r s , ils tuèrent ces .princes
dans la prifon, fans fe mettre en peine dé vérifier
les dcfleius dont ils les préteudoient coupables. »
Ils avoient eu foin de femer par toute forte d’ar-*
tificcs les -foupçoâs & la défiance entre les.citoyens
qui pouvoient avoir quelque autorité ou. quelque
pui lance, &.d’empêcher par-là leur réunion contre
les brigands Ôc les* auteurs du défbrdre.
» Enfin voyant que le peuple commençoic à fe
foulcver contre, eax à la. perfuafîon du . pontife
Àn;snus., ils fe re irèrent dans le temple pour poÉ-e
ter leur fureur contre Dieu même , 8c pour faire
de ce lieu de fai tecé une citadelle 8c une retraite
de veleu s. Ce lieu ne fut plus:, depuis .ce temps^
là jufqu’à fa deftruéUon, qu’u1 théâtre de guerre;
& un lieu de carnage 8c de meurtres, ou l'on ré-,
pandoic le fang, non des viéltmes offertes à Dieu,-
mais des hommes immolés à l’ambition, àlaven-i’
geance 8c à la cruauté des plus fcélérats, . .. .
- s* A cette abomination les Z é la te u rs en joignirent
une autre , qui fut de faire un pontife par le;
fort, fous prétexte qu’on l’avoir fait autrefois. . . ••
Le fort tomba fur un Phannias, homme tout-.à-fait
indigne de cette- place, 1 qui ne favoit pas meme ce:
que c’étoit que le pontificat & qui ne connoifibit;
que la campagne où il avoit toujours vécu.. . : I.s
firent venir ce Phannias malgré lui, le revêtirent
de la robe facrée , 8c lui apprirent à faire les fonc-,
tions plutôt comme un aéteur de théâtre que comme
un véritable pontife. Cette impiété, étoit pour eux
un jeu 8c un divertiflement, 8c pour les autres prç-»
très un fujet de gémificmens 8c de larmes. ,
Cependant; le vrai pontife A nantis harangue le
peuple & le foulève contre ces ennemis de Dieu „
il y eut* entre le peuple 8c les Zé lateu rs divers,
combats. Ceux-ci ne fe fentant pas les plus forts ,
appçlèrcnt les Jdumécps, $c lepr Quvrirept les porçes,
alors la ville fut remplie de carnage & d’horreurs,
çn fit du peuple une avfreufe boucherie, » Mais
pour les pe fon nés de qui'ité&c les jeunes gens propres
à porter les armes , l’es Z é la te u rs les mettoient
en prifon r’zns l’cfpérance de les forcer à entrer
dans leur fadion. Jol-phe affaire néanmoins qu’il
n’y en eut pas un feul qui n’aimât mieux fouffiir
la tno't que de s’unir avec ces méchans’pour la ruine
de leur patrie. »
Les Z é la te u rs 8 c les idoméens, pour fe venger
de leur fermeté, ne fe contentèrent pas- de leur
ôrer Ja vie'comme aux autres’: « ces tigres leur
faifoient foaffrir auparavant tous les tourmens imaginables
, & ne leur accôrdoient la grâce de finir
Leur vïé par l’épée, que lorfquè leurs corps accablés
fous le poids de leurs douleurs , étoientincapables
'd’en, plus reflentir. Ils tuoient la nuit
Ceux qu’ils avoient pris durant le jour , Sc jettofant
dehors les corps des morts pour vuider les prifons 5c. y faire place à d'autres.
» Là frayeur du peuple étoit fi granle, que per-
fpnne n’ofoit ouvertement ni pleurer ni enterrer
les proches & fes amis. Pour répandre des larmes
&. poufier quelques foupirs, il falloit s’enfermer
dau.Sj les mai fon s 8c regarder auparayant de tous
côtés fi l’on n’étoit vu U entendu de per forme ,
parce que la pompa fil on paiïoit pour un crime capital
dans i’efprit de ces mon lires en cruauté, Sc
l’on ne ponvoit pleurer les morts fans- perdre la
vie. Tout ce que l’on pouvoir faire étoit de couvrir
d’un peu de terre ces corps fi inhumainement
malTacrés. G for y en jeteer en plein jour palToit
/pour une aébon de courage tout extraordinaire.
