
montra l'cpitre a U ran ie à l’auteur Je la mc-yfade ; ’
& 1 auteur de la.moyfaJe & de tant d épigrammcs
licentkufes contre lès moines & les gens d'églife ,
donna fériêufement pour eau le de fa haine contre
V o lta ire fa contenance évapotée pendant la melfe,
& l'é p ïtre a Ura n ie . La vraie raifen de cette haine
n’étoit-eile pas plutôt le mot que V o lta ire eut la
franc hile de dire à RoülTeau fur (on ode à la p o j -
zérité , qu'elle n i r o i t p a s a fo n adrejfe. Rouiïeau ,
dit M. de Condorcet, le déchaîna conrre V o l t a i r e ,
qui ne répond t qù’après quinze ans de patience.
S’il eft ainfi , on peut dhe qu’il fe dédommagea
bien de ce long fî'ence, & que dès la première fois
il lui paya toutes fes dettes. Détournons nos regards
de ces loiblelfes de grands hommes.
En 1714 parut M a r iam n e . C’étoit le fujet A t te ndre
fous des noms nouveaux, & M. de V o lta ire
paroit s’être toujours fait un point d’honneur de
reproduire ainfi fous d’autres noms & fous des formes
nouvelles, celles de fes pièces qui, foit par l’effet
d’une cabale , (bit par d’autres caufes , n’avoient
pas été dignement accueillies , car plufîeurs de fes
tragédies, même du meilleur teins, font tombées,
mais aucune de celles qui ont été données jufques
& compris 1760 11’a mérité de tomber. Ad é la ïd e
du G u è f c lin , qu’une fotte pîaifantefie avoir fait
tomber dans l’origine, dégui fée depuis fous le nom
du d u c de F a ix , a été un peu mieux accueillie',&
redonnée enfuite fous (on premier titre , a fixé
tous les fuffrages & s’eft remife en poffeffion de toute
l’eftime qui lui eft due ; E r ip k ile a produit Semi-
ram is , qui , froidement accueillie d’abord , eft
devenue dans l’opinion publique V A th a lie de ce
nouveau Racine. Orefhe, combattu autrefois comme
S émir ami s & Rome fa u y è e par la cabale de Cré-
billon , p’ait aujourd’hui à tous les connoiffeurs
par cette (implicite grecque qu’elle retrace. M a -
r iam n e ,qui a donné lieu à cette énumération & qui
étoit A r tém ire corrigée , tomba d'abord , comme
A d é la ïd e , par une bouffonnerie du parterre , mais
elle fe releva & eut quarante répréfentations de
fuite.
La Henriade avoit paru en 1715 fous le titre de
poème de la l ig u e , & la France avoit enfin un poème
épique. Plus la raifon fera de progrès parmi les hommes
, plus cet .ouvrage aura d’admirateurs ; c’eft de
tous les poèmes épiques le feul qui ait véritablement
& fenfiblement un but moral, celui d’infpi-
rer l’horreur du fanatifme & de la révolte. Il en eft
de même des ouvrages de M. de V o lta ire dans
d’autres genres. Peu de tragédies , foit chez les
anciens , foit chez les modernes , ont aulfi dif-
tinélement un but moral & philosophique , que
certaines tragédies de M. de V o lta ire , telles que
M ah ome t , A l f i r e , P Orphelin de la Chine.
La gloire de M. de V o lta ire croifloit tous les
Jours, & ©n pouvoit déjà dire de lui :
De qui dans l’univers peut-il être jaloux % ....
Des rivaux ! dès long-tems Mahomet n’en a plus.
lorfqu’un événement fatal vint troubler fa vie.
« Il avoir répondu par' des paroles piquantes au
» mépris que lui avoit témoigné un homme de la
» cour, qui s’en vengea e n le faifant infulter par
» fes gens........ Ce fut à la porte de l’hôtel de
» Sully, où il dînoit, qu’il reçut cet outrage...
