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II- étoit en 1677 , à la bataille de Calfel en
Flandre, fous Monsieur & fous le maréchal de
Luxembourg., puis à la retraite de Cokesberg en
Alface , fous le maréchal de Créquy ; dans cette
dernière affaire , il eut deux chevaux | tués fous
lui. On lui préfenta fa cuiraffe, il la refufa : Je
ne tiens pas ma vie plus précieufe que celle de ces \
braves gens, dit-il , en montrant fes cavaliers.
En rentrant au camp , il apprit qu’un de fes cavaliers
mortellement bleffé, le demandoit , il y
courut. Etes - vous content de nous , mon colonel ,
lui dit le loldat ? je ne voulais que la consolation de
Vous voir avant de mourir.
En 1678, il fervit encore en Allemagne fous le
même maréchal Ue Créquy , q u i, le voyant le premier
fur la brèche du fort de Kell qu’il afiiégeoit,
s’écria : Jeûne homme , f i Dieu te laijfe vivre , tu
auras ma place plutôt que perfonne. Ce mot n’eft
pas aflez clair. De quelle place parloit-il ? De
celle qu’il occupoit dans l’Europe parmi les grands
capitaines, ou de celle du général d’une armee :
françoife î Ou vouloit-il dire feulement : Jeune
homme, qui t'expofes air.fi , fi tunes pas tué dans
ce moment, tu auras l'honneur d'entrer le premier
dans la place que nous affiégeons.
Pendant ta paix qui fuivit le traité de Nimègue ,
il alla négocier à Vienne & à Munich où il travailla
fortement à détacher l’électeur de Bavière
Maximilien, beau-frère du Dauphin , des intérêts
de l’empereur. Je vous avois toujours connu pour
un fort brave homme , lui dit Louis X IV a fon
retour, mais je ne vous croy ois pas auffi grand négociateur
que vous l'êtes.
En 1688 , il fur fait coromiflaire général de la
cavalerie ; en 1684 maréchal-de-camp ; & la guerre
étant alors commencée, il commanda cette année
la cavalerie de Flandre, fous le maréchal d’Hu-
mières. En 1690, il fit contribuer la Flandre. En 1 691
il eut un commandement 5 on lui donna une armée
de quinze mille hommes, deftinée à défendre les
lignes établies pour couvrir la frontière, depuis
l ’Efcaut jufqu’à Bergues. Ayant rejoint le maréchal
de Luxembourg, il fe trouva au combat de
Leuze, & retourna enfuite à fes lignes. Il fut fait
lieutenant-général dans cette guerre.
Il étoit ambafladeur à Vienne dans le rems des
négociations pour les traités de partage & du renouvellement
de la guerre. Promptement rappellé ,
il courut en Italie chercher la gloire & les périls ;
les foldats , qui avoient toujours aimé fon audace,
s’écrioient : C'efl motre général que Dieu nous a
envoyé. Le maréchal de Villeroy , qui commando
« alors l’armée, lui fit compliment fur la confiance
que les foldats lui montroient } il répondit par
ces deux vers de Bajaqet.
Je crois qu’ils me verraient encore avec plaifîr,
Et qu’ils reconnoitroient la voix de leur vifir.
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Dans l’hiver de 1701 à 1701, il époufif made-r
moifeilc de Varangeville.
En 1701 il commanda une armée en Allemagne ;
le grand objet de cette campagne & de la fuivanre ,
étoit la jonction de l’armée françoife avec celle
de T électeur de Bavière, qui , dans cette guerre,^
s’étoit hautement déclaré pour la France. Le 14
oâobre 1702., Villars gagna la bataille de Fride-
lingue ; en conféquence de cette viéloire, il fut fait
maréchal de France. Madame la princefle de Conty
lui écrivit à ce fujet , ces deux vers du Cid :
Vos pareils à deux fois ne fe font point connoître ,
Et pour leurs coups d’effai veulent des coups de maître.
