
fanions & Mprit de parti, & n’eft-il pas à propos
qu’au milieu des difcordes civiles il relie dés hommes
tranquilles & impartiaux, qu’on puiffe prendre pour
médiateurs & qui puiffent ramener la paix ?
La loi qui permettoit à tout le monde de poursuivre
en juftice. la réparation d’un outrage fait à un
particulier, cpnvenoit bien parfaitement à un état
qui ne fermoit, pour ainft dire , qu’une feule famille,
c’étoit un puiffant.lien pour attacher chaque particulier
à la République. Un état où l’injure faite à un feul,
devient l’affaire de tous, n’a pas à craindre que l’affaire
de tous puiffe être indifférente aux particuliers.
Avant Solon, il n’étoit point libre de tefter, les
biens 'du mort appartenoient à l’héritier défigné par
la loi. Pourquoi faut-il en effet, qu’un homme foit
encore le maître de fes biens, quand il n’eft plus, au
préjudice de celui dont le tour d’en être le maître
eft arrivé ? Solon établit Mage des teftamens , & la
liberté de donner tout à qui l’on voudrait , quand
x>n mourait fans enfans. Il efl permis de douter que
■ te changement fût avantageux. Peut* être feroit-il dur
de priver de la faculté de tefter ceux qui en font
en poffeftîon, mais cette faculté n’exiftant pas, il
n’étoit peut-être pas fort expédient de l’établir. Les
hommes en, général ne font pas allez raifonnables ,
•allez juftes , affez au-deffùs des préventions, allez à
l’abri des fuggeftions pour que cette faculté de tefter -
né devienne pas fouvent dans leurs mains une arme
•jdangereufe.
jï%g loi bien utile , bien convenable à un petit
jêtat qjf’jl faudroit chercher les moyens d’exécuter
même dans 1§S états les plus étendus , c’eft celle
par laquelle S a fn avoit chargé l’aréopage de s’informer
avec foin cfgj? refîburcés que chacun avoit pour
s’affùrer fa fubffftanq^ * & de punir ceux qui menofent
•une vie oifiye. G’étqit prévenir la plûpart des-crimes
qui troublent la terre. .Coyfl qui n’ont rien & qui ne
travaillent pas', ont déclaré ^ guerre à la fociété ;
il veulent au moins lui être à charge. L’impuiffance
,6c la néceffité de lùbftfter les 9 *es force
même au vol & à toutes les fraude^" ou violences
qu’il entraîne. De plus , c’eft parmi cesi.“nnem^s du
travail qu’on trouve le plus de ces efprjiÊs Inquiets ,
avides de nouveautés, inftrumens de fé.di'riof^ & de
troubles, intéreffés aux révolutions qui peuvent joules
changer leur Situation.
Par une efpèce de corollaire de .cette loi , Solon
déclara qu’un fils ne feroit pas tenu de nourrir fon
f ère , fi celui-ci ne lui avoit pas fait apprendre
un métier ; car c’étoit avoir refùfé | fpn fils les
moyens de le nourrir up jour,
Les bâtards étoient aulîi difpenfés du même devoir,
parce que le père n’ayant longé qu’a fatisfaire une
paffion d’un moment, 6c n?ayant, point étendu fes
vues for eux ? a livré leur naiffance & leur vie à
l’opprobre,
Solon n’avoit point fait de loi contre le parricide ;
ce çrime n’txiftçit pas, difoit-il , 6ç il n,ç fallait pas
S O C
qu'on le- crût même poftible. Prononcer des peines
pour un cas qu'on devoit regarder comme imaginaire,
il lui fembloit que c’étoit plutôt enfeigner , pour ainft
dire , ce' crime que le défendre. Cicéron approuve 6c
cette réticence & ce motif ; fapienter fecijfe dicitur,
cutn de eo nihil fanxerit, quod anteà commiffutn non
crut j ne , non tamprohibere quant admonere yideretur.
Cic. pro Rofc. amer.
Il ajouta beaucoup par fes loix au refpeél dés
temples , des tribunaux , des lieux d’affemblées publiques,
à la police des théâtres pendant les jeux.
Il rétablit & augmenta l’autorité de l’aréopage : il
voulut que ce fénat ne fut compofé que d’Archontes
fortis cfo charge. On fait quel étoit le refpecl févère
de l'aréopage pour la juftice & la- vérité , quelles
précautions fçr upuleufes il prenoit contre toute efpèce
de féduéfion , quelle fage défiance il oppofoit à l’art
des orateurs; il leur avoit interdit, finon l’éloquence
qu’on ne peut ni preferire ni défendre , au moins
les formes oratoires, l’exorde, la péroraifon , les
digreflions , &c. Il ne tenoit fes féances que dans
les ténèbres, pour n’être pas entraîné par l’expreflion
du vifage ou du gefte; Sec.
