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mê.me » cachée fous* des voiles la mcnoit jufqu’ à
l ’échelle qui dçfcendqit •dans> la^folle où elle devoir'
etre enterrée vive. Alors ii la livroit à l’exécuteur,
apres quoi il lui tournoie le dos , & fe retiroit brufi-
quetnent avec les autres pontifes.
Cette folle formoit une efpèce de caveau ou de ;
chambre* creufée ;afféz :avant dans là terré : on y ;
metepit du pain , de l’eau.*, du laie , & de l ’huile :
:on y allu.moit. une .lampe * vy; dreffoip une efpèce
;de lit au fond. Gès’ îCQrnrnodités .& ces provisions
étoient myftérieufes; on cherchoit; à fàuver l’honneur
de la religion jiilque dansj la punition de. la
•veftale, & on croyoit par^la le mettre à portée de
pouvoir; dire quelle felaiffoit îmourir elle-même.
Sitôt quielie étoit defoendue ,;o,n(rptiro.it,l!échelle,
& alors avec, précipitation, & à force de terre, on
combloit l ’ouverture de la. folle aù niveau du relie
de la levée.
S angine adhuc vivo tçrram fubiturafacerdos.
Etoit-elle debout , aflife, ou couchée fur l ’efgèce
de lit dont nous venons de parler ; c’eft ce qui ne :
lè décile pas clairement. Jufte Lipfe, fur ces-paro- i
les , lectulo pofito } femble décider pour cette dernière
polïtion.
T e l étoit le lupplice des veftales.- Leur mort
devenoit un événement confîdérable par toutes lés
circonfiances dont eLe étoit accompagnée; elle le
trouvoit liée par là luperfiition à une infinité de
grands événemens!, qui en .étoient regardés comme
la fuite; Sous le confulat de Pinarh=s &;deFurius;
le peuple , dit Denys d’Haliéarnafle , fut frappé
d’une infinité de prodiges que les devins rejertèrent
fur' lesdifpofitions criminelles avec lefquelles s’exer*- I
çoit lè miniflère des'âutèls,. Lés femmes fe trouvèrent
affligées d’une mal a.die. c.onfagîeufe, & fu’r-
toüf ies femmes greffes f elfes accoujçfioientd’enfans
nlorts , & .péfifloieùt âvéc'leur fruit. ; les prières;
les'facrifices ,.les expiatidns, rien n’appailbit la colère
du ciel ; dans cette extrémité ^ un efclave
accfafa la veftàle Urbinià de ïàcrîfier^ux dieux* pour
le peuple, avec un„corps impur. Ori l'arracha des
a.ut.ejs , & ayant été jnife .en jugement , elle fat
convaincue & punie du dernier Fupplice.
Il paroît -qu’en recueillant les noms de ces mal-
heureufes. filles, qui fe. trouvent jépandus.en. difïe-
rens auteurs , quelque mod'qûe que paro^fte ce
nombre, on ipeut s’yjtéduire avec co.nfiance, & arrêter
là fes recherches. Ce n’cft pas qu’on veuille
apurer, que le nombre, des .libertines n’ait, été. plus
grand, mais à quelques efclaves prés-, les délateurs
étoient rares ; & le caraéfère ; des veftales trouvoit
de la protection. • '
Voici les noms des veftales qui furent condamnées
, 8c que l’biftoire nous a confervés : Pinaria,
Popilia, Oppia, Minutia., Sextilia, Opimia, Flo-
ronia , Caparonia , Urbinia , Cornelia , Marcia ,
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Licinia, Emilia, Mucia , Veronlla,, & deux foeurs
de la maifon des Ocellates. 'Quelques-unes d’entre-
elles eurent le choix de leur fùpplice , d’autres le
prévinrent, & trouvèrent le moven de s’évader où
de fe donner la mort. Caparoma lè pendit, au rapport
d’Eutrope ; Eloronia Ce tua cruellement. Ce
dernier parti fut pris par quelques uns de ceux qui
les a voient débauchées. L'amant d’Urbinia-, félon
Denys d’Halicarnafle, n'attendit pas les pourfuites
du pontife, il le hâta de s’ôter lui-même la vie.
