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jette un regard fur l’ordonnance des deux armées,
OC dit : la v'tiïoirc eflà nous. Cette vi&oiVefut com-
plette, Tigrane s’enfuit dès le commencement de
1 aélion , 8c voyant fon fils accompagner, fa fuite,
il détacha en pleurant fon diadème & le lui remit ,
en 1 exhortant a fe fauver comme il pourroit pgr un
autre chemin. Quel étoit le fens & le but de cette
aâion ? Remettoit-îl d’avance a Ton fils une couronne
qui tomboit de fa têtè / o ù jugeoit-ii ; qu’il
vaîoit mieux expofef Fe fils du roi à être pris, que
le roi lui-même ? Le fils fentit le danger de cet ornement
, 8c en chargea un de fès plus fidèlès fèrvi-
téurs , qui fut à i’inftant pris & conduit à Lucullus. j
La Cavalerie Arménienne fut détruite, & il refta
fur la place plus de cent mille hommes de l’infanterie
Tlërane^ Üfi ^ part dos Romains p il n’y eut,
dit-on , que cinq morts & cent bleffés. Lucullus fe
couvrit d une gloire éternelle, ,on remarqua fur-tout
en lui le talent fmgulier de varier le genre de guerre
fuivant l’ennemi qu’il avoit à combattre. L’aéiif &
ardent Mithrîdate, il l’ayoit confumé en temporifant,
en traînant la guerre en longueur. L’indolent & négligent
Tigrane , il l’avoit ruiné tout d’un coup ,
par une précipitation raifonnée , & en ne lui donnant
p.as le temps de fè reconnôxtrc. Il avoit fu tirer parti
également, 8c d une lenteur aéùve 8c d’une célérité
fans imprudence.
Mithridate , qui n’avoît éprouvé que la lenteur ,
y fut trompé, il crut que Lucullus en uferoit avec
Tigrane comme avec lui ; il ne fe preffa point de
joindre fon gendre , il marchoit à petites journées,
iorfqu’une troupe d’Arméniens, nuds & bl&fîes, fuyans
de toutes parts avec effroi, lux apprit la déroute de
Tigrane , il le trouva bien-tôt lui-même dans le plus
trifte état d’abandon & de misère. Loin d’infuiîer
* fon. malheurcomme Tigrâne avoit précédemment
infulté au fien par un accueil indigne, il lui témoigna
toute la tendreffe d’un beau-père, & lui rendit tous
les refpeéfe dus au malheur1-, il pleura fur leurs communes
d.fgraces, 8c lui fit envifâger des reffources,
il lui donna Ta'garde, le fit fervir par fes officiers
le eonfola , l’encouragea , releva fes efpé rances, ils
recherchèrent l’alliance du roi des Parthes , qui
paroiffoit difpofé à la leur vendre & à leur fournir
des fecours contre les Romains , moyennant la
ceffion de la Méfopotamie. Lucullus prit 8c détruifit
Tigranocertî, & menaça bien-tôt Artaxate ; mais on
trouva qu’il n’avoit pas pourfuiyi Tigrane avec allez
d’ardeur , 8c il fut foupçonné d’avoir cherché à
pro’onger la guerre pour conferver fon commande- ‘
ment j il remporta encore devant Artaxate une
viâoire Tignalée fur Mithridate& Tigrane réunis,&
il alloit terminer la guerre par la prife de çette place ,
8c par là réduéfion de l'armée , lorfque l’efprit de
rév.pite le mit dans fon armée , & vint traverfer
fes defFeins. Mithridate 8c. Tigrane relpirèrent 8ç fe J
réunirent. Le premier recouvra tout fon royaume,
mais bien-tôt vain.cu & chaffé par Pompée , fuccef-
fftur de Lucullus ) défait & détruit entièrement dans I
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h ce combat n oélurne, dont Mithridate fait la defcrip4
htion dans la tragédie qui porte fon nom :
Je fuis vaincu. Pompée a faifi l’avantage
D une nuit, qui laîffoit peu de place au courage*
Mes fbldats prefque nuds, dans l’ombre intimidés
Les rangs de toute part mal pris & mal gardés,
Le désordre par-tout redoublant les alarmes,
Nous-même contre nous tournant nos propres armes^
Les cris que les rochers renvoyoient plus affreux ,
Enfin toute l’horreur d’un combat ténébreux ;
Que pouvoit la valeur en ce trouble funefte ?
Les uns font morts, la fuite a fauvé tout le refle.’
Il fè vit réduit a demander de nouveau un afyltf
a Tigrane, fon gendre. On n’imagineroit jamais quelle
fut la repcnfe de Tigrane ; ce fut de mettre à prix
la tête de fon beau-père, après avoir fait mettre fes
ambaffadeurs en prifon. Cette conduite avoit un motif,
& elle avoit un pretexte différent de ce motif.
