
fongcr encore plus à fa réputation. Ce mot ne pou voit \
avoir d’au ire objet en cette occafion que de recommander
aux juges une équité plus voifi.ie de la clémence
que de la rigueur. Les criminels furent conduits
au lieu du fopplicp, & , dans le moment où les
exécuteurs levoient le fer pour leur trancher la tête ,
un grand bruit fe fit entendre du côté du palais,
c ’étoit un courier qui‘apportoit leur grâce demandée
par l’Impératrice Flaccile, accordée par l’empereur,
& lignée par le jeune Arcadius , alors affocié à
l’empire , & auquel Ion père voulut donner cette
JLçon de clémence. « Plut-à-Dieu , difoit Thcodofe,
>» qu ll fût en mon pouvoir de reffufciter les morts !
C e mot lui fut rappellé bien à propos parFlavien,
•<évêque d’Antioche, au fujet de l’afFreufe fédition qui
s’éleva dans cette ville en 387 , à l’occafion de quelques
impôts que la guerre contre Maxime rendoit
néceffaires. ( Voye^ l'article Flavien. )
Tkéodofe né-oit poirft aveu’gîe dans la proteélion
qu’il accordoit aux chrétiens ; & quand leur zèle
devenoit éxceflif & ind-fcret , il favoit le réprimer.
Les chrétiens ayant brûlé une lÿnagogue à Callinique
dans la Méfepotamie, & un temple des hérétiques
Valentiniens dans le territoire de la même ville ,
Théodofe 3 pour réparer cette violation de la police ,
ÔL ces coups d’autorité privée n ordonna que l’évêque
. de Callinique , qui fans doute avoit provoqué ou
encouragé ces ailes de violence, rétabliroit la fyna-
' gogue à fes frais , &. que les incendiaires feroient
pun’s. Saint-Ambroife, qui jugeoit que cet ordre févère,
mais non pas in jufte , livroit la religion chrétienne
aux infuhes de fes ennemis, & que ceux-ci alloient
en triompher , parvint enfin avec bien de la peine à le faire révoquer.
En 390 , arriva le maffacre de Theffalonique ,
le plus grand événement de la vie de Théodofe,
crime qui auroit fouillé à jamais fon règne , s’il n avoit
été expié par la pénitence, & qui, malgré cette
pénitence, eft encore la tache de ce règne.
Bothéric , Gouverneur d’IHyrie , avoit un cocher
qui faifoit les délices du peuple de Theffalonique
dans les jeux du cirque , par la grâce. & l’adreffe
avec laquelle il conduifoit les chars. Cet homme,
corrompu par cette faveur populaire , & par l’importance
qu’on attachoit à fon talent frivole, avoit
une conduite fort déréglée & mérita, par fes défordres,
que le gouverneur le fît mettre en prifon ; le temps
des jeux du cirque approchoit, & le peuple, qui fe
faifoit un plaifir de l’y voir exercer fon talent , voulut
forcer la porte de fa prifon , fe jetta for l,es officiers
du gouverneur, qui voulurent lé réprimer, les traîna
dans les ruifleaux , en affomma plufieurs à coups de
pierres: le gouverneur étant accouru pour appaifer
le tumulte, y périt lui-même»
Cette nouvelle étant arrivés à Milan , où l’empereur
s’étoit arrêté à la fuite de fen expédition contre !
