
il ne voyoit plus au-deffus de lui que la tiare,
à laquelle il afpiroit , & c’étoit principalement
en flattant cette efpérance ambitieufe , qu’on pou-
voit compter fur lui.
Les françois voyoient avec chagrin depuis 1513
la ville de Tournay entre les mains des anglois.
Les anglois de leur côté étoient afiez embarraffés
de cette place. Sa fituation au milieu d’un pays
étranger & ennemi, loin des places qu’ils pofîë-
doient fur la côté maritime de la Picardie , les
obligeoit à entretenir une garnifon confidérable,
& les avoit engagés dans de grandes dépenfes
pour la conftrudion d’une cidatelle ; mais ce n’étoit
pas une raifon pour reftituer cette place, plus utile
encore aux françois qu’elle n’étoit difpendieufe aux
anglois. Volfey , en cette occafîon , préféra l’argent
de la France à l’avantage de l’Angleterre.
On conclut , en 1518 , le mariage du Dauphin
avec la princeffe Marie, alors fille unique du roi
d’Angleterre, convention importante, & qui pou-
voit ranger un jour l’Angleterre fous les loix de J a
maifon de France. Ce qui rendoit le cardinal
Volfey fi facile fur cet article, écoit peut-être d’un
côté l’efpérance légitime que le roi d’Angleterre^
auroit des fils qui excluroient Marie du trône >
de l’autre, la facilité de rompre dans la fuite un
engagement dont l’exécution étoic renvoyée à un
te ms très-éloigné, puifqii alors la princelfe d’Angleterre
11’avoit pas quatre ans, & que le dauphin
avoit à peine un an. Les anglois auroient bien
voulu que Tournay eût fervi de dot à Marie.
C’eût été différer la reftitudon de cette place
jufqu’au temps du mariage ; les françois infiftèrent
pour qu’elle fe fît à l’infiant -, moyennant une
Jomme qù’on fîxeroit ,& ils l’obtinrent, Volfey
éfoit gagné. Avec Tournay on mettoit les françois
en poflèflîon de Mortagne, de Saint-Amand & de
leurs territoires, malgré les efforts que fit alors
l’empereur Maximilien pour empêcher cette refli-
tution comme on’ le voit dans une lettre de ce
prince au cardinal Volfey du octobre 1518.
Pendant que les françois avoient la fortune
pour eux, ils voulurent en profiter & avancer leurs
affaires dans ce pays là. Ils avoient rétabli Thé-
rouenne, que les anglois & les impériaux avoient
brûlé en 1513 ; ils entamoient déjà une négociation
pour la reftitution de Calais. Le roi d'Efpagne
( Charles-Quint) s’allarma de ces projets d’aggran-
difTement du côté des Pays-bas, il fe-hâta de gagner
V o lfe y , que François I venoit de bleffer parle refus
de l’évêché de Tournay , évêché fur lequel il avoit
compté.
En IÇ2I , moment où la guerre s’allumoit de
toutes parts entré Charles-Quint & François I,
Henri VIII voulut être l’arbitre de leur querelle,
il menaçoit celle des deux pnifTances, qui réfifte-
roit à fes dccifions, de fe déclarer contre elle.
V o l f e y , dépositaire de fon autorité, ne fe bornoit
plus à l’exercer fur des fujecs , dans Pin té rieur
de l’Angleterre, il jugeoit à Calais les empereurs
& les rois ; il s’étoit rendu dans cette viÜe, fuivi
d’une cour riombreulê & de prefque tout le confcil
d’Angleterre. Charles & François y avoient envoyé
des plénipotentiaires, à la tête defquels étoient
les chanceliers de France & d’Efpagne, qui difeu-
toient les plus grandes queftions de droit public
& traitoient des plus grands intérêts au tribunal
de Vo lfey , Mais le juge étoit prévenu , Volfey
donnoit à tout moment d-s marques de la plus
forte partialité. Charles-Quint lui avoit, dit-oîi,
promis d’employer tout fon crédit pour le faire
élire pape à la première vacance ; d’ailleurs Volfey
n’aimoic point le chancelier Duprat, dont il craignoit
le génie tranfeendanr. On avoit propofé une fuf-
penfion d’armes pendant les conférences de Calais ;
au mépris de cette propofition , l’empereur com-
mettoit toute forte d’hoftilités & excitoit fous main
des troubles dans le Milanès & ailleurs ; quand
les ambaffadeurs de France s’en plaignoient ,
Volfey répondoit en fouriant : I l efi piqué des p e r tes
q u 'i l a f a i t e s , i l cherche a s 'e n v en g e r , m a is
f e s in te n tio n s f o n t bonnes & ne tendent~ qu a la
p a ix .