» Les loix furent muettes.. . . Le parlement garda’
» le filence. «
« V o l ta i r e , pourfüit fon lûftorien, voulut' prendre
» les moyens de venger l’honneur outragé, moyens
ss autorifés par les moeurs des nations modernes
»> & proferits par leurs loix : la Baftille, & au
»s bout de fix mois l’ordre de quitter Paris furent
» la punition de fes premières démarches. Le car*
ss dinal de Fleuri, n’eut pas même la petite poli-
ss tique de donner à l’aggrelleur la plus légère
ss marque de mécontentement, ss
V o lta ire fit encore à Paris un voyage fecret &
inutile, il vit trop combien il feroit aifé à fon
adverfaire & de l’éviter & de le perdre, il s’en-
fevelic dans la retraite, l’Angleterre fut fon afyle.
C’eft à ce féjour en Angleterre que .nous fommes
redevables des tragédies de B ru tu s & de la mort de
Céfar , des lettres philofophiques & de tant d’eM
forts que M. de V o lta ire n’a celle de faire pour
détruire les préjugés de toute efpèce , au nombre
defquels les uns voient avec douleur ; les autres
avec une joie autrefois fecrette , aujourd’hui plus
avouée, qu’il ait mis la religion même.
C’eft à ce projet utile & dangereux, la deftrudiorf
des préjugés » que M, de V o lta ire fe crut appellé ,
c’eft à l’exécution de ce projet qu’il confiacra tous
fes travaux , tous fes talens, & le raifonnement,
& la plailanterie , & le charme des vers, & les effets
du théâtre ; il .s’y livra tout entier , & c’eft là
proprement l’hiftoire de fa vie.
Il avoit dônné, en 1730, la tragédie de B r u tu s ;
Fgyiteneîle en avoit fait une en fociété avec Made-
moifclle Bernard. Ce B ru tu s étoit froid & foible ,
celui de M. de V o lta ire eft le plus fortement penfé,
le plus fortement écrir de fes ouvrages. Ce fut après
l’avoir vû que M. de Fontenelle dit à M. de V o lta
i r e qu’t/ ne le croyoit p o in t propre a la trag éd ie ,
que fo n f ly le étoit* tro p f o n , trop pompeux , trop
b r i l l a n t . . . . Je v a is donc lire vos p a f o r a le s , lui
répondit V o lta ire .
Que l’abus & la fauflê application des principes
les plus raifonnables font malheureufement faciles!
fans doute le ftyle de la tragédie ne doit pas être
trop fort, trop pompeux , trop brillant ; il ne doit
pas tenir de l’Epopée ni de l’Ode j il ' feroie trop
peu touchant 5 P h èd re feroit très défe&ueufe fi elle
étoit
étoit écrite par-tout comme le récit de la mort
d’Hippolyte.
Tdephus & P e le u s , cùm p a u p e r & exul uterque
, Projicit ampulîas & fefquipedalia verbà ,
Si curât cor fpeclantis tetigijfe qaereld !
Mais B ru tu s ne devoit-il donc pas,être écrit avec
cette énergie républicaine & romaine qui le di(-
tingue , & l’art d’écrire n’eft-ii donc pas celui de
varier-fon ftyle & de l’adapter à la nature de
chaque fujet, & comment le neveu de.Corneille
étoic-il infenfible à cette foule de traits du genre
& du mérite de ceux qui avoient immortalifé fon
oncle ? tels que ceux-ci :
Non, non, le confulat n’eft pas fait pour fon âge,
J’ai moi-même à mon fils refufé mon fuffrage....
Le prix de la vertu feroit héréditaire,
Bien-tôt l’indigne fils du plus vertueux père
Trop afluré d’un rang d’autant moins mérité,
L’attendroit dans l’opprobre & dans l’oifiveté.....
Vous avez fauyé Ro i e, & n’êtes pas content !...
Mon fils aü confulat a-t-il ofé prétendre
Avant l’âge ©ù les loix permettent de l’attendre?...,
Nousiommes de leur gloire un inftrument fervile,
Rejetté par mépiis, s’il devient inutile,
Et brifé fans pitié s’il devient dangereux.......
Vous êtes père , enfin.--Je fuis conÇiil de Rome....
Vous connoiffez Brutus , & l’ofez confoler !