Maxime, & où plufieurs évêques tenoient un concile
fous la direéfon de Saint-Ambroife , archevêque de
«gtte yjüs 9 l’empereur, da-ns un de ces accès de colère
I auxquels il étoit fujet, ordonna de punir févèremênf
les coupables & d’étendre même fa vengeance fur
toute la ville. Cette dernière partie de fon ordre
étoit évidemment r jufte. Dans les troubles civils,
les gens de bien gémiffent eii filence & ne peuvent
rien* N’ayant point eu pan à la révolte , ils ne doivent
donc pas en avoir à tà peine. Sa:nt-Ambroife & les
évêques affemblés à Milan , appaisèrent l’empereur
& obtinrent grâce pour le peuple de Theffalonique ;
mais les courtifàns revinrent à la charge , ils dirent
à Théodofe que la licence des peuples croît par l’impunité
, que s’-il avoit puni Antioche, la révolte de
Theffalonique n’auiôit pas eu lieu , qu’il deviendroit
enfin la viÛinie de fa clémence s’il n’y mettoit pas
des bornes. En effet, l’art de régner confifte dans
un jufte tempérament, dans un mélange heureux
de - clémence & de rigueur ; mais quelle politique
affez fine , affez éclairée pour affigner avec précifion
les bornes rèfpeélives. de l’une & de l’autre, fuivans
l’exigence de tous les cas particuliers ? C’eft dans
cette jufte mefure que - confifte principalement l’art
de^ régner , & cet art eft difficile. Nous croyons
qu’en général on a toujours eu , on aura toujours
moins à fe repentir de la clémence que de la févérité;
Théodofe prit le dernier parti, il ordonna de tirer
une rgoureufe vengeance de la ville de Theffalonique,
il' y envoya des troupes & .abandonna les détails à
la conduite des chefs. Ces détails furent affreux. On
prépara la cruauté par la foui berie. On aùnonça une
• fête , ce qui rafikmbla tous les citoyens dans le
Cirque ; on commença par quelques courfes , & tout-
à coup, à un lignai donné , les foldats fè jettent for
l’affemblée, paffant tout au fil de l’épée, fans dfonction
d’âge, de fexe , de condition , d’innocence ou
de crime. On a remarqué parmi ces viélimés de la
fureur militaire , un père qui offroit fon bien & fa
vie pour fauver fes deux enfans qu’il avoit amenés à
cette fête fang!ante ; on lui dit que le nombre défigné
des viélimes n’étant pas rempli, on nè pouvoir fauver
qu’un de fes fils on lui en remit le choix, comme
fi un pareil choix n’étoit pas impoffible à un père,
il pleura, il balança ,.•& on les égorgea tous les
deux. On égorgea pendant trois heures entières, il,
périt environ fept mille perfonnes. Ce miffacre eft
au rang de ces grands crimes politiques, dont l’univers
a confervé la mémoire avec horreur. Lorfqu’on
en reçut la nouvelle à Milan , Saint-Ambroife en écrivit
à Théodofe, en évêque, en défenfeur né de l’innocence
opprimée & de l’humanité outragée; fa lettre étoit
tendre, refpeélueufe & véhémente ; il ne lui diSimula
pas que fon crime, ( car il l’appelle ainfi ) ne
pouvoit fe laver que dans 1<* larmes de la pénitence ;
il le menaça des cenfuresde l’églife. « Je rends hom-
» mage , lui dit-il, à votre pieté., à vos vertus ; je
n vous aime , je vous refpecie, je prie pour vous.,
n mais je le dis dans l’amertume de mon coeur,, je
99 n’ofe offrir le fàcrifice de l’agneau fans tache , fi
99 vous voulez y affifter. Ce qui ne feroit pas permis
n après le fang répandu d’un feul innocent, le fera-
» |-il après le carnage d’un fi grand nombre ?
Malgré eet âV’ertiffement, Théodofe, à l’inftiga-
fion de fes courtifàns , s’étant préfenté à l’églife un
jour de foiemnité , l’archevêque, en habits pontificaux,
vint l’attendre & l’arrêter au- delà du veftibule. « Vous
■© ne Tentez point, lui dit-il, l’énormité de votre crime ,
9) pHifque vous croyez avoir confervé le droit de vous.
» préfenter dans l’affemblée des fidèles ; comment'
n oferez-vous tendre ces mains encore foui'lees du
« fang innocent vers le Dieu de clémence & de
?> pureté , comment oferez-vous l’implorer de cette
» même bouche , qui a pu commander tant de
» meurtres ?
Théodofe étoit pieux , il n’ofa pas réfifter au mi-
niftre d’un Dieu irrité, il fe retira dans fon palais ,
où il refta huit mois entiers ', éloigné des faints myf-
tères, & menant une vie pénitente & mort fiee. La
fèt.e de noël approchoit, Rufin, un des principaux
officiers de l’empereur, le trouvant extraordinairement
abattu lui en demanda la raifon : « Je pleure ,
dit Théodofe, « en voyant que le temple de Dieu,
v ouvert aux mendians & aux efclaves , eft encore
9) fermé pour moi. Rufin , touche de la douleur de
fon maître, voulut fe faire médiateur entre Thcodofe
& Ambroife , il trouva l’archevêque infléxible. Eh
bien ] répondit le prince , j’irai me préfenter & je
recevrai l’affront que je mérite. Il alla trouver Ambroife
& lui demander ‘Pabfolution , le priant d’avoir égard
à fa pénitence. Quelle pénitence avez-vous donc
faite ? reprit Ambroife — C’eft a vous, dit Thcodofe,
à m’app^ndre ce que je dois faire. L’archeveque le
fournit à la pénitence publique comme le mointire de
fes fujets ; l’empereur fe dépouilla for le champ de
fes ornemens Impériaux , fe profterna for les marches
du veftibule , fe fournit avec tant de ferveur à
toutes les humiliations de la pénitence , & donna
tant de marques d’un repentir fincère , que Saint-
Ambroife crut pouvoir abréger le temps de fa pénitence
& le réconcilier à l’églife. Voila, s ecrient for
cela les écrivains eccléfiaftiques , voila le bel endroit
de la vie de Théodofe , voilà le titre qui lui mérita
le furnom de Grand. Ces moeurs font fi éloignés
des nôtres , que nous ne fommes peut-etre pas meme
en état d’en juger. J’ignore quel dégre d.humiliation
& de pénitence devoit être épargné à un prince
qui avoit pu ordon 1er tant de meurtres , jobferve
feulement que cette pénitence de Théodofe paroît avoir
fervi de rnodè’e à celle de Louis le Débonnaire &
de quelques autres princes , dans l’humilité defquels
on a cru voir trop d’abaiffement & de foib’.effe. « Un
y -roi, dit le P. d’Orléans, doit tellement humilier
n fa majëfté devant Dieu , qu’il ne l’aviliffé pas de-
99 vant les hommes. Mot excellent & ' digne d’un
fage.