Pendant ces mêmes conférences , on eut lieu de
foupçonner lés impériaux d’avoir forme une entreprit
--fur Ardres 5 Duprat en parla" au cardinal,
qui répondit : i l s n o n t g a rd e d 'y toucher. Cependant
l’entreprife éclata ; les impériaux vinrent
pour f urprendi e la ville pendant la nu;t, ils furent
repoulfés avec honte & avec perte. Duprat fe
plaignit au cardinal de cette infidélité ; le cardinal
fe contenta de répondre froidement : ils n 'y retourn
eront p lu s . Ils y retournèrent quelques jours après,
Arires fut pris & rafé par les impériaux, beaucoup
d’Anglois eurent part à cette expédition. Thé-
rouenne penfâ aulfi être furpris , fans que tant
_ d’infradions de la trêve propofée parulfent émouvoir
V olfey,
Quelquefois les anglais laiflfoient éclater des défiances
injurieufes pour les françois. Un jour le
cardinal Volfey dit aux plénipotentiaires françois
de Pair d’un homme qui annonce- une nouvelle
confidérable : « on a cru devoir arrêter un homme
qu’on a trouvé fur les murailles, muni d'un plomb
& d une corde , avec lefquels il les niv.elloit &
les mefuroit. Il feroit affreux que , tandis que nous
fommes ici occupés à défendre vos intérêts , à
.concilier vos différends , vous eu fiiez l'ingratitude
de former des entreprifes contre une place qui
appartient au roi d’Angleterre : je n'ai gardé de
vous en croire coupables , mais; enfin 1’,homme
qu’on a arrêté effc un domeftique de M. de la
Baflie. »
La Baftie étoit l’ambafiadeur de France en
Angleterre , qui avoit fuivi le cardinal Volfey à
Caia:s. Il répondit avec la plus grande ingénuité :
« il eft vrai, cet homme eft à moi, mais il n'y
eft que depuis huit jours, je ne le connois point,
je fais feulement qu’il eft irlandois & qu’il m’a
été donné par un gentilhomme du roi d’Angleterre
; mais puifquM eft entre vos mains , je ne le
réclame point ; je vous prie au contraire de le
faite mettre à la queftion , pour qu’on fâche fi c’eft
moi qui lui ai ordonné de mefurer vos murailles.,
| |
Cependant les têtes angloifes s’échauffoient, le
bruit fe répandoit dans toute la ville que les François
avoient voulu furprendre Calais > enfin quand
on eut bien approfondi l’affaire , on trouva que
cet homme s’amufoit par défeeuvrement à pêcher
à la ligne, & qu’il avoit mis un petit morceau de
plomb au bout de fa ficelle pour faire entrer
l’hameçon dans l’eau.
3*e cardinal Volfey propofa divers plans d’acconv*
modement dont a-ucun ne put être adopté, les
conférences n’aboutirent à rien & la guerre em-
brafa 1 Europe. Les anglois fe déclarèrent contre
la France, en prenant pour prétexte le refus que
François I avoit fait de fouferireà la paix propofée
parle cardinal Volfey. L’empereur, Charles-Quint,
voyant que Henri VIII & Volfey lui étoient favorables
, pafia en Angleterre pour tirer parti de leurs
difpofitions, & alors fut conclu , en 1521, le traité
de Vindfor , par lequel Henri VIII encroit dans la
lig”e contre la France ,' & l’empereur prômettoit
à Henri VIII de lui payer les Tommes que François
I lui devoir , afin que cette ligue rie lui fît
rien perdre > & il affuroit à Volfey;, qui ne vouloit
rien perdre non plus des douze mille livres de pen-
fion que François I lui avoit données fur cet
évêché de Tournay qu’il lui avoit refufé.
Le pape Léon X mourut le i décembre IÇ21.
