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Lés églogues de M. de la Motte, qu*il renfermoît,
dit M. de Fonteneile, peut-être par un principe d’amitié
pour moi, font dans le genre de celles de M. de
Fonteneile , 'mass elles ont moins de mérite & beaucoup
moins de célébrité ; cependant M.de Fonteneile
n’eût: point défavoué' la neuvième églogue de M. de
la Motte, qui a pour titre ■: Y oifeau,
Quand on rejette le genre de Fonteneile & de
la Motte , il femble qu’on devroit aimer l’églogue de
Daphnis & Palémon de Rouffeau, ou ce genre eft
attaqué dans les vers fuivans : '
fis favent feulement chanter fur leur hautbois
Je ne lais quel amour inconnu dans nos bois,
Tiflii de mets brillans oh leur efprit fe joue ,
Badinage afF-élé que le coeur défavoué ;
Enfin te le dirai-je, ô mon cher Palémon !
Nos bergers n’ont plus rien de berger que le nom.
M. de Chabanon cependant rie traite pas plus
favorablement cettè églogue que celles de Fontenèlle
& de la Motte. Nous ne faurions être de fbn avis.
Cette églogue nous paroît excellente', dans le goût
jde Théocrîte & de Virgile ; on peut mçme la regarder
..comme une traduéfion en très-beaux versi de morceaux
choifis de ce dernier poète.
Des trente Idylles de Thèocrite, dont M.de Cha-
,banon a donné ,une traduéfion complette en profe ;
il en a imité treize en vers. On y trouve des beautés
4s tous les genres.
L’Idylle intitulée : Thirfis& Damon, du nom des
interlocuteurs , pourrait être intitulée : Daphnis, Elle !
contient l’éloge de ce berger. Virgile l’a imitée dans !
fa cinquième églogue, intitulée : Daphnis , & encore !
plus dans la dixième , qui a pour titre > Gallus,
Damon décrit un srafe qu’il pr.op.oie à Thirfis pour
prix de fon chant. Parmi les divers tableaux qu'il
préfente à cette occalion, eft celui-ci , dont l’ex-
preilîon forte contrafte avec la douceur du refte de
l’Idylle :
Là le vieil Alcidon , fur la pénible arène à
Soulève un lourd iîlet, qu’avec effort il traîne :
Il marche, on croit le voir : tous fes membres raidis
Font faillir de fori .corps les mufcles arrondis.
Son front cil déjà vieux , fon bras eil jeune encore.
Voici des vers d'un ton bien différent dans -la.chanfon
de Thirfis.:
Quand Daphnis expirait, Njmjïhes de .ces vallons,
Du Pinde ou de l’Etna frànchifliezryous les Monts?
L ’Etna ne vous vit point fur fa cime éthérée ;
L’Acis rouloit, fans vous, fon eau pure & facrée :
Les lions dans les bois, les agneaux d^ns les champs,
Les boeufs, autour de lui, couchés & languiffans,
De leurs cris douloureux attriftoient les campagnes.
jLes Dieux le vifuent les uns après les autr.es, &
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ces détailsfont encore imités par Virgile, dàçs l'Idylle
de Gallus,
Vénus vint le trouver: la Déeffe implacable
Déguifoit fon courroux, fous un fourire aimable,'
j> Daphnis ! d’un vain efpoir te voilà donc déçu?
» Tu défiois l’amour, & l’amour t’a vaincu.
» O Vénus, lui dit-il, ô cruelle ennemie!
” Tu triomphes, je touche au terme de ma vie 4
” Mais jofqiies dans l'horreur du ténébreux féjour ,
» Mes malheurs fer-viront de reproche à l’amour.
” Vas fous les hauts, cyprès dont l’Ida fe couronne;
” Près des buiffons fleuris où l’abeille bourdonne ,
” Jure au Pafleur Anchife une' éternelle foi ;
» Adonis, qui te plut, fut berger .comme moi.
v O P,an, % le Ménale- & -fur le frais Lyc&e ;
v Si tu gravis des Monts la cime hériffée,
” Defcends; viens d'un berger écouter les adieux :
» Viens ^ reçois .de ma main ces joncs mélodieux
” Dont la cire liante a formé l’affemblage.
» Je meurs. L’amour m'entraîne au ténébreux ravage.