Depuis l'établilïement de l’ordre des veftales ,
jufqu’à fa décadence , c'eft-à-:dire, depuis Numa
Pompilius jufqu’à.Théodofè, il s’eftpaffé, au rapport
des chronologiftes., environ mille ans. L'efprit
embraffe facilement ce long efpace de tems, & le
même coup d’oeil venant à fe porter fur tous les
fupt lices des veftales, & à les rapprocher en quelque
fondes um des autres, on fe forme une image
effrayante :de la févérité des,romains à cet égard.;
mais en examinant les faits plus exactement, &
en les plaçant chacun dans leur tems, ,peut; être
étoit - te beaucoup fi chaque fièclé fc trôuvoit chargé
d’un événement fi terrible, dont l ’exemple ne lè
renouvellà vraifcmblablement que pour fauver encore
aux yeux du peuple, l'honneur des loix &
de la religion.' *.
L’ordre des veftales étoit monté du tems des empereurs
au pliis haut po nt de .confidération .oit; il
pût parvenir ; il n’y avoit plus pour elles qu’à en
defeendre par ce.droit éternel,des révolutions qui
entraînent les empires & lés.religions. !
Le chriftianifme' qui avoitr lông-tems gémi fous
les empereurs attachés au cube des dieux, devint
trmmphant à fon tour. La religion monta , pour
âinfi direJ, fur le trône avec les fouverains , & le
zèle qu’elle leur infpira, fuccéda à celui, qui avoit
animé contre elle leurs prédéceffeurs : on le porta
par degrés à la dellrudibn de l’idolâtrie : on ne ren-
verfa d’abord que certains temples : on interrompit
enfuite les facrifices , l ’auguration , les dédicâces
& enfin on mutila les idoles qui avoient été les plus
refpeôhées.
L ’honneur du paganifme n’ étbit plus qu*entre les
mains des veftàLs un préjugé' antique foiidé fur
une infinité de cirConthalices fingiilières, corit'inuoif
à en impofer de leur part ; le refped des dieux
s’afibiblifloft, & là vénération pour la perfonne des
veftales fubfrfioit encore î on n’ôfoit les attaquer
dans l ’exercice de leurs myAères ; le fënàt ne fé
fût pas rendu volont ers aux inrentions du prince,
il fallut le tâter long-téms , & les préparer par
quelque entreprife d’ éclat. *
• Sous l ’empire de Gratien , les veftales n’attendirent
plus de ménagement de Ja parc des chrétiens ,
quand elles virent que ce prince avoit démoli l’autel
de fa viélo'ire| qu’ il fe fut faifi des revenus def-
tinés à l’entretien des facrifices, & qu’il eut aboli
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les privilèges.&les immunités qui étoient attachés
à çet autel, elles crurent bien qu’il n’en demeure^
roit pas là. L’événement juftifia leur crainte, Gratien
calfa leurs privilèges ; il ordonna que le fife
le faifiroit des terres qui leur étoient léguées par les
teftamens des particuliers. La rigueur de ces ordonnances
lent étoit commune avec tous les autres
miniltres de l’ancienne religion. Ceux des fénateurs
qui étoient encore attachés au pagai^ifîne , en murmurèrent
publiquement ; ils voulurent porter leurs
plaintes au nom du fénat : Symmàque fut député
vers l’empereur , mais-on lui refufa 1 audience ; il
fut obligé de s’en tenir à une requête très-bien dref-
fée, dont faint Ambroife empêcha le fuccès. ,
A peine les ordonnances de Gratien contre les
prêtrelïes de Vefta, avoient-elles été exécutées , que
Rome fe trouva affligée de la famine. On ne^manqua
pas de l’attribuer à l’abolition des privilèges des
yefiales ; les pères s’appliquèrent à combattre les
raifonnemens qu’on fit à çet égard , & vinrent a
bout d’ éluder les remontrances de Symmàque. Il
ofâ noblement reprifentet aux empereurs qu’il y
auroit plus de décence pour eux à prendre fur le
fife, fur les dépouilles des ennemis, que fur la fub-
filïance des veftales ;. mais toutes fes reprefèntations
ne fer virent qu’à montrer une fermeté dangereufe
dans un homme«tel que lui. Il fentoit bien quon
vouloit perdre les veftales ; elles étoient prêtes
à fe réduire au titre feul de leurs privilèges, & a
accepter les plus dures conditions, pourvu qu’on les
- laifsât libres dans leurs myftères.