Ç’efi ainfi que douze mille hommes d’une naif-
fance noble , & qui étoient encore dans la vigueur
de leur âge, périrent miférablcment par la
cruauté de ces furieux. »
Ce fut vers ce temps que les Z é la te u rs voulurent
faire juger, c’efl-à-dire condamner Zacharie , fils
de Baruc, 8c que n’ayant pu y réuflir, ils le maf-
facrcrent comme nous l’avons rapporte à fon article.
Les iduméens eu'x-mêmes eurent horreur de
tant de crimes, & quittèrent les Z é la te u rs qui
n’en furent que plus libres de fe livrer à toutes
leurs fureurs.
» Il fembloit, dit encore M. de Tiliemont, que
lés Z é la te u rs eufient entrepris de renverfer routes
tes lûix de Dieu de là-nature, il ne leur ref-
toît dans le coeur aucune trace de quelque bien
que ce fut > mais l’humanité & la compalfion én
étoient encore plus bannies que tout le relie. 3>
Les Z é la te u rs reliés feul’s fe divifèrent, c’eft. ce
qui arrive prcfque toujours & prefque nécefiaire-
ment aux niéchans & aux fiaétieux. Les mêmes
pafi.lo.ns qui lés pouffent à la révolte, les empêchent
de s’accorder entr’éux 8c de vivre en paix;
H i j lo i r e , Tome K*
Jean de GMçala , Simon , fils de Gioras, Eléazar,’
petit-fils de. Judas le galiléen , furent à la .tête de
trois partis différens tou jours armés les uns contré
les autres , & tous trois fe d’ifputant de cmàùté
comme .d’ardeur pour le pillage.
Tel étoit l’état de la Judée & de Jérufalem iorf*
que les romains’vinrent en faire la èonqu’ece 8C
en coiïfomiTier la ruine. « Au milieu de tant d’en-
nerriis, le peuple de Jérufalem étoit comme une
proie qüé plùfiéùrs bêtes déchirent chacune de leur
côté. Les vieillards 8c les femmes faifoient des
voeux pour les romains, & fouhaitoient d’être délivrés
par une guerre étrangère, des miferes que
cette guerre dt'meflique leur faifoit fouftrir.. . . . .
Ils ne voyoient rien qu’ils pulfênt ni faire ni efpé-
irer pour erré délivrés de tant de maux. Ils'n’âvoîent
pas feulement le moyen de s’enfuir, parce que
tous les palTages étoient gardés, les chefs de faâions
fi bppefés dans tout le relie, confpirarit à traitée
comme ennemis tous ceux qu’ils foupçonnoient dé
'c vouloir rendre aux romains... ♦ comme on n’ayoie
plus d’efpérance, on n’avoit plus auflï ni courage
ni foin de quoi que ce fût.
Titus, après avoir remporté fur les juifs divers
avantages , leur donna quelques jours de relâche
pendant lefquels il leur offrit le fpeâacle d’une revue
générale.de.fon-armée ; » elle leur parut fi belle
& en même temps fi terrible que les féditieux
mêmes, à ce que croit Jofèphe, fe feroient alors
portés à fe rendre , s’ils enflent pu efpérer le pardon
de tant de maux qu’ils avoient faits â leurs
concitoyens; mais ils a moient mieux périr les
armes à la main, que par l’épée' d’un bourreau.
On prit donc le parti de perfévérer dans une
réfiftance opiniâtre & bientôt la famine étala toutes
les misères. Les malheureux juifs étoient réduits
â aller chercher jufques dans les égouts , « & à ra-
maiTer pour fe nourrir, de vieille fiente de boeuf
ou,d’autres ordures dont la feulé vue fait horreur»
Car leur faim enragée les contraignoit de tour
prendre , même ce que les plus laies animaux fou-
leroient aux pieds. Ils mangeoient jufqu’au cuir
de leurs câi tures, de leurs fouiiers 3 de leurs boucliers
, des relies de vieux foin, des herbes pourries.
. . . S’il fe trôuvoit la moindre chofé à mander
dans une maifpn , c’étoit une guerre effroyable
& les plus grands amis fe jettoicnt les uns fur les
autres pour Ce l’arracher.
» La famine dévoroit des familles entières. Les
mai fon s étaient pleines des corps morts des femmes
& des enians, & les rues , de ceux des Vieillards.
Les jeunes , tout enflés &'tout ianguilfans, alloicn:
en chan.cel.ant à chaque,pas, dans des piaees publiques...
P n les auroit plutôt pris p©ur,;dés! fôeâres-:
•que pour des p'erfqpnes- .vivantes , &.i)s.to;mbqk:nt,;
bientôt rfiorts paftout 011 les forces leur manquoient.
V v y v