Solon ne prétendoit pas avoir donné aux Athéniens
, les meilleures loix pofiïbles , mais feulement
les meilleures qu’ils fuffent en-état de recevoir.
Il trouva 6c laiiïa l’autorité entre les mains du peuple
; il tâcha de donner des contre-poids à cette
autorité; il créa un Confeil de quatre cent hommes,
où l’on rapportoit & où l’on examinoit mûrement
toutes les affaires avant de les propofer dans l’affem-
blée du peuple : ce n’étoit pas décider, mais c’étoit
influer for la décifion , car la décifion dépend beaucoup
de la manière dont les affaires font préfentées ;
mais enfin la décifion proprement dite n’appar-
tenoit qu’au peuple, ce qui faifoit dire au Scythe
Anacharfis qu’à Athènes les fages ne faifoient que
délibérer , & que c’étoient les foux qui décidoient.
Le Philofophe Schyte s’étonnoit aufli qu’on eût
confiance aux'leix écrites ; accoutumé à voir un
grand peuple gouverné par les moeurs , qui -plus
bornées, mais plus sûres, paroiffent être aux loix,
ce que l’ihftinâ eft à la raifon, il préféroit ces moeurs
traditionnelles, aux loix écrites, qui félon lui, n’a-
voient de force que contre la foibleffe ; c’eft lui
qui comparoit les loix écrites à des toi*es d’araignées
où les mouches font prifes, mais qui font a démens
rompues par les oifeaux ; & c’étoit à i’occafion des.
'•ix de Solon qu’il faifoit cette comparaifon,
gpdpn ne laiffa fubfifter des loix de Draccm que
celles qUv concernoient les meurtriers ; il cafta toutes
ces aut>ses l° ’x 9 qui , félon Demade, éroient.
écrites, non S*.yec l’encre , mais avec du fang -,
elles avoienperwOk.c un autre inconvénient non moins
grand que leur excêl>ive rigueur , c’eft qu’il- pa-
roît au’el'es étoient fens aucune proportion, entr’elles ,
fans aucun rapport des peines aux délits,. Si. qu’elles
- avoient été diéices d’après ce principe méiaphyftque
adopté depuis par les ^feiens , que la hji eft un
point unique & que tout ce qui s’ett ècffië S êft
toujours également vicieux , également puniffable,
comme étant également hors de-ce point unique
dans lequel confiftent la juftice & la loi. En con-
féquence, les loix de Dracon puniffoient également
de mort toutes les fautes ; ceux qui n’avoient volé
que des herbes & des fruits dans un jardin , fubis- 1
foient le même fupplice que les affaftins, comme
étant également hors de l’ordre. C ’eft ce principe
fophiftique &. erroné qu’Horace attaque avec tant de
raifon dans plufieurs endroits de fes ouvrages.
Cur non
Ponderibus modulisque fuis ratio utitur , ac r,es
Ut quoique efl, ità fuppUcUs dclicta coercct ?
Si qui s eum Jervum , patinant qui tollere jujfus
Semefos pis ces tepidumque Viennent jus
ln cruce Juffigat , Labeone. infanior inter
Sunos d'icatur : quanta, furiofius arque
Mdjus peccatum efl , paitlum delïquit amictis
( Quod nifi concédas, hâbeare infUavis, acerbus, )
Odijli & fugis là , . . . . . . .................. - .. . . . ». .
Comminxit lectum potus , menfüve catillum
Evandri manibus tritum dcjeàt , ob liane rem ,
Aut pofitum ante meâ quia joullum în parte catini
Suflulit efuriens, minus hoc jucundus airàcus
SU mîhï ? quid faciam , f i furtum fecerit, aut f i
Prodiderit commi fja fide fponjumve negârit ?
Queis paria ejfe ferè placuit peccata , laborant
Ut vèntum ad verum efl, finf.us moresque r.pugnant,
Atque ipfa militas jufli propè mater & cequi, . . .