M. de Condorcet nous apprend que l’élégie fur
la mort de Mademoifelle le Couvreur fut pouf M.
de V o lta ire le fujet d’une perfécution férieufe,
qui l’obligea dp quitter la, capitale. La liberté de
penfer, qui éclate dans cette pièce, & à laquelle
l’indignation & la douleur fembloicnt fervlr de
prétexte , étoit toujours fufpeâe au cardinal de
Fleuri, & lbs éloges donnés aux anglois (u( cette
liberté de penter fi gênée en France, lui étoient
extrêmement défagréables. Il étoit fort choqué de
ces vers :
. Quoi ! n’eft-ce donc qu’en Angleterre 4
Que les mortels ofent penfer !
, Exemple de l’Europe , ô Londre ! heüreüfe terre !
.Ainfi; que des 'tyrans vous avez fû chafier-
Les préjugés honteux qui nous livrent la guerre.
L’effai fur la poefie épique fut fait en Angleterre
& compofé d’abord en anglois. M. de Vol-
tà ire fit, ou par hazàrd ou à dëffein , à la H e n -
r ià d e un changement qui perpétua, la mémoire
'(qu’il aufôit fallu étouffer peut-être) de l’affront
impuni'qifil avoit reçu ,à la porte de l’hôtel de
JJiJloire Tome V .
,Sully» Le duc de Sully, qui pouvoit fe regarder
comme perfonnellement outragé par le choix du
lieu & du moment où (’outrage avoit été fait, n en
témoigna aucun r.effentiment & refufa d’embralfec
la querelle de fvIÉ'de V o lta ire . Quand on vit à la
fuite de cette querelle le perfonnage du fameux
;duc de Sully Rofny , ôté de la Henriade & rem-
p'acé par du Pieflis-Mornay , on attribua ce changement
à un efprit de vengeance -, & cette vengeance
ne parut ni jufte ni noble. En effet fi du
Pie (fis - Mornay avoit cédé la place à Sully , les
raifons de ce changement frapperoient tout le
monde, mais le changement contraire ne paroit
pas avoir d’autres motifs que ceux qu’on a foup-
çonnés : ce n’eft pas que du Pieflis-Mornay , fujet
fidèle & vertueiix , perfonnage d’un‘grand mérite
& d’un grand fa voir , n’ait eu à la confiance de
Henri IV Une part diftinguée ; mais il n’a pas eu,
comme Sully , toute fa confiance, il nvâ pas été
(on principal m:niflre , il n’a pas été fous ce
prince le roftaurateur des finances & le fauveur de
l’état, il 11’a pas été fon ami particulier, ée confident
de fes projets & même de fes foibleffes ; fa
vie entiè e n’a pas été , comme celle de Sully ,
confia crée ou au fervice ou au (bu venir de Henri
IV. Lé nom de Sul'y eft devenu inféparable de-
celui du roi fon ami, celui de Mornay s’en fépare*
& quand Mornay joue le premier rôle dans la Henriade
parmi les fujets du roi, & que Sully n’y.
paroit que caché dans la foule , fur-tout après y
avoir paru au premier rang , ç’eft une fingulatité
qui ne peut guères s’expliquer que par des intérêts
fecrets & que par des paffions particulières.
En 1731 parut ZüzV^., la^ tendre Z a ï re , la pièce,
la plus touchante qui foit au théâtre, la plus touchante
au moins de celles dont l’intérêt roule fur
l’amour. Il n’y a pas de jeune perfonne fenfîble
qui ne la fâche par coeur & qui ne la porte poue
ainfi dire gravée dans fon coeur, plutôt que dans
fa mémoire. Quand on voit M. de V o lta ire _ fe
vanter & fes amis le vanter d’avoir fait cette pièce
en dix-huit jours, on fie rappelle d’abo.rd que Boileau
fie vantoit au contraire d’avoir appris à Racine à
faire difficilement des vers j on fe rappelle ce mot
du milantrope :
Voyons, Monfieur, le tems ne fait rien'à l ’affaire.
Il faut avouer cependant que cette facilité plus
que prodigieufc, cet heureux talent de fai fi r d’abord
& comme par un premier mouvement dans la nature ,
ce qu’elle a de plus vrai, de plus exquis , de plus
touchant, cft un don du ciel dont on peut tirer
quelque gloire , & qui peut diftinguer avantageu-
fement, même parmi les gens de génie. Si c’eft
déjà un fi grand mérite de bien faire , faire aufli
bien* dans un teras donné, doit être un mérite
encore plus grand.
Les aCGompagneojens de Zaïre font aîmablès
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