Le roi d’Arménie avoit eu trois fils de la fille de
Mithridate. Pere aufii cruel & auffi dénaturé que
Mithridate lui-même, il en avoit fait périr deux fan*,
fujet, dit-on ; cependant :
Quel père de fon fang fe plaît à fe priver i
Le dernierqui reftrit, nommé Tigrane comme
lux, pour fe dérober à fa cruauté, fe retira chez
Phraate, roi des Parthes, dont il avoit époufé la
fille. Phraate le ramena en Arménie, à la tête d’une
armee , 8c ils affiégèrent Artaxate ; Tigrane le père ,
battit & chaffa fon fils qui alloit fe retirer auprès de
'Mithridate, fon grand-père , lorfqu’il apprit qu’il
etoit réduit lui-même à implorer la proteélion de
Ton gendre, Tigrane le jeune prit alors le parti de
j? m i f0^ ce|'e Pompée, qui la lui accorda ,
&. alloit fe fervir de lui pour porter la guerre ea
Arménie. Le prétexte donc que prit Tigrane pour,
accabler ainfi Mithridate danà fa difgrace , fut que
Mithridate appuyoit la révolte de Tigrane le jeune ,
ce qui étoit âbfôlument faux, mais fon véritable
motif éroit le defir de défarmer Pompée dont il voyoit
la puiffance abaiffer toutes les puiffances. Plein de
ce deïlèin , il trouvoit que la funefte . amitié de
Mithridate , comme Mithridate le dit lui-même,
pefoit a fès amis 8c a fes alliés. Tigrane entra dans,
le camp des romains, fans prendre aucune précaution*
& remit 8c fa perfonne & fa couronne à la difcrétior»
de Pompee, l’affurant avec des flateries auffi baffe*
que celles dont on 1 avoit lui-même . enivré fi longtemps,
que de quelque manière que Pompée décidât
de Ton fort , il fer oit toujours content 8c fournis 4
fis, volontés.
Mox ipfe fupplex bproefens, dit Velieïus Paterculus*
fs rcgnumqite ditïoni ejus pcrmijît, proefatus : ne mine n
a Hum ne que Romanurn , rieque alius gentis virant
futurum fuijje, cujus fe fidei commiffurus foret , quant
Cne'ium Pompeïurn. Proindè omafmfibi vel adverfim,
veifetuqdm, ùijus aitClor ille effetyfonunajn iolerabilen%
fututm,
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futamm. Non ejfe turpe ab eo yinci, (plein vihcere
effet ne f i s : neque ci inhonejle- âh'q uem funwihti, quciti
jfortunsi fuper omnes extukjjct.
Arrivé à cheval près de l’enceinte du camp, 011
lui fit mettre pied en terre , en lui disant que.jamais
•©n n’avoit vu d’etranget ■ pa'ffcr ;a ■ cheval dans^ un
•camp Romain. Tigrane obéit , 8c ôta meme son eg.ee
qu’il remit aux Satellites às Pompee j il voulut mettre
fon diadème aux pieds de ce general 8c lui embrâffer
•les genoux ; car le plus fier defpote eft toujours prêt
de devenir le plus vil efclave dans la m-auva se fortune.
Pompée rougiffant pour lui de tant d abaissement
, lui en épargna le plus qu’il put. Il s établit
juge entre le père & le fils pour les réconcii er, mais
i l fut d’abord choqué de ce que. Tigrane le fils,
ü’avoit donné à fon père aucune marque^ de relpect
pendant l’ entrevue , 8c l’avoit traité en étranger 8c
en inconnu. U les pria tous deux a fouper ^ le fils
refufa de s’y trouver avec fon père. Pompee, apres
avoir condamné Tigrane à payer tous les frais de
la guerre qu’il à voit laite aux Romains avec Mithridate,
8c à leur céder toutes fis conquêtes en deçà de
l’Euphrate, partagea l’Arménie entre le pere & le
fils ; le père fut content de fon partage : le fils, plus
difficile à fatisfaire, eflaya de s’échapper jpour aller
exciter de nouveaux troubles ; mais Pompee le fit
.garder à vue j enfuite ayant découvert des intngues
de ce jeune prince , tendantes a foui . ver la nobiêfle
d’Arménie contre le partage propofe, 8c a faire prendre
les armes aux Parthes, il le réferva pour fon
triomphe.