Théodofe mourut à Milan dans pn autre voyage,
le 17 janvier 395 , dans les bras de Saint-Ambroife ,
qu’il pria de ne. le point abandonner. On l’a beaucoup
comparé, foit pour'les avantages extérieurs,
foit pour les vertus, à Trajan dont il defcehdoit.
Autélius Victor dit qu’il en avoit les vertus- fans
les défauté , Claudien l’a comblé d’éloges. Le Sophifte
Thémiftius, ( voyeç fon article ) met £ti-deffus
des plus grands hommes de l’antiquité ; Zofime 1 a
maltraité, Zofime étoit un payen zèle , Symmaque
payen comme lui, mais plus inftruit, & qui a'j5)lt
vu T héod ofe dé plus-près , lui a donné de juftes
louanges. Les auteurs eccléfiaftiques en ont fait un
faint ÔL leur héros particulier.
Ce grand Théodofe fut le père des petits & foibles
! empereurs Arcadius & Honorius ; il n’avoit cependant
rien négligé pour leur éducation. L’empereur
G'ratien & le pape Damale avoient été confultés for
le choix d’un inftituteur pour le jeune Arcadius.
Théodofe cherchoit le plus fage & lopins favant homme
de l’Empire, le papeDamafe lui procura le vertueux
Arsène, dont.le nom eft relié célèbre parmi les
inftituteurs des pi inces , & préfente l’idée d’un modèle
en ce genre, Théodofe, en lui préfentant fon fils *
dit à ce jeune prince : « Mon fils 1 voici votre ve-
» ritable père, il va l’être bien plus que moi ; vous
» ne me devez que la naiffance, vous lui devrez la
» fageffe & la crainte de Dieu.
On fait que Théodofe, étant un jour entré cher
fon fils à l’heure de la leçon , fut furpris de le trouver
affis & Arsène debout, il fit lever Arcade & afieorr
Arsène ; celui-ci allégua en vain le refpeél qu’il avoit
cru devoir à fon empereur, car le jeune prince eteit
dès-lors affocié à l’empire, Théodofe décida qu’entre
le raritre & le difciple , c’étoit aü maître que le
refpeél étoit dû.
Arsène donna un exemple qui n’avoit point ete
donné avant lui & qui ne fut point fuivi. Burrhus
& Sénèque ne quittèrent point Néron , malgré fes
crimes > & moururent viâimes de fon ingratitude ;
Moataiffier & Boffuet fouffrirent patiemment que
le. réfoltat de leurs travaux & de leurs foins fut un
prirce nul & fans càraélère : Arsène reconnoiffant
de jour en jour l’indociUté l’ir.capac-té incurables
de fon élève, prit le parti de i’abandonner & de
s’enfevelir dans les déferts de l’Egypte, où Théodofe
le fit chercher inutilement. Il fentit alors avec douleur
que fon fils étoit condamné. ( Voye^ l’article
A rsène. )
Théodofe eut pour femmes : i°. Sâinte-Flacille ou
Flaccile, dont les v r us ont é:é célébrées par Saint-
Grégoire de Nyffe 9 Ôc canonilées par l’ég'ife : elle
fut la mère d’Arcadius & d’Honorius.
20. Galla, qu’il aima tendrement, qu’il convertit
de l’arianifme à la foi cafholiqul'-, & dont il eut
Plaçidie ; il fur vécut auffi à Galla , & la pleura toute
fa vie. Elle étoit feeur 'de Valer.tinièn I I , &. n’étoit
pas un foible noeud de l’amitié qui uniffoit ces deux
princes.
Il nous refte à dire un mot des loix de Théodofe ,
car il eft dift'.rgué auffi comme légiflateur. Nous
avons parlé' de fes loix eccléfiaftiques ; elles fe fen-
I tent de 1 efprit du temps. Parmi fes loix civiles , 00
( remarque principalement celle qui concerne fes tréfqr%
1 S