» Adieu, belle Aréthufe, adieu vaftes forêts ;
» Et vous,-montres errans qu’ont pourfujvis mgs traits*
» .Collins-s du tymbris, fleuves de la Sicile,
j; .Où mes troupeauxlaifés puifoient uneeau tranquille;
” Echo , qui répondois à mes chants aflidus,
« Champs ^imés, bois heureux, je ne vous verrai plus!
E dit, & repofa là tête îangui^fante-:
Vénus veut foulever cette tête charmante
Elle fent défaillir ce corps inanimé.
Ainfi mourut Daphnis : les Nymphes l’ont aigné ;
Et les filles du Pinde ont chéri ïà jeuneffe.
Voici encore des vers d’un autre caraélère ; le poète
y élève quelquefois l’églogue & l’élégie jufqu’au ton
& à l’intérêt de la tragédie. C’eft dans l’ Idylle in-
Xïtnléi : Tenchanterejfe, que Virgile a imitée dans fa
•huitième églogue.
Me voilà feule. — O nuit, retrace à ma mémoire
Des maux que j’ai fouffertsla douloureufe hiftoire,
Quand cet amour fatal a-1-il donc commencé?
Ce fut, je m’en fouvièns , quand la jeune Anaxé ;
Au temple de Diane ordonnoit une fête;. , , , ,
A ces foleranités je me vis entraînée ,
Malheureufe ! qui peut prévoir fa deftijiée ?
Autour de moi| le lin de mes riches habits,
Noue négligemment, flottoit en longs replis :
Delphis parut : 6 jour, jour heureux & . funefte ! . » J.
Je le vis, je rougis ; interdite , immobile,,
Tout mon fang te troubla : l’éclat de ces beaux lieux,’
La pompe de ce jour n'attiroit plus mes yeux ;
Diftraite, le coeur plein d’une image fi.chèie,
Je reyiens m'exiler fous mon toit folitaire ;
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1& fièvre dans mon fang alluma fes ardeurs ;
Mourante, je baignois ma couche de mes pleurs;
Mes yeux s’obfcurciffoient , couverts d’un voile
fombre.
Mon front fe dépouilloit , je n’étois plus qu’une
ombre.
Elle envoie Theftylis avouer à Delphis fon
feniour.
Elle part & foudain je la vois revenir*
■ Delphis l’accompagnoit. . . . . . . . . . . .
Je le vois, je l’entends, tout mon fang refroidi
S’arrête...................
La fueur de mon front inonde mon vifage ;
Je veux parler ; ma voix expire, & de mon fein
Avec peine s’échappe un murmure incertain^ ; . . « •
Je demeure fans voix, fans vie & fans couleur.
Le cruel près de moi s’avance avec douceur :
Son timide regard vers la terre s’incline ,
*> Corinne, me dit-il, ô ma chère Corinne !
» Tu me cherchois ; mes voeux ont prévenu tes voeux ;
» Oui, j’attefte l’amour, j’en jure par fes feux ,
» Cette nuit, m’égarant dans l’ombre & le filençe
j» j ’euffe -ferré près des lieux qu’embellit ta préfence ;
» Le front orné de pourpre & d’un feuillage épais,
» De ces lieux adores j’euffe imploré l’accès:
» Heureux de contempler l’afyle où tu repofes ,
iwj Heureux de refpirer fur tes lèvres de rôles ! . . . . . »
» Ah ! tout cède à l’amour ; tout relient fes fureurs.
»> Les Vierges, en tremblant, implorent fes faveurs ;
» Il dompte la fierté de leur inftinéf rebelle :
Il infpire à l’époufe un defir infidèle ;
»>' Et du lit nuptial où s’endort un- époux,
w II l’arrache, & l’èntraîne à des plailirs plus doux.
Que la voix d’un amant perfuade fans peine !
Déjà ma raifon cède au charme qui l’entraîne :
Mes bras demi vaincus réfiftent mollement
Et ma bouche s’entrouvre aux b ai fers d’un amant.
Preflë contre mon fein, fon fein tremblant s’agite-,
Et voifin de fon coeur, mon coeur brûle & palpite.
Delphis devient infidèle.
