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TARTÎNI. ( Jc&ph ) ( HlfLilitt. mod. ) Nous ne
conndérons ici ce grand muficien que comme auteur
d’un traité de mbfique imprimé en 1754. Il étoit né
en 1692 , dans l’Iftrie ; il .mourut en 1770.
' T A R Y , f. m. ( terme de. relation ) c’eft ainfi que
les voyageurs appellent la liqueur qui diftille des
cocotiers, C ’eft le feul vin que l’on recueille dans
le pays de Malabar, ôc même dans toute l’Inde ;
car la liqueur qui fe tire dès autres efpèces de palmiers,
eft presque de même nature que celle qui
fort du cocotier. Ce vin n’eft pas à beaucoup près
fi agréable que celui que l’on exprime des raifins,
mais il enivre tout de même. Quand il eft récemment
tiré, il eft extrêmement doux; ft on Je garde
quelques heures, il devient plus piquant, 6c en
même-temps plus agréable. Il eft dans fa perfeélion
du loir au matin ; mais il s’aigrit au bout de vingt-
quatre heures.
On n’a point dans les Indes d’autre vinaigre que
celui-là. En d.ftillant le jus du cocotier, lorfqu’il eft
parvenu à là plus grande force, & avant qu’il ait
commencé de contracier de l’aigreur , on en fait
dallez Bonne eau-de-vie : on peut même la rendre
très-forte , en la paflànt trois fois par l’alembic.
Les Bréfiliens ne s’adonnent point, comme les
Indiens, à tirer le tary des cocos; ils nen font pas
non plus d’eau-de-vie, parce que les cannes de fucre
leur en fourniflent fuffilàmment, ck que d’ailleurs
on leur en porte 'beaucoup de Lisbonne , qui eft bien
meilleure que celle qu’ils pourroient faire. ( D . J. )
TASSE. ( le ) ( Torquato Tajfo. ) ( Hifl. litt. mod. )
La famille du Tajfe étoit noble & ancienne. On dit
que fes ancêtres, connus autrefois dans le Milanès
fous le nom de la T ou r , ôc chaiTés par les Vifconiis ,
s’établirent fur la montagne de Tafto, entre Côme
& Bergame, & que le nom de TaiTe leur en refta.
Quoi qu’il en foit, Bernardo Tafto, père de Torquato
, avoit été réduit, par l’état de là fortune, à j
s’attacher , en qualité de fecrécaire, à Ferrand de
"Sanfèverin, prince de Salerne , avec lequel , il paftà
dans le royaume de Naples, où il époufa Porcia de
Rofli, d’une famille noble de ce pays. Torquato
Tafto leur fils, naquit à Sorrento, près de Naples,
le 11 Mars 1544 : il fut élevé à Naples. L’auteur
de fa vie , Jean-Baptifte Manfo, marquis de Ville,
dit que dans la plus tendre enfance on ne le vit
jamais rire ni pleurer ; qu’à fept ans il là voit le latin
, & même allez bien le grec. Précoce en tour,
cet avantage tourna contre lui , lorfquë le prince
de Salerne étant tombé dans la ditgrace de Charles-
Quint, pour avoir voulu s’oppofèr à l'établi (Tentent
de Finquift éon dans le royaume de Naples, fut obligé
de quitter ce royaume. Bernardo Tafto le fuivit , &
emmena fon fils avec lui. Le vice-roi de Naples fit
condamner à mon, comme rebelles, le Prince de
Salerne & fes adhérans , parmi lefqueîs fut compté
Torquato T afto, âgé alors de neuf ans ; ôc qui parut
dès-lors allez- inftruir, allez éclairé pour • être coupable
aux yeux des perfécuteurs, Le talent de T or- j
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quato pour la poéfie ne.tarda pas à fe déclarer«
à dix-fept ans il fit Ion poème de Renaud, qui précéda
ÔC qui annonçoit la Jémjalem délivrée.
A vingt ans le Tajje fut reçu dans l’académie de
Pâdcue. ,
A vingt-deux ans il alla s’établir à Ferrare , attiré
par lès .offres dAiphonfe II , duc de Ferrare,
& du cardina1 d’Eft fon frère. 11 vint en France à
la fuite de-ce cardinal, ôc fut très-accueilli de Charles
IX & de là cour ; & cependant ni YAminte,
original du Pajlor fido 8c de la Fili di feiro, YÀ-
mites qui fit regarder le Tajje comme le reftaurateur
de la poefie paftorale, ni la Jérufalem délivrée, qui
le fit regarder comme le reftaurateur de la poëfie
épique , n’avoient encore paru.