Le cardinal Volfey n’avoit fàvorifé le parti de
l’empereur que dans l’efpérançe d’être appuyé de
la brigue impériale à la première vacance ; Léon X
d’un autre côté avoit fait des difpofitions pour affurer
le pontificat, après fa mort > au cardinal de Medicis
fon cQufin ; le cardinal Volfey eut contre lui la
faétion même de l’empereur , fur laquelle il avoit
tant compté. Il n’avoit pas manqué , auflitôt aptes
la mort de Léon , d’écrire à l’empereur pour lui
rappeler fes promeffes ; Richard Pacé , le grand
négociateur de l’Angleterre, avoir en même tems,
par fon ordre , quitté Venife où il ne fervoit que
fon maître, pour aller à Rome fervir ce.cardinal
ambitieux ; mais la faétion impériale trompa la
pénétration de ce miniftre ; elle ne vouloir nommer
ni le cardinal de Medicis ni le cardinal Volfe
y , mais Adrien Florent, qui avoit été précepteur
de Charles-Quint , & qui avoit gouverné'
l’Efpagne en fon abfènce ; elle embrafta hautement
le parti du cardinal Volfey ,*tandis qu’elle caba-
loit fèeretement & efficacement pour Adrien, On
'alloic tous les jours au Icrutin fans rien conclure;
H i f lo i re , Tome V ,
Medicis & Volfey avoient tour-à-tour l’avantage;
il ne s’éiévoit pas une voix en faveur d’Adiien ;
mais aucun des compétiteurs ne l’emportoic irrévocablement
; enfin lorfque la brigue d’Adrien
crut avoir acquis toutes les forces dont elle avoit
b e foin , un cardinal le nomma tout-à-coup avec
un air d’infpi ration affrété ; il fut appuyé à l’inf-
tant par vingt-cinq autres cardinaux1, tous du parti
de l'empereur, les autres voyant la pluralité des
voix fi décidée , y joignirent les leurs, de forte
que J’éle&ion du pape , qui prétendoic le moins
à la tiare , & qui fembloit devoir le moins y prétendre
, le fit d’un contentement unanime. A la
mort d’Adrien , arrivée en 1523 , le cardinal de
Medicis fut élu, & il ne paroit pas qu’il ait
! été queftion alors du. cardinal Volfey ; ce fut un
nouvel affront qu’il, effuya , & ce grand defir &
cette grande efpérance de la papauté n’eurent
d’autre1 effet que de faire accu fer Volfey d’avoir
fait empoifonner Léon X & Adrien VI.
Après la bataille de Pavie, l’empereur croyant
avoir encore moins befoin du, cardinal V o lfe y , flatta
moins fon orgueil. Il lui avoit jufqu’alors écrit de
fa main , & avoit toujours figné : v o tre f il s & cour-
f in Charles. Depuis la bataille de Pavie , il fe contenta
de lui faire écrire par un fécrétdre & de
figner Amplement Charles. V o lfe y , qui eut dû mé-
prifer ce ridicule effet dp la profperité , s’en indigna
» & pour fe vengeril* engagea fon maître
à recevoir favorablement les ambaffadeurs que la
régente , Madame-d’Angojjiêine, envoya en Angleterre
pour traiter de la paix. Henri VIII s’engagea
par le traité de, Moor du 30 août 1 y25 à procurer
la liberté de Fnahçois l à des conditions raifo'n-
nables. La duchelfe d’Angoulême, traitant pour
fon fils prifbnnier, s’obligea de payer au roi d’Angleterre
une penfion annuelle de cinquante mille
écus, elle eut fojn de promettre ;aufli une bonne
gratification au cardinal Volfey* 1
La difgrace dé Volfey ne poüvoit plus êtte que
l'ouvrage de l’amour. Il travailla au divorce de
Henri VIII ayec Catherine d'Arragon , qui avoit
époufé ce prince fpn beau-frère après'la mort
d'Artlîùr fon frère aîné ; mais les vues du cardinal
étoient bien différentes de celles du roi d*Angleterre.
Volfey n’étoit point aflez bas pour fervir
en courtifan les amours de fon maître , il
n’étoit qu’affez petit pour ne pouvoir pardonner
à l’empereur le retranchement de quelques égards
dont ce prince a^oit flatté fa vanité , quand il
avoit cru avoir befoin de lui. Volfey vouloit le
venger de Charles-Quint, & c’étoit déjà lui faire
un aflèz grand affront que de faire répudier fa
tante ; 'majiç Volfey ne bornoit point là la vengeance,
il vouloit faire époufer à Henri VIII ou
' la ducheifle d’AIeneotl, feëur de François I , ça la
prinçefle Renée , fa beile-foeur, afin d’unir par ce
lien Henri VIII & François I dans une haine
commune contre l'empereur. Il fit part fans doute
F f f f