L’oppofition des nouveaux établiffemens qui pa-
roifïbient ne ^vouloir fe maintenir que par la fingu-
lariçé des vertüs , entraînoit in'enfiblement le goût
dp peuple, & le détachoit de toute autre confîdé-
ration. L’ambitiofi ,8c peut-être encore auri facra
famés, achevèrent les progrès de la religion chrétienne.
Les dépouilles des minières -de l ’ancienne
religion étoient devenues des objets tfes-confîde-
rables, de forte qu’au rapport d’Ammien Marcellin
, le luxe des nouveaux pontifes égala bientôt
l ’opulence des rois.
Sous le régné de Théodofè, & fous celui de fes
enfans, on porta le dernier çoup au facerdoce payen
par là'confifcatÎQn des revenus. La difpofition qui en
fut faite, eft clairement énoncée dans une* des con-
flitutions impériales , où Théodofè 8t Honorius
joignent à leur domaine tous les fonds defiines a
l’entretien des facrifices, confirment les particuliers
dans les dons qui leur ont été faits, tant par eux-
mêmes que par leurs prédécelfeurs, & affûtent à
l ’églife chrétienne la p 6 fie filon des biens qui lui
avoient été accordés par des arrêts.
Les veftales traînèrent encore quelque tems dans
l ’indigence & dans la douleur, le s ,débris de leur
confédération.
L ’ordre s’en étoit établi dès la fondation de Rome;
iLifioire Tome
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l'aceraiïïement <?e fes honneurs avoit fuivi le progrès
de la puiflance-romaine j il s’éroit inantenu pendant
long-tems avec dignité, fa chute meaoe eut
quelque choie d’illuftre. Elle fut le prélude de la
ruine & de la difperfiôn de la plus célèbre nation du.
monde, comme fi les deflinées euffent réglé le cours,
de l’un par la durée de l’autre, St que le feu Êicre
de Vefta eût dû être regardé comme l ’ame de
l ’empire romain.
Il ell vrai, que nous avons dans le chriflianifme
plulîeurs filles vierges nommées N R M H H & <1“ 1
font confacrées au fervice de Dieu ; mais aucun de
leurs ordres ne répond à celui des vefMhs : la différence
à tous égards eft bien demontree.
Nos religieufes, détenues dans des couvens, forment
une dalle de vierges des plus nombréufes ;
elles font pauvres, reclntes, ne vont point dans le.
monde, ne font point dotées, n héritent, ne difpo-
fent d’aucun bien, ne jouilfent d’aucune diftmâ'on
perfonnelle, 8t ne peuvent enfin ni lè marier , ni
changer d’état.
L’ordre des veftales de tout l’empire romain n’ê-
toit compofé que de fix vierges. Le fouveratn- pontife
fc montroit fort difficile dans leur réception ;
& comme il falloir quelles n’euffent point de defaut
naturel, le choix tomboit conféquemment fur
les jeunes filles douées de quelque beauté. Richement
dotées des deniers publics, elles étoient encore
majeures avant l’âge ordinaire, habiles a fuccedot *
& pouvoient tefter de la dot qu elles avoient apportée
à la maifon.
Elles fortoient néceffairement de l’ordre avant
l’âge de 40 ans, &. avoient alors la liberté de. fe marier.
Pendant leur étac de veftale, elles n’avoient
d’autres foins que de garder tour-a-tour le feu de
Vefta ; & £elte garde ne les gênoit guère* Leurs
fêtes étoient autant de jours de triomphe. Elles
vivoient d’ ailleurs dans le grand monde avec magni*
ficence. Elles étoient placées avec la première dif-
' tinélion, à toutes les efpèces de jeux publics, & le
fénat crut honorer Livre de lui donner rang dans le
banc des veftales , toutes les fois quelle affifteroit
aux fpeâacles.
Aucune d’elles ne montoit au capitole qu’en une
litiere, & avec un nombreux cortège de leurs femmes
& de leurs efclaves. Rien ne toucha davantage
Agrippine que la permiffion qu’elle obtint de Néron
, de jouir de la même grâce. En un mot, nos
religieufes n’ont aucun d:sv honneurs mondains donc
les veftales étoient comblées. Continuons de le
prouver par de nouveaux faits #qui couronnent cet
article.
Une ftatue fut déférée à la veftale Suffetia, pour
Un champ dont elle gratifia le peuple, avec cette
circonfiance > que fa fiatue feroit mife dans le lieu
qu’elle choifîroit elle-même : prérogative qui ne
fut accordée à aucune autre femme.
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