En 1703 , il enleva des quartiers du prince de
Bade qu'il avoit en tête, emporta de nouveau le
fort de K e ll, entra dans les montagnes , prit la
ville & le château d’Horrbec, fit fa jonction avec
l ’électeur de Bavière ; & malgré toutes les contradictions
que lui fufeitoient les irréfolutions & les
incertitudes perpétuelles de cet électeur , dont le
confeil étoit, à ce qu’on croit, vendu à T empereur,
il gagna colltre le comte de Sttîum , général
des troupes de l’Empire , la première bataille
d’Hochftet. Mais & cette victoire d’Hochftet &
celle de Fridelingue, Sc cette jonétion tant defîrée;
ne produifirent pas de grands effets, par la réfif-
tance que l’électeur de Bavière apporta toujours à
l’exécution de tous les projets propofés par le maréchal
de Villars il fallut les féparer. Quand
vous vous repoferie£ apres deux auffi belles campagnes
, lui dit le maréchal de Villeroy, c’efi
demeurer fur la bonne bouche. Que ce fût ironie
ou compliment, dit le maréchal de Villars, je
lui répondis fur le même ton : ce Je ne fais f i te
m roi me laijferafans commandement j f i cela arrive »
, as j'aurai quelque ennemi a la cour qui s'en réjouira ;
, » mais Les ennemis du soi s’en réjouirontencore da-
as vantage. as Ajoutons que Villeroy n’avoit pas lç
droit d’employer l’ironie à l’égard de Villars.
En 1704, le maréchal de Villars alla pacifier
les troubles des Cévennes, de concert avec M. de
Bâville, intendant de Languedoc, auquel il rend ce
témoignage qui les honore tous deux.
ce II voit plus clair que perfonne dans les fenti-
mens de cette province. Vingt années "qu’il y a
paflees , la folidité de fon efprit & fon extrême
application au bien du fer vice, le mettent plus en
état que- perfonne du monde de ne fe pas tromper
; aufli n’ai-je pas héfité à fuivre fes fentimens ,
qui m’ont para auffi zélés que remplis de vérité
& de bon fens. Ces mêmes qualités lui ont fait
beaucoup d’ennemis dans la province. Cependant
le général qui commanderait fans fon jTccours ,
ferait embarraffé......Quand je penfe qu’une infinité
de*gens me prefl'oient de commencer par fupplier
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»otre majefté de vouloir bien nommer un autre
intendant, ils connoifïoient bien peu ce qui convient
au fervice de votre majefte 5 & Pouîj moi,,
Sire , i’ètois bien perfuadé que fes lumières me
feraient d’un grand fecours, & je dois me louer
infiniment der la manière dont. voulu
me les donner. . . . . Je reçus une infinité.de lettres
anonymes contre lui. Il n’y a rira quon ne fit
pour nous brouiller ;'mais je lui montroip tout ce
qu’on m’éçrivoit 3 & je lui dois cettç. juftice , que
perfonne dans ces troubles, n’a fervi le roi plus
virilement. »
En 1705, M. le maréchal de. Villars F.« fait
chevalier des ordres du roi. Cette campagne de
170j , eft une des plus belles de ce général. Ce
fut alors qu’il occupa ce fameux çamp de Sirk ,
au moyen duquel il couvrait T hionyille & Saarjouis,
& cmpêchoit les ennemis de pénétrer dans la Cham-
pgo-ne, Marlborough voulut l’attaquer 5 mais, ou
la bonté dupofte qu’occupoit Villars -, ou le défaut
de concert entre Marlborough & le prince Louis
de Bade , empêcha le premier de rien entreprendre}
il fe plaior.it beaucoup du prince Louis de Bade ,
& il fit parler au maréchal de Villars comme à
un bon juge & à un homme du métier , pour s’ex-
eufer de ne l’avoir pas attaqué , tant ces grands généraux
étoient jaloux d’obtenir le fuffrageles uns des
autres l
Le y juillet •, le maréchal \ força les lignes de
Veiffembourg , & eût fait des entreprifes beaucoup
•plus confidérables , fi 1 on n eut pas extrêmement af-
foibli fon armée pour en renforcer d’autres.
Cette même année , la terre de V aux-le-Villars,
qui avoit appartenu autrefois au fui-intendant Fou-
quet, fut érigée en duché pour le maréchal de
Villars.
En 1706, il commanda encore vers le Rhin ,
dégagea le Fort Louis } prit Lautcrbourg , Drufen-
heim , Haguenau , l’Ifle du marquilat.