Nec vincet ratio hoc tantumdan iivpeccet idemque
Qui teneros coules alieni frètent hortï,
Et qui nocturnus divum facra legerit , ad fit
Régula , peccatis quat pcenas irroget ce q uas ,
Ne fcuticâ dignurn horribili feetere flagella :
Nam ut ferulâ coedas merîtum majora jubire
Verbera , non .vereor, chm dicas e jfe pares res
Flirta latrociniïs & magnis parva mineris
Falce recifurum fimili te, . . . . ,
Quand Solon eut publié fes l o i x & qu’Athènes
fe fut engagée par un ferment- public à les obferver
rel’gieufement ; aü moins pendant cent années , il
s’éloigna pour leur donner le temps de s'établir &
de fe fortifier par 1 ufaee , fans que fa préfenee pût
contribuer à répandre fur ces loix ni faveur ni défaveur
, & il eft à préfumer que cette àbfence leur
fut favorable.. Elle dura dix ans, & c ’eft vraifemr
fe! ablement dans cet intervalle de temps qu'il faut
placer fes voyages en Egypte , en Lydie , à la-
cour de Cræfus , à Milet Chez Thalès ,> &c-
( V->ye{ les articles Crrzfus & Thaïes. )
A fon retour dans fa patrie , il trouva bien des
changements ; les partis de la plaine , de la côte-
& de la montagne s'ètoient ranimés, & tous avoient
des chefs qui ne manquoient pas d’ambition ; le fameux
Pififfrate Ç Voyeç fon article )• qui aspiroît à la
tyrannie &. qui fut y parvenir ,. étoit à la tête du
de la Montagne ,, qui était principalement
"celui de la pauvreté & de la liberté. Il féduifoit
tout le monde par fes bienfaits envers les pauvres ,
par fon zèle apparent- pour le bien public. Solon
feul le pénétra, ■ & le ménagea cependant d’abord ,
dans l’efpérance de le ramener aux fentiments patriotiques
dont il étaloit l’apparence. Quand il vit
Pififtrate , fous de vains prétextes, demander qu’on lui
donnât des gardes, il s’oppofa de tout fon pouvoir
à cette nouveauté mais quand il le vit s’emparer
de la Citadelle , ce fut alors qu’il éclata entièrement
contre lui , & qu’il ne cefla de reprocher au
peuple fa lâcheté , au tyran fa perfidie. Ses amis
effrayés du danger où il s’expofoit * lui deman-
doient avec inquiétude ce qui pouvoir lui infpirer
tant d’audace : défi ma vieilleffe , dit-il. Solon ne
forvécut pas deux ans entiers à la liberté de fon
pays, mais fes loix ont fur vécu à la tyrannie, ôc
ont continué de regner dans Athènes. Solon mourut
vers l’an 559 avant J. C. , âgé de quatre-vingt
ans.
Solon s’étoit encore oppofe â une àüfré -nouveauté
qui dans fes progrès devint la gloire d’Athènes ,
c’eft i’art de la tragédie que Thefpis commençoit
alors à faire connaître ( Voyv^ l’artcle Thefpis ) ; ce
genre étoit, dit-on , inventé avant lui , mais ce
n’étoit qu’un choeur, & par confequent , e étoit
plutôt une ode, & fans doute une mauvaife ode ,
ou fi l’on veut, une élégie chantée , à peu près
comme nos romances, qu’une tragédie ; Thefpis fut
le premier qui rendit ce fpeélacle dramatique en y
introduifant un aéleur qui récitoit quelque difcOurs
& formoit comme des Monologues entre deux
chants du diceur. Ces difcours étoient des- ftéf ons ,
& Solon croyoit dangereux- d’aççou’tumer les hommes
aux fiéhons; On lî€ pouvoit pas prévoir alors-
le parti que Fallégorie pourroit tirer un jour de
1 Ces fiéfiens , même en fa^ur de la morale , ôc
il n’eft pas étonnant que des hommes ,. même éclairés
, fe fiflent des idées fauffes d’un art inconnu
jufqn’albrs ; il nous fèmble donc que l’erreur de
coIon for ce point fait honneur à fon amour pour
la vérité, fans trop faire de tort à fes lumières.
Il alla , comme tout fe monde, entendre Thefpis-
qui, felon la coutume des Poètes anciens , jouoit
lui-même dans fa tragédie , fi l’on peut l’appel! er
ainft -, après le fpemcle , il appella Thefpis, ÔC
lui demanda s’il n’avoit point de honte de mentir
ainft devant tant de gens ? Thefpis tâcha de lui
faire entendre que ces fiélions n’ avoient rien que-
d’innocent , & que ce qu’il appelloit menfbnge ,,
n’etoit après tout qu’un jeu. Oui , répliqua Solon
avec véhémence , maïs f i nous, fôujfrons & f i nous•
approuvons ce jeu là, il p a (fera- bien-tôt jufques dans
. nos contrats U dans toutes nos affaires. L’expérïencSr.
a fait voir que c étoit s’alarmer, fans fujet.
On raconte que Solon trouvant un- jour un d5‘
fes amis plongé dans une profonde' tr’ftefle x le f e
; monter au haut de la Citadelle d’Athènes,. & de
; là lui montrant toutes les marions f e la ville«« Voyez;.,