Le fuccès de la Jérufalem délivrée lùrpaflà les ef-
pérances du Tajfe. Ce poème fut traduit, dès qu’il
parut, en Latin, en François, en Efpagnol, même
en plulieurs langues orientales : il s’en fit huit éditions
en cinq ans. Tous les beaux efprits , tous les
fa vans, toutes les académies y applaudirent: on ne
j voyoit parokre que les éloges du Taffe ôc de fon
poème. Le Tajfe fembioit n’avoir qu’à jouir xde fa
gloire , lorlque l’amour vînt tioubler fa vie.
Le duc de Ferrare avoit une jeune foeur, nommé
Léonore, qui demeuroit dans le palais d’Al-
phonfe avec la ducheffe d Urbin , là foeur aînée.
Léonore aimoit les lettres ; le Tajfe l’aima, 8c comme
les poètes ni les amans ne peuvent garder leur fe-
cret, le Tajfe confia le. fien au papier, & fit de la
princefle l’objet de fes galanteries poétiques.
Ille velut fidis areana fodalibus, olïm '
Credebat libris.
Vous eûtes un elprit que la France admira ;
J’en eus un qui vous plut, l’univers le faura.
Jüfques-là ce pouvoit n’êcre qu’un amour pure-]
ment poétique , ôc. fans conféquence ;
Vous avez tant d’Iris, de Philis , d’Amaran tes ,
Que. par tout, dans vos vers, vous peignez fi
charmantes î
Et pour qui vous jurez tant d’amoureufe ardeur I
mais il eut l’imprudence d’avouer 'à un jeune gentilhomme
Ferrarois, qu’ri croyoit fon ami, que la
poëfie n étoït pour lui qu’un malque favorable, lous
lequel il pouvoit entretenir , fans contrainte , celle
qu’il aimoiî de lêntimens, dont elle connoîtroit f ui
la vérité , 8ç qui feroient d’autant moins, crus des
autres, qu’ils étoient plus folemnell ment exprimés,
j Le confident fut indiforet ou infidèle, par ce penchant
malheureux qu’ont les jeunes gens à pla fanter
fur leurs amis , fur-tout quand il s’agit d’amour;
maladie dont ils font convenus de ne plaindre perforine
, malgré les malheurs ôc les crimes qu’elle a fi
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fi fouvent caufés. Le Tajfe, qui voyoit fon fecret
divulgué, rencontrant fon ami dans le palais du. duc
de F e r r a r e lu i fit des reproches que le jeune
étourdi voulut toujours tourner en plaifanterie. Le
Tajfe, qui ne pla fantoitpoint, lui donna un foufflet :
ils fortirent pour s’aller battre. Trois frères du jeune
homme ayant appris cette querelle , accoururent à
fon feccurs ; ils fondirent tous enfëmble fur le Tajfe,
qui, fans s’effrayer de leur nombre, foutint leur , choc
avec courage, bleflà d’eux d’entr’eux-, 6c donna le
temps à ceux qui voyoient de loin ce combat inégal,
de venir féparer les combattans. Les quatre frères
n’osèrent rentrer dans la ville, ôc prévinrent d’eux-
mêmes l’arrêt qui les en bannit. Ceite aventure rendit
le Tajje auffi célèbre par la valeur, qu’il i’étoit
déjà par -fes talens. Tout le monde fut comment il
s’étou battu ; mais tout le monde fut aufti pourquoi
il s’étoit battu. Aiphonfe juga qu’en Acquérant cette
gloire nouvelle , le Tajfe avoit peu ménagé l’honneur
de la princeffe Léonoce. ; il en eut tout le ref-
fentiment qu’en devoit avoir un frère & un prince.
Il fit arrêter le Tajfe, fous prétexte de le mettre
à couvert de la vengeance de fes ennemis. Le Tajfe
fe 'crut perdu ; fon imagination, naturellement tournée
à la mélancolie, s’exalta ôc s’égara ; il crut que
le poifon ou le fupplice alloit terminer fon fort. Il
ne s’abandonna pas cependant lui-même ; il s’échappa
de fa prifon à la faveur d’un déguifement ; & fe
cacha fous un faux nem à Turin. Il y fut bientôt
reconnu , & le duc de Savoie lui rendit les hon.-
heùrs que fa réputation lui attiroit par-tout ; mais
frappé de l’idée que la vengeance du duc de Ferrare
le pourfuivroit aufti par tout, il craignit de lui
être livré , ôc s’enfuit de Turin. Rome devoit être
fon afyle ; mais l’inquiétude d’efprit qui le travail-
Joit, 6c qui lui montroit tant de dangers où il n’y
en avoit point, le précipita*au-devant dû danger le
plus réel où il pûts’expofer. Il conçut le defir , bien
naturel d’ailleurs, d’aller à Sorrento, fa patrie, voir fà
foeur aînée, qui étoit établie dans cette ville, & qu’il n’a-
v©it point vue depuis fon enfance. L ’arrêt de mort prononcé
contre lui à Naples iubflftoittoujours; il fe traveff t
en payfan-, 6c arriva heu reniement à Sorrento. Il
y reçut des nouvelles de la princeffe Léonore, qui
lui avpit pardonné les brillantes imprudences que
lui avoit fait faire un amour qu’elle pàrtageoit. Elle
le rappelloit auprès d’elle, 6c lui annonçoit quelle
l’a voit réconcilié avec le duc de Ferrare fon frère.