En 1707 , il força les' lignes de StolhofFen , &
s’avança dans l'Allemagne. Mes amis , dit-il à fes
foldats ,/’ai traverfé L'Empire il y a trois ans } votre
fageffe & votre bonne difeipline permettaient aux pay-
fans d'apporter tou,t ce qui vous étoit nécefiaire 3 nous
rentrons dans ce même empire , nouç ne pouvons plus
compter fur nos magafins : fi vous brûle£ , fi vous
faites fuir les peuples , vous mourrez de faim. Je
vous ordonne donc, ■ pour votre propre intérêt &
pour celui du roi, d être figes , & vous voye£
bien vous-mêmes combien il vous importe de Vitre. . .
Je dois commencer par vous infiruire ; mais, fi ces
raifons ne vouscontiennent pas , la plus grande
févérité fera employée, & je ne me lafferai pas de
punir ceux qui s'écarteront de leur devoir.
Il n’eut guères à punir 3 il favoit 1 art d entre-
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tenir une exacte difcip'ine , fans châtiment & fans
rigueur : U étoit obéi , -parce qu’il étoit aimé âc
refpeâé. Le trait fuivant eft une preuve & un ettet
de cette difeipline : « Le marquis de Nangis ,
détachéTdc l’armée du maréchal pour fe porter en
avant, "entrant dans un village avec huit cents
grenadiers . trouva le curé 8c les habitans failant
fa proceffion de la Fête-Dieu. Le curé s’arrêta pour
donner fa bénédiftion. Les grenadiers fe mirent
à oenoux , & la bénédiftion reçue • on marcha
aux ennemis, fans que le curé m la proceffion
parufient allarmés.
On leva de fortes contributions. La maréchal de
Villars fait bien-fes affaires, dit à>ce fujet, au
roi, un courdfan. I l fa it bien auffi les miennes,
répondit le roi.
En 170S , le Maréchal de V i l l a r s , à qui, comme
il s’en plaint dans une lettre au Toi, on don noir
toujours à rétablir les frontières les plus délabrées1.
& qu’on en retirait lorfqu’il les avoir rétablies,
dans le rems ou il auroit pu avoir des avantages
décififs , ’ fut envoyé des bords du Rhm dans la
Savoie faire une guerre de montagnes : ft força
ie n août, les deux villes de Sêranne a la vue
du duc de Savoie ; mais ce prince fe rendit martre
de quelques poftes , par la lâcheté ou la trahrion
de ceux qui étoient chargés de les défendre ,& qui
furent punis comme ils le meritoient.
La défaftreufe année 1700 vit Je maréchal de
Villars , commandant fur la frontière de flandre ,
entamée 8c ouverte , une armée foible & manquant
de pain, contre une armée immenfe partairemcnr
approvifionnée , 8c pour laquelle on avoir forme
de toutes parts, à grands frais ,. des magalins proportionnés
à tous fes befoms. Voici le compte que
le maréchal rendoic. de fon état : ce Je fuis oblige
de Vous répréfenter l'extrême misère des officiers
fubalrernes. Le prêt fuffit à peine , purlque ces
pauvres malheureux n'ont prcfque rien eu depuis
long-rems: ils ont vendu jufqu’à leur dernière
chcmife pour vivre. Le chevalier de Luxembourg
me marque ce que je ne vois que trop fouvent fous
mes yeux ,* que plufieurs des foldats qu il a râilem—
blés à Tournay , ont vendu leurs armes 8c leur jufte-
au-corps pour avoir du. pain. Je parle à ceux que
je trouve dans lés endroits que je vifite ; j’eçpnte
leurs plaintes , j’y compatis , je les encourage , je
tâche de les piquer d’honneur , je leur donne des
efpérances; mais enfin , il faut autre chofe pour les
mettre en état d’entrer en campagne.... Imaginez-
vous l'horreur de voir une armée manquer de paru :
il n’a été délivré aujourd’hui que le foir 8c fort
tard , hier, pour donner du pain aux brigades que
je faifois marcher , j’ai fait jeûner celles qui reftoienr.
Dans ces occafions , je paffe dans les rangs , je
careffe le foldat, je lui parle, de manière à lui faire
prendre patience, Sc j'ai eu la confolation d’en
entendre plufieurs dire : M. le maréchal a raijort
Yyy’x