Douze fois le foleil a quitté l’hémtfphère ;
Et Delphis, . . . . . qu’il revienne aujourd’hui dans
mes bras ;
SM réfifte, l’enfer eft ouvert fous fes pas.
Phébé,' reine des nuits, retourne au fein de l’onde;
Ma voix n’enchaîne plus ta courfe vagabonde :
Vous , qui fuivez fon char, & qui formez fa cour ,
Aftres, difparoiftez & faites place au jour !
Obfervons que l’enchanterefle de Thêocnte eft plus
hîtéreflànte que celle de Virgile, en ce quelle étoit
autrefois aimée 6c qu’elle raconte l’hiftoire de fes
amours. On ne fait -fi Daphnis a aimé l’enchantereffe
de Virgile, on pourroit l’inférer de ces vers:
Has oïim exuvias mihi perfidus ille reliquit,
Pignora carafui, quoe nunc ego limine in ipfo
, -Terra, tibï mando : debent h etc pignora Daphnitn,
Histoire, Tome F»
T H E 2 4 1 :
Mais comblent ne le dit-elle pas d’une manière plus
formelle, fur-tout en cet endroit l
Talis amor Daphnlm , qualis cum fejja jiivencufl^
Per nemora atque altos quczrendo bueula luços „
Prerpter aquie rivurn viridi procumbit in herbâ
Perdit4, me fera meminit decedere noEli,
Talis amor teneat, nec fit rnihï curamederim
Comment oublierait-elle de dire ici : qu’ il mahni.
comme il m*aimoit autrefois.
Dans l’Idylle, intitulé : Amarylle, M. deChabanorf
juftifie par fon exemple, ce que nous avons dit ,
qu’il faut de l’efprit dans les ouvrages François. Lamon
charge Tityre de garder fes troupeaux , tandis qu’l
va foupirer fes amours devant la grotte d’Amarylle
qui ne l’écoute point. Théocrue n’en dit pas davantage^
M. de Chabanon ajoute ;
Tandis qu'aux antres lourds il raconte là peine ;
La févère Amarylle -9 infenfible à fes voeux
Ailleurs prévient les foins d’un amant plus heureux(
T ity r e .. . . quoi ! Tityre ? oui, le berger fidèle
Qui gardoit les troupeaux , gardoit aulfi la Belle • . «
Théocrite, il eft vrai , conte autrement la chofe ,
Mais un peu de menfonge embellit bien les vers ,
Et j’écris , après tout, pour un ficelé pervers ;
Tityre fut heureux , Tityre fut aimable ;
Le fuccès en amour juftifie un coupable.
L’imitateur quitte ici bien évidemment Thcocrllt
pour Fonteneile, & femble prouver par là que la
fécherelfe du premier lui paroît avoir befoin d’être
corrigée par la gaîté ingénieufe du fécond. Tant
l’efprit a d’attraits pour ceux mêmes qui condamnent
l'efprit. !
TH EO D A T , ( voye^ l’article A malàsüntf. }
THEODEBERT, ( Hifi. de Fr, ) fils de Thierry J
& petit - fils de Clovis. A la mort de Thierry ,
Childebert & Clotaire , fes oncles, s’unirent pour
envahir fa fucceflion & enfruftrer fon fils Thiodeben J
mais celui-ci étoit en état & dans l’intention de fe
défendre ; il les prévint, fut les divifer & s’affermir
dans le trône de fon père. Dès le vivant de Thierry ,
il avoir vaincu & tué de fa main ,. un prince ou
capitaine Danois, nommé Cochi'iac , qui , fe prétendant
iflu de C .lodion, exerçoit des pirateries fuit
les côtes de France, & qui avoit fait une defcènte
fur les terres de Thierry. T/icodebert , après s’être
aggtandi du côté de laQermanie , alla s’engager dans
de fâcheufes guerres en Italie, où il étoit appelle a
la fois & par l’empereur Juftinien , & par les Of-
trogoths , ennemis de l’Empire. Il écouta toutes leurs
propefitions, dans l’efpérance de les perdre les uns
par les autres, & de former de leurs débris un
grand étabj'ftémem. Il fit avec ces deux puiffançes
des traités frauduleux , qui tournèrent enfin à.fà honte*
Théodibert, guerrier violent, mourut, noa à Iïguerre,
mais à la chaile, «xetcice, dit M. Hame, qui étojs
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