Il partit pour fe- remettre dans fes premiers fers ; une
grande maladie le retint quelque temps à Rome : il
arriva enfin à Ferrare.
Le duc ne le reçut point mal ; mais peu à peu
il fe refroidit, 6c ce qui fut plus fènfible au Taffe,
il rompit tout commerce entre lui 6c la princefle
Léonore. Sa mélancolie redoubla, jufqu’au point de
dégénérer en une efpèce de folie. Il quitta Ferrare;
il erra en diverfes villes d'Italie; il revint encore à
Ferrare, & les fymptom.’s de fa folie alloient toujours
en augmentant. Aiphonfe le fit enfermer dans
un hôpital, où on lui ordonna des jremèdss'j qui }
ffifloire. Tome V,
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joints à la perte de la liberté , aigrirent fon mal au
lieu de l’adoucir : il en aceüfa la magie, 6c devint
tout-à-fait vifionnaire. Cette fécondé détention du
Tajfe fut plus longue 6c plus facheufè que la première.
L’empereur, le pape , toutes les puiffançes
d’Italie foll citèrent fi fortement en faveur du Tajje,
qu’il obtint enfin fa liberté : il étoit alors dans fa
quarante-deuxième année. Il étoit malade de corps
oc d’efprit depuis neuf ans ; il avoit été prifonnk-r
pendant fept ans. Il mena encore une vie errante,
à Mantoue, à Naples, à Florence. Il fit un troi-
fiètne poème, Jérufalem conquife , qui n’eut pas le
fuccès de la Jérufalem délivrée. Si le Tajje avoit été>
poète avant le temps, il cefla aufti de l’être avant
le temps.
Cependant on lui préparoit des honneurs qui, depuis
long-temps, n’avoient été déférés qu’à Pétrarque.
Le Cardinal Cinthio Aldobraridln, , auquel il
avoit dédié fon nouveau poème de la Jérufalem con-
quife , obtint du pape Clément V I I I , fon oncle,
que la couronne de laurier 6c le triomphe au Capitole
'füflent folemnellement décernés au Tajje■ Celui-
ci fut mandé à Rome, ÔC y7 fut logé dans ,1e palais
du pape : veneç illujlre poète, lui dit Clément VIII ,
vens^ recevoir une couronne à laquelle vous allesf faire
autant dé honneur quelle en a fait à ceux qui l’ont
reçue avant vous. Tandis qu’on fai (oit tous les préparatifs
avec la plus grande- diligence poflible, l’infortuné
poète, auquel il ne fut prefque jamais donué
de fouir d’un plaifir pur 8c entier., n’étoit déjà plus
en état de recevoir les honneurs qu’on lui deftinoit;
il tomba dans une foibleffe quiMui annonçoit fa fin.
Il fe fit porter dans la maifon des religieux de faint-
Onuphre , où il mourut le 15 Avril 1595 , âgé, de
cinquante-un ans, an mois 6c quelques jours.
On connoît le jugement de Boileau fur le Tajfe t ’
A Malherbe, à Racan préférer Théophile ,
Et le clinquant du Tajfe à tout l’or de Virgile.
Ce trait de critbue vipt fort à propos pour Leclerc ,
qui publioit alors fa traduélion des cinq premiers
chants de la Jérufalem délivrée. Cette traduéhon tomba
, 6c Leclerc tâcha de fé faire l’iliufion d’en imputer
la chute à la critique que Boileau avoit faite
de l’original ; mais la traduction de Leclerc nia voit
point de clinquant. Elle tomba'par la même raifon
que fes tragédies, parce qu’elle étoit ennùyeuie. Celles
qu’ont données depuis MM. Mirabaud , Lebrun 6c
Panckoucke ont mieux réufli.
Quant au jugement porte par Boileau , 6c dans
lequel il a perfifté jufqu’à la’ mort, M. Mirabaud a ,
prouvé qu’il étoit directement contraire à celui qu’ont
porté de la Jerufal.m délivrée les Italiens les plus
oppofés au Tajfe. En France on lui reprochoit du
clinquant 6c des concetti; en Italie on lui reprochoit
d’en manquer : on le trouvoit fec 6c froid. L’académie
de la Crufca , qui donna fon fentiment lur le
poème d« la Jérufalem délivrée, comme l’académie
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