Phraate envoya des ambaffadeurs redemander fon
gendre, 8c repréfenter aux Romains que 1 Euphrate
devoit -être la limite de leurs conquêtes; Pomj.ee répondit
que le jeune Tigrane touchoit de plus près
a fon père qu’à Ton beau-père , 8c que les Romains
ne prenoient la loi ni le confeil de perfonne fur
l’étendue ou les bornes de leurs conquêtes. Tigrane,
le père, obtint le titre d’ami 8c d allie du peuple
Romain , titre qu’il avoit bien acheté. Le jeune Tigrane
fut mène en triomphe à Rome avec fa femme 8c
fa fille, à la fuite du char de Pompee , 1an 691
delà fondation de Rome. Clodius, ce tribun ennemi
de Cicéron , de Pompée & de tv,us les gemde bien,
effaya, ( on ignoré par quel intérêt & s’il avoit
d’autres vues que d’in fui ter Pompée ) de donner a
Tigrane les moyens, de fe fauver ; foupant un joùr
chez le préieur Lucius Flavius, a la garde duquel
Pompée avoit confié ce prince , il le pria de le faire
amener, il le fit mettre à table à côté de"lui, s?en
empara 8c refufa enfuite de le rendre & à Flavius
& à Pompée lui-même, il le fit embarquer pour
l’A fie, mais une tempête le força de relâcher à
Antium. Flavius & quelques amis de Pompée armèrent
pour le reprendre, il y eut à ce fujet entre
eux 8c les brigands de Clodius, un combat fur la
Voie Appienne , où l’avantage fut pour Clodius. Cet
événement arriva l’an 694 de Rome.
TILLADET , ( Jean-Marie de la Marque de )
Hifoire. Tome F»
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( ffifl. Put. m l ) de Taccadémie clés Informions
& Belles-Lettres, étoit fils de Français de la Marque,
& d’Angélique 'de Rivière ; il étoit né au château
de Tilladet en Armagnac. Le nom de la Marque eft
le même que celui de Marca . c’eft une des meilleures
maifons du Bearn, & M. de Boze , secrétaire de
facadémie dès Inforir tions ôt Belîes-Le.tfes, çb.eive
dans l'éloge de l’abbé de Tilladet , que rien n’eft
plus ordinaire dans 1a province de Bearn , ( on
pourroit ajouter : <5» dans beaucoup d autres pro+
vïnces) que cette diverfité de noms ou de terminaisons
des me nés norris dans une même famille. La maifon
de Rivière dont étoit la mère de l’abbé de Tilladet,
eft auffi la même que celle de Ribeyra , dont il y
a une branche confxdérable établie en Efpâgne.
L’abbé de Tilladet étoit né vers l’an 1650 ou 1651,
8c n’a jamais fu lui-même plus précifément l’époque
de fa naiffance ; les regiflres de fa paroiffe avoie î
été brû’és pendant les troubles, il avoit été Orphelin
de bonne heure , 8c éfoit forti de fon pays a^ un
âge où il ne favoit guères l’importance de cette époque
pour tout le cours de la vie.
Quand il voulut prendre les ordres , il fallut fup-
pléer à fon extrait-baptiflaire par des enquêtes juridiques.
Il avoit pris d’abord un état tout different, il
avoit fervi, il avoit fait deux campagnes , l’une dans
l’arrière-ban , l’autre à la tête d’une compagnie de
cavalerie. A la paix de Nim’égue , le dérangement
de fes affaires demeftiques , le força de quitter le
fervice , il vend t la terre de Tilladet, mit à fond
perdu ce qui lui refia , vint à Paris , entra dans
! l’oratoire, où fe livrant tout entier à l’étude , u
profeffa la philofophie 8c la théologie pendant quinze
| ans ; il fe retira enfuite au féminaire des Bons En-
fans , il prêcha -, il fie toutes les fonctions du Sacerdoce*
Il entra , en 170 1 , dans l’académie des Inscriptions
8c Belles-Le tres. Il y donna plufieurs favans
mémoires , parmi lefquels on diftingue un traité de
T éducation de la jcunejfe a Sparte ; des réflexions fur
Cambaffade du ju i f Philçn à Cdiguh ; des reflexions
fur le caiacière de quelques hifloriens ; divers
difeours fur la rnajeflé du sénat Romain ; fur les
conditions requif I par les loix , pouf obtenir a Rome
les honneurs du triomphe durant la république ; fur les
allocutions ou harangues militaires des empereurs., &c.
On donne les plus grands éloges au caraélèref
moral de M. l’abbé de Tilladet, on ne lui reproche ,
même dans les choies les plus indifférentes , ^ que
quelques d ftraélions cauféàs par fes profondes méditations,
ou plutôt onvne les lui reproche pas , on ob-
ferve feulement quil fe les reprochoit comme une
| imperfeéùon.
On croit que le travail abrégea fes jours ; que le
nouveau fyflê me de l’aélion de-Dieu fur lés créatures,
I excita en lui une émulation funefte , qui , t par Va
j excès d’étude 8c de méditations dans ce gen e métar
1 pbyfxque, objet de Ta prédik&on